21 juillet 1994
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-41.307

Chambre sociale

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre A..., demeurant ... à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1992 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), au profit de la société Fink Aéro, société anonyme, dont le siège est ... à Houilles (Yvelines), venant aux droits de la société à responsabilité limitée Finkelstein, défenderesse à la cassation ;


La société Fink Aéro a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 15 juin 1994, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Ransac, conseillers, Mme Bignon, conseiller référendaire, M. Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. le conseiller Brissier, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. A..., de Me Ricard, avocat de la société Fink Aéro, les conclusions de M. Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. A..., engagé le 2 novembre 1972 par la société Finkenstein, devenue la société Fink Aéro, promu "chef du service méthodes", a été licencié le 12 avril 1991 ;


Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la société Fink Aéro, qui est préalable :


Attendu que cette société fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 18 décembre 1992) d'avoir décidé que M. A... n'avait pas commis une faute grave et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à ce dernier les indemnités consécutives à son licenciement alors, selon le moyen, que, en premier lieu, en énonçant, d'une part, qu'il appartenait à M. A... en sa qualité de chef des méthodes de transmettre les gammes de fabrication et la demande de modification au chef d'atelier et au service contrôle-qualité, et de s'assurer qu'elle avait bien été prise en compte, et que M. A... ne justifie pas avoir effectivement traduit clairement la modification demandée, et en estimant, d'autre part, que les documents techniques versés aux débats ne permettent pas d'affirmer que M. A... a personnellement commis une erreur, en omettant la modification demandée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, et a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ; alors que, en second lieu, la faute grave du salarié est constituée par une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que l'arrêt attaqué a relevé la négligence commise par M. A... consistant à ne pas avoir traduit clairement la modification demandée, et à ne pas s'être assuré que cette modification avait bien été prise en compte par les services d'exécution et de contrôle, et a constaté les graves conséquences commerciales de cette négligence pour l'entreprise ;

qu'il est constant que la faute de M. A... était de nature à

entrainer un préjudice commercial considérable pour l'entreprise, concernait la sécurité des personnes et des biens, puisqu'il s'agissait de pièces de freinage défectueuses susceptibles d'être montées sur des avions par le client, et a causé à la société un préjudice financier de 410 344 francs ; qu'en refusant néanmoins de qualifier de grave la faute commise par le salarié, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;


Mais attendu que la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que M. A... ait omis de transmettre, aux services d'exécution et de contrôle-qualité de l'entreprise, la demande de modification de pièces émanant d'un client, même s'il ne s'était pas assuré de la prise en compte de celle-ci par les responsables de ces services ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu décider que la faute grave n'était pas caractérisée ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par M. A... :


Attendu que ce dernier fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, débouté de sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen que, d'une part, en déclarant qu'il avait omis la modification demandée, la cour d'appel a dénaturé les attestations de MM. Z...
X... et Y... du service contrôle-qualité, établies en 1992, selon lesquelles les plans et gammes des pièces à usiner reçues dans le service étaient modifiées par l'amendement A 002291, et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; et alors que, d'autre part, en déclarant qu'il lui appartenait de s'assurer que la modification demandée avait été prise en compte à l'atelier pour déclarer justifié le licenciement, sans répondre aux conclusions du salarié dans lesquelles il faisait valoir que cette tâche ne lui incombait pas et appartenait au service contrôle-qualité spécialement prévu à cet effet, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu que la cour d'appel, hors de toute dénaturation, a répondu aux conclusions invoquées ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;


Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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