24 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.418

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00387

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION - durée du travail - travail à temps partiel - clause interdisant toute autre activité professionnelle - validité - conditions

La clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Si la nullité d'une telle clause n'a pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle permet toutefois au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt rejetant la demande du salarié qui ne formulait pas de demande de dommages-intérêts mais réclamait, au titre de la nullité de clause d'exclusivité contenue dans son contrat de travail à temps partiel, la requalification en un contrat à temps plein et un rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mars 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 387 FS-P

Pourvoi n° P 19-16.418

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. O....
Admission du bureau d'aide jurdictionnelle
près la Cour de cassation en date du
14 mars 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021

M. D... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-16.418 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BR et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. T... X..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Agi sécurité,

2°/ à la société Agi sécurité, dont le siège est [...] ,

3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Marseille, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. O..., et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 février 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Prieur, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2018 ), M. O... a été engagé par contrats de travail à durée déterminée successifs du 17 mai 2014 au 31 mars 2015, par la société Agi sécurité en qualité d'agent de sécurité.

2. Le contrat conclu le 1er juin 2014 stipulait que le salarié s'obligeait à réserver à l'entreprise l'exclusivité de ses services, l'exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, lui étant formellement interdit.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel conclu le 1er juin 2014 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaires.

4. Par jugement du 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de l'employeur a été prononcée, la société BR et associés, prise en la personne de M. X... étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er juin 2014 en contrat de travail à temps complet et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agi sécurité à diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et d'indemnité de précarité, alors « que la nullité de la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel lui permet d'obtenir la requalification de ce contrat de travail en contrat de travail à temps complet et par partant, de bénéficier des conséquences financières d'une telle requalification ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la nullité de la clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail à temps partiel du 1er juin 2014 ''ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet'', quand cette nullité emportait la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et permettait à M. O... de bénéficier de toutes les conséquences financières découlant de cette requalification, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1243-8, L. 1245-1, L. 1245-2 et L. 3123-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

8. Si la nullité d'une telle clause n'a pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, elle permet toutefois au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite.

9. Ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet au motif que le contrat comportait une clause d'exclusivité illicite, sans que le salarié ne formule de demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a exactement énoncé que la nullité d'une telle clause ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, en sorte que la demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférente devait être rejetée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. O... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. O... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. O...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. O... de ses demandes tendant à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er juin 2014 en contrat de travail à temps complet et fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Agi Sécurité aux sommes de 1.717,99 € brut à titre de rappel de salaire du 1er juin 2014 au 31 août 2014, 171,79 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent et 171,99 € brut à titre d'indemnité de précarité ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail signé le 1er juin 2014 pour la période du 1er 2014 au 31 août 2014, mentionne bien, à la clause dite "rémunération-durée du travail", que Monsieur O... "effectuera 100 h de travail par mois soit 25 heures par semaine", et qu'il "percevra une rémunération mensuelle brute de 993 € pour 100 heures de travail", travail à temps partiel qui ressort également des mentions portées sur l'attestation Pôle Emploi remise par le gérant de la société AGI SECURITE, et que ne vient contredire aucun autre élément fourni ; que même contrat de travail daté du 1er juin 2014 comporte l'obligation pour le salarié de "Réserver à l'entreprise l'exclusivité de ses services ; l'exercice de toute autre activité professionnelle soit pour le compte de tiers, soit pour son propre compte lui étant formellement interdit" ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, la clause par laquelle l'employeur interdit l'exercice, par le salarié engagé à temps partiel, d'une autre activité professionnelle, porte atteinte au principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi que la clause précitée est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et qu'elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, d'où il suit que cette clause doit être déclarée illicite ; que toutefois, la nullité d'une telle clause ne pouvant avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, c'est à tort que le premier juge, d'une part, a requalifié le contrat de travail du 1er juin 2014 en contrat de travail à temps plein au motif que "ce contrat ne peut donc être qualifié de contrat à temps partiel avec interdiction de toute autre activité professionnelle", d'autre part, a alloué un rappel de salaire, des congés payés et une indemnité de précarité découlant de cette requalification, et le jugement entrepris doit donc être infirmé en ses dispositions par lesquelles diverses sommes ont été allouées en conséquence au salarié ; que Monsieur O..., qui réclame seulement, à l'exclusion de toute somme à titre de dommages et intérêts, la fixation de sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités de congés payés et de précarité correspondantes, sera débouté de ses demandes au titre d'une requalification du contrat du 1er juin 2014 ;

ALORS QUE la nullité de la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel lui permet d'obtenir la requalification de ce contrat de travail en contrat de travail à temps complet et par partant, de bénéficier des conséquences financières d'une telle requalification ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que la nullité de la clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail à temps partiel du 1er juin 2014 « ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet », quand cette nullité emportait la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et permettait à M. O... de bénéficier de toutes les conséquences financières découlant de cette requalification, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1243-8, L. 1245-1, L.1245-2 et L. 3123-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. O... de ses demandes tendant à voir fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Agi Sécurité au titre de l'absence de visite médicale d'embauche et de la remise d'une attestation Pôle-Emploi non conforme respectivement aux sommes de 800 euros et 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE faute de preuve de l'existence et de l'étendue de ses préjudices tant au titre de l'absence de visite médicale d'embauche, que de la remise d'une attestation Pôle-Emploi non-conforme, Monsieur O... doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts de ces chefs ;

1°) ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l'effectivité ; que le manquement de l'employeur à son obligation en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour soumettre le salarié à la visite médicale d'embauche cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient au juge de réparer ; qu'en écartant la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, au motif que M. O... ne prouvait pas l'existence de son préjudice, quand le manquement de l'employeur, qui n'était pas contesté, causait nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartenait aux juges du fond de réparer, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 ;

2°) ALORS QUE le défaut de remise ou la remise non conforme à un salarié des documents nécessaires à la détermination exacte de ses droits entraîne nécessairement un préjudicie qui doit être réparé ; qu'en rejetant la demande indemnitaire formulée au titre de la remise d'une attestation Pôle-Emploi non conforme, au motif que M. O... ne prouvait pas l'existence de son préjudice, quand la remise d'une telle attestation, qui ne permettait pas la détermination exacte des droits du salarié à l'assurance chômage, entraînait nécessairement un préjudice qui devait être réparé, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail.

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