16 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.186

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00587

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Relevé de forclusion - Cas - Omission de la liste des créanciers - Conditions - Preuve d'un lien de causalité (non)

Il résulte de l'article L. 622-26, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsqu'un débiteur s'est abstenu d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 de ce code ou que, l'ayant établie, il a omis d'y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juin 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 587 FS-B

Pourvoi n° Y 19-17.186




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 JUIN 2021

La société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [V] [J], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société de participations industrielles et commerciales (SPIC), a formé le pourvoi n° Y 19-17.186 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Alliance, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [B] [S], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société DECS,

2°/ à M. [N] [C], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la société Portes de Claye, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société [Adresse 5], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à l'association [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société MJA, ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Alliance, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, conseillers, Mme Barbot, conseiller référendaire, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2019), un jugement du 15 juin 2015 a arrêté le plan de cession des actifs de la société DECS, en redressement judiciaire, au profit de M. [E], avec faculté de substitution au bénéfice de la Société de participations industrielles et commerciales (la société SPIC).
Par un jugement du 24 juin 2015, la société DECS a été mise en liquidation judiciaire, la société BTSG, ultérieurement remplacée par la société Alliance, étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Par un jugement du 28 juillet 2016, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 9 août 2016, la société SPIC a été mise en redressement judiciaire. Cette procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 7 novembre 2016, la société Moyrand, ensuite remplacée par la société MJA, étant désignée en qualité de liquidateur. La résolution du plan de cession, qui n'avait pas été exécuté, a été prononcée le 22 novembre 2016.

3. Le 9 février 2017, le liquidateur de la société DECS a présenté au juge-commissaire de la procédure collective de la société SPIC une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer une créance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le liquidateur de la société SPIC fait grief à l'arrêt de relever de la forclusion le liquidateur de la société DECS, alors « que dès lors que le caractère volontaire de l'omission d'une créance ou du défaut de remise de la liste des créanciers n'est pas démontré, le créancier qui sollicite le relevé de forclusion est tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est pourtant bornée à relever que "le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 622-24 du code de commerce du fait de l'absence de remise de la liste par le débiteur doit être relevé de la forclusion encourue" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Alliance, ès qualités, établissait un lien de causalité entre l'omission par le débiteur et la tardiveté de sa déclaration de créance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 662-26 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsqu'un débiteur s'est abstenu d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 de ce code ou que, l'ayant établie, il a omis d'y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

6. Ayant constaté que les dirigeants de la société SPIC n'avaient pas remis au mandataire judiciaire la liste des créanciers de cette société, l'arrêt retient que cette absence de remise produit les mêmes effets que l'omission d'un créancier sur cette liste.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MJA, en sa qualité de liquidateur de la Société de participations industrielles et commerciales aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MJA, ès qualités, et la condamne à payer à la société Alliance, en sa qualité de liquidateur de la société DECS, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société MJA, ès qualités.

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir ordonné le relevé de la forclusion de la SELAS Alliance, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société DECS, aux fins de production de sa créance au passif de la procédure collective de la société SPIC ;

aux motifs que « sur la demande de relevé de forclusion : que l'article R. 622-24, alinéa 1 du code de commerce dispose : « Le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Le même délai est applicable à l'information prévue par le troisième alinéa de l'article L. 622-24 » ; que l'article L. 622-26 alinéa 1 du code de commerce dispose : « A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande » ; que le liquidateur judiciaire de la société DECS devait déclarer sa créance au mandataire judiciaire de la société SPIC avant le 10 octobre 2016 ; que ce délai étant expiré, il doit établir que sa défaillance n'est pas due à son fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste de ses créanciers ; que les dirigeants de la société SPIC n'ont pas remis au mandataire judiciaire la liste des créanciers de la société ; que le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 622-24 du code de commerce du fait de l'absence de remise de la liste par le débiteur doit être relevé de la forclusion encourue ; qu'en effet, l'absence de remise de la liste produit nécessairement les mêmes effets que l'omission d'un créancier sur la liste remise par le débiteur ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé et le relevé de la forclusion de la SELAS Alliance, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société DECS, sera ordonné » ;

alors que dès lors que le caractère volontaire de l'omission d'une créance ou du défaut de remise de la liste des créanciers n'est pas démontré, le créancier qui sollicite le relevé de forclusion est tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est pourtant bornée à relever que « le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 622-24 du code de commerce du fait de l'absence de remise de la liste par le débiteur doit être relevé de la forclusion encourue » (arrêt, p. 5, alinéa 10) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Alliance, ès qualités, établissait un lien de causalité entre l'omission par le débiteur et la tardiveté de sa déclaration de créance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 662-26 du code de commerce.

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