29 juin 1995
Cour de cassation
Pourvoi n° 92-40.892

Chambre sociale

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - causes - age de la retraite - salarié ne bénéficiant pas d'une pension de retraite à taux plein - rupture du contrat constituant un licenciement - licenciement - indemnités - indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - appréciation souveraine, au delà du minimum légal - conventions collectives - crédit agricole - retraite - institut de formation du crédit agricole mutuel

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par l'Institut de formation du crédit agricole mutuel (IFCAM), dont le siège est ... (8e), en cassation d'un arrêt rendu le 11 décembre 1991 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section A), au profit de M. Marcel X..., demeurant ..., à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), défendeur à la cassation ;


M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;


LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 mai 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Brouard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Brissier, conseillers, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;


Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Brouard, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de l'Institut de formation du crédit agricole mutuel, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon la procédure, que M. X..., formateur consultant au service de l'Institut de formation du crédit agricole mutuel (IFCAM), bénéficiant d'une ancienneté remontant au 3 mars 1963, a été mis à la retraite le 2 septembre 1989, date de son soixantième anniversaire, avec un préavis de trois mois ;


qu'il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par l'IFCAM :


Attendu que l'IFCAM fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 décembre 1991) de l'avoir condamné à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un complément d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'IFCAM, loin d'invoquer l'âge du salarié comme seule cause de la fin du contrat, se prévalait des dispositions conventionnelles introduites par les partenaires sociaux, le 25 avril 1989, dans les articles 38 et 39 de la convention collective nationale du crédit agricole, tirant valablement les conséquences de la loi du 30 juillet 1987 en supprimant l'automaticité du départ à la retraite et en accordant une majoration d'indemnité, devenant supérieure à celle du régime légal ;


qu'en déniant la cause réelle et sérieuse s'attachant à ce que l'IFCAM s'était conformée à des modalités conventionnelles régulièrement établies, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, les articles L. 122-14-3, L. 122-14-12 et L. 122-14-13 du Code du travail, ensemble la loi des parties et l'article 1134 du Code civil ;


alors que, d'autre part, si la loi du 30 juin 1987, codifiée, garantit au salarié le minimum des avantages légaux afférents à un licenciement, elle n'a ni pour effet ni pour objet d'ouvrir au salarié un droit à une indemnité conventionnelle quelle qu'elle soit ;


que les partenaires sociaux ayant valablement institué, le 25 avril 1989, une indemnisation spéciale d'ordre conventionnel, au profit des salariés qui, comme M. X..., ne bénéficiaient pas d'une pension de retraite à taux plein, l'arrêt attaqué ne lui a ouvert une option, sur le plan conventionnel et tirée de l'article 14 de la Convention collective nationale, propre à un mode de rupture distinct de celui mis en oeuvre sur le seul fondement des articles 38 et 39 modifiés susvisés, qu'au prix d'une violation de la loi des parties et de l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 122-14-2 et L. 132-4 du Code du travail, insusceptibles d'être substitués par le juge à des avantages purement conventionnels ;


Mais attendu, d'une part que, selon les dispositions de l'article L. 122-14-13, alinéa 3, du Code du travail, la décision de l'employeur de mettre à la retraite un salarié qui ne peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein constitue un licenciement et que, conformément aux dispositions de l'article L. 122-14-12, alinéa 1, du Code du travail, les dispositions relatives au départ à la retraite des salariées prévues par une convention collective sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales ;


qu'ayant relevé que l'employeur n'invoquait comme cause de rupture que l'âge du salarié à un moment où il ne pouvait bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;


Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement retenu que la rupture constituait un licenciement, la cour d'appel a décidé à bon droit que M. X... pouvait prétendre au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;


D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. X... :


Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir réduit le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyée par la juridiction prud'homale, alors, selon le moyen, que l'indemnité de licenciement, qu'elle soit prévue par la loi ou la convention collective, n'a pas pour objet d'indemniser le salarié d'une perte de salaire précise, mais du préjudice que lui cause nécessairement la rupture du contrat de travail, même dans l'hypothèse où celle-ci n'entraîne pas de perte de salaire ;


que, dès lors, le préjudice résultant pour le salarié d'une prétendue mise à la retraire anticipée, dans des conditions l'empêchant de toucher une retraite à taux plein, s'entendait nécessairement de la perte de ressources subie par lui jusqu'à ce qu'il puisse légalement bénéficier d'une telle retraite ;


qu'il s'agissait d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture même du contrat, et qu'il ne pouvait être réparé par l'indemnité de licenciement ;


que la cour d'appel n'a donc pas réparé l'intégralité du préjudice subi et a violé l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;


Mais attendu que la fixation de l'indemnité pour licenciement sans motif réel et sérieux allouée en cause d'appel relève du pouvoir souverain des juges d'appel, dès lors que le montant alloué n'est pas inférieur au minimum prévu à l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;


Et sur la demande présentée par M. X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :


Attendu qu'il y a lieu de faire droit partiellement à cette demande ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne l'IFCAM à payer à M. X... la somme de dix mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;


Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.