8 avril 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-21.400

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO10180

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 avril 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10180 F

Pourvoi n° D 19-21.400







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 AVRIL 2021

La société Armoric system express (ASE), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 19-21.400 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Ciblex France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Geodis Ciblex, défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Armoric system express, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ciblex France, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 février 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Armoric system express aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Armoric system express et la condamne à payer à la société Ciblex France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Armoric system express.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté comme non fondées les demandes de la société ARMORIC SYSTEM EXPRESS visant à ce que la société CIBLEX, anciennement GEODIS CIBLEX soit condamnée à l'indemniser du préjudice né du travail à perte ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « conformément à l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 16 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; Qu'en l'espèce, il est constant que les tarifs pratiqués sont ceux qui ont été proposés par ASE le 25 novembre 2011 et que Ciblex a acceptés le même jour (pièce Ciblex n° 8) ; qu'ASE ne démontre ni que Ciblex lui aurait imposé ces tarifs, ni qu'ils auraient été proposés quelques jours plus tôt par la société ASE elle-même étaient propres à faire travailler ASE à perte ; que l'appelante ne justifie pas que les grilles de tarifs proposées par elle et acceptées par la société Ciblex seraient le résultat de négociations au cours desquelles cette dernière lui aurait imposé des prix abusivement bas ; que, de même, ainsi que l'a justement retenu le jugement entrepris dont la cour adopte sur ce point les motifs, les analyses d'experts comptables versées aux débats (pièces ASE n° 7 et 19) n'établissent pas l'origine des pertes d'exploitation d'ASE dont il n'est dès lors nullement démontré qu'elle résulte de sa seule activité avec Ciblex ; qu'enfin, c'est en vain qu'ASE prétend que Ciblex aurait reconnu qu'ASE travaillait à perte ("vous ne pouvez raisonnablement travailler à perte''' - pièce ASE n° 6), Ciblex se bornant, dans sa lettre à ASE du 25 juillet 2012, à répondre à une menace de poursuite des conseils d'ASE pour non-respect de l'interdiction de travail à perte (pièce Ciblex n° 33) et à contester l'existence d'un quelconque travail à perte ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté ASE de sa demande sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le Tribunal observe que la société ASE expose qu'elle a dû exécuter à perte les prestations de transport que lui confiait la société CIBLEX et que les moyens qui soutiennent ses prétentions seraient justifiés à la fois par les pertes financières au bilan de la société ASE des exercices concernés et également par la modification sans revalorisation du prix des conditions d'exécution de ces prestations. Les pertes réalisées font l'objet d'une attestation de l'expert comptable mais aucun détail d'exploitation des lignes de transport concernées n'est produit pour justifier que les coûts engagés seraient supérieurs au prix contractuel. Il est à noter que les prix ont été négociés et acceptés par la société ASE. Attendu que le Tribunal considère des lors que la simple attestation de l'expert-comptable ne peut prouver que les pertes subies par la société ASE seraient exclusivement liées aux prix de transport que la société CIBLEX a négocié avec la société ASE. La rentabilité d'une entreprise dépend de nombreux autres éléments que ceux liés au prix de vente de ses prestations et que, dans le cas de cette instance, aucune décomposition de prix probante n'est produite ; que la société ASE ne prouve pas que ses pertes financières sont exclusivement imputables à la société CIBLEX et engagent sa responsabilité, Attendu, en conséquence, que le Tribunal déboutera la société ASE de ses demandes de dommages et intérêts liés à la faute qu'aurait commis la société CIBLEX » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'au cas d'espèce, dans sa lettre du 25 juillet 2012, la société CIBLEX justifiait la résiliation immédiate des contrats en cours par la circonstance que les parties n'avaient pu s'accorder sur une juste rémunération et écrivait « Après consultation de l'ensemble des équipes internes concernant notre relation, il s'avère que nous n'avons pas d'autre choix que de cesser notre collaboration au plus tôt pour mettre un terme à une situation devenue inextricable. En effet, malgré nos efforts respectifs pour maintenir notre relation commerciale, il est à présent évident que la situation n'est ni salutaire ni pour vous ni pour nous : nous ne pouvons raisonnablement accéder à vos demandes de hausse tarifaires et vous ne pouvez raisonnablement travailler à perte » ; qu'aucune ambiguïté ne résultait de ces termes ; qu'en décidant dès lors que, dans cette lettre la société CIBLEX n'admettait pas l'existence d'un travail à perte de la société ASE mais se bornait « à répondre à une menace de poursuite des conseils d'ASE pour non-respect de l'interdiction de travail à perte (pièce Ciblex n° 33) et à contester l'existence d'un quelconque travail à perte », la Cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, tout jugement doit être motivé ; que si les juges du second degré sont autorisés à adopter les motifs des premiers juges, c'est à la condition que les éléments invoqués en cause d'appel soient identiques à ceux invoqués en première instance ; qu'au cas d'espèce, dans la mesure où les premiers juges avaient estimé que l'attestation comptable qu'elle avait produite était insuffisamment détaillée, la société ASE a produit, devant la Cour d'appel, une nouvelle attestation comptable très détaillée ; qu'en se bornant à adopter les motifs des premiers juges, qui avaient écarté les prétentions de la société ASE à raison de l'absence de précision du seul document produit devant eux, quand un nouveau document était produit, la Cour a violé les articles 455 et 463 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et en tout cas, en statuant comme elle l'a fait sans examiner au moins succinctement les nouveaux éléments de preuve proposés par la société ASE en cause d'appel, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 463 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en matière de transport de marchandises, le donneur d'ordres est tenu de rémunérer le sous-traitant par un prix permettant de couvrir les charges directes et indirectes auxquelles il est confronté pour les besoins de l'exécution de ce contrat ; que cette obligation s'impose, même si le donneur d'ordres n'a pas déterminé unilatéralement le prix des prestations ; qu'en retenant, pour écarter la demande de la société ASE, que celle-ci ne démontre pas que la société CIBLEX FRANCE lui aurait imposé ces tarifs, la Cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992, ensemble l'article 10 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ;

ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, et de la même manière, en retenant, pour écarter la demande de la société ASE, que celle-ci ne démontre pas que la société CIBLEX FRANCE lui aurait imposé ces tarifs, la Cour d'appel a violé l'article L. 3221-1 du Code des transports, ensemble l'article 10 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ;

ALORS QUE, SIXIEMEMENT, en retenant que la société ASE ne démontre pas que la société CIBLEX FRANCE lui aurait imposé les tarifs des prestations, sans s'expliquer sur la circonstance que le contrat du 8 mars 2010 n'a pas été négocié par la société ASE et que les tarifs qu'il retient ont été repris dans le contrat du 8 mars 2010, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992, ensemble l'article 10 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ;

ALORS QUE, SEPTIEMEMENT, en retenant que la société ASE ne démontre pas que la société CIBLEX FRANCE lui aurait imposé les tarifs des prestations, sans analyser, fut-ce sommairement, le rapport d'audit réalisé par la société CIBLEX et qui énonce, s'agissant de la société ASE, que son activité auprès de la société CIBLEX représente de 70 % à 80 % de son chiffre d'affaire, que les « tarifs [sont] figés depuis 3 ans (pas de possibilité de négocier quoi que ce soit avec l'interlocuteur à Nantes, menace de retirer le trafic dès les premières revendications ou si refus des conditions tarifaires imposées) » et que les circonstances nouvelles ne sont pas prises en compte dans la facturation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, HUITIEMEMENT, en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société ASE qui soutenait qu'au-delà des tarifs fixés, l'absence de rémunération par un prix lui permettant de couvrir les charges directes et indirectes résultait de ce que la société CIBLEX l'avait contrainte à acquérir des véhicules et à recruter du personnel, pour les besoins de l'exécution des contrats de sous-traitance, et ce sans contrepartie, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté comme non fondées les demandes de la société ARMORIC SYSTEM EXPRESS visant à ce que la société CIBLEX, anciennement GEODIS CIBLEX soit condamnée à l'indemniser du préjudice né de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel où personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure" ; Considérant qu'ASE a fait connaître à Ciblex, le 27 février 2012, sa décision de ne plus assurer, à compter du lendemain, les livraisons de nuit sur les villes de Piouay, Gourin, Le Faouët, Guémené sur Scorff et Buhry, décision dont Ciblex a pris acte le 28 février 2012 ; qu'ASE a refusé de poursuivre l'exécution de la prestation d'axe Nantes/Vannes ; que, le 3 avril 2012, ASE a unilatéralement cessé les prestations Forfait Accueil Lorient et Logistique ; Que, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 juillet 2012, Ciblex a résilié l'ensemble des contrats en cours liant les deux sociétés, à effet du 31 juillet 2012 ; Considérant qu'ASE a, à plusieurs reprises, mis en cause son donneur d'ordre comme étant à l'origine de ses difficultés économiques ; que, par ailleurs, Ciblex a invoqué la dégradation des prestations d'ASE tenant à l'abandon de services sans préavis, à des défaillances dans l'exécution des transports telles qu'énumérées par Ciblex dans sa lettre en date du 25 mai 2012 et auxquelles ASE n'oppose aucun élément (taux de service insuffisant, non-respect des délais de livraison et des livraisons avant 9 heures - pièce Ciblex n° 32) et à la violation de dispositions légales (non-respect de l'obligation de double équipage pour les livraisons de nuit sur le Morbihan Est) ; que, compte tenu de ces manquements, et de l'altération de la relation cie-confiance entre les parties qu'ils ont nécessairement occasionnée, la société Ciblex était autorisée à interrompre la relation sans préavis ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté ASE de ses demandes fondées sur l'article L 442-615° » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, engage sa responsabilité l'entreprise qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que la rupture sans préavis, ou sans préavis suffisant ne peut être justifiée que par des manquement suffisamment graves ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la société ASE, sur divers manquements invoqués par la société CIBLEX FRANCE, sans avoir constaté que ceux-ci étaient suffisamment graves pour justifier une rupture sans préavis de la relation contractuelle établie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la société ASE, sur divers manquements invoqués par la société CIBLEX FRANCE et notamment sur l'arrêt des prestations, sans rechercher comme il le lui était demandé, si l'arrêt des prestations visées en cause n'était pas imputable à la société CIBLEX ou ne s'était pas réalisé avec son accord, excluant tout manquement de la société ASE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la société ASE, sur divers manquements invoqués par la société CIBLEX FRANCE, sans rechercher comme il le lui était demandé, si le fait que ces manquements ne concernaient qu'une partie des prestations confiées à la société ASE, que la société CIBLEX FRANCE avait laissé passer plusieurs mois avant de procéder à la résiliation immédiate de l'ensemble des contrats et que la lettre de résiliation immédiate ne mentionnait aucun de ces manquements n'excluait pas qu'ils soient qualifiés de manquements suffisamment graves pour justifier une rupture sans préavis de la relation contractuelle établie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

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