23 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-22.678

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C100460

Titres et sommaires

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Procédure - Nullité - Cas - Nullité de la procédure judiciaire préalable - Exclusion - Applications diverses

Lorsqu'en application de l'article 65 du code de procédure pénale, une personne gardée à vue est entendue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime, l'officier de police judiciaire doit, afin de permettre un contrôle effectif de la mesure, informer sans délai le procureur de la République, tant des soupçons pesant sur l'intéressé que de la qualification susceptible de lui être notifiée. Si l'absence d'une telle information fait nécessairement grief aux intérêts de la personne gardée à vue, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale, et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition sur les nouveaux faits, ainsi que, le cas échéant, celle des actes subséquents qui trouvent dans ceux-ci leur support nécessaire et exclusif, elle n'entraîne pas la nullité de la garde à vue en son ensemble. Dès lors, en présence d'une telle irrégularité, la mainlevée de la mesure de rétention ne peut être prononcée que s'il est établi une atteinte aux droits de l'étranger, au sens de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011.

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Procédure - Nouveaux motifs du placement en garde à vue - Défaut d'information du procureur de la République - Atteinte aux droits de l'étranger - Nécessité - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 juin 2021




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 460 FS-B

Pourvoi n° T 19-22.678

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 juillet 2019.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2021

M. [R] [X], domicilié chez M. [M] [A], avocat, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-22.678 contre l'ordonnance rendue le 19 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],

2°/ au préfet de police, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [X], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris,19 janvier 2019) et les pièces de la procédure, le 15 janvier 2019, à l'expiration d'une mesure de garde à vue décidée pour infractions à la législation sur les stupéfiants, M. [X], de nationalité tunisienne, en situation irrégulière sur le territoire français, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

2. Le 16 janvier, le juge des libertés et de la détention a été saisi par le préfet d'une demande de prolongation de la rétention sur le fondement de l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Examen du moyen

Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre criminelle, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

3. M. [X] fait grief à l'ordonnance de rejeter les exceptions de nullité et de décider de la prolongation de sa rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours, alors :

« 1°/ que si au cours de la garde à vue ouverte contre une personne, l'officier de police judiciaire notifie, pour les nécessités de l'enquête, une garde à vue supplétive à l'encontre de la même personne, du chef d'une autre infraction, il doit aviser le procureur de la République de cette extension et l'informer des motifs et de la qualification des nouveaux faits notifiés à celle-ci, tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, faisant nécessairement grief aux intérêts de ladite personne ; qu'en énonçant, pour ordonner la prolongation de sa rétention administrative, après avoir observé qu'aucun élément établissait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue supplétive dont M. [X] a fait l'objet, que ce dernier ne prouvait pas que cette illégalité ait eu pour effet de porter atteinte à ses droits dès lors que la garde à vue supplétive n'avait eu aucune conséquence sur la durée de la garde à vue initialement notifiée et au regard des pleins pouvoirs du procureur de la République d'appréciation de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits, le premier président qui s'est ainsi fondé sur des circonstances inopérantes a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63 et 65 du code de procédure pénale et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ qu'en tout état de cause, en énonçant, pour ordonner la prolongation de sa rétention administrative, après avoir observé qu'aucun élément établissait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue supplétive dont M. [X] a fait l'objet, que ce dernier ne prouvait pas que cette illégalité ait eu pour effet de porter atteinte à ses droits au regard des pleins pouvoirs du procureur de la République d'appréciation de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits, le premier président n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que le procureur de la République n'avait pas été mis en mesure d'exercer sur la seconde infraction le contrôle que lui confère la loi, dans l'intérêt même de la personne en cause, quant à la qualification des faits et au maintien de la garde à vue, violant ainsi les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63 et 65 du code de procédure pénale et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

5. Lorsqu'en application de l'article 65 du code de procédure pénale, une personne gardée à vue est entendue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime, l'officier de police judiciaire doit, afin de permettre un contrôle effectif de la mesure, informer sans délai le procureur de la République, tant des soupçons pesant sur l'intéressé que de la qualification susceptible de lui être notifiée.

6. Si l'absence d'une telle information fait nécessairement grief aux intérêts de la personne gardée à vue, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale, et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition sur les nouveaux faits, ainsi que, le cas échéant, celle des actes subséquents qui trouvent dans ceux-ci leur support nécessaire et exclusif, elle n'entraîne pas la nullité de la garde à vue en son ensemble.

7. Après avoir constaté qu'il résultait du procès-verbal du 13 janvier 2019 que M. [X] avait fait l'objet d'une garde à vue dite supplétive pour des faits qualifiés de recel de vol et qu'aucune mention de ce procès-verbal ni aucune autre pièce de la procédure n'établissait que le procureur de la République en avait été avisé, le premier président, qui a souverainement estimé que l'intéressé ne rapportait pas la preuve d'une atteinte à ses droits au sens de l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en a exactement déduit que le moyen tiré de cette irrégularité ne pouvait emporter la mainlevée de la mesure de rétention.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [X]

M. [X] fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir rejeté les exceptions de nullité et d'avoir en conséquence ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour une durée maximale de 28 jours ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'exception de nullité tirée du défaut de mention de ce que le parquet aurait été avisé de la garde à vue supplétive, il résulte du procès-verbal dressé le 13 janvier 2019 à 21h4 que M [R] [X] a fait l'objet d'une garde à vue supplétive pour des faits qualifiés de recel de vol commis le 13 janvier 2019 ; que comme le fait valoir M [R] [X], aucune mention n'est faite dans ce procès-verbal de l'avis donné au procureur de la République de cette garde à vue supplétive et aucune autre pièce n'a été versée au dossier de la procédure qui viendrait l'établir ; que cependant, étant observé que cette garde à vue supplétive ne pouvait emporter et n'a emporté aucune conséquence sur la durée de la garde à vue initialement notifiée, et au regard des pleins pouvoirs du procureur de la République d'appréciation de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits au terme de l'enquête de flagrance, M [R] [X] ne rapporte pas la preuve que l'illégalité qu'il invoque, à la supposer avérée, a eu pour effet de porter atteinte à ses droits ; que par suite, le moyen ne saurait, par application de l'article L 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, emporter la mainlevée de la mesure de rétention ;

1°) ALORS QUE si au cours de la garde à vue ouverte contre une personne, l'officier de police judiciaire notifie, pour les nécessités de l'enquête, une garde à vue supplétive à l'encontre de la même personne, du chef d'une autre infraction, il doit aviser le procureur de la République de cette extension et l'informer des motifs et de la qualification des nouveaux faits notifiés à celle-ci, tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, faisant nécessairement grief aux intérêts de ladite personne ; qu'en énonçant, pour ordonner la prolongation de sa rétention administrative, après avoir observé qu'aucun élément établissait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue supplétive dont M [X] a fait l'objet, que ce dernier ne prouvait pas que cette illégalité ait eu pour effet de porter atteinte à ses droits dès lors que la garde à vue supplétive n'avait eu aucune conséquence sur la durée de la garde à vue initialement notifiée et au regard des pleins pouvoirs du procureur de la République d'appréciation de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits, le premier président qui s'est ainsi fondé sur des circonstances inopérantes a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 63 et 65 4 du code de procédure pénale et L 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, en énonçant, pour ordonner la prolongation de sa rétention administrative, après avoir observé qu'aucun élément établissait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue supplétive dont M [X] a fait l'objet, que ce dernier ne prouvait pas que cette illégalité ait eu pour effet de porter atteinte à ses droits au regard des pleins pouvoirs du procureur de la République d'appréciation de l'opportunité des poursuites et de la qualification des faits, le premier président n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que le procureur de la République n'avait pas été mis en mesure d'exercer sur la seconde infraction le contrôle que lui confère la loi, dans l'intérêt même de la personne en cause, quant à la qualification des faits et au maintien de la garde à vue, violant ainsi les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 63 et 65 du code de procédure pénale et L552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.