7 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-85.273

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR00951

Texte de la décision

N° B 20-85.273 F-D

N° 00951


CK
7 SEPTEMBRE 2021


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 SEPTEMBRE 2021



Mme [C] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 5 mars 2020, qui a rejeté sa demande d'exclusion du bulletin n°1 de son casier judiciaire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de Mme [C] [L], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [L] a adressé au procureur de la République de Paris une requête en effacement de deux condamnations inscrites au bulletin n°1 de son casier judiciaire, ayant fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit.

3. Le procureur de la République de Paris a adressé cette requête au procureur général, en y joignant une extraction de données du bureau d'ordre national informatisé dit « Cassiopée ».

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et septième branches


4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen, en ses première, deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté ses demandes d'exclusion du bulletin n°1 de son casier judiciaire des mentions des condamnations prononcées les 5 juillet 2005 et 8 décembre 2009 à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris, alors :

« 1°/ que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les observations de Mme [L] sur ce point, que « si le règlement de la requérante de l'amende et d'un des deux droits fixes de procédure est démontré par les états imprimés de la trésorerie Paris-amende, il n'en est pas de même du règlement des dommages-intérêts dus aux parties civiles à savoir 700 euros à la société CeCLIP et 1 000 Euros à Mme [F], outre les 2 500 Euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, justification qui aurait permis de confirmer la volonté de réinsertion dont fait état la requérante », bien qu'aucune contestation du paiement du montant de ces condamnations civiles prononcées en 2005 et 2009 n'ait jamais été alléguée, la chambre de l'instruction a violé l'article préliminaire du code de procédure pénale et les article 6, paragraphe 1, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en tout état de cause, la personne qui, après réhabilitation légale, demande le retrait d'une condamnation du bulletin n°1 de son casier judiciaire doit, sauf le cas de prescription, justifier du paiement de l'amende et des dommages et intérêts ou de la remise qui lui en est faite, la prescription visée, s'agissant des dommages et intérêts, étant la prescription de la créance ; qu'en jugeant que Madame [L] ne démontrerait pas le « règlement des dommages-intérêts dus aux parties civiles à savoir 700 euros à la société CeCLIP et 1 000 Euros à Mme [F], outre les 2 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, justification qui aurait permis de confirmer la volonté de réinsertion dont fait état la requérante », pour des condamnations civiles prononcées le 5 juillet 2005 et le 8 décembre 2009 et par conséquent en tout état de cause prescrites depuis le 19 juin 2018 pour la première et depuis le 8 décembre 2019 pour la seconde, si elles n'avaient pas été payées par Mme [L], la chambre de l'instruction a violé les articles 788 et 798-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 23, devenu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, et 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'en jugeant que « si la présomption d'innocence, garantie par l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, doit bénéficier à Mme [L], s'agissant des trois plaintes déposées contre elle les 11 mai 2017 ainsi que les 9 mars et 6 décembre 2018, respectivement des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux pour la première et dénonciation calomnieuse pour les deux autres, il n'en demeure pas moins qu'il est essentiel pour les autorités judiciaires – seules destinataires du bulletin n°1 concerné, en application de l'article 774 du code de procédure pénale, contrairement au bulletin n°2 (néant) accessible aux administrations en application de l'article 776 du même code – de disposer des précédents judiciaires de l'intéressée afin, par une mise en perspective, d'être en capacité d'apprécier, en pleine connaissance de cause, en temps utile, la suite à donner aux dites plaintes et ce, d'autant plus que les infractions concernées relèvent de démarches comportant des points communs ; que le fait, en l'état, que la requérante n'ait pas été convoquée ou n'ait pas fait l'objet d'investigations particulières, comme argué, n'a pas pour conséquence de faire disparaître ces trois plaintes mentionnées sur le résumé « Cassiopée » versé en procédure », sans vérifier si ces trois plaintes, à supposer qu'elles concernent véritablement Mme [L], n'avaient pas été classées sans suite, ce que l'écoulement de plusieurs années après leur dépôt sans que Mme [L] ne soit entendue à leur sujet de même que l'absence de toute investigation laissaient a minima présumer, et en statuant ainsi au seul vu des mentions du fichier « Cassiopée », la chambre de l'instruction a violé les articles 593 du code de procédure pénale et 6, paragraphes 1 et 2, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

5°/ que toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit d'une personne au respect de sa vie privée ne peut être admise que si elle est prévue par la loi, est nécessaire et est proportionnée au but poursuivi par la loi qui l'autorise ; que ne répond à aucune de ces conditions, et en premier lieu à celle de légalité, l'acte par lequel le juge verse au dossier des antécédents concernant une partie, contre elle, et dénoncés comme erronés par celle-ci, figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel « Cassiopée » ; qu'en se fondant, sans aucune justification, sur les antécédents dénoncés comme erronés par Mme [L] tirés de « Cassiopée », la chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 9 du code civil, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

6°/ que les juges n'ont le droit d'accéder directement aux informations et données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé « Cassiopée » que si, et dans la mesure où, un tel accès est nécessaire au traitement des infractions ou des procédures dont ils sont saisis et s'il tend à la défense d'un aspect primordial de l'intérêt public ; qu'en s'abstenant de caractériser en l'espèce en quoi l'accès aux données personnelles de Mme [L] enregistrées dans le traitement automatisé « Cassiopée » et le versement au dossier et la divulgation de ces données, dénoncées comme erronées par Mme [L], tendait à la défense d'un aspect primordial de l'intérêt public et était nécessaire au traitement de la procédure dont elle était saisie, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 48-1, R. 15-33-66-4, R. 15-33-66-8 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

6. La demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction, qui était tenue de vérifier si l'intéressée avait justifié du paiement de l'amende et des dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l'article 788 du code de procédure pénale, ait statué sans avoir provoqué préalablement ses explications sur ce point.

Sur le moyen pris en ses deuxième et quatrième à sixième branches

7. Pour rejeter la requête, l'arrêt attaqué relève que Mme [L] n'a pas justifié notamment du règlement des dommages-intérêts dus aux parties civiles.

8. Les juges ajoutent que le résumé du bureau d'ordre informatisé, dénommé « Cassiopée », versé en procédure, met en évidence l'existence de trois plaintes, déposées contre Mme [L], les 11 mai 2017 ainsi que les 9 mars et 6 décembre 2018, respectivement des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux pour la première et dénonciation calomnieuse pour les deux autres.

9. Ils énoncent que le fait qu'en l'état, la requérante n'ait pas été convoquée ou n'ait pas fait l'objet d'investigations particulières, n'a pas pour conséquence de faire disparaître ces trois plaintes.

10. Les juges ajoutent que dans ces circonstances, il est essentiel pour les autorités judiciaires, seules destinataires du bulletin n° 1 du casier judiciaire national, de disposer des précédents judiciaires de l'intéressée afin, par une mise en perspective, d'être en capacité d'apprécier, en pleine connaissance de cause, en temps utile, la suite à donner aux dites plaintes.

11. C'est à tort que la chambre de l'instruction s'est fondée sur le défaut de justification du paiement des dommages-intérêts, dès lors que l'article 788 du code de procédure pénale dispense le condamné d'une telle preuve lorsque la prescription est acquise, et qu'aux termes de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, les créances de dommages-intérêts résultant des condamnations prononcées les 5 juillet 2005 et 8 décembre 2009 étaient prescrites.

12. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.

13. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt que l'accès aux informations issues du bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires a été effectué pour les nécessités liées au seul traitement de la procédure dont la chambre de l'instruction était saisie, dans les conditions prévues par les articles 48-1 et R. 15-33-66-8 du code de procédure pénale, leur versement dans la procédure permettant l'exercice du principe du contradictoire.

14. En deuxième lieu, ce n'est que dans l'hypothèse où la juridiction est saisie d'une contestation utile sur l'exactitude des mentions enregistrées dans le système de traitement de données dit « Cassiopée » qu'elle doit ordonner des investigations complémentaires et se faire notamment communiquer toutes pièces utiles à corroborer ces mentions qui ne valent qu'à titre de renseignement.

15. Tel n'est pas le cas en espèce, la contestation élevée par Mme [L], qui déclarait ignorer l'existence de plaintes déposées à son encontre et évoquait une éventuelle confusion avec des plaintes qu'elle a déposées dans des circonstances distinctes, à savoir les 12, 13 novembre 2018 et le 28 août 2019, étant dépourvue de pertinence.

16. Enfin, la chambre de l'instruction a souverainement apprécié que le maintien des condamnations concernées par la demande sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire de la requérante était nécessaire et proportionné, compte tenu de son comportement depuis lors et au regard de la nature et de la gravité de l'ensemble des condamnations.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt et un.

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