9 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-15.593

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00721

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Arrêté d'extension - Effets - Champ d'application - Détermination - Critères - Adhésion de l'employeur à une organisation patronale interprofessionnelle signataire - Portée

Dans le cadre d'un accord collectif interprofessionnel, l'arrêté d'extension suppose nécessairement, sous le contrôle du juge administratif, vérification que toutes les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau interprofessionnel aient été invitées à la négociation. En revanche, il appartient au juge judiciaire de statuer sur les contestations pouvant être élevées par une ou plusieurs entreprises déterminées sur le champ d'application sectoriel d'un accord interprofessionnel étendu, dès lors que ce dernier ne précise pas ce champ. La Cour de cassation en a déduit, par une jurisprudence constante (Soc., 16 mars 2005, pourvoi n° 03-16.616, Bull. 2005, V, n° 97 (rejet); Soc., 21 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.601, Bull. 2006, V, n° 351 (cassation)) que, dans le cadre d'un accord interprofessionnel étendu, le juge judiciaire devait vérifier si les employeurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial auxquels il était demandé l'application de l'accord étaient signataires de l'accord ou relevaient d'une organisation patronale représentative dans le champ de l'accord et signataire de l'accord. Il en résulte qu'il appartient à l'employeur qui conteste qu'un accord interprofessionnel étendu conclu antérieurement à la mise en oeuvre de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 (soit antérieurement à la première mesure de la représentativité patronale au niveau interprofessionnel effectuée en application des dispositions de l'article L. 2152-4 du code du travail, issues de cette loi) soit applicable à la branche professionnelle dont il relève, compte tenu de son activité, de démontrer que l'organisation patronale représentative de cette branche n'est pas adhérente d'une des organisations patronales interprofessionnelles ayant signé l'accord interprofessionnel

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Arrêté d'extension - Effets - Champ d'application - Champ d'application sectoriel - Exclusion d' une branche d'activité - Critères - Absence d'adhésion de l'organisation patronale représentative dans la branche à l'organisation signataire de l'accord - Preuve - Charge - Portée

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Accords collectifs - Accord interprofessionnel étendu - Champ d'application - Détermination - Office du juge - Portée

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2021




Cassation partielle sans renvoi


M. CATHALA, président



Arrêt n° 721 FS-P

Pourvoi n° S 19-15.593





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021

La Société hôtelière du Chablais (SHC), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-15.593 contre l'arrêt rendu le 18 février 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société hôtelière du Chablais, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [G], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mme Chamley-Coulet, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 février 2019), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 6 avril 2016, pourvois n° 14-27.042, 14-26.331, 14-26.334, 14-20.861, 14-12.724, 14-20.866), Mme [G] a été engagée par la Société hôtelière du Chablais (la société) selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé à compter du 17 avril 2006 en qualité de femme de chambre.

2. Par lettre du 5 décembre 2009, l'employeur a licencié la salariée pour motif économique.

3. Se prévalant du statut protecteur accordé aux candidats aux élections professionnelles, la salariée, élue au comité d'entreprise lors des élections professionnelles s'étant déroulées le 7 décembre 2009, a saisi la juridiction prud'homale le 1er octobre 2010 en nullité de son licenciement et en demande de réintégration sous astreinte.

4. Par jugement du 11 octobre 2012, le tribunal d'instance a déclaré nul le licenciement, prononcé la réintégration de la salariée et indemnisé celle-ci pour la période allant du 24 octobre 2009 au 1er juin 2011.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur, alors :

« 1°/ que l'arrêté d'extension du ministre du travail a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d'application professionnel et territorial dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l'accord ; qu'en conséquence, en cas de litige sur l'applicabilité d'un accord étendu dans une entreprise, il appartient au juge de rechercher, au besoin en ordonnant les mesures d'instruction qu'il estime utile, si l'employeur est affilié à une organisation patronale signataire de cet accord ou si une des organisations patronales signataires est représentative dans le secteur d'activité dont relève l'entreprise ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'il ''convient de considérer que l'accord [T] est applicable à la société SHC'' dès lors que ''la société SHC ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle ne relève pas d'une des organisations patronales représentatives du secteur d'activité signataire de cet accord et qu'elle n'est pas adhérente d'une organisation patronale signataire de ce même accord'', la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2222-1, L. 2261-15, L. 2261-19 et L. 2261-27 du code du travail ;

2°/ que l'arrêté d'extension du ministre du travail a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d'application professionnel et territorial dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l'accord ; qu'en considérant que l'accord collectif [T] est applicable à la société SHC, sans constater que la société SHC est adhérente de l'une des organisations patronales signataires de cet accord ou qu'une organisation patronale représentative dans le secteur de l'hôtellerie dont relève la société SHC est signataire de cet accord ou adhérente de l'une des organisations patronales signataires de cet accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2222-1, L. 2261-15, L. 2261-19 et L. 2261-27 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 2261-15 du code du travail, les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou cet accord par arrêté du ministre du travail. L'extension suppose, selon l'article L. 2261-19 du code du travail, que la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel ait été négocié et conclu au sein d'une commission paritaire composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré.

6. L'extension étant formalisée par un arrêté, c'est au ministre du travail, sous le contrôle du juge administratif, qu'il appartient donc de vérifier si les conditions de négociation de l'accord permettent son extension (CE, 21 janvier 2021, n° 418617).

7. Le Conseil d'Etat a précisé que la légalité de l'arrêté d'extension était subordonnée à la condition que toutes les organisations syndicales et patronales représentatives dans le secteur aient été invitées à la négociation de l'accord, peu important que toutes ne l'aient pas signé (CE, 6 décembre 2006, n° 273773).

8. En application du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n'a pas compétence pour vérifier la régularité des conditions de négociation et de conclusion d'un accord collectif étendu, dès lors que ce contrôle incombe, ainsi que rappelé ci-dessus, au seul juge administratif dans le cadre de son contrôle de la légalité de l'arrêté d'extension.

9. En revanche, il appartient au juge judiciaire de statuer sur les contestations pouvant être élevées par une ou plusieurs entreprises déterminées sur le champ d'application sectoriel d'un accord interprofessionnel étendu, dès lors que ce dernier ne précise pas ce champ.

10. La Cour de cassation en a déduit, par une jurisprudence constante (Soc., 16 mars 2005, pourvoi n° 03-16.616, Bull. 2005, V, n° 97; Soc., 21 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.601, Bull. 2006, V, n° 351) que, dans le cadre d'un accord interprofessionnel étendu, le juge judiciaire devait vérifier si les employeurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial auxquels il était demandé l'application de l'accord étaient signataires de l'accord ou relevaient d'une organisation patronale représentative dans le champ de l'accord et signataire de l'accord.

11. Etait en cause devant la cour d'appel l'accord régional interprofessionnel relatif aux salaires en Guadeloupe, dit accord « [G] [T] », signé le 26 février 2009 par cinq organisations professionnelles d'employeurs (UMPEG, UCEG, CRTG, OPGSS et UNAPL), soit antérieurement à la première mesure de la représentativité patronale au niveau interprofessionnel effectuée en application des dispositions de l'article L. 2152-4 du code du travail, issues de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, qui disposent désormais que sont représentatives au niveau interprofessionnel les organisations professionnelles d'employeurs dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

12. Il en résulte qu'il appartient à l'employeur qui conteste qu'un accord interprofessionnel étendu, conclu antérieurement à la mise en oeuvre des dispositions légales précitées, soit applicable à la branche professionnelle dont il relève, compte tenu de son activité, de démontrer que l'organisation patronale représentative de cette branche n'est pas adhérente d'une des organisations patronales interprofessionnelles ayant signé l'accord interprofessionnel.

13. C'est dès lors à bon droit que, pour déclarer applicable l'accord [T] à la société hôtelière du Chablais, la cour d'appel a retenu que l'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'une organisation patronale représentative du secteur d'activité dont il relève n'est pas adhérente d'une organisation patronale interprofessionnelle signataire de cet accord.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

15. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur alors « qu'en cas de nullité du licenciement, le salarié qui obtient sa réintégration ne peut prétendre aux indemnités de rupture ; qu'en l'espèce, la société SHC soutenait que la salariée, qui avait été rémunérée pendant la durée du préavis dont elle avait été dispensée, jusqu'au 10 février 2010, et avait été effectivement réintégrée le 1er mai 2017, ne pouvait prétendre au paiement, du titre de la violation du statut protecteur, qu'à une indemnité courant à compter du 10 février 2010 ; qu'en retenant cependant que l'indemnité due au titre du statut protecteur correspond aux salaires courant entre le 5 décembre 2009, date du licenciement et la date de la réintégration effective de la salariée, la cour d'appel a ainsi implicitement reconnu à la salariée le droit de conserver l'indemnité compensatrice de préavis perçue à l'occasion de son licenciement et qui était devenue sans cause du fait de l'effacement des effets du licenciement ; qu'elle a en conséquence violé les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

16. Il résulte de l'article L. 2411-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, que lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration.

17. En l'espèce, la cour d'appel, devant laquelle l'employeur n'a formé aucune demande de restitution de l'indemnité compensatrice de préavis, a relevé que la salariée avait été licenciée le 5 décembre 2009. Elle a dès lors retenu à bon droit que le point de départ de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur devait être fixé à cette date.

18. Le grief n'est pas fondé.



Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

19. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée la somme de 161 850,60 euros à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur, alors « qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que l'indemnité à laquelle la salariée pouvait prétendre, au titre de la violation du statut protecteur, correspond à 89 mois de salaires ; qu'en lui accordant néanmoins une indemnité fixée à 90 fois son salaire mensuel, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2411-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause :

20. Après avoir constaté que 89 mois séparaient la date du licenciement de la salariée de la date de sa réintégration effective, la cour d'appel a fixé l'indemnité à 90 fois le montant du salaire mensuel.

21. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

23. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

24. La Société hôtelière du Chablais, qui succombe pour l'essentiel, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société hôtelière du Chablais à payer à Mme [G] la somme de 161 850,60 euros à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 18 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la Société hôtelière du Chablais à payer à Mme [G] la somme de 160 052,26 euros à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur ;

Condamne la Société hôtelière du Chablais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société hôtelière du Chablais et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société hôtelière du Chablais


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société Hôtelière du Chablais à payer à Mme [G] la somme de 161.850,60 euros à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur ;

AUX MOTIFS QUE « Mme [G] sollicite le paiement de la somme de 9 000? correspondant à une provision liée à l'application de l'accord [T] sur la période du 26 octobre 2009 au 30 avril 2017, soit 100? X 90 mois. L'accord [T] s'applique depuis le 1er mars 2009 et prévoit le versement d'une prime de 200 euros aux salariés dont le salaire ne dépasse pas 1,4 SMIC, se décomposant comme suit dans le cas d'une entreprise employant plus de 100 salariés : versement mensuel à hauteur de 100 euros par les entreprises et 100 euros par l'Etat (RTSA), directement au salarié. L'accord [T] précise, en son article 2 : « les dispositions ci-dessus s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la région Guadeloupe pour toutes les entreprises et tous les établissements du secteur privé employant des salariés sous contrat de droit privé ». Il s'avère donc que le champ d'application couvre l'ensemble du territoire de la Guadeloupe, et l'ensemble des secteurs d'activités relevant du privé. Cet accord prévoyait également en son article 5 qu'au terme des aides de l'Etat et des collectivités, l'augmentation de salaire de 200 euros serait intégrée dans la rémunération des salariés assurée par leur employeur signataire. Il convient de relever que l'accord [T] a été étendu partiellement par arrêté du 3 avril 2009 à tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application, à l'exception de la clause susvisée de convertibilité des primes en salaire, aussi seule la part employeur reste applicable aux employeurs entrant dans le champ d'application. La SAS SHC expose que dans le cas d'un accord interprofessionnel étendu, celui-ci s'applique obligatoirement à toutes les entreprises comprises dans son champ d'application professionnel et territorial, et que le champ d'application professionnel se détermine en fonction de l'activité économique, or le champ d'application de l'accord [T] étendu vise « les employeurs du secteur privé », sans aucune référence à une activité économique. L'employeur soutient que puisque le champ d'application de l'accord [T] n'est pas défini, il dépend des organisations patronales signataires de l'accord, or la SAS SHC n'est adhérente à aucune de ces organisations, l'accord ne lui étant dès lors applicable, précision étant faite qu'elle n'a pas plus conclu d'accord d'entreprise entérinant l'application volontaire dudit accord. L'accord étendu ne s'applique que si l'employeur relève d'une organisation patronale représentative du secteur d'activité signataire de l'accord régional interprofessionnel, ou est adhérent d'une organisation patronale signataire de ce même accord. Les organisations patronales signataires de l'accord sont les suivantes : - Union des moyennes et petites entreprises de Guadeloupe (UMPEG), - Union des chefs d'entreprise de Guadeloupe (UCEG), - Organisation patronale des gérants de stations-service (OPGSS), - Union nationale des professions libérales (UNAPL). Il appartient à l'employeur qui conteste être dans l'une des situations suscitées d'en apporter la preuve, or la SAS SHC ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle ne relève pas d'une des organisations patronales représentatives du secteur d'activité signataire de l'accord régional interprofessionnel, ni qu'elle n'est pas adhérente d'une organisation patronale signataire de ce même accord. Aussi, il convient de considérer que l'accord [T], pour ses dispositions étendues, est applicable à la SAS SHC, et puisque le salaire de Mme [G] ne dépassait pas 1,4 fois le SMIC, la part mise à la charge de l'employeur par l'accord [T], soit la somme de 100? par mois, lui est due, sans que l'employeur ne justifie de lui avoir versée. Il convient donc de dire que le salaire mensuel brut de Mme [G], fixé à 1 698,34? au dernier état de la relation contractuelle, doit être augmenté de 100?, pour être porté à la somme de 1 798,34? » ;

ET QUE « Puisqu'il a été dit ci avant que la prime [T], d'un montant de 100? par mois, était due par la SAS SHC, il convient de l'intégrer dans le salaire mensuel brut, le portant à la somme de 1 798,34?. Aussi, l'indemnité sera fixée comme suit : 90 mois X 1 798,34? = 161 850,60? » ;

1. ALORS QUE l'arrêté d'extension du ministre du travail a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d'application professionnel et territorial dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l'accord ; qu'en conséquence, en cas de litige sur l'applicabilité d'un accord étendu dans une entreprise, il appartient au juge de rechercher, au besoin en ordonnant les mesures d'instruction qu'il estime utile, si l'employeur est affilié à une organisation patronale signataire de cet accord ou si une des organisations patronales signataires est représentative dans le secteur d'activité dont relève l'entreprise ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'il « convient de considérer que l'accord [T] est applicable à la société SHC » dès lors que « la société SHC ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle ne relève pas d'une des organisations patronales représentatives du secteur d'activité signataire de cet accord et qu'elle n'est pas adhérente d'une organisation patronale signataire de ce même accord », la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2222-1, L. 2261-15, L. 2261-19 et L. 2261-27 du code du travail ;

2. ALORS QUE l'arrêté d'extension du ministre du travail a pour effet de rendre obligatoires les dispositions d'un accord professionnel ou interprofessionnel pour tous les employeurs compris dans son champ d'application professionnel et territorial dont les organisations patronales sont représentatives à la date de la signature de l'accord ; qu'en considérant que l'accord collectif [T] est applicable à la société SHC, sans constater que la société SHC est adhérente de l'une des organisations patronales signataires de cet accord ou qu'une organisation patronale représentative dans le secteur de l'hôtellerie dont relève la société SHC est signataire de cet accord ou adhérente de l'une des organisations patronales signataires de cet accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2222-1, L. 2261-15, L. 2261-19 et L. 2261-27 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société Hôtelière du Chablais à payer à Mme [G] la somme de 161.850,60 euros à titre d'indemnisation pour violation de son statut protecteur ;

AUX MOTIFS QUE « Il est admis par les parties que Mme [G] bénéficiait d'un statut protecteur lors de son licenciement, en sa qualité de candidate, puis d'élue au comité d'entreprise, et en vertu des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, et que la SAS SHC n'a pas sollicité l'autorisation de la licencier auprès de l'inspecteur du travail, violant ainsi le statut protecteur. La nullité du licenciement n'est plus formellement contestée par la SAS SHC, le jugement sera donc confirmé sur ce point. Sur proposition de la SAS SHC, Mme [G] a signé un avenant à son contrat de travail, prenant effet le 1er mai 2017, et visant à sa réintégration dans l'entreprise, contrat produit aux débats. Il convient de dire que tout licenciement d'un salarié protégé sans autorisation de l'inspection du travail, ou malgré un refus d'autorisation, est nul et sans effet, ainsi, le salarié a le droit de demander sa réintégration ou à défaut une indemnisation, sachant que la demande de réintégration formulée par le salarié s'impose à l'employeur, sauf impossibilité absolue. Lorsqu'un salarié sollicite sa réintégration pendant la période de protection, il peut prétendre à l'indemnisation des salaires perdus entre la date de la rupture et celle de sa réintégration. S'il ne demande pas sa réintégration, il a droit à une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur, qui s'ajoute à l'indemnisation pour nullité du licenciement. Mme [G] sollicite le paiement de l'intégralité des salaires perdus entre le 26 octobre 2009 et la veille de sa réintégration, le 30 avril 2017, soit la somme de 152 850,60?, outre 15 285,06? au titre des congés payés afférents. La SAS SHC admet avoir licencié la salariée en méconnaissance de son statut protecteur, mais elle soutient ne lui être est redevable que de la somme de 46 696,10?, correspondant à 30 mois de salaires. Il s'avère que l'indemnisation couvrant la période allant du licenciement jusqu'à l'expiration du mandat du salarié, dans la limite de 2 ans de mandat et 6 mois de protection post mandat, sur laquelle l'employeur se base pour son calcul, ne s'applique que si le salarié n'a pas demandé sa réintégration, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, puisque Mme [G] a valablement sollicité sa réintégration depuis le 1er octobre 2010, demande à laquelle la SAS SHC n'a fait droit qu'à compter du 1er mai 2017, il convient de la condamner au paiement d'une indemnisation, dont le montant sera égal aux salaires que Mme [G] aurait perçus depuis la date de son licenciement, le 5 décembre 2009, jusqu'à la date de la réintégration effective, ce qui correspond à une durée totale de 89 mois. Mme [G] sollicite le paiement de la somme de 152 850,60? pour 90 mois, et en prenant comme salaire de référence 1 698,34?. Elle sollicite en outre le paiement de la prime [T], sur 90 mois également, soit la somme de 9 000?. Le total de ses demandes s'élève donc à la somme de 161 850,60?. Puis qu'il a été dit ci avant que la prime [T], d'un montant de 100? par mois, était due par la SAS SHC, il convient de l'intégrer dans le salaire mensuel brut, le portant à la somme de 1 798,34?. Aussi, l'indemnité sera fixée comme suit : 90 mois X 1 798,34? = 161 850,60? » ;

1. ALORS QU' en cas de nullité du licenciement, le salarié qui obtient sa réintégration ne peut prétendre aux indemnités de rupture ; qu'en l'espèce, la société SHC soutenait que Mme [G], qui avait été rémunérée pendant la durée du préavis dont elle avait été dispensée, jusqu'au 10 février 2010, et avait été effectivement réintégrée le 1er mai 2017, ne pouvait prétendre au paiement, du titre de la violation du statut protecteur, qu'à une indemnité courant à compter du 10 février 2010 ; qu'en retenant cependant que l'indemnité due au titre du statut protecteur correspond aux salaires courant entre le 5 décembre 2009, date du licenciement et la date de la réintégration effective de la salariée, la cour d'appel a ainsi implicitement reconnu à la salariée le droit de conserver l'indemnité compensatrice de préavis perçue à l'occasion de son licenciement et qui était devenue sans cause du fait de l'effacement des effets du licenciement ; qu'elle a en conséquence violé les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

2. ALORS QU'il ressort des constatations de la cour d'appel que l'indemnité à laquelle Mme [G] pouvait prétendre, au titre de la violation du statut protecteur, correspond à 89 mois de salaires ; qu'en lui accordant néanmoins une indemnité fixée à 90 fois son salaire mensuel, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.

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