12 mai 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.596

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00409

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Contribution exceptionnelle sur la fortune - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Article 1er du premier protocole additionnel - Compatibilité - Applications diverses - Contribution dépassant le montant des revenus du contribuable

C'est à bon droit qu'un arrêt énonce que le seul fait que le montant de la contribution exceptionnelle sur la fortune, instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, dépasse le montant des revenus du contribuable ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt, puisqu'à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, et en déduit que doit également être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 mai 2021




Rejet


Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président



Arrêt n° 409 F-P

Pourvoi n° D 20-14.596







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021

M. [I] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-14.596 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] et du département de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,

2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [R], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] et du département de [Localité 2], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 janvier 2020), M. [R] s'est acquitté, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son caractère rétroactif et de l'absence de tout dispositif de plafonnement, il en a demandé le remboursement. Après rejet de sa réclamation, il a assigné l'administration fiscale pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

2. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a vocation à protéger des droits, non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ; qu'il ressort, tant de l'économie même de l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, que des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, qu'en instaurant au titre de l'année 2012 une contribution exceptionnelle sur la fortune dont l'assiette était établie en fonction de la valeur nette du patrimoine du contribuable au 1er janvier 2012 et, ainsi, calquée sur celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le barème progressif était identique à celui qui s'était appliqué pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2011, et dont le paiement devait être effectué après imputation du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune acquitté au titre de l'année 2012 et selon les mêmes procédures, garanties et privilèges, le législateur a entendu rétroactivement annihiler l'allégement d'imposition accordé sous la précédente législature et porter le niveau de l'imposition sur la fortune des redevables concernés au titre de 2012 au niveau qui se serait appliqué si le barème antérieur à la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait été conservé ; qu'il suit de là que cette contribution exceptionnelle sur la fortune n'est pas économiquement distincte de l'impôt de solidarité sur la fortune et qu'elle n'a eu d'autre objet que de permettre une élévation rétroactive du montant de cet impôt ; que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'instauration en cours d'année de la contribution exceptionnelle sur la fortune avait porté atteinte, sans motif d'intérêt général suffisant, à l'espérance légitime des contribuables ayant acquitté l'ISF de l'année 2012 d'être libérés de ce fait de toute imposition sur leur patrimoine au titre de la même année, la cour d'appel a retenu que cette contribution exceptionnelle était une imposition autonome de l'impôt de solidarité sur la fortune, puisque son fait générateur était la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 et que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012 n'étaient imposables qu'à raison de leur patrimoine situé en France ; qu'en se déterminant ainsi au regard de l'apparence d'autonomie conférée par le législateur à cette contribution, quand il lui appartenait de rechercher si l'effet économique poursuivi ? et atteint ? par le législateur au travers de l'instauration de cette contribution exceptionnelle n'avait pas été de taxer une seconde fois le patrimoine du contribuable dans sa consistance au 1er janvier 2012, au mépris de l'attente légitime des contribuables d'être libérés de toute imposition sur leur patrimoine au titre de la même année par l'acquittement de l'ISF, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. »

Réponse de la Cour

3. L'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas, en tant que telle, l'application rétroactive d'une loi fiscale.

4. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l'exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l'année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s'analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à la date de l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal.

5. En outre, l'acquittement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l'année 2012, par des contribuables auxquels l'allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt, a été accordé sans contrepartie, n'a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu'aucun supplément d'imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. M. [R] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'aux fins de déterminer si l'imposition à laquelle un contribuable a été assujetti a revêtu un caractère confiscatoire et a, par-là, méconnu le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la protection du droit fondamental de chaque individu au respect de ses biens, il appartient au juge de se livrer à une appréciation concrète de la situation particulière du contribuable concerné et de rechercher si celui-ci a subi une captation fiscale supérieure à l'intégralité des revenus dont il a disposé ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir que la somme des impositions dont il s'était acquitté au titre de l'impôt sur ses revenus de l'année 2011 exigible en 2012, de l'impôt de solidarité sur la fortune 2012 et de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, s'était élevée à 13 475 927 euros, soit 114,83 % des revenus nets dont il avait disposé au cours de l'année 2011, ce dont il résultait que, du fait de l'instauration par l'article 4 de la loi du 16 août 2012 de cette contribution exceptionnelle sur la fortune non plafonnée assise sur la valeur de son patrimoine au 1er janvier 2012, il avait subi une imposition confiscatoire ; que, pour rejeter ce moyen, la cour d'appel a énoncé qu'en instituant une contribution exceptionnelle sur la fortune, le législateur avait entendu mettre en place une imposition différentielle par rapport à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2012, qu'il avait établi l'assiette de cette contribution selon les règles relatives à l'assiette de cet impôt et retenu des tranches et des taux d'imposition qui assurent la progressivité de ces impositions, tenant par-là compte des facultés contributives "de chacun des redevables" ; que la cour a ajouté que l'absence d'un mécanisme de plafonnement ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'une imposition dont l'objet est de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine indépendamment des revenus du contribuable, que l'application de taux proportionnels, puis la déduction du montant de l'ISF, confèrent à l'imposition litigieuse une proportionnalité conforme aux dispositions conventionnelles invoquées, de sorte que cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur "les contribuables" ; qu'en se prononçant par de tels motifs, inopérants en tant qu'ils relèvent d'un contrôle abstrait et général assimilable au contrôle de constitutionnalité des lois fiscales, quand il lui appartenait de rechercher si l'application concrète de la contribution exceptionnelle sur la fortune à M. [R] n'avait pas fait subir à ce dernier une captation fiscale confiscatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'une imposition est confiscatoire et, comme telle, contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsqu'elle excède l'ensemble des revenus d'activité et du patrimoine permettant au contribuable de s'en acquitter et contraint ce dernier à l'aliénation de tout ou partie de son patrimoine ; qu'à cet égard, il importe peu que l'imposition en cause ait été assise sur le patrimoine indépendamment des revenus qu'il procure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. [R] s'était acquitté au titre des revenus perçus en 2011 et de l'imposition de son patrimoine au 1er janvier 2012 d'une imposition totale correspondant à 114,83 % de ses revenus disponibles et qu'il avait donc dû, du fait de l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune, procéder à la cession d'une partie de son patrimoine ; qu'en déniant néanmoins tout caractère confiscatoire à l'imposition litigieuse, aux motifs inopérants que le montant de la contribution payée n'avait représenté qu'environ 1,30 % du patrimoine imposable de M. [R] et que s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus du contribuable sous peine de faire dépendre le niveau de taxation des choix de gestion des redevables, qui pourraient ainsi privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique la liberté de tout sujet de droit d'organiser et de gérer son patrimoine comme bon lui semble, de sorte que, sous la réserve de ne point commettre d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le contribuable n'est jamais tenu d'effectuer les choix de gestion patrimoniale propres à maximiser ses revenus et les ressources fiscales de l'Etat ; que, pour juger que M. [R] n'était pas fondé à soutenir que le caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle il avait été assujetti par l'effet de l'article 4 de la loi du 16 août 2012 aurait dû s'apprécier au regard du seul rapport entre son montant et celui des revenus dont il avait disposé pour pouvoir s'en acquitter, la cour d'appel a énoncé que, s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne doit pas s'apprécier par rapport aux seuls revenus, sous peine de faire dépendre le niveau de taxation des choix de gestion des redevables, qui pourraient privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, et en a déduit que si l'organisation du patrimoine de M. [R] relevait de sa liberté de choix, elle ne devait pas conduire à réduire une imposition fondée sur la détention d'un patrimoine ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que le seul fait que le montant de la CEF dépasse le montant des revenus du contribuable ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt, puisqu'à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, et en déduit que doit également être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine.

9. En second lieu, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que M. [R] indique s'être acquitté d'une CEF d'un montant de 5 854 531 euros, après imputation de l'ISF d'un montant de 2 281 641 euros, qu'il a perçu au titre de l'année 2011 des revenus d'un montant de 11 735 739 euros et que la valeur brute de son patrimoine s'élevait au 1er janvier 2012 à 630 487 023 euros, de sorte que le montant de la contribution litigieuse payée représente environ 1,30 % de son patrimoine imposable.

10. En l'état de ces seuls motifs, dont il résulte que le paiement de la CEF n'avait pas constitué, pour M. [R], une charge excessive au regard de sa situation financière, la cour d'appel a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Le moyen, inopérant en sa première branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'[Localité 1] et du département de [Localité 2], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. [R].

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. [I] [R] de ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2015 de rejet de sa réclamation contentieuse et au prononcé du dégrèvement de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2012 à hauteur de 5.854.531 euros, assorti des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

AUX MOTIFS QUE l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. » ;

Qu'il en résulte que les Etats doivent veiller à maintenir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et la préservation du droit de propriété ; que la charge imposée aux contribuables ne doit pas être excessive ou porter fondamentalement atteinte à leur situation financière ; que tel n'est pas le cas si l'imposition revêt un caractère confiscatoire ;

Que ce caractère doit être apprécié en fonction des caractéristiques de l'imposition litigieuse ;

Que, s'agissant d'une imposition sur le patrimoine lui-même et non sur les revenus, doit être pris en compte l'ensemble des biens et droits des contribuables y compris ceux non productifs de revenus ; que la capacité contributive s'entend de celle que confère au redevable la détention d'un ensemble de biens et de droits ;

Qu'en instituant une contribution exceptionnelle ? donc non pérenne ? sur la fortune, le législateur a entendu mettre en place une imposition différentielle par rapport à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2012 ; qu'il a établi l'assiette de cette contribution selon les règles relatives à l'assiette de cet impôt ; qu'il a retenu des tranches et des taux d'imposition qui assurent, en prenant en compte à la fois la contribution exceptionnelle et l'impôt de solidarité sur la fortune, la progressivité de ces impositions acquittées en 2012 au titre de la détention d'un ensemble de biens et de droits ;

Qu'il est ainsi tenu compte des facultés contributives de chacun des redevables ;

Qu'aucun dispositif de plafonnement ? qui tend à éviter que le total des impôts payés au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu excède un certain seuil- n'est prévu ;

Que l'absence d'un tel mécanisme ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'une imposition qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine indépendamment des revenus du contribuable ;

Que cette contribution est établie après déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 ; qu'est déduit le montant brut de cet impôt sans remettre en cause les réductions imputées par le contribuable sur l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en outre, le droit à restitution ? le « bouclier fiscal » ? acquis au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due en 2012 ;

Que, dans ces conditions, la déduction de l'ISF acquitté en juin 2012 du montant de la CEF, exigible en novembre 2012, constitue, quels que soient ses motifs, en pratique « une limitation des effets de la CEF » ;

Que, par conséquent, l'application de taux proportionnels puis la déduction du montant de l'ISF confèrent à l'imposition litigieuse une proportionnalité conforme aux dispositions invoquées ; que, de ce chef, cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur les contribuables ;

Que cette disposition maintient ainsi un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont fait partie le droit de propriété ; qu'elle ne confère pas, en tant que telle, un caractère confiscatoire à l'imposition ; qu'elle ne méconnait pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Que l'absence de période transitoire permettant aux contribuables de s'adapter au nouveau régime ne revêt aucun caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi et n'a pas pour conséquence ? notamment car s'agissant d'une imposition sur le patrimoine ? de constituer une atteinte déraisonnable aux « espérances protégées » par l'article 1 invoqué ;

Que la CEF ne revêt donc pas, en tant que telle, un caractère confiscatoire entraînant son inconventionnalité ;

Qu'il est constant que M. [R] s'est acquitté au titre des revenus perçus en 2011 et de l'imposition de son patrimoine d'une imposition totale correspondant à 114,83% de ses revenus disponibles ; qu'il a donc dû, du fait de la CEF, procéder à la cession d'une partie de son patrimoine ;

Mais considérant que la valeur brute de son patrimoine s'élevait au 1er janvier 2012 à 630.487.023 euros ; que le montant de la contribution litigieuse payée représente environ 1,30% de son patrimoine imposable ;

Que, s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus ;

Qu'à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables ;

Que doit donc être prise en compte, pour apprécier le caractère excessif ou confiscatoire d'un impôt sur le patrimoine, la capacité contributive conférée au redevable par la détention des biens et droits composant ce patrimoine sans que soient retenus ses seuls revenus ;

Que la seule circonstance que le paiement de la contribution absorbe les revenus imposables du contribuable ne suffit donc pas à établir le caractère confiscatoire de l'imposition ; que doit être pris en considération l'impact effectif de l'imposition sur la consistance même du patrimoine ;

Que si l'organisation du patrimoine de M. [R] relève de sa liberté de choix, elle ne doit pas conduire à réduire une imposition fondée sur la détention d'un patrimoine ;

Que ses revenus imposables ne sont donc pas significatifs de ses capacités contributives ;

Qu'en conséquence, M. [R] ne démontre pas, au vu de l'ensemble de ces éléments, que cette contribution, exceptionnelle, lui a imposé une charge excessive et, revêtant un caractère confiscatoire, a porté fondamentalement atteinte à sa situation financière ;

Que cette contribution n'a donc pas rompu en ce qui le concerne le juste équilibre prescrit, notamment par l'article 1er du protocole précité, entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde de leurs droits fondamentaux ;

Que le moyen tiré du caractère confiscatoire de la Contribution exceptionnelle sur la fortune et de l'imposition due par M. [R] sera écarté ;

Sur l'atteinte à l'espérance légitime et le caractère rétroactif de la CEF :

Que le législateur ne saurait, sans motif légitime d'intérêt général suffisant, remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de situations légalement acquises ;

Que tel pourrait être le cas de la CEF si elle avait pour effet de remettre en cause la situation du contribuable qui pouvait s'estimer, avant son entrée en vigueur, libéré de tout impôt sur son patrimoine détenu au 1er janvier 2012 ;

Qu'une telle remise en cause suppose donc que, comme le soutiennent les appelants, « la CEF n'est en rien autonome et distincte de l'ISF » ;

Que les règles concernant les biens imposables, les exonérations, l'estimation de la valeur des biens et la déduction du passif sont identiques ; que la date retenue pour déterminer la valeur de cette assiette est identique ;

Mais considérant que le fait générateur de l'imposition est la situation du contribuable à l'entrée en vigueur de la loi ; que, dès lors, la situation des contribuables assujettis à l'ISF dont la situation personnelle aura changé avant cette date- ou celle de la présentation du texte- sera différente ; que seuls en sont redevables les contribuables en vie à la date de son effet générateur et non leurs héritiers ; que son assiette est calculée différemment en cas de départ à l'étranger du contribuable entre le 1er janvier 2012 et la date de présentation du texte ;

Que cette contribution, exceptionnelle, constitue donc une taxe différentielle qui ne se confond pas avec l'ISF ;

Que l'évolution postérieure de l'ISF n'est pas de nature à remettre en cause le caractère spécifique de cette contribution ;

Que, comme l'a décidé le Conseil constitutionnel, cette imposition ne revêt donc aucun caractère rétroactif et n'affecte pas une situation légalement acquise étant précisé que la décision, postérieure, du Conseil constitutionnel sur la Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne peut être transposée, s'agissant d'un impôt dont l'assiette est différente ;

Que ce moyen sera rejeté

1. ALORS, de première part, QU'AUX fins de déterminer si l'imposition à laquelle un contribuable a été assujetti a revêtu un caractère confiscatoire et a, par-là, méconnu le juste équilibre requis entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la protection du droit fondamental de chaque individu au respect de ses biens, il appartient au juge de se livrer à une appréciation concrète de la situation particulière du contribuable concerné et de rechercher si celui-ci a subi une captation fiscale supérieure à l'intégralité des revenus dont il a disposé ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir que la somme des impositions dont il s'était acquitté au titre de l'impôt sur ses revenus de l'année 2011 exigible en 2012, de l'impôt de solidarité sur la fortune 2012 et de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, s'était élevée à 13.475.927 euros, soit 114,83 % des revenus nets dont il avait disposé au cours de l'année 2011, ce dont il résultait que, du fait de l'instauration par l'article 4 de la loi du 16 août 2012 de cette contribution exceptionnelle sur la fortune non plafonnée assise sur la valeur de son patrimoine au 1er janvier 2012, il avait subi une imposition confiscatoire ; que, pour rejeter ce moyen, la cour d'appel a énoncé qu'en instituant une contribution exceptionnelle sur la fortune, le législateur avait entendu mettre en place une imposition différentielle par rapport à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2012, qu'il avait établi l'assiette de cette contribution selon les règles relatives à l'assiette de cet impôt et retenu des tranches et des taux d'imposition qui assurent la progressivité de ces impositions, tenant par-là compte des facultés contributives « de chacun des redevables » ; que la cour a ajouté que l'absence d'un mécanisme de plafonnement ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire d'une imposition dont l'objet est de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine indépendamment des revenus du contribuable, que l'application de taux proportionnels, puis la déduction du montant de l'ISF, confèrent à l'imposition litigieuse une proportionnalité conforme aux dispositions conventionnelles invoquées, de sorte que cette contribution ne peut être regardée comme faisant peser une charge excessive sur « les contribuables » ; qu'en se prononçant par de tels motifs, inopérants en tant qu'ils relèvent d'un contrôle abstrait et général assimilable au contrôle de constitutionnalité des lois fiscales, quand il lui appartenait de rechercher si l'application concrète de la contribution exceptionnelle sur la fortune à M. [I] [R] n'avait pas fait subir à ce dernier une captation fiscale confiscatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2. ALORS, de deuxième part, QU'UNE imposition est confiscatoire et, comme telle, contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsqu'elle excède l'ensemble des revenus d'activité et du patrimoine permettant au contribuable de s'en acquitter et contraint ce dernier à l'aliénation de tout ou partie de son patrimoine ; qu'à cet égard, il importe peu que l'imposition en cause ait été assise sur le patrimoine indépendamment des revenus qu'il procure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. [R] s'était acquitté au titre des revenus perçus en 2011 et de l'imposition de son patrimoine au 1er janvier 2012 d'une imposition totale correspondant à 114,83 % de ses revenus disponibles et qu'il avait donc dû, du fait de l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune, procéder à la cession d'une partie de son patrimoine ; qu'en déniant néanmoins tout caractère confiscatoire à l'imposition litigieuse, aux motifs inopérants que le montant de la contribution payée n'avait représenté qu'environ 1,30% du patrimoine imposable de M. [R] et que s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne s'apprécie pas par rapport aux seuls revenus du contribuable sous peine de faire dépendre le niveau de taxation des choix de gestion des redevables, qui pourraient ainsi privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. ALORS, en toute hypothèse, QUE le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique la liberté de tout sujet de droit d'organiser et de gérer son patrimoine comme bon lui semble, de sorte que, sous la réserve de ne point commettre d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le contribuable n'est jamais tenu d'effectuer les choix de gestion patrimoniale propres à maximiser ses revenus et les ressources fiscales de l'Etat ; que, pour juger que M. [R] n'était pas fondé à soutenir que le caractère confiscatoire de la contribution exceptionnelle sur la fortune à laquelle il avait été assujetti par l'effet de l'article 4 de la loi du 16 août 2012 aurait dû s'apprécier au regard du seul rapport entre son montant et celui des revenus dont il avait disposé pour pouvoir s'en acquitter, la cour d'appel a énoncé que, s'agissant d'une imposition du patrimoine, la capacité contributive ne doit pas s'apprécier par rapport aux seuls revenus, sous peine de faire dépendre le niveau de taxation des choix de gestion des redevables, qui pourraient privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, et en a déduit que si l'organisation du patrimoine de M. [R] relevait de sa liberté de choix, elle ne devait pas conduire à réduire une imposition fondée sur la détention d'un patrimoine ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. ALORS, ensuite, QUE la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales a vocation à protéger des droits, non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ; qu'il ressort, tant de l'économie même de l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, que des travaux parlementaires ayant précédé son adoption, qu'en instaurant au titre de l'année 2012 une contribution exceptionnelle sur la fortune dont l'assiette était établie en fonction de la valeur nette du patrimoine du contribuable au 1er janvier 2012 et, ainsi, calquée sur celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le barème progressif était identique à celui qui s'était appliqué pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de 2011, et dont le paiement devait être effectué après imputation du montant de l'impôt de solidarité sur la fortune acquitté au titre de l'année 2012 et selon les mêmes procédures, garanties et privilèges, le législateur a entendu rétroactivement annihiler l'allègement d'imposition accordé sous la précédente législature et porter le niveau de l'imposition sur la fortune des redevables concernés au titre de 2012 au niveau qui se serait appliqué si le barème antérieur à la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait été conservé ; qu'il suit de là que cette contribution exceptionnelle sur la fortune n'est pas économiquement distincte de l'impôt de solidarité sur la fortune et qu'elle n'a eu d'autre objet que de permettre une élévation rétroactive du montant de cet impôt ; que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'instauration en cours d'année de la contribution exceptionnelle sur la fortune avait porté atteinte, sans motif d'intérêt général suffisant, à l'espérance légitime des contribuables ayant acquitté l'ISF de l'année 2012 d'être libérés de ce fait de toute imposition sur leur patrimoine au titre de la même année, la cour d'appel a retenu que cette contribution exceptionnelle était une imposition autonome de l'impôt de solidarité sur la fortune, puisque son fait générateur était la situation du contribuable à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 et que les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012 n'étaient imposables qu'à raison de leur patrimoine situé en France ; qu'en se déterminant ainsi au regard de l'apparence d'autonomie conférée par le législateur à cette contribution, quand il lui appartenait de rechercher si l'effet économique poursuivi ? et atteint ? par le législateur au travers de l'instauration de cette contribution exceptionnelle n'avait pas été de taxer une seconde fois le patrimoine du contribuable dans sa consistance au 1er janvier 2012, au mépris de l'attente légitime des contribuables d'être libérés de toute imposition sur leur patrimoine au titre de la même année par l'acquittement de l'ISF, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

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