31 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-16.713

Chambre sociale - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00428

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 - Article 14 - Certificat E101 - Utilisation frauduleuse du certificat - Fraude pénalement sanctionnée - Sanction opérée en méconnaissance du droit de l'Union européenne - Principe de la primauté du droit de l'Union européenne - Effets - Détermination - Portée

D'une part, par arrêt du 14 mai 2020 (CJUE, arrêt du 14 mai 2020, Bouygues travaux publics e.a., C-17/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'un certificat E 101, délivré par l'institution compétente d'un Etat membre, au titre de l'article 14, point 1, sous a), ou de l'article 14, point 2, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, à des travailleurs exerçant leurs activités sur le territoire d'un autre État membre, et un certificat A 1, délivré par cette institution, au titre de l'article 12, paragraphe 1, ou de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, à de tels travailleurs, s'imposent aux juridictions de ce dernier État membre uniquement en matière de sécurité sociale. Il en résulte que le maintien d'un certificat E101 ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'Etat membre d'accueil applique les règles nationales de droit du travail relatives à la relation de travail en cause et sanctionne la violation par l'employeur d'obligations que le droit du travail met à la charge de celui-ci. D'autre part, par arrêt du 2 avril 2020 (CJUE, arrêt du 2 avril 2020, caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPNPAC) /Vueling Airlines SA et Vueling Airlines SA contre M. Poignant, C-370/17 et C-37/18), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : 1°) l'article 11, § 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 doit être interprété en ce sens que les juridictions d'un Etat membre, saisies dans le cadre d'une procédure judiciaire diligentée contre un employeur pour des faits de nature à révéler une obtention ou une utilisation frauduleuses de certificats E 101 délivrés au titre de l'article 14, point 1, sous a), du règlement n° 1408/71, à l'égard de travailleurs exerçant leurs activités dans cet État membre, ne peuvent constater l'existence d'une fraude et écarter en conséquence ces certificats qu'après s'être assurées, d'une part, que la procédure prévue à l'article 84 bis, paragraphe 3, de ce règlement a été promptement enclenchée et l'institution compétente de l'État membre d'émission a été mise en mesure de réexaminer le bien-fondé de la délivrance desdits certificats à la lumière des éléments concrets soumis par l'institution compétente de l'État membre d'accueil qui donnent à penser que les mêmes certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et, d'autre part, que l'institution compétente de l'État membre d'émission s'est abstenue de procéder à un tel réexamen et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur ces éléments, le cas échéant, en annulant ou en retirant les certificats en cause. 2°) l'article 11, § 1, du règlement n° 574/72, et le principe de primauté du droit de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, dans le cas où un employeur a fait l'objet, dans l'État membre d'accueil, d'une condamnation pénale fondée sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance de ce droit, à ce qu'une juridiction civile de cet État membre, tenue par le principe de droit national de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, mette à la charge de cet employeur, du seul fait de cette condamnation pénale, des dommages-intérêts destinés à indemniser les travailleurs ou un organisme de retraite de ce même État membre victimes de cette fraude. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, pour condamner un employeur à payer diverses sommes à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'activité pour défaut de déclaration aux organismes de sécurité sociale et de dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France, se fonde, en présence d'un certificat E 101 dont la validité a été confirmée par l'autorité émettrice, sur l'autorité de la chose jugée revêtue par une condamnation pénale reposant sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance du droit de l'Union européenne

UNION EUROPEENNE - Travail - Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 - Article 14 - Certificat E101 - Obligations de l'employeur - Inexécution - Fraude - Dommage - Réparation - Condamnation par une juridiction civile - Fondement - Autorité de la chose jugée au pénal - Exclusion - Cas - Détermination

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Lutte contre le travail illégal - Travail dissimulé - Personnel navigant - Régularité de la situation sociale - Preuve - Certificat E101 - Fraude commise par l'employeur - Sanction - Office du juge - Limites - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 428 FP-P+R+I

Pourvoi n° X 16-16.713




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

La société Vueling Airlines, société anonyme, dont le siège est plaza Pla de l'Estany 5, C 8820 El Prat de Llobregat, Barcelone (Espagne), société de droit étranger, ayant un établissement en France, 65 avenue Kléber, 75116 Paris, a formé le pourvoi n° X 16-16.713 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. P... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache et M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, assistés de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Vueling Airlines, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. E..., les plaidoiries de Me Célice et celles de Me Lyon-Caen, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache et M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires corapporteurs, M. Hugo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Rinuy, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Capitaine, Pécaut-Rivolier, Monge, M. Sornay, Mme Le Lay, conseillers, Mme Ala, M. Duval, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2016), la société Vueling Airlines est une société commerciale de droit espagnol créée en 2004 dont le siège social est situé à Barcelone. Elle exerce une activité de transport aérien international de passagers. Le 21 mai 2007, cette compagnie a commencé à opérer des vols vers plusieurs destinations espagnoles depuis l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle. À ce titre, elle a fait inscrire au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, le 31 mai 2007, la création d'un fonds de commerce de « transport aérien et auto assistance en escale », implanté dans cet aéroport.

2. M. E... a été engagé par la société Vueling Airlines en qualité de copilote à compter du 21 avril 2007 par contrat rédigé en langue anglaise et de droit espagnol. Par un avenant du 14 juin 2007, il a été détaché à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle.

3. Un certificat E 101 a été délivré par l'institution compétente espagnole qui, après avoir été annulé par une décision de cette institution à la demande de l'Urssaf, a été maintenu à la suite d'un recours hiérarchique formé contre cette décision par la société Vueling Airlines.

4. Par lettre du 30 mai 2008, le salarié a démissionné en invoquant notamment l'illégalité de sa situation contractuelle, puis s'est rétracté par un message électronique du 2 juin 2008. Il a ensuite pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 9 juin 2008.

5. Par arrêt du 31 janvier 2012, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris, après avoir retenu que la preuve était rapportée que la société Vueling Airlines était établie en France, a déclaré cette dernière coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité pour avoir omis de déclarer aux organismes de protection sociale ses salariés travaillant dans son établissement en France, faits prévus à l'article L. 8221-3, 2°, du code du travail. Elle a également condamné la société Vueling Airlines à verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'infraction retenue à onze salariés parmi lesquels M. E..., ainsi qu'à l'Urssaf.

6. Par un arrêt du 11 mars 2014 (Crim., 11 mars 2014, n° 12-81.461, Bull. crim. 2014, n° 75), la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté, sans poser de question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le pourvoi formé contre l'arrêt du 31 janvier 2012 par la société Vueling Airlines.

7. Par un arrêt du 4 mars 2016, la chambre sociale de la cour d'appel de Paris a condamné la société à payer à M. E... diverses sommes à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de rappels de salaire, de droits à congés payés, de prime de précarité et de dommages-intérêts pour absence de cotisations à la caisse de retraite complémentaire du personnel navigant. Elle a, par ailleurs, dit que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société au paiement de diverses sommes à ce titre.

8. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt. Par arrêt du 10 janvier 2018 (Soc., 10 janvier 2018, pourvoi n° 16-16.713, Bull. 2018, V, n° 1), la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles portant sur le deuxième moyen de ce pourvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. La société Vueling Airlines fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle, alors :

« 1°/ que l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous ; que pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle formulées par la société Vueling Airlines, la cour d'appel s'est fondée sur l'autorité de la chose jugée qui serait résultée de l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 2014 (n° T 12-81.461) par lequel cette dernière avait refusé de transmettre à la Cour de justice de l'Union Européenne une question préjudicielle similaire ; qu'en statuant ainsi, cependant que le refus de transmission d'une question préjudicielle par la chambre criminelle de la Cour de cassation n'avait pas autorité de la chose jugée à l'égard du juge civil, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'est attachée qu'à ce qui a été jugé au pénal stricto sensu, à l'exclusion des décisions du juge répressif à caractère civil ; qu'en matière civile, pour que l'autorité de la chose jugée puisse être opposée, il faut que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'aussi en se fondant, pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle, sur l'autorité de la chose jugée qui serait résultée de l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 2014 qui a refusé de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, cependant que cette décision de la Cour de cassation ne portait pas sur les mêmes demandes et n'avait pas le même objet, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous ; que le juge ne statue pas au fond lorsqu'il refuse de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne ; que dès lors en se fondant, pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle, sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 mars 2014 par lequel la Cour de cassation a refusé de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Par l'arrêt précité du 10 janvier 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a posé des questions préjudicielles et sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne.

11. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le moyen devenu sans objet.

Sur le deuxième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Vueling Airlines à payer au salarié diverses sommes au titre de la régularisation de ses salaires d'avril 2007 à mai 2008 au regard du droit français, des congés payés afférents, et des dommages-intérêts pour compenser les congés payés

Enoncé du moyen

12. La société Vueling Airlines fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la régularisation de ses salaires d'avril 2007 à mai 2008 au regard du droit français, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour compenser les congés payés, alors :

« 1°/ que le délit de travail dissimulé n'est constitué que si l'entreprise ou l'entrepreneur n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale ; qu'en vertu du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale, et en vertu de l'article 13 du règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon le règlement CEE n° 574/72, la personne qui exerce son activité sur le territoire de deux ou plusieurs États membres informe de cette situation l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside, laquelle lui remet un certificat E 101 (devenu formulaire A1) attestant qu'elle est soumise à sa législation ; qu'aussi longtemps que le certificat E 101 n'est pas retiré ou déclaré invalide, la délivrance de ce certificat vaut présomption de régularité d'affiliation ; que le juge français, saisi d'une demande de condamnation pour travail dissimulé, ne peut remettre en cause la validité de l'affiliation de travailleurs à un organisme de sécurité sociale d'un autre Etat, qui a délivré à l'entreprise ou l'entrepreneur un tel certificat ; que l'autorité de la chose jugée d'une décision pénale ne saurait faire obstacle à ces dispositions de droit européen ; qu'en l'espèce, la société Vueling Airlines a versé aux débats le certificat de détachement (E 101) délivré par l'administration espagnole pour M. E... et a soutenu que, par application de la réglementation européenne, ce certificat, valide et non retiré, attestait de l'affiliation du salarié au régime de sécurité sociale espagnole, ce qui excluait toute dissimulation d'activité en raison d'un défaut d'affiliation en France ; qu'elle a soutenu en conséquence que le principe de l'autorité de la chose jugée ne permettait pas de déroger au droit européen qui devait primer ; qu'en se fondant néanmoins, pour condamner la société Vueling Airlines pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2° / qu'en se fondant, pour condamner la société Vueling Airlines pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans rechercher si la délivrance par l'administration espagnole à M. E... d'un certificat E 101 attestant de son affiliation au régime de sécurité sociale espagnole n'excluait pas son affiliation au régime de sécurité sociale français et ne faisait pas obstacle, en conséquence, à la condamnation de la société Vueling Airlines pour dissimulation d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 11 paragraphe 1er du règlement n° 574/72/CE du 21 mars 1972, des articles 13 et 14 du règlement communautaire n° 1408/71, des articles 11 et 12 bis du règlement communautaire 574/72, et de l'article 5 du règlement CE n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

3° / que la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 31 janvier 2012 la cour d'appel de Paris s'est bornée à considérer que les salariés de la société Vueling Airlines intervenant sur le site de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle auraient dû, selon elle, être rattachés à la législation française de sécurité sociale ; qu'une telle décision ne privait pas le juge civil du pouvoir d'apprécier la portée de la délivrance par l'autorité espagnole de sécurité sociale à M. E... d'un certificat E 101, et en conséquence de la faculté d'écarter la qualification de travail dissimulé au regard des critères de droit civil ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. »

Réponse de la Cour

13. Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, la délivrance d'un certificat E 101 par l'organisme de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne ne saurait faire échec à la compétence du juge prud'homal français déterminée, en application de l'article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, par les conditions d'accomplissement du travail et le choix des parties (Soc., 10 juin 2015, pourvoi n° 13-27.799, Bull. 2015, V, n° 123) et n'a d'effet qu'à l'égard des régimes de sécurité sociale, en application de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 631/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 (le règlement n° 1408/71) (Soc., 29 septembre 2014, pourvoi n° 13-15.802, Bull. 2014, V, n° 216).

14. Saisie par la chambre criminelle de la Cour de cassation d'une question préjudicielle (Crim. 8 janvier 2019, pourvoi n° 17-82.553), la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 14 mai 2020 (Bouygues travaux publics e.a., C-17/19) a dit pour droit qu'un certificat E 101, délivré par l'institution compétente d'un État membre, au titre de l'article 14, point 1, sous a), ou de l'article 14, point 2, sous b), du règlement n° 1408/71, à des travailleurs exerçant leurs activités sur le territoire d'un autre État membre, et un certificat A1, délivré par cette institution, au titre de l'article 12, paragraphe 1, ou de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, à de tels travailleurs, s'imposent aux juridictions de ce dernier État membre uniquement en matière de sécurité sociale.

15. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi précisé au point 48 de cet arrêt que ces certificats ne produisent pas d'effet contraignant à l'égard des obligations imposées par le droit national dans des matières autres que la sécurité sociale, au sens de ces règlements, telles que, notamment, celles relatives à la relation de travail entre employeurs et travailleurs, en particulier, les conditions d'emploi et de travail de ces derniers.

16. Il en résulte que le maintien d'un certificat E 101 ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'Etat membre d'accueil applique les règles nationales de droit du travail relatives à cette relation de travail et sanctionne ainsi la violation par l'employeur d'obligations que le droit du travail met à la charge de celui-ci.

17. La cour d'appel a relevé que le salarié peut prétendre à la régularisation de ses salaires pendant le temps qu'a duré son contrat de travail, de mai 2007 à mai 2008 inclus. Elle a retenu ensuite que le droit espagnol en matière de congés payés est moins favorable que le droit français en vertu duquel le salarié pouvait prétendre bénéficier de cinq jours supplémentaires de congé payé pour une année de travail, que celui-ci n'a pas été rempli de ses droits à congés payés, rien ne permettant de retenir que les 118 « day off » invoqués par l'employeur doivent s'analyser en congés payés, contrairement à ce qui est mentionné dans les bulletins de salaire, de sorte que le salarié, qui a travaillé sans congés payés de mai 2007 à mai 2008 inclus, est fondé à réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de bénéficier de jours de congés pendant toute la période pendant laquelle il a travaillé pour la société Vueling Airlines.

18. Dès lors que le certificat E 101 s'impose aux juridictions de l'État membre d'accueil uniquement en matière de sécurité sociale, le moyen est inopérant.

Mais sur le deuxième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Vueling Airlines à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France

Enoncé du moyen

19. La société Vueling Airlines fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France, alors :

« 1°/ que le délit de travail dissimulé n'est constitué que si l'entreprise ou l'entrepreneur n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale ; qu'en vertu du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale, et en vertu de l'article 13 du règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon le règlement CEE n° 574/72, la personne qui exerce son activité sur le territoire de deux ou plusieurs États membres informe de cette situation l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside, laquelle lui remet un certificat E 101 (devenu formulaire A1) attestant qu'elle est soumise à sa législation ; qu'aussi longtemps que le certificat E 101 n'est pas retiré ou déclaré invalide, la délivrance de ce certificat vaut présomption de régularité d'affiliation ; que le juge français, saisi d'une demande de condamnation pour travail dissimulé, ne peut remettre en cause la validité de l'affiliation de travailleurs à un organisme de sécurité sociale d'un autre Etat, qui a délivré à l'entreprise ou l'entrepreneur un tel certificat ; que l'autorité de la chose jugée d'une décision pénale ne saurait faire obstacle à ces dispositions de droit européen ; qu'en l'espèce, la société Vueling Airlines a versé aux débats le certificat de détachement (E 101) délivré par l'administration espagnole pour M. E... et a soutenu que, par application de la réglementation européenne, ce certificat, valide et non retiré, attestait de l'affiliation du salarié au régime de sécurité sociale espagnole, ce qui excluait toute dissimulation d'activité en raison d'un défaut d'affiliation en France ; qu'elle a soutenu en conséquence que le principe de l'autorité de la chose jugée ne permettait pas de déroger au droit européen qui devait primer ; qu'en se fondant néanmoins, pour condamner la société Vueling Airlines pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2° / qu'en se fondant, pour condamner la société Vueling Airlines pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans rechercher si la délivrance par l'administration espagnole à M. E... d'un certificat E 101 attestant de son affiliation au régime de sécurité sociale espagnole n'excluait pas son affiliation au régime de sécurité sociale français et ne faisait pas obstacle, en conséquence, à la condamnation de la société Vueling Airlines pour dissimulation d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 11 paragraphe 1er du règlement n° 574/72/CE du 21 mars 1972, des articles 13 et 14 du règlement communautaire n° 1408/71, des articles 11 et 12 bis du règlement communautaire 574/72, et de l'article 5 du règlement CE n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

3° / que la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 31 janvier 2012 la cour d'appel de Paris s'est bornée à considérer que les salariés de la société Vueling Airlines intervenant sur le site de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle auraient dû, selon elle, être rattachés à la législation française de sécurité sociale ; qu'une telle décision ne privait pas le juge civil du pouvoir d'apprécier la portée de la délivrance par l'autorité espagnole de sécurité sociale à M. E... d'un certificat E 101, et en conséquence de la faculté d'écarter la qualification de travail dissimulé au regard des critères de droit civil ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 13 et 14 du règlement n° 1408/71, les articles 11 et 12 bis du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (le règlement n° 574/72) :

20. Saisie par la Cour de cassation dans le présent pourvoi de questions préjudicielles, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 2 avril 2020 (CJUE, CRPNPAC et Vueling Airlines, C-370/17 et C-37/18), a d'abord dit pour droit que l'article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 574/72 doit être interprété en ce sens que les juridictions d'un État membre, saisies dans le cadre d'une procédure judiciaire diligentée contre un employeur pour des faits de nature à révéler une obtention ou une utilisation frauduleuses de certificats E 101 délivrés au titre de l'article 14, point 1, sous a), du règlement n° 1408/71, à l'égard de travailleurs exerçant leurs activités dans cet État membre, ne peuvent constater l'existence d'une fraude et écarter en conséquence ces certificats qu'après s'être assurées, d'une part, que la procédure prévue à l'article 84 bis, paragraphe 3, de ce règlement a été promptement enclenchée et l'institution compétente de l'État membre d'émission a été mise en mesure de réexaminer le bien-fondé de la délivrance desdits certificats à la lumière des éléments concrets soumis par l'institution compétente de l'État membre d'accueil qui donnent à penser que les mêmes certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et, d'autre part, que l'institution compétente de l'État membre d'émission s'est abstenue de procéder à un tel réexamen et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur ces éléments, le cas échéant, en annulant ou en retirant les certificats en cause.

21. La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 574/72, et le principe de primauté du droit de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, dans le cas où un employeur a fait l'objet, dans l'État membre d'accueil, d'une condamnation pénale fondée sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance de ce droit, à ce qu'une juridiction civile de cet État membre, tenue par le principe de droit national de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, mette à la charge de cet employeur, du seul fait de cette condamnation pénale, des dommages-intérêts destinés à indemniser les travailleurs ou un organisme de retraite de ce même État membre victimes de cette fraude.

22. Pour condamner la société Vueling Airlines à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que la société a été condamnée par une décision ayant force de chose jugée pour travail dissimulé pour des faits relatifs notamment à l'emploi du salarié, que l'arrêt de condamnation du 31 janvier 2012 de la cour d'appel de Paris est devenu définitif après le rejet du pourvoi en cassation formé contre elle par arrêt du 11 mars 2014 et que les moyens contraires de la société sont mal fondés. Puis, pour condamner la société Vueling Airlines en paiement de dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France, la cour d'appel a retenu que pendant toute la période de détachement en France, de juin 2007 à mai 2008, les cotisations sociales ont été versées en Espagne alors que le salarié aurait dû bénéficier du droit français, qu'il n'a donc pas cotisé à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPNPAC), et que cette absence de cotisations le prive d'une majoration de sa pension de retraite de 300 euros par mois, soit 3 600 euros pour la période de 12 mois de la durée d'exécution en France de son contrat de travail.

23. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de la question de la validité d'un certificat E 101 produit par la société Vueling Airlines pour contester la poursuite engagée à son encontre en application des dispositions de l'article L. 8221-3, 2° du code du travail et que la société faisait valoir, sans être contredite sur ce point, que la Direction départementale de gestion décentralisée de la Direction départementale de la Trésorerie générale de la Sécurité sociale de Barcelone avait, le 15 décembre 2014, confirmé la validité des formulaires E 101 litigieux, de sorte que la condamnation pénale fondée sur un constat définitif de fraude opéré en méconnaissance du droit de l'Union européenne ne pouvait s'imposer à la juridiction prud'homale saisie d'une demande au titre du travail dissimulé et du défaut d'affiliation à la sécurité sociale française, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

24. La société Vueling Airlines fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail du salarié lui était imputable et qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement, et de la débouter de sa demande de condamnation du salarié à lui verser des dommages-intérêts pour non-exécution du préavis, alors « que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société exposante pour travail dissimulé et considérant que le salarié avait été rattaché de manière illégale à la législation espagnole entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif qui, pour ce motif, a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a accordé à ce titre au salarié des rappels de salaire, des indemnités de rupture, ainsi que des dommages-intérêts, et a débouté la société de sa demande de dommages-intérêts pour non-exécution du préavis. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

25. La cassation prononcée des dispositions de l'arrêt sur le deuxième moyen du pourvoi entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif critiqués par le troisième moyen, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Vueling Airlines à payer à M. E... les sommes de 26 422 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et 3 600 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de cotisations sociales en France, dit que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Vueling Airlines à payer à M. E... les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13 210,77 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 321 euros au titre de congés payés afférents, 5 019 euros au titre de l'indemnité de licenciement, et déboute la société Vueling Airlines de sa demande de condamnation de M. E... à lui verser la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-exécution du préavis, l'arrêt rendu le 4 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Vueling Airlines


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle formées par la société VUELING AIRLINES ;

AUX MOTIFS QUE « la société VUELING AIRLINES demande à la cour de : « PRONONCER le sursis à statuer de la présente instance et saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne en vertu de l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne de la question préjudicielle suivante : « Une entreprise peut-elle être privée de la possibilité de détacher des salariés en application de l'article 14 paragraphe 1 sans a) du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 64 7/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO L 117, p. 1), au seul motif qu'elle appartient au secteur du transport aérien, ce qui aurait pour conséquence de soumettre cette entreprise aux seules dispositions figurant aux points a i) et a ii) de l'article 14 paragraphe 2 du règlement (CEE) nº 1408/71 » Monsieur E... demande en défense à la cour de : « Sur la demande de sursis à statuer au motif de la question préjudicielle soulevée par la compagnie Société VUELING AIRLINES SA dans ses conclusions d'appel pour l'audience du 1er décembre 2015 à 9h00. Vu l'arrêt du 11 mars 2014 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, ayant expressément constaté qu'il n'y avait pas matière à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne. Vu l'autorité de la chose jugée, conformément aux dispositions de l'article 1351 du Code Civil. Vu l'autorité de la chose jugée au pénal au civil. Voir déclarer irrecevable la question préjudicielle soulevée par la SA VUELING AIRLINES et sa demande de sursis à statuer, en application des dispositions de l'article 1351 du Code Civil» ; A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour déclare irrecevables les demandes de ce chef formulées par la société VUELING AIRLINES au motif que la question préjudicielle précitée a déjà été posée dans le cadre du procès pénal, comme la société VUELING AIRLINES l'a confirmé oralement devant la cour (cf. la note d'audience) et que la Cour de cassation l'a rejetée par une décision ayant l'autorité de la chose jugée » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous ; que pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle formulées par la société VUELING AIRLINES, la cour d'appel s'est fondée sur l'autorité de la chose jugée qui serait résultée de l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 2014 (n° T 12-81.461) par lequel cette dernière avait refusé de transmettre à la Cour de justice de l'Union Européenne une question préjudicielle similaire ; qu'en statuant ainsi, cependant que le refus de transmission d'une question préjudicielle par la chambre criminelle de la Cour de cassation n'avait pas autorité de la chose jugée à l'égard du juge civil, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil n'est attachée qu'à ce qui a été jugé au pénal stricto sensu, à l'exclusion des décisions du juge répressif à caractère civil ; qu'en matière civile, pour que l'autorité de la chose jugée puisse être opposée, il faut que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'aussi en se fondant, pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle, sur l'autorité de la chose jugée qui serait résultée de l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 2014 qui a refusé de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, cependant que cette décision de la Cour de cassation ne portait pas sur les mêmes demandes et n'avait pas le même objet, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous ; que le juge ne statue pas au fond lorsqu'il refuse de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne ; que dés lors en se fondant, pour déclarer irrecevables les demandes relatives au sursis à statuer et à la question préjudicielle, sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 mars 2014 par lequel la Cour de cassation a refusé de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne, la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... les sommes de 26.422 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de 2.787,05 € au titre de la régularisation de ses salaires d'avril 2007 à mai 2008 au regard du droit français, outre 278,50 € au titre des congés payés y afférents, de 4.370 € à titre de dommages et intérêts pour compenser les congés payés, et de 3.600 € à titre de dommages et intérêts pour absence de cotisations sociales en France ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Monsieur E... demande la somme de 26.422 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et fait valoir, à l'appui de cette demande que la société VUELING AIRLINES a été condamnée pour travail dissimulé par arrêt du 31 janvier 2012 de la cour d'appel de Paris'; cette décision est devenue définitive après le rejet du pourvoi en cassation formée contre elle par arrêt du 11 mars 2014. La société VUELING AIRLINES s'y oppose et fait valoir, à l'appui de sa contestation les arguments développés de la page 12 à la page 35 de ses conclusions d'appel selon lesquels': - les juridictions nationales ne sont pas habilitées à vérifier la validité des formulaires E 101, - la Direction Départementale de Gestion Décentralisée de la Direction Départementale de la Trésorerie Générale de la Sécurité Sociale de Barcelone a, le 15 décembre 2014, confirmé la validité des formulaires E 101 litigieux, - le travail dissimulé litigieux ne peut donc pas être retenu ; - la décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 mars 2014 constitue donc une violation manifeste du droit communautaire et de ses principes directeurs, en l'occurrence, le principe de primauté absolue du droit communautaire, primaire ou dérivé, sur les droits internes des États membres et l'effet direct du droit communautaire, - en sorte que c'est en vain que l'appelant fonde sa prétention sur l'autorité de l'arrêt de la Cour de cassation du 11 mars 2014 ayant confirmé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 31 janvier 2012. A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la société VUELING AIRLINES a été condamnée par une décision ayant force de chose jugée pour travail dissimulé pour des faits relatifs notamment à l'emploi de Monsieur E...'; l'arrêt de condamnation du 31 janvier 2012 de la cour d'appel de Paris est devenu définitif après le rejet du pourvoi en cassation formé contre elle par arrêt du 11 mars 2014 et les moyens contraires de la société VUELING AIRLINES sont mal fondés. Le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des 6 mois précédant la rupture du contrat de travail. Il convient donc de faire droit à la demande de Monsieur E... à hauteur de 26.422 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du Code du travail. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur E... de sa demande formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... la somme de 26.422 €
au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé » ;

ET AUX MOTIFS QU' « à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que, - pendant toute la période de détachement en France, de juin 2007 à mai 2008, et alors que Monsieur E... aurait dû bénéficier du droit français, les cotisations sociales ont été versées en Espagne ; - Monsieur E... n'a donc pas cotisé pendant ce temps à la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPN) ; - il ressort de la simulation réalisée par le salarié que cette absence de cotisations le prive d'une majoration de sa pension de retraite de 300 € par mois, soit 3.600 € pour la période de 12 mois de la durée d'exécution en France de son contrat de travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le délit de travail dissimulé n'est constitué que si l'entreprise ou l'entrepreneur n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale ; qu'en vertu du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale, et en vertu de l'article 13 du règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon le règlement CEE n° 574/72, la personne qui exerce son activité sur le territoire de deux ou plusieurs États membres informe de cette situation l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside, laquelle lui remet un certificat E 101 (devenu formulaire A1) attestant qu'elle est soumise à sa législation ; qu'aussi longtemps que le certificat E 101 n'est pas retiré ou déclaré invalide, la délivrance de ce certificat vaut présomption de régularité d'affiliation ; que le juge français, saisi d'une demande de condamnation pour travail dissimulé, ne peut remettre en cause la validité de l'affiliation de travailleurs à un organisme de sécurité sociale d'un autre Etat, qui a délivré à l'entreprise ou l'entrepreneur un tel certificat ; que l'autorité de la chose jugée d'une décision pénale ne saurait faire obstacle à ces dispositions de droit européen ; qu'en l'espèce, la société VUELING AIRLINES a versé aux débats le certificat de détachement (E 101) délivré par l'administration espagnole pour Monsieur E... et a soutenu que, par application de la réglementation européenne, ce certificat, valide et non retiré, attestait de l'affiliation du salarié au régime de sécurité sociale espagnole, ce qui excluait toute dissimulation d'activité en raison d'un défaut d'affiliation en France ; qu'elle a soutenu en conséquence que le principe de l'autorité de la chose jugée ne permettait pas de déroger au droit européen qui devait primer ; qu'en se fondant néanmoins, pour condamner la société VUELING AIRLINES pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART ET POUR LA MEME RAISON, QU'en se fondant, pour condamner la société VUELING AIRLINES pour travail dissimulé, sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2012, sans rechercher si la délivrance par l'administration espagnole à Monsieur E... d'un certificat E 101 attestant de son affiliation au régime de sécurité sociale espagnole n'excluait pas son affiliation au régime de sécurité sociale français et ne faisait pas obstacle, en conséquence, à la condamnation de la société VUELING AIRLINES pour dissimulation d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 11 paragraphe 1er du règlement n° 574/72/CE du 21 mars 1972, des articles 13 et 14 du règlement communautaire n° 1408/71, des articles 11 et 12 bis du règlement communautaire 574/72, et de l'article 5 du règlement CE n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 31 janvier 2012 la cour d'appel de Paris s'est bornée à considérer que les salariés de la société VUELING AIRLINES intervenant sur le site de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle auraient dû, selon elle, être rattachés à la législation française de sécurité sociale ; qu'une telle décision ne privait pas le juge civil du pouvoir d'apprécier la portée de la délivrance par l'autorité espagnole de sécurité sociale à Monsieur E... d'un certificat E101, et en conséquence de la faculté d'écarter la qualification de travail dissimulé au regard des critères de droit civil ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur E... était imputable à la société VUELING AIRLINES et qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... les sommes de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 13.210,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.321 € au titre de congés payés y afférents, et de 5.019 € au titre de l'indemnité de licenciement, et d'AVOIR débouté la société VUELING AIRLINES de sa demande de condamnation de Monsieur E... à lui verser la somme de 9.000 € à titre de dommages et intérêts pour non exécution du préavis ;

AUX MOTIFS QUE « lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont justifiés, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Ainsi une démission provoquée par le comportement de l'employeur doit être requalifiée en prise d'acte et les griefs invoqués par le salarié doivent être analysés par les juges du fond. Si le salarié mentionne dans sa lettre de rupture qu'il démissionne sans autre précision mais qu'ensuite, au cours de la procédure, il fait état de manquement de l'employeur les juges doivent rechercher si la démission sans réserve, qui revêt a priori tous les aspects d'une démission sans équivoque, n'a pas été donnée en raison de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission. Il entre dans l'office du juge, dans le contentieux de la prise d'acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission. Il résulte de la combinaison des articles L 1231 ' 1, L 1237 ' 2 et L 1235 ' 1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. En l'espèce, au vu des éléments de l'espèce et notamment du fait que Monsieur E... a démissionné par lettre notifiée le 30 mai 2008, puis s'est rétracté par courriel du 2 juin 2008 en invoquant les menaces subies et l'illégalité de sa situation contractuelle au regard du droit français (pièce 23), puis a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre du 9 juin 2008 (pièce 53) en invoquant à nouveau cette illégalité et le non paiement de ses salaires, la cour retient que la démission de Monsieur E... provoquée par le comportement de l'employeur doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture. Et c'est en vain que la société VUELING AIRLINES soutient que la démission de Monsieur E... n'est pas équivoque, peu important les termes de la lettre de démission du 30 mai 2008 qui a été quasiment aussitôt rétractée le 2 juin 2008. Par suite les griefs invoqués par le salarié doivent être analysés par les juges du fond. A l'appui de sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur, Monsieur E... soutient que la société VUELING AIRLINES a commis les manquements suivants : - il a subi des menaces de la part de son employeur relativement à un jour d'absence de sa part le lundi 26 mai 2008 (pièces 50, 51 et 52) ; - il n'a pas été payé de ses salaires de mai et juin 2008 (pièces 50 à 53) sa situation contractuelle est illégale au regard du droit français (pièces 13 à 18). La société VUELING AIRLINES s'oppose à ces moyens en soutenant en substance, comme cela a déjà été rappelé à propos de la question du travail dissimulé, que la situation contractuelle de Monsieur E... est légale. Il résulte cependant de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur E... apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que la situation contractuelle de Monsieur E... est illégale au regard du droit français comme cela ressort des faits suivants': - avoir passé une très brève période d'un mois et demi en Espagne, Monsieur E... a toujours travaillé en France, rattaché à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle , son adresse personnelle restant fixée près de Nice en France bien que l'employeur, dans son contrat de travail du 21 avril 2007 et l'avenant détachement du 14 juin 2007, l'ait fictivement domicilié à Barcelone à son siège social, lui délivrant des bulletins de salaire avec une fausse adresse personnelle à Barcelone ; - lors de son enquête, l'inspection du travail relevait l'existence d'un établissement fixe au terminal 1 de l'aéroport Charles-de-Gaulle, et l'emploi de personnels y ayant le centre effectif de leur activité professionnelle, c'est-à-dire l'endroit où ces salariés travaillent de façon habituelle ou celui où ils prennent leurs services et retournent après l'accomplissement de leur mission ;- l'inspection du travail constatait que seul le personnel au sol était déclaré auprès de l'URSSAF, le personnel navigant relevant du régime social espagnol et étant détaché en France, alors que l'ensemble des salariés devait être affilié au régime social français, quel que soit leur statut. - sur le plan pénal, un procès-verbal a donc été dressé le 28 mai 2008 pour travail dissimulé et la cour d'appel de Paris par arrêt du 31 janvier 2012 condamnait la société VUELING AIRLINES pour travail dissimulé à une amende délictuelle de 100.000 €, - la société VUELING AIRLINES a ensuite fait l'objet de redressements importants de mai 2007 à fin août 2008 au titre de l'URSSAF et de l'assurance-chômage. Il est en outre suffisamment établi par les pièces du dossier et par les débats que ces manquements relatifs à l'illégalité de la situation contractuelle de Monsieur E... sont d'une gravité telle qu'ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail. La cour retient donc que la société VUELING AIRLINES a manqué gravement à ses obligations d'employeur à l'égard de Monsieur E.... En conséquence, la cour juge que la demande de prise d'acte aux torts de l'employeur de Monsieur E... est bien fondée, et que la rupture du contrat de travail de Monsieur E..., imputable à la société VUELING AIRLINES, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur E... n'est pas imputable à faute à la société VUELING AIRLINES et qu'elle produit les effets d'une démission, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur E..., imputable à la société VUELING AIRLINES, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Monsieur E... demande la somme de 22.020 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société VUELING AIRLINES s'y oppose. Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Monsieur E... n'avait pas au moins deux ans d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi. Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, compte tenu de l'âge de Monsieur E..., de son ancienneté, de la durée de son chômage, de la perte des avantages en nature, des difficultés financières générées par son licenciement abusif, du dommage moral qui a été nécessairement subi par Monsieur E... à la suite de la perte de son emploi dans des conditions injustes, que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 10.000 €. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur E... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur l'indemnité compensatrice de préavis. Monsieur E... demande la somme de 13.210,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.321 € au titre de congés payés y afférents ; la société VUELING AIRLINES s'y oppose. En application de articles R. 423-1 du Code de l'aviation civile, le salarié a droit à un préavis d'au moins 3 mois sauf faute grave'; par suite la société VUELING AIRLINES doit être condamnée à payer à Monsieur E... la somme de 13.210,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.321 € au titre de congés payés y afférents. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur E... de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... la somme de 13.210,77 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.321 € au titre de congés payés y afférents. Sur l'indemnité de licenciement. Monsieur E... demande la somme de 5.019 € au titre de l'indemnité de licenciement ; la société VUELING AIRLINES s'y oppose. En application des articles R. 423-1 du Code de l'aviation civile, le salarié a droit à une indemnité de licenciement. Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence de Monsieur E... s'élève à 4.705 € par mois et que l'indemnité de licenciement doit être fixée à la somme de 5.019 €. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur E... de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société VUELING AIRLINES à payer à Monsieur E... la somme de 5.019 € au titre de l'indemnité de licenciement » ;

ET AUX MOTIFS QUE « le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne les dispositions prises en application de l'article 700 du Code de procédure civile et la disposition ayant fait droit à la demande reconventionnelle formée par la société VUELING AIRLINES à hauteur de 9.000 € à titre de dommages et intérêts pour non exécution du préavis » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société exposante pour travail dissimulé et considérant que le salarié avait été rattaché de manière illégale à la législation espagnole entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif qui, pour ce motif, a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a accordé à ce titre au salarié des rappels de salaire, des indemnités de rupture, ainsi que des dommages-intérêts, et a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts pour non exécution du préavis ;

ALORS, D'AUTRE PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que la rétractation d'une démission ne produit aucun effet dès lors que la volonté de démissionner a été clairement établie et que l'employeur a déjà reçu la lettre de démission ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge ne peut l'analyser en une prise d'acte que s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque ; que par une lettre du 30 mai 2008, Monsieur E... a fait part à la société de son intention de démissionner, indiquant à cet égard à l'employeur « les raisons de ma démission sont personnelles et je souhaite m'excuser pour les inconvénients que cela peut causer » ; qu'en se bornant à constater, pour refuser de tenir compte de cette démission claire et dépourvue d'ambigüité, que le salarié s'était rétracté de cette démission deux jours plus tard puis avait entendu prendre acte de la rupture de son contrat de travail dix jours plus tard, sans constater que la démission du 30 mai 2008 présentait un caractère équivoque au jour où elle a été donnée par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1237-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS, ENFIN ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE les juges du fond ne peuvent déduire le caractère équivoque de la démission de la seule rétractation du salarié dans un bref délai ; qu'à supposer que la cour d'appel ait implicitement déduit le caractère équivoque de la démission du courrier de rétractation adressé par Monsieur E... à la société VUELING AIRLINES deux jours après la lettre de démission du 30 mai 2008, en statuant ainsi elle a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1237-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.

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