29 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-80.186

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR00912

Texte de la décision

N° T 21-80.186 F-D

N° 00912


CG10
29 JUIN 2021


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JUIN 2021


M. [K] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 16 décembre 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'infractions au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. [K] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [K] [C] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef, notamment, d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, en l'espèce pour avoir démoli la toiture d'une maison, surélevé le bâtiment de 1,50 m, modifié les dimensions des ouvertures ainsi que la terrasse et l'escalier extérieur en façade et réalisé une extension du garage dans un secteur protégé, en l'espèce dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine sise dans le lotissement [Adresse 1] à Draveil (Essonne).

3. Les juges du premier degré ont déclaré le prévenu coupable.

4. La commune de Draveil, partie civile, a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

5.Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [C] à démolir dans un délai d'un an et ensuite sous astreinte de 500 euros par jour de retard, les constructions constatées dans les procès-verbaux du 5 mars 2013 et du 17 décembre 2015, alors :

« 1°/ que le juge doit, en matière d'urbanisme, répondre, en fonction des impératifs d'intérêt général poursuivis par cette législation, aux chefs péremptoires des conclusions des parties, selon lesquels une mesure de remise en état porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale, en mettant, concrètement, en balance la violation des règles d'urbanisme et la situation du prévenu et de sa famille ; qu'en l'espèce, M. [C] faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'une mesure de remise en état engendrerait, au détriment de celui-ci et de sa famille, notamment au détriment de la santé de son fils présentant un trouble du spectre autistique, une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale et à leur domicile ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens péremptoires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 459 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que cette réparation doit avoir lieu sans perte ni profit ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par l'exposant dans ses écritures d'appel, si, dès lors que l'ensemble des travaux reprochés était conforme au plan local d'urbanisme et aux règles de protection du site, la commune de Draveil n'était pas irrecevable à invoquer un préjudice indemnisable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale, ainsi que des articles 1240 du code civil et 2 et 3 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;

6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. Il doit, en matière d'urbanisme, répondre, en fonction des impératifs d'intérêt général poursuivis par cette législation, aux chefs péremptoires des conclusions des parties selon lesquels une mesure de remise en état porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale et au domicile.

7. Pour ordonner la remise en état des lieux sous astreinte, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, dont la condamnation pénale est définitive, a démoli la toiture, surélevé le bâtiment de 1,50 m, modifié les dimensions des ouvertures ainsi que la terrasse et l'escalier extérieur en façade et réalisé une extension du garage en méconnaissance du permis de construire.

8. Les juges retiennent que la maison était située au moment des faits dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et que le lotissement [Adresse 1] constitue une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) aux protections renforcées, que l'architecte des Bâtiments de France estime que du fait de la surélévation, ce type de construction n'est plus lisible et que, selon le maire, le mépris total des exigences réglementaires du site protégé exclut toute possibilité de régularisation.

9. Les juges ajoutent que le prévenu ne peut pas être implicitement autorisé par inertie à défigurer une maison de cette zone au mépris de l'autorisation accordée, que le préjudice subi par la collectivité territoriale est donc grave, à la fois sur le plan esthétique et sur le plan social, et qu'en conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de remise en état des lieux sous astreinte.
10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu selon lesquelles une démolition porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

11. D'où il suit que la cassation est encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 16 décembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à la remise en état des lieux sous astreinte, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf juin deux mille vingt et un.

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