23 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-18.111

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00606

Titres et sommaires

DESSINS ET MODELES - Contrefaçon - Comparaison - Impression visuelle d'ensemble sur l'observateur averti - Recherche nécessaire

Il résulte des articles L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et 10 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle, national ou communautaire, s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente, de sorte que, pour caractériser des actes de contrefaçon, la cour d'appel doit rechercher si l'impression visuelle d'ensemble produite par le modèle déposé est identique ou différente de celle produite par l'objet argué de contrefaçon

DESSINS ET MODELES - Protection - Conditions - Impression visuelle d'ensemble sur l'observateur averti

DESSINS ET MODELES - Protection - Action en contrefaçon d'un modèle déposé - Conditions - Impression visuelle d'ensemble sur l'observateur averti

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 juin 2021




Cassation


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 606 FS-B

Pourvoi n° D 19-18.111




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 JUIN 2021

La société Habitat France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-18.111 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Lalique, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Habitat France, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Lalique, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, Mmes Le Bras, Lion, Comte, Lefeuvre, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2019), la société Lalique a créé et commercialise une gamme de verres à pied nommée « 100 Points », caractérisée par une tige, ou jambe, sur laquelle elle revendique des droits d'auteur, définie par la combinaison d'une figure haute polie transparente, d'une figure basse polie transparente d'une hauteur double et d'un diamètre supérieur à ceux de la figure haute, et d'une figure centrale satinée comportant un renflement dans sa partie supérieure, les figures haute et basse formant deux points lumineux transparents contrastant avec la figure centrale satinée.

2. Elle est également titulaire d'un modèle de verre à vin à la tige identique à celle sur laquelle elle revendique des droits d'auteur, qu'elle a déposé à la fois en tant que modèle communautaire, le 26 septembre 2012, sous le numéro 2109439-0001, et en tant que modèle international visant la France, le 25 mars 2013, sous le numéro DM/080502.

3. Considérant que la gamme de verres à pied nommée « Glitz », créée et commercialisée, depuis octobre 2015, par la société Habitat France (la société Habitat), est une contrefaçon de ses droits d'auteur et de ses modèles, la société Lalique a assigné cette société en paiement de dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches, et le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Habitat fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles au préjudice de la société Lalique, de lui faire interdiction, sous astreinte, de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres « Glitz » et de la condamner à payer à la société Lalique la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi, alors « qu'ayant fait valoir, par ses dernières écritures d'appel, que "les modèles de verres de la société Lalique, dont l'originalité est revendiquée par la société appelante, ne sont pas originaux, au sens de la loi", la société Habitat avait fermement contesté, en termes clairs et précis, l'originalité de la tige du verre revendiquée par la société Lalique comme objet de droit d'auteur ; qu'en considérant au contraire que l'originalité de la tige du verre revendiquée par la société Lalique, et donc sa protection au titre du droit d'auteur, n'était pas contestée par la société Habitat, la cour d'appel a dénaturé les écritures de cette société et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour dire que la société Habitat a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la société Lalique, lui faire interdiction, sous astreinte, de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres « Glitz » et la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Lalique, l'arrêt, après avoir considéré que ni l'originalité ni la titularité de la tige des verres de la gamme « 100 Points », revendiquée par la société Lalique, et donc sa protection au titre des droits d'auteur, ne sont contestées, énonce que la tige des verres « Glitz » reprend l'essentiel des caractéristiques originales de la tige des verres « 100 Points » et que les quelques différences relevées n'affectent pas la reprise de la combinaison des éléments essentiels caractérisant l'originalité de la tige des verres « 100 Points » et ne parviennent pas à effacer l'impression de quasi-identité qui se dégage de la comparaison.

8. En statuant ainsi, en tenant pour établie l'originalité de la tige des verres « 100 Points », alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Habitat soutenait qu'au vu des antériorités de tiges de verre qu'elle produisait, la création de la société Lalique n'était pas originale, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Habitat fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour caractériser une contrefaçon de dessins et modèles, le juge doit rechercher si le modèle incriminé produit sur l'observateur ou utilisateur averti une impression visuelle globale différente du modèle revendiqué, tel que représenté dans le certificat de dépôt ; qu'il importe peu que les modèles litigieux présentent tous deux, en partie, une forme usuelle, dès lors qu'ils produisent une impression visuelle globale différente ; que, pour retenir une contrefaçon du modèle communautaire et du modèle international visant la France, tous deux consistant en un modèle de verre à pied, appartenant à la société Lalique, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur le caractère prétendument usuel de la forme du gobelet de ce modèle de verre à pied et de ceux argués de contrefaçon, d'autre part, sur une prétendue impression visuelle globale d'identité de leurs tiges respectives ; qu'en se fondant ainsi sur la seule impression visuelle conférée par les jambes des modèles de verre en cause, sans s'attacher, comme elle aurait dû le faire, à l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux ? pris ainsi dans l'ensemble de leurs éléments, incluant notamment aussi bien leur tige que leur gobelet et leur socle ?, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 513-4 et L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 10 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins [ou] modèles communautaires. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et 10 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires :

10. Il résulte de ces textes que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle, national ou communautaire, s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente.

11. Pour dire que la société Habitat a commis des actes de contrefaçon de modèles au préjudice de la société Lalique, lui faire interdiction, sous astreinte, de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres « Glitz » et la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Lalique, l'arrêt retient que la comparaison des représentations des modèles litigieux n° 2109439-0001 et n° DM/080502 avec les verres « Glitz » montre qu'il s'agit de deux verres à vin dont la forme du gobelet est usuelle pour des verres à vin et dont les tiges respectives donnent une impression visuelle globale d'identité en ce qu'elles comportent toutes deux une partie haute transparente, une partie basse plus longue également transparente, et entre les parties haute et basse, une jambe comportant un renflement dans sa partie supérieure, dont l'aspect opaque contraste avec les parties haute et basse, ces éléments identiques étant dominants pour l'utilisateur averti compte tenu de ce que la liberté du créateur pour une tige de verre à vin est relativement restreinte, les quelques différences relevées apparaissant à l'utilisateur averti comme des variantes insignifiantes d'exécution technique procurant la même impression d'ensemble d'une tige renflée dans sa partie supérieure dont le contraste de la partie opaque renflée avec les parties basse et haute transparentes donne l'effet de deux points lumineux.

12. En se déterminant ainsi, au seul motif que la tige des modèles de verre à vin invoqués et celle des verres « Glitz » produisaient la même impression visuelle alors que, les modèles déposés portant sur un verre à vin, elle aurait dû rechercher si l'impression visuelle d'ensemble produite par les verres « Glitz » était identique ou différente de celle produite par ce verre à vin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. La société Habitat fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lalique, de lui faire interdiction, sous astreinte, de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres « Glitz » et de la condamner à payer à la société Lalique la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi, alors « que la cour d'appel a condamné la société Habitat au titre de prétendus agissements de concurrence déloyale et parasitaire concernant la commercialisation des modèles de verre à pied prétendument contrefaits ; qu'en l'état de ce lien de dépendance nécessaire, la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des deux premiers moyens du présent pourvoi, du chef de la contrefaçon de droit d'auteur ou de dessins et modèles, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du chef de la concurrence déloyale et du parasitisme, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

15. La cassation d'un arrêt en tant qu'il retient l'existence d'actes de contrefaçon et condamne leur auteur à des dommages-intérêts entraîne, par voie de conséquence, la cassation de cet arrêt en tant qu'il sanctionne des actes de concurrence déloyale commis par le même auteur. En effet, dès lors que l'action en concurrence déloyale doit être fondée sur des actes distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon, et dans la mesure où la cour d'appel de renvoi est susceptible de fonder une éventuelle condamnation pour contrefaçon sur des faits sanctionnés par l'arrêt au titre de la concurrence déloyale, la condamnation pour concurrence déloyale, qui repose sur le constat que ces faits étaient distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon, se trouve nécessairement atteinte par la cassation.

16. Dès lors, la cassation prononcée sur les premier et deuxième moyens entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt disant que la société Habitat a commis des actes distincts de concurrence déloyale et la condamnant à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ces actes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- dit que la société Habitat France a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles au préjudice de la société Lalique ;

- dit que la société Habitat France a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lalique ;

- fait interdiction à la société Habitat France de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres « Glitz », et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ;

- condamne la société Habitat France à payer à la société Lalique les sommes de 200 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles, et de 80 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

- condamne la société Habitat France aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Lalique une somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles,

l'arrêt rendu le 1er mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Lalique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lalique et la condamne à payer à la société Habitat France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Habitat France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que la société Habitat avait commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèles au préjudice de la société Lalique, D'AVOIR fait interdiction à la société Habitat de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres Glitz, sous astreinte de 150 ? par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt et D'AVOIR condamné la société Habitat à payer à la société Lalique la somme de 200.000 ? en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèles ;

AUX MOTIFS QUE, sur la contrefaçon de droits d'auteur, le principe, en application de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, est celui de la protection d'une oeuvre sans formalité du seul fait qu'elle constitue une création originale ; qu'en l'espèce ni l'originalité ni la titularité de la tige du verre revendiquée par la société Lalique, et donc sa protection au titre du droit d'auteur, ne sont contestées ; que la contrefaçon, telle que définie par l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle s'apprécie d'après les ressemblances et non d'après les différences ; qu'elle est caractérisée dès lors que les ressemblances sont dominantes et que les dissemblances ne portent que sur des points de détail ; qu'en l'espèce, la comparaison de la tige des verres de la société Lalique et de celle des verres Glitz de la société Habitat montre que les tiges incriminées comprennent une partie haute transparente, une partie basse sensiblement plus haute également transparente, et entre deux une jambe comportant un renflement dans sa partie supérieure dont le verre dépoli est presque opaque, les deux figures haute et basse contrastant par leur transparence et leur luminosité avec le corps de la tige, de sorte qu'elles reprennent l'essentiel des caractéristiques originales de la tige des verres « 100 Points » revendiquée par la société Lalique ; que les quelques différences relevées par les premiers juges tenant à l'absence de stries verticales, qui sont de fines aspérités privant le verre de sa transparence naturelle qui ne sont visibles sur la tige revendiquée que lorsqu'on s'approche au plus près du verre, ou encore au fait que le renflement serait plus marqué et plus central sur les verres incriminés, ce qui au demeurant n'est pas vraiment perceptible pour ce qui est de la taille du renflement, et qui est variable pour ce qui est la position du renflement entre les verres « Glitz »vendus en boutique dont le galbe est bien en partie supérieure, et la photographie des verres « Glitz» vendus sur internet dont le galbe semble un peu plus central, ne sont que des différences minimes d'exécution qui n'affectent pas la reprise de la combinaison des éléments essentiels caractérisant l'originalité de la tige « 100 Points il et ne parviennent pas à effacer l'impression de quasi-identité qui se dégage de la comparaison ; que la contrefaçon des droits d'auteur est ainsi caractérisée ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point (arrêt, pp. 4-5) ;

1°) ALORS Qu'ayant fait valoir, par ses dernières écritures d'appel (p. 7, point 3), que « les modèles de verres de la société Lalique, dont l'originalité est revendiquée par la société appelante, ne sont pas originaux, au sens de la loi », la société Habitat avait fermement contesté, en termes clairs et précis, l'originalité de la tige du verre revendiquée par la société Lalique comme objet de droit d'auteur ; qu'en considérant au contraire que l'originalité de la tige du verre revendiquée par la société Lalique, et donc sa protection au titre du droit d'auteur, n'était pas contestée par la société Habitat, la cour d'appel a dénaturé les écritures de cette société et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la contrefaçon ne peut être caractérisée qu'au regard de ressemblances avec des éléments originaux, qu'ils soient pris en eux-mêmes ou dans leur combinaison, de l'oeuvre prétendument contrefaite ; qu'en se bornant, pour retenir une prétendue contrefaçon du modèle de verre « 100 points » commercialisé par la société Lalique, à affirmer l'existence d'une reprise, dans les modèles de verre « Glitz » commercialisés par la société Habitat, de « la combinaison des éléments essentiels caractérisant l'originalité de la tige » des verres prétendument contrefaits, sans expliquer en quoi les caractéristiques prétendument reprises, ou leur combinaison, étaient originales, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et méconnu ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que la société Habitat avait commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèles au préjudice de la société Lalique, D'AVOIR fait interdiction à la société Habitat de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres Glitz, sous astreinte de 150 ? par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt et D'AVOIR condamné la société Habitat à payer à la société Lalique la somme de 200.000 ? en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèles ;

AUX MOTIFS QUE, sur la contrefaçon de modèles, le modèle communautaire n° 2109439-0001 déposé le 26 septembre 2012 par la société Lalique comme le modèle international visant la France n° DMl080502 dont les représentations graphiques sont identiques, est un verre à vin dont la tige représentée en gros plan sur une photographie est identique à celle revendiquée au titre du droit d'auteur et comporte donc une partie haute transparente, une partie basse plus longue également transparente, et entre les parties haute et basse, une jambe plus opaque comportant de fines stries verticales et un renflement dans sa partie supérieure, les figures haute et basse formant deux point lumineux contrastant avec la partie galbée de la jambe ; que le modèle représente aussi une base circulaire sur laquelle se pose la tige en créant une petite protubérance ; que la validité des modèles déposés n'est pas contestée ; qu'en application de l'article 10 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires définissant l'étendue de la protection d'un modèle déposé, l'appréciation de la contrefaçon nécessite d'évaluer si le modèle incriminé produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente du modèle revendiqué tel que représenté dans le certificat du dépôt, cette appréciation prenant en considération toutes les caractéristiques dominantes prises dans leur combinaison à l'exception de celles exclusivement asservies à une fonction technique, et tenant compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ; qu'en l'espèce, la comparaison des représentations des modèles litigieux n° 21 09439-0001 et n° DMl080502 avec les verres incriminés montre qu'il s'agit de deux verres de vin dont la forme du gobelet est usuelle pour des verres de vin, et dont les tiges respectives qui ont été précédemment décrites, donnent une impression visuelle globale d'identité en ce qu'elles comportent toutes deux une partie haute transparente, une partie basse plus longue également transparente, et entre les parties haute et basse, une jambe comportant un renflement dans sa partie supérieure, dont l'aspect opaque contraste avec les parties haute et basse, ces éléments identiques étant dominants pour l'utilisateur averti compte tenu de ce que la liberté du créateur pour une tige de verre à vin est relativement restreinte ; que les quelques différences relatives aux stries qui ne sont visibles que de près et dont la présence contribue principalement à un effet d'opacité, ou à la moindre protubérance au niveau de la jonction de la tige avec le socle circulaire, apparaissent à l'utilisateur averti comme des variantes insignifiantes d'exécution technique procurant la même impression d'ensemble d'une tige renflée dans sa partie supérieure dont le contraste de la partie opaque renflée avec les parties basse et haute transparentes donne l'effet de deux points lumineux ; qu'en conséquence, les actes de contrefaçon de modèles au préjudice de la société Lalique sont également caractérisés, et le jugement entrepris sera également infirmé sur ce point (arrêt, pp. 5-6) ;

1°) ALORS QUE pour caractériser une contrefaçon de dessins et modèles, le juge doit rechercher si le modèle incriminé produit sur l'observateur ou utilisateur averti une impression visuelle globale différente du modèle revendiqué, tel que représenté dans le certificat de dépôt ; qu'il importe peu que les modèles litigieux présentent tous deux, en partie, une forme usuelle, dès lors qu'ils produisent une impression visuelle globale différente ; que, pour retenir une contrefaçon du modèle communautaire et du modèle international visant la France, tous deux consistant en un modèle de verre à pied, appartenant à la société Lalique, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur le caractère prétendument usuel de la forme du gobelet de ce modèle de verre à pied et de ceux argués de contrefaçon, d'autre part, sur une prétendue impression visuelle globale d'identité de leurs tiges respectives ; qu'en se fondant ainsi sur la seule impression visuelle conférée par les jambes des modèles de verre en cause, sans s'attacher, comme elle aurait dû le faire, à l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux -pris ainsi dans l'ensemble de leurs éléments, incluant notamment aussi bien leur tige que leur gobelet et leur socle -, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 513-4 et L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 10 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, Qu'il est indifférent que les modèles litigieux présentent tous deux, en partie, une forme usuelle, dès lors qu'ils produisent une impression visuelle globale différente sur un observateur ou utilisateur averti -la forme usuelle d'une partie de chacun des modèles en cause pouvant différente et produire ainsi une impression visuelle globale distincte ; qu'en se fondant, pour caractériser les prétendues contrefaçons de dessins et modèles, sur le caractère prétendument usuel de la forme du gobelet des modèles de verre à pied litigieux, sans vérifier si leurs gobelets respectifs présentaient une forme identique, similaire ou différente et contribuaient ainsi à produire ou non une impression visuelle globale différente sur un observateur ou utilisateur averti, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE ENCORE, Qu'en se bornant, pour caractériser les prétendues contrefaçons de dessins et modèles, à affirmer que la forme du gobelet des modèles de verre à pied litigieux était usuelle, sans expliquer en quoi aurait consisté ce caractère prétendument usuel de ladite forme, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a privé sa décision de motifs et méconnu ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'à supposer que le juge puisse faire abstraction, dans son appréciation de l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux, des caractéristiques usuelles, il doit vérifier le caractère usuel, ou non, de l'ensemble des caractéristiques des modèles en cause ; qu'en se fondant, d'une part, sur le caractère prétendument usuel de la forme du gobelet du modèle de verre à pied de la société Lalique et de ceux argués de contrefaçon, d'autre part, sur une prétendue impression visuelle globale d'identité de leurs tiges respectives, la cour d'appel s'est abstenue de vérifier si les caractéristiques des dites tiges des verres n'étaient pas usuelles et s'il ne devait donc pas en être fait abstraction dans l'appréciation de l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 513-4 et L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 10 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ;

5°) ALORS, PAR AILLEURS, QUE dans son appréciation de l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux sur un observateur ou utilisateur averti, le juge doit notamment prendre en considération toutes leurs caractéristiques dominantes, prises dans leur combinaison, y compris celles exclusivement asservies à une fonction technique ; qu'en considérant néanmoins que l'appréciation de l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux devait être faite sans considération des caractéristiques exclusivement asservies à une fonction technique, la cour d'appel a violé les articles L. 513-4 et L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle et l'article 10 du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ;

6°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE même à supposer que le juge puisse faire abstraction, dans son appréciation de l'impression visuelle globale produite par les modèles litigieux, des caractéristiques exclusivement asservies à une fonction technique, de telles caractéristiques n'en sont pas moins distinctes des variantes d'exécution technique des modèles en conflit, dès lors qu'une caractéristique d'un modèle peut être le fruit d'une exécution technique, sans pour autant être exclusivement asservie à une fonction technique, ni même procéder d'une contrainte technique exclusive de toute liberté du créateur du modèle ; qu'en estimant que les différences relatives aux stries et à la moindre protubérance au niveau de la jonction de la tige avec le socle circulaire des modèles de verre à pied litigieux apparaissaient à l'utilisateur averti comme des « variantes insignifiantes d'exécution technique », sans expliquer en quoi il s'agissait de caractéristiques exclusivement asservies à une fonction technique pouvant être écartées de l'appréciation de l'impression d'ensemble desdits modèles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

7°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE ENCORE, QUE des variantes d'exécution technique ne sont pas pour autant sans effet visuel et peuvent ainsi contribuer à faire produire aux modèles en conflit une impression visuelle globale différente aux yeux d'un observateur ou utilisateur averti ; qu'en se bornant à affirmer que les différences relatives aux stries ou à la moindre protubérance au niveau de la jonction de la tige avec le socle circulaire apparaîtraient à un utilisateur averti comme des variantes insignifiantes d'exécution technique procurant la même impression visuelle d'ensemble, sans expliquer en quoi elles étaient dépourvues d'effet visuel et pouvaient être regardées comme « insignifiantes », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

8°) ALORS, ENFIN, QUE l'objet d'un droit de dessin ou modèle consiste dans l'apparence d'un produit, peu important son procédé de fabrication ; qu'en écartant les caractéristiques précitées par la considération qu'il s'agissait de variantes insignifiantes d'exécution technique, la cour d'appel s'est référée au procédé de fabrication du produit et non à l'apparence de ce dernier, appliquant ainsi un critère étranger à la loi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle et l'article 3 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, ensemble les textes précités.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que la société Habitat avait commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lalique, D'AVOIR fait interdiction à la société Habitat de poursuivre la commercialisation de sa gamme de verres Glitz, sous astreinte de 150 ? par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt et D'AVOIR condamné la société Habitat à payer à la société Lalique la somme de 80.000 ? en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

AUX MOTIFS QUE, sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire, la demande en concurrence déloyale ou en parasitisme doit reposer sur des agissements fautifs distincts de ceux qui ont été retenus pour établir la contrefaçon ; qu'en l'espèce, il est établi que les verres de la collection « 100 Points », créés en 2012 en partenariat avec [N] [P], oenologue américain de renom, et qui ont donné lieu à des campagnes de presse dans les magazines généralistes et spécialisés, figurent dans les meilleures ventes de la société Lalique en lui rapportant un chiffre d'affaires moyen annuel de plus de 810.000 ? de 2013 à 2018 soit un montant total sur cette période plus 4. 800.000 ? ; qu'il est également établi que les verres contrefaisant celL'(en cristal de la société Lalique lesquels sont vendus à un prix moyen de 105 ? pièce, ont été commandés par la société Habitat à un fournisseur chinois pour un prix unitaire de 1,40 ?, et qu'ils sont présentés sur un visuel à fond noir montrant le verre à vin, le verre à eau et la coupe à champagne, ce choix du fond noir pour mettre en scène les verres « Glitz » imitant les photographies de la société Lalique de présentation de sa collection « 100 Points» avec un arrière-plan sombre faisant ressortir les points lumineux du bas et du haut de la tige ; qu'il résulte de ces éléments un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et un risque de banalisation entretenus par la société Habitat ainsi qu'un détournement du succès des verres « 100 points », fruit d'un travail intellectuel et d'investissements de création et promotionnels notamment en partenariat avec monsieur [N] [P] ; que ces faits fautifs, distincts des actes de contrefaçon, caractérisent des agissements de concurrence déloyale et parasitaire ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ; que compte tenu de ce que la société Lalique justifie verser chaque année une somme de 60.000 ? à [N] [P] au titre de la promotion de la collection « 100 points» et de ce que la société Habitat a continué ses agissements en 2017 ainsi qu'il résulte du procès-verbal dressé 10 janvier 2017, il y a lieu d'évaluer à 80.000 ? le montant des dommages-intérêts réparant intégralement le préjudice causé par les actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ; que la société Habitat sera donc condamnée à payer cette somme de ce chef à la société Lalique (arrêt, pp. 6-7) ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a condamné la société Habitat au titre de prétendus agissements de concurrence déloyale et parasitaire concernant la commercialisation des modèles de verre à pied prétendument contrefaits ; qu'en l'état de ce lien de dépendance nécessaire, la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des deux premiers moyens du présent pourvoi, du chef de la contrefaçon de droit d'auteur ou de dessins et modèles, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du chef de la concurrence déloyale et du parasitisme, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sauf lorsque l'action en contrefaçon est rejetée pour défaut de constitution du droit privatif, la condamnation pour concurrence déloyale ou parasitisme doit se fonder sur des faits distincts de ceux caractérisant la contrefaçon retenue ; qu'en se fondant, pour dire que la société Habitat avait commis des agissements constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme, sur un prétendu risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre les modèles de verre à pied et un prétendu détournement du succès commercial des verres à pied de la société Lalique, la cour d'appel s'est prononcée sur des faits qui ne se distinguent pas de ceux caractérisant la contrefaçon, ces faits se rapportant à la prétendue imitation des modèles de verre à pied litigieux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QU'en se fondant, pour dire que la société Habitat avait créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et ainsi commis des agissements constitutifs de concurrence déloyale, sur la considération que les verres à pied jugés contrefaisants avaient été commandés à un fabricant chinois au prix d'un euro et quarante centimes, ceux de la société Lalique étant vendus au prix moyen de cent-cinq euros pièce, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un tel risque de confusion et, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°) ALORS, ENFIN, QUE par ses dernières écritures d'appel (p. 33, in limine), la société Habitat, pour démontrer l'absence de concurrence déloyale et parasitaire, avait fait valoir que cette dernière société et la société Lalique n'étaient pas en concurrence, les deux opérateurs en cause n'intervenant pas sur le même marché les produits de la société Lalique étant de haut de gamme et n'étant pas substituables par ceux de la société Habitat ; qu'en s'abstenant de vérifier, avant de condamner la société Habitat pour concurrence déloyale et parasitaire, si les modèles de verre étaient substituables entre eux et adressés à la même clientèle, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du même texte.

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