31 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-15.381

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO10171

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Décision n° 10171 F

Pourvoi n° M 19-15.381




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 31 MARS 2021

La société BD Product, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-15.381 contre l'arrêt rendu le 13 février 2019 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. H... I..., domicilié [...], [...] (Suisse),

2°/ à l'entreprise individuelle [...] ,

3°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, venant aux droits de l'entreprise individuelle [...] ,

4°/ à la société AB Product, société à responsabilité limitée,

Toutes trois ayant leur siège [...], [...] (Suisse)

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BD Product, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. I..., de l'Entreprise individuelle [...] , de la société [...] , de la société AB Product, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BD Product aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BD Product et la condamne à payer à M. I..., la société AB Product et la société [...] , venant aux droits de l'entreprise individuelle [...] , la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société BD Product.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris et D'AVOIR ainsi débouté la société BD Product de son action en concurrence déloyale et de l'avoir condamnée aux dépens et à payer des sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR débouté la société BD Product de sa demande au titre des agissements parasitaires, D'AVOIR débouté la société BD Product de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR condamné la société BD Product aux entiers dépens d'appel, D'AVOIR condamné la société BD Product à payer une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. H... I... d'une part et à la société AB Product d'autre part ;

AUX MOTIFS QUE « sur la concurrence déloyale, la société BD Product reproche à M. H... I..., respectivement à la société AB Product, d'avoir délibérément choisi une dénomination sociale voisine de la sienne en ce qu'elle ne diffère que par une seule lettre, alors qu'elles interviennent dans le même secteur économique, auprès de la même clientèle, sur un même secteur géographique créant ainsi un risque de confusion dans l'esprit du public ; que c'est vainement que la société AB Product fait valoir que les règles relatives à la protection de la dénomination sociale, qui ont une portée nationale, ne lui seraient pas applicables ; que la cour rappelle en effet que l'usage d'une dénomination sociale, fût elle celle d'une société établie à l'étranger, peut néanmoins être constitutif de concurrence déloyale lorsque cette dénomination est utilisée dans le même secteur géographique que celle d'une autre société ayant une dénomination voisine qui exerce une activité similaire et qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; qu'en l'espèce, les dénominations "BD Product" et "AB Product" sont incontestablement éminemment voisines et il est constant que les sociétés BD Product et AB Product sont établies dans un même secteur géographique, la première étant établie à Mamirolle dans le département du Doubs, en Franche-Comté, région frontalière de la Suisse et notamment du canton de Neufchâtel où est installée la seconde ; que s'il ne peut pas davantage être sérieusement contesté qu'elles évoluent dans le même secteur d'activité de la conception et de la fabrication de composants destinés à l'horlogerie, la joaillerie et la maroquinerie de luxe, il n'est pas pour autant démontré qu'elles auraient la même clientèle ; qu'en effet, si elles participent toutes deux au salon suisse EPHJ (environnement professionnel horlogerie joaillerie), il ressort toutefois du document de présentation du salon 2013 que l'entreprise AB Concept et la société AB Product, d'une part et la société BD Product, d'autre part, bien qu'exerçant une activité similaire, figuraient dans des catégories différentes les deux premières dans la rubrique "composants" et la troisième dans la rubrique "accessoires" ; que par ailleurs lors de ces salons, elles n'adoptent pas la même stratégie de communication ; qu'ainsi lors du salon de 2015, les invitations envoyées par l'entreprise AB Concept et la société AB Product insistaient sur le "100 % Swiss Made" et dans la présentation des exposants lors du salon 2013 les intimées mettaient l'accent sur leur activité de développement et de fabrication de composants d'habillage et d'accessoires pour l'horlogerie, la joaillerie, alors que la société BD Product se présentait en premier lieu comme fabriquant de boîtiers et bracelets de montres, bagues, boutons de manchette, mousqueton, bélières ; qu'au surplus, l'appelante qui affirme réaliser 50 % de son chiffre d'affaires en Suisse n'en justifie pas, le document des douanes qu'elle produit en annexe 37, qui ne fait aucune référence à la société BD Product, étant dépourvu de valeur probante à cet égard, aucun élément n'étant par ailleurs fourni quant à son volume d'activité, l'article paru dans le quotidien l'Est républicain du 10 juin 1996 ou le rapport de visite la chambre des métiers et de l'artisanat du Doubs de juillet 2005 qui reprennent des indications fournies par l'appelante n'étant pas davantage probants ; que de la même manière, la société BD Product affirme que la société AB Product et l'entreprise AB Concept démarcheraient la même clientèle française sans le démontrer, les invitations pour les salons EPHJ envoyées par les intimés que la société BD Product verse aux débats (notamment sa pièce n° 38) ne comportant aucune indication de destinataire ; qu'il résulte enfin des attestations de MM. U... , F..., S..., X... et L..., produites par les intimées en annexes 17 à 20 et 38, ainsi que de l'extrait du site "fionakrugertimepiece.com", pièce n° 35, que la clientèle de l'entreprise AB Concept et de la société AB Product est à la recherche de composants conçus et fabriqués en Suisse, afin de pouvoir garantir l'obtention du label "Swiss Made" voire "100 % Swiss Made" ; que si certains des composants fabriqués par la société BD Product peuvent certes être intégrés à des produits ultérieurement labellisés, la législation en la matière est toutefois devenue plus contraignante, puisque, depuis le 1er janvier 2017, il est exigé, pour l'obtention du label Swiss Made, que 60 % du prix de revient du produit soit réalisé en Suisse, incluant les coûts de recherche, développement et prototypage, ainsi que le reconnaît au demeurant l'appelante, ce qui conduit nécessairement la clientèle souhaitant obtenir ce label à rechercher des concepteurs et producteurs établis en Suisse, ce qui n'est pas le cas de l'appelante ; qu'il convient en outre de souligner que dans le secteur d'activité des parties, le nombre de donneurs d'ordre est limité, qu'il s'agit en l'occurrence d'une clientèle d'initiés, de sorte que le risque de confusion est inexistant, ainsi que cela résulte au demeurant des attestations ci-dessus évoquées ; qu'enfin, ainsi que l'a relevé avec pertinence le tribunal, la juxtaposition systématique des dénominations "AB Concept" et "AB Product" sur les sites internet, documents commerciaux, stands, cartes de visites des intimés est de nature à écarter tout risque de confusion avec la société BD Product ; que cette dernière ne peut utilement se prévaloir de l'erreur commise à deux reprises par un fournisseur de métaux précieux dans des messages électroniques pour établir ce risque de confusion, pas plus que de l'attestation de M. Q... qui est en litige avec la société AB Product ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société BD Product en concurrence déloyale du chef de l'utilisation d'une dénomination commerciale voisine. Sur les agissements parasitaires, à hauteur de cour, la société BD Product soutient que les intimés se livreraient à des agissements parasitaires en exploitant le concept industriel innovant développé par l'appelante consistant à appliquer à la bijouterie les techniques de la mécanique et de l'horlogerie et à proposer une offre globale à ses clients allant de l'étude de la conception à l'usinage et à la fabrication des pièces ; qu'à supposer que ce concept puisse être qualifié d'innovant, il n'est pas démontré que la société BD Product en soit à l'origine, d'autres sociétés telles que les sociétés Berthet Horlogerie créée en 1882, E... A... diffusion créée en 1986, FM industrie créée en 1996, Silaque créée en 1976 et SIS créée en 1983 ayant également utilisé ce concept, les pièces produites en annexe 41 par la société BD Product si elles démontrent que les secteurs d'activités de certaines de ces sociétés est plus restreint que celui de l'appelante, ne contredisant pas explicitement l'utilisation du concept ; que la société BD Product sera donc également déboutée de sa demande de ce chef ; que sur les autres chefs de demandes, la société BD Product, dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour, ne demandant pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement devra être confirmé de ce chef ; (
) que le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles ; que la société BD Product, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel dont distraction au profit de Me P..., qui en fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; qu'il sera alloué à chacun des intimés une indemnité de procédure de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la société BD Product sera déboutée de sa propre demande de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article 1382 du Code civil dispose que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; qu'il convient de rappeler que la déloyauté des actes réalisés dans la vie des affaires, s'apprécie au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et du risque de confusion produit par usage d'un signe similaire ; qu'en l'espèce, BD Product a été démarchée par l'entreprise [...] en 2003 en vue de sous-traiter la phase de conception et de prototypage des composants nécessaires à l'industrie horlogère ; qu'entre 2003 et 2006, BD Product a ainsi délégué une partie de son activité à AB Concept, mettant à disposition de Monsieur I... son savoir-faire et ses fichiers clientèle ; que BD Product déclare que Monsieur I... a abusé de leur relation professionnelle dès lors que ce dernier aurait personnellement démarché la clientèle de la demanderesse qu'elle a durement acquise depuis sa création, en 1996, notamment grâce à son concept innovant ; que, par ailleurs, BD Product qui prétend n'avoir eu connaissance du montage juridique de M. I... qu'en 2013, à l'occasion du salon de Genève, manifestation très prisée des professionnels de l'horlogerie, vers ce dossier, afin de prouver le risque de confusion entre BD Product et AB Product, un mail daté du 20 mai 2011 qu'elle a reçu de la société Allgemeine mentionnant expressément la SARL AB Product ; qu'il doit être constaté d'une part que BD Product ne précise pas le contexte dans lequel elle a été envoyé ce mail et ne produit aucune pièce permettant d'établir de façon certaine le risque de confusion allégué ; que, de plus, le risque de confusion n'apparaît pas établi puisque les clientèles visées ne sont pas les mêmes, celle de Monsieur I... et de ses entreprises étant intéressée par la qualité des horloges suisses et le label "Swiss made" ; qu'il convient de relever que les caractéristiques dudit label sont soumises à la production totale ou partielle des pièces sur le territoire suisse ; que BD Product peut donc être effectivement amenée à collaborer à des produits labellisés "Swiss Made" ; que les activités déployées par Monsieur I... et la société AB Product sont des activités de conception et de production qui visent à satisfaire principalement les entreprises partenaires établies en Suisse en vue de la fabrication 100 % Swiss made, ce qui n'est pas accessible à AB Product du seul fait de son implantation dans le département du Doubs ; que, ainsi, BD Product ayant son siège en France et Monsieur I... et la société AB Product étant établis en Suisse, ces derniers sont légitimes à soutenir que les produits et services proposés, ainsi que leur clientèle, ne sont pas identiques ; que, il doit être également observé que Monsieur I..., en tant que représentant de l'entreprise individuelle AB Concept et la société AB Product, qui juxtapose systématiquement les noms AB Concept et AB Product sur ses sites internet et son réseau social professionnel, a pris les dispositions nécessaires pour se distinguer visuellement des affaires de BD Product ; qu'en conséquence, BD Product ne démontre pas que Monsieur I..., par l'immatriculation en Suisse de sa société AB Product a eu un comportement déloyal contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie en vue de créer une confusion sur l'origine des produits et services ; que BD Product sera déboutée de son action en concurrence déloyale » ;

1°/ ALORS QU'une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale, qui n'est subordonnée qu'à la preuve d'une faute dommageable ; qu'en subordonnant l'action en concurrence déloyale à la preuve que la victime et l'auteur des agissements reprochés aient partagé une « même clientèle » (p. 8, §2 ; jgt, p. 7, §1) et, partant, à l'existence d'une situation de concurrence directe ou effective, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, en violation de l'article 1382 devenu 1240, du code civil ;

2°/ ALORS QUE l'existence d'un risque de confusion n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale, laquelle n'est subordonnée qu'à la preuve d'une faute dommageable ; qu'en écartant l'action en concurrence déloyale aux motifs que le risque de confusion entre la société AB Product et la société BD Product, qui exerçaient pourtant la même activité, était « inexistant » (arrêt attaqué, p. 9, §2-3 ; jgt, p. 7), la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, en violation de l'article 1382 devenu 1240, du code civil ;

3°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, le juge ne peut dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait, en pièce n° 37, un courriel du 2 octobre 2017 émanant de la Direction régionale des douanes de Franche-Comté adressé à l'un des préposés de la société BD Product, lequel comprenait un fichier relatant, ligne par ligne, les exportations réalisées par cette société vers la Suisse (prod. 4) ; qu'en jugeant que l'exposante ne justifiait pas de son activité en Suisse aux motifs que le document des douanes ne faisait « aucune référence à la société BD Product » (arrêt attaqué, p. 8, §4), quand il lui était pourtant nominativement adressé par ladite administration, la cour d'appel a dénaturé la pièce n° 37 en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en écartant l'attestation de M. Q... destinée à établir la réalité du risque de confusion entre les deux sociétés (prod. 5), au motif qu'il était « en litige » avec la société AB Product (arrêt attaqué, p. 9, §4), sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a statué par un motif péremptoire en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en déboutant l'exposante de sa demande fondée sur le parasitisme aux motifs que d'autres sociétés, telles les sociétés Berthet horlogerie, E... A..., FM Industries, Silaque, SIS exploitaient déjà un concept similaire, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a statué par un motif péremptoire en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre

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