14 avril 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.589

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00477

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Cas - Préparation à la négociation sur l'égalité professionnelle - Etendue - Détermination - Portée

En application de l'article L. 2315-94, 3°, du code du travail, le comité social et économique peut faire appel à un expert dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle. Il résulte d'une part de cette disposition, reprise à l'article L. 2315-95 du code du travail que le comité social et économique peut faire appel à un expert afin qu'il apporte aux organisations syndicales en charge des négociations prévues aux articles L. 2242-1, 2°, et L. 2242-17 du code du travail, toute analyse utile dans le cadre de la préparation de la négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sans préjudice de l'application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail. Il en résulte d'autre part que la désignation de l'expert doit être faite en un temps utile à la négociation. Cette expertise peut être ordonnée quand bien même la négociation a commencé à être engagée. Enfin, cette disposition, issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, est spécifiquement destinée à favoriser la négociation sur l'égalité professionnelle. Elle ne peut être étendue à d'autres champs de négociation. En application de l'article L. 2315-80, 1, du code du travail, lorsque le comité social et économique décide du recours à l'expertise dans les conditions précitées, les frais d'expertise sont pris en charge intégralement par l'employeur en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle, prévu à l'article L. 2312-18 du code du travail. Dans les autres cas, en application du 2 du même texte, les expertises diligentées en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle sont prises en charge à hauteur de 20% par le comité, sur son budget de fonctionnement, et à hauteur de 80% par l'employeur

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Cas - Préparation à la négociation sur l'égalité professionnelle - Désignation de l'expert - Moment - Détermination - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Fonctionnement - Recours à un expert - Cas - Préparation à la négociation sur l'égalité professionnelle - Frais d'expertise - Charge - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 477 FS-P

Pourvoi n° G 19-23.589




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

La société Mediapost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-23.589 contre l'ordonnance rendue le 9 octobre 2019 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, dans le litige l'opposant au comité social et économique central de la société Mediapost, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mediapost, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Nanterre, 9 octobre 2019), rendue en la forme des référés, les élus du comité social et économique central de la société Mediapost ont, par délibération du 9 mai 2019, décidé de recourir à une expertise relative à la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle.

2. La société Mediapost a contesté la délibération devant le président du tribunal de grande instance par acte du 21 mai 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Mediapost fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération du comité social et économique central du 9 mai 2019, alors :

« 1°/ que les expertises prévues par les articles L. 2315-94 et L. 2325-95 ont pour finalité légale de permettre au comité social et économique de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle et qu'un expert ne peut donc être désigné par le comité social et économique que dans l'hypothèse où le comité est amené à participer à cette négociation ; qu'au cas présent, la société Mediapost faisait valoir que le comité social et économique ne participait pas à la négociation de l'accord sur l'égalité professionnelle qui était menée avec les délégués syndicaux, de sorte qu'il ne pouvait prétendre désigner un expert pour préparer cette négociation ; qu'en déboutant la société Mediapost de sa demande d'annulation de la désignation d'un expert par le comité économique et social "pour accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle" sans rechercher, comme il y était invité, si le comité social et économique était partie à cette négociation et comment l'expertise devait s'insérer dans le processus de négociation, le président du tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale au regard des articles L. 2315-94 et L. 2315-95 du code du travail ;

2°/ qu'à supposer que le comité social et économique puisse désigner un expert pour préparer une négociation sur l'égalité professionnelle, à laquelle il n'est pas partie, cette mesure devrait alors permettre au comité de fournir une analyse utile aux organisations syndicales pour préparer la négociation et doit donc être mise en oeuvre préalablement à l'ouverture de la négociation ; qu'au cas présent, la société Mediapost faisait valoir que la négociation sur l'égalité professionnelle avait débuté en novembre 2018, que suspendue pendant la durée des élections en janvier 2019, elle avait repris au mois de mars et que la réunion conclusive s'est finalement tenue le 30 août 2019 ; qu'elle faisait valoir que, dans ces conditions, la désignation d'un expert par le comité économique et social "pour accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle", qui avait été opérée le 9 mai 2019 était tardive ; qu'en déboutant néanmoins la société Mediapost de sa demande d'annulation au motif inopérant que les élus du comité social et économique ne disposaient pas des informations nécessaires et pertinentes permettant la poursuite des négociations, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 2315-94 et L. 2315-95 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article L. 2315-94, 3° du code du travail, le comité social et économique peut faire appel à un expert dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle.

5. Il résulte de cette disposition, reprise à l'article L. 2315-95 du code du travail, d'une part, que le comité social et économique peut faire appel à un expert afin qu'il apporte aux organisations syndicales en charge des négociations prévues aux articles L. 2242-1°, 2°, et L. 2242-17 du code du travail, toute analyse utile dans le cadre de la préparation de la négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sans préjudice de l'application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail.

6. Il en résulte, d'autre part, que la désignation de l'expert doit être faite en un temps utile à la négociation. Cette expertise peut être ordonnée quand bien même la négociation a commencé à être engagée.

7. Le président du tribunal de grande instance ayant constaté que si les membres élus du comité social et économique avaient décidé en mai 2019 de recourir à une expertise alors que la négociation sur l'égalité professionnelle était déjà engagée depuis décembre 2018, c'était en raison de la suspension des négociations du fait des élections professionnelles ayant eu lieu en janvier et février 2019 et de l'insuffisance des informations fournies par l'employeur, celui-ci ayant d'ailleurs transmis aux élus des compléments d'information en mai 2019, la négociation ne s'étant finalement achevée qu'en août 2019, a pu en déduire que l'expertise n'était pas tardive.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande tendant à limiter l'étendue de l'expertise à la seule question de l'égalité professionnelle, alors « que les expertises prévues par les articles L. 2315-94 et L. 2325-95 du code du travail ont pour objet de permettre au comité social et économique "de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle" ; qu'il en résulte que l'expertise ne peut porter que les problématiques visées par l'article L. 2242-7 du même code relatives à l'égalité professionnelle et non sur celles relatives à la qualité de vie au travail ; qu'au cas présent, la désignation opérée par le comité social et économique avait pour objet d' ''accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle" ; qu'en disant n'y avoir lieu de limiter l'étendue de l'expertise à la seule question de l'égalité professionnelle, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 2242-17 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2315-94,3° et L. 2315-95 du code du travail :

10. Il résulte des deux articles susvisés que le comité économique et social peut, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, décider du recours à un expert en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle. Cette disposition, issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, est spécifiquement destinée à favoriser la négociation sur l'égalité professionnelle. Elle ne peut être étendue à d'autres champs de négociation.

11. Pour débouter la société de sa demande visant à limiter l'étendue de l'expertise au cadre des négociations sur l'égalité professionnelle, l'ordonnance retient que les élus n'ont pas disposé des éléments pertinents pour pouvoir se prononcer utilement sur le projet de qualité de vie au travail et d'égalité professionnelle, et que dès lors, il n'y a pas lieu de limiter l'étendue de l'expertise qui vise également le champ de la négociation sur la qualité de vie au travail.

12. En statuant ainsi, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

13. La société fait grief à l'ordonnance de la débouter de ses demandes tendant à voir juger que le coût de l'expertise devait rester à la charge exclusive du comité social et économique central ou, à défaut que le comité social et économique central devait prendre en charge au moins 20 % du coût de l'expertise, alors :

« 1°/ que l'employeur ne prend en charge l'intégralité des frais relatifs à l'expertise décidée par le comité social et économique que dans les hypothèses limitativement énumérées par l'article L. 2315-80 1° du code du travail ; que ce texte ne prévoit pas la prise en charge des frais d'expertise lorsque le comité décide de recourir à un expert technique de son choix en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle en application de l'article L. 2315-95 du code du travail ; qu'en jugeant néanmoins que "compte tenu des circonstances de l'espèce les honoraires d'expertise seront intégralement supportés par la SAS Mediapost", le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 2315-80 et L. 2315-95 du code du travail ;

2°/ que l'article L. 2315-80 1° dispose que l'employeur ne prend en charge les frais relatifs à l'expertise décidée par le comité social et économique en application de l'article L. 2315-94 3° du même code qu'en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle dans la base de données économiques et sociales ; qu'au cas présent, la société Mediapost démontrait que sa base de données économiques et sociales, dont elle produisait la partie sociale au débats, comporte plusieurs indicateurs chiffrés relatifs à l'égalité professionnelle, notamment les écarts de rémunération, ainsi que l'index égalité et la méthodologie suivie ; qu'en jugeant que les frais d'expertise seraient intégralement pris en charge par l'employeur, sans rechecher, comme il y était invité, si la base de données économiques et sociales comportait des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-80 et L. 2315-94 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L.2315-80 du code du travail :

14. En application du 1° de ce texte, lorsque le comité social et économique décide du recours à l'expertise en application du 3° de l'article L. 2315-94, les frais d'expertise sont pris en charge intégralement par l'employeur en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle, prévu à l'article L. 2312-18. Dans les autres cas, en application du 2° du même texte, les expertises diligentées en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle sont prises en charge à hauteur de 20 % par le comité, sur son budget de fonctionnement, et à hauteur de 80 % par l'employeur.

15. Pour mettre à la charge de l'employeur les frais de l'expertise ordonnée par le comité social et économique central le 9 mai 2019, l'ordonnance retient que la prise en charge des honoraires par l'employeur est intégrale lorsque la base de données économique et sociale (BDES) ne contient aucun indicateur, étant observé que le contenu de la BDES peut être aménagé par accord collectif en vertu de l'article L. 2312-9 du code du travail, et que compte tenu des circonstances de l'espèce, les honoraires d'expertise seront intégralement supportés par la société Mediapost.

16. En se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il le lui était demandé, si la BDES mise à la disposition du comité social et économique comportait ou non certains indicateurs chiffrés relatifs à l'égalité professionnelle, le président du tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à limiter l'étendue de la mission d'expertise résultant de la délibération prise par le comité social et économique central le 9 mai 2019, et met à la charge intégrale de l'employeur le coût de l'expertise, l'ordonnance rendue le 9 octobre 2019 entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en la forme des référés ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mediapost ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mediapost

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit n'y avoir à annuler la délibération prise par le Comité Économique et Social Central décidant de recourir à une expertise relative à la Qualité de vie au Travail et à l'Égalité Professionnelle en date du 9 mai 2019 et d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le droit à expertise du Comité social et économique central : que l'article L. 2315-92 du code du travail issu de (Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017, art. 1er)(Ord. no 2017-1718 du 20 déc. 2017, art. 1er-I) dispose que «Un expert-comptable peut être désigné par le comité social et économique : 1° Dans les conditions prévues à l'article L. 2312-41 relatif aux opérations de concentration; 2° Dans les conditions prévues aux articles L. 2312-63 et suivants, relatifs à l'exercice du droit d'alerte économique; 3° En cas de licenciements collectifs pour motif économique, dans les conditions prévues aux articles L. 1233-34 et suivants; 4° Dans les conditions prévues aux articles L. 2312-42 à L. 2312-52, relatifs aux offres publiques d'acquisition. II. — Le comité peut également mandater un expert-comptable afin qu'il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations prévues aux articles, L. 2254-2 et L. 1233-24-1. Dans ce dernier cas, l'expert est le même que celui désigné en application du 3° du I." ; que l'ancien article L. 2325-38 du code du travail prévoyait que dans les entreprises(L. n° 2012-387 du 22 mars 2012, art. 43) «d'au moins trois cents salariés», le comité d'entreprise peut recourir à un expert technique à l'occasion de tout projet important dans les cas énumérés aux articles (L. n° 2015-994 du 17 août 2015, art. 18-XII et XIV, en vigueur le 1er janv. 2016) «L. 2323-29 et L. 2323-30 et en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle» ;que le recours à cet expert fait l'objet d'un accord entre l'employeur et la majorité des membres élus du comité ; que cet expert dispose des éléments d'information prévus à ces mêmes articles ; qu'en cas de désaccord sur la nécessité d'une expertise, sur le choix de l'expert ou sur l'étendue de la mission qui lui est confiée, la décision est prise par le président du tribunal de grande instance statuant en urgence ; que l''article L. 2315-94 (Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017, art. 1er) du code du travail dispose que le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État: 1° Lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement; 2° En cas (L. no 2018-217 du 29 mars 2018, art. 6) «d'introduction de nouvelles technologies ou» de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail,(L. n° 2018-217 du 29 mars 2018, art. 6) «prévus» au 4° de l'article L. 2312-8 ; que l'article L. 2315-95(Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017, art. 1er) du code susvisé précise que dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert technique de son choix en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle ; que la SAS MEDIAPOST soutient que l'ouverture du droit à expertise en vue de la préparation de la négociation à l'égalité professionnelle issue de la loi du 17 août 2015, préservée par l'ordonnance du 22 septembre 2017, la loi du 29 mars 2018 est contestable car ce droit à expertise est sans lien avec l'introduction d'une nouvelle technologie ou la présentation d'un projet important ; que s'agissant de négociation sur l'égalité professionnelle, l'employeur dispose de délégués syndicaux avec lesquels il mène la négociation sur l'égalité professionnelle ; que le CSE Central n'a pas vocation à négocier lui-même l'accord: en conséquence, le droit à expertise lui serait fermé ; que sur ce point, le CSE Central ne formule aucune observation et fait état de l'indigence des informations communiquées aux élus ; que compte tenu de ce qui précède et des textes législatifs et réglementaires en vigueur, force est de constater que le législateur n'a pas entendu restreindre le droit à expertise du CSE tant en 2015, qu'en 2017 et 2018 considérant que ses membres devaient pouvoir disposer de l'éclairage d'un expert technique ; que, dès lors, le CSE Central était parfaitement en droit de recourir à un expert ; Sur le caractère tardif de la demande d'expertise : que la société demanderesse rappelle que le recours à l'expertise est légalement prévu "en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle": qu'il en déduit que ce droit à expertise n'est ouvert qu'au commencement de la négociation ; que la négociation a débuté au mois de novembre 2018, a été suspendue le temps des élections (janvier et février 2019), a été reprise au mois de mars 2019 ; qu'elle devait se terminer au mois de mai 2019 et s'est prolongée de fait jusqu'au 30 août 2019, date à laquelle la négociation a pris fin: que le recours à l'expertise est dès lors devenu sans objet ; que le CSE central soutient que l'employeur n'a pas communiqué toutes les informations, les a délivrées de manière disséminée pour gagner du temps et continuer la négociation conclusive sur la Qualité de Vie au Travail ; qu'il estime que les négociations n'ont pas été menées loyalement ; que le 30 août 2019, les négociateurs ont échangé sur la position commune considérant qu'il n'était pas opportun de discuter des projets d'accord Qualité de Vie au Travail «QVT» et EGALITE PROFESSIONNELLE ; qu'après de nombreuses interruptions de séance, une déclaration commune des Syndicats a été lue à 11h45 mettant fin aux négociations ; que la Direction a lu le projet d'accord sur la QVT puis celui sur l'EGALITE PROFESSIONNELLE ; que la séance a été levée à 12h30 ; que force est de constater que les négociations ont commencé au mois de décembre 2018 mais ont été interrompues du fait des élections pour la mise en place du CSE Central pour les mois de février et mars 2019 ; que les membres du CSE Central estiment qu'ils ne disposaient pas d'informations suffisantes depuis le début de la négociation concernant les indicateurs dans les conditions générales d'emploi, de formation, des conditions de travail, santé et sécurité au travail, sur l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, l'accès à une base de données économiques et sociales à jour ; que ces faits ne sont pas sérieusement contestables dès lors qu'il est démontré que l'employeur a transmis aux élus des compléments d'informations ultérieurement aux mois de mai 2019 puis au fil de l'eau durant l'été 2019 ; que la délibération a été votée le 9 mai 2019 dans ces circonstances ; qu' il s'ensuit que la tardiveté de cette délibération ne saurait être utilement objectée aux élus du CSE Central puisqu'ils ne disposaient pas des informations nécessaires et pertinentes permettant la poursuite des négociations, le principe de loyauté s'imposant à toutes les parties ; qu'il s'ensuit que la tardiveté de la délibération décidant de recourir à une expertise ne saurait être utilement invoquée » ;

1. ALORS QUE les expertises prévues par les articles L. 2315-94 et L. 2325-95 ont pour finalité légale de permettre au comité social et économique de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle et qu'un expert ne peut donc être désigné par le comité social et économique que dans l'hypothèse où le comité est amené à participer à cette négociation ; qu'au cas présent, la société Mediapost faisait valoir que le comité social et économique ne participait pas à la négociation de l'accord sur l'égalité professionnelle qui était menée avec les délégués syndicaux, de sorte qu'il ne pouvait prétendre désigner un expert pour préparer cette négociation ; qu'en déboutant la société Mediapost de sa demande d'annulation de la désignation d'un expert par le comité économique et social « pour accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle » sans rechercher, comme il y était invité, si le comité social et économique était partie à cette négociation et comment l'expertise devait s'insérer dans le processus de négociation, le président du tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale au regard des articles L. 2315-94 et L. 2315-95 du code du travail ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer que le comité social et économique puisse désigner un expert pour préparer une négociation sur l'égalité professionnelle, à laquelle il n'est pas partie, cette mesure devrait alors permettre au comité de fournir une analyse utile aux organisations syndicales pour préparer la négociation et doit donc être mise en oeuvre préalablement à l'ouverture de la négociation ; qu'au cas présent, la société Mediapost faisait valoir que la négociation sur l'égalité professionnelle avait débuté en novembre 2018, que suspendue pendant la durée des élections en janvier 2019, elle avait repris au mois de mars et que la réunion conclusive s'est finalement tenue le 30 août 2019 ; qu'elle faisait valoir que, dans ces conditions, la désignation d'un expert par le comité économique et social « pour accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle », qui avait été opérée le 9 mai 2019 était tardive ; qu'en déboutant néanmoins la société Mediapost de sa demande d'annulation au motif inopérant que les élus du comité social et économique ne disposaient pas des informations nécessaires et pertinentes permettant la poursuite des négociations, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 2315-94 et L. 2315-95 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes et d'AVOIR débouté la société Mediapost de sa demande tendant à limiter l'étendue de l'expertise à la seule question de l'égalité professionnelle ;

AUX MOTIFS QUE Sur l'étendue de l'expertise La SAS MEDIAPOST fait valoir que de nombreux textes du travail visent spécifiquement la négociation sur l'égalité professionnelle, que la disposition légale sur lequel se fonde le CSE Central la circonscrit précisément à l'égalité professionnelle et non à la qualité de vie au travail (article L 2315-95 du code du travail). Enfin, elle rappelle que dans le cadre de la consultation du CSE Central sur la politique sociale et les conditions de travail qui ouvre droit à une expertise, une expertise a, de fait été lancée le 29 août 2019. Lors de la réunion du 29 août 2019, le CSE Central a demandé le recours à une expertise avant de se rétracter. Le CSE Central soutient que l'employeur n'a pas mené loyalement les négociations puisqu'il n'a pas présenté de projet d'accord sur la Qualité de vie au Travail incluant l'Égalité Professionnelle avant le 21 mai 2019 et ce, au moment où la SAS MEDIAPOST a délivré l'assignation en contestation d'expertise. La SAS MEDIAPOST a sollicité un renvoi lors de l'audience du 12 juin 2019 suite à la communication des dernières pièces de cette dernière. Dans le cadre des négociations sur l'égalité professionnelle, il peut être enjoint à l'entreprise à communiquer les indicateurs légaux (répartition des effectifs, durée entre deux promotions, écarts de rémunération etc...) mais surtout des indicateurs pertinents propres à l'entreprise car cette dernière ne saurait se prévaloir de l'apparence du respect des obligations légales et réglementaires pour échapper à son obligation de loyauté dans le cadre de la négociation collective. En l'espèce, les élus n'ont pas disposé des éléments pertinents pour pouvoir se prononcer utilement sur le projet de qualité de vie au travail et d'égalité professionnelle : dès lors, il n'y a pas lieu de limiter l'étendue de l'expertise. Compte tenu de tout ce qui précède, il n'y a pas lieu d'annuler la délibération prise par le CSE Central le 9 mai 2019 » ;

ALORS QUE les expertises prévues par les articles L. 2315-94 et L. 2325-95 du code du travail ont pour objet de permettre au comité social et économique « de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle » ; qu'il en résulte que l'expertise ne peut porter que les problématiques visées par l'article L. 2242-7 du même code relatives à l'égalité professionnelle et non sur celles relatives à la qualité de vie au travail ; qu'au cas présent, la désignation opérée par le comité social et économique avait pour objet d'« accompagner les élus dans la négociation sur l'accord de la qualité de vie au travail incluant l'égalité professionnelle » ; qu'en disant n'y avoir lieu de limiter l'étendue de l'expertise à la seule question de l'égalité professionnelle, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 2242-17 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes et d'AVOIR débouté la société Mediapost de ses demandes tendant à voir juger que le coût de l'expertise devait rester à la charge exclusive du comté social et économique central ou, à défaut, que le comité social et économique central devait prendre en charge au moins 20 % du coût de l'expertise ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le financement de l'expertise : que l'article L. 2315-80 du code du travail prévoit que (Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017, art. 1er) lorsque le comité social et économique décide du recours à l'expertise, les frais d'expertise sont pris en charge: "1° Par l'employeur concernant les consultations prévues par les articles L. 2315-88, L. 2315-91, au 3° de l'article L. 2315-92 et au 1° de l'article (L. n° 2018-217 du 29 mars 2018, art. 6)«L. 2315-94 ainsi qu'au 3° du même article L. 2315-94 en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle prévu à l'article L. 2312-18»; 2° Par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l'employeur, à hauteur de 80 %, concernant la consultation prévue à l'article L. 2315-87 et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa (L. n° 2018-217 du 29 mars 2018, art. 6) ; «3° Par l'employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l'expertise et n'a pas donné lieu à un transfert d'excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l'article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes" ; Que la SAS MEDIAPOST soutient que l'article L 2315-95 du code susvisé relatif à l'expertise technique que le financent n'est pas prévu; qu'il en est de même en ce qui concerne le financement de l'expertise visée à l'article 2315-94 lorsque la BDES comporte des indicateurs ; que la prise en charge des honoraires par l'employeur est intégrale lorsque la BDES ne contient aucun indicateur, étant observé que le contenu de la BDES peut être aménagé par accord collectif en vertu de l'article L 2312-9 du code du travail ; que compte tenu des circonstances de l'espèce, les honoraires d'expertise seront intégralement supportés par la SAS MEDIAPOST ; qu'en conséquence, la SAS MEDIAPOST sera déboutée de toutes ses demandes » ;

1. ALORS QUE l'employeur ne prend en charge l'intégralité des frais relatifs à l'expertise décidée par le comité social et économique que dans les hypothèses limitativement énumérées par l'article L. 2315-80 1° du code du travail ; que ce texte ne prévoit pas la prise en charge des frais d'expertise lorsque le comité décide de recourir à un expert technique de son choix en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle en application de l'article L. 2315-95 du code du travail ; qu'en jugeant néanmoins que « compte tenu des circonstances de l'espèce les honoraires d'expertise seront intégralement supportés par la SAS Mediapost », le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 2315-80 et L. 2315-95 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'article L. 2315-80 1° dispose que l'employeur ne prend en charge les frais relatifs à l'expertise décidée par le comité social et économique en application de l'article L. 2315-94 3 ° du même code qu'en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle dans la base de données économiques et sociales ; qu'au cas présent, la société Mediapost démontrait que sa base de données économiques et sociales, dont elle produisait la partie sociale au débats, comporte plusieurs indicateurs chiffrés relatifs à l'égalité professionnelle, notamment les écarts de rémunération, ainsi que l'index égalité et la méthodologie suivie ; qu'en jugeant que les frais d'expertise seraient intégralement pris en charge par l'employeur, sans rechecher, comme il y était invité, si la base de données économiques et sociales comportait des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2315-80 et L. 2315-94 du code du travail.

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