8 septembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-14.192

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00723

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - redressement et liquidation judiciaires - créances - action contre le débiteur - instance en cours au moment du jugement d'ouverture - décision - voies de recours - droit propre du débiteur

Il résulte de l'article L. 641-9, I, du code de commerce que lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2013), que, par un jugement du 29 août 2011, la SARL Concept Ingénierie (la société CI) et M. X... ont été solidairement condamnés à payer diverses sommes à M. et Mme Y... pour la mauvaise exécution d'un contrat du 25 juin 2004 portant sur des travaux immobiliers ; que la société CI et M. X... en ont relevé appel le 14 octobre 2011 ; que, le 26 octobre suivant, la société CI a été mise en liquidation judiciaire, M. A... (le liquidateur) étant désigné liquidateur ; que ce dernier, assigné le 9 avril 2013 en intervention forcée par M. et Mme Y... en cause d'appel, a fait savoir qu'il ne se constituerait pas pour le compte de la société CI, faute de trésorerie ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes dirigées contre la société CI et M. X... alors, selon le moyen :

1°/ que dans les procédures contentieuses devant la cour d'appel, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de constituer avocat ; que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire interrompt toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que dans ce cas, l'instance est reprise après mise en cause du liquidateur judiciaire qui a seul qualité pour exercer les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... avaient fait valoir que la société CI ne pouvait valablement conclure en suite de la liquidation judiciaire prononcée à son encontre ; que la cour d'appel a constaté que cette société (RCS 485 053 193) avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011 et que M. A..., liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par M. et Mme Y..., n'avait pas constitué avocat, l'arrêt le qualifiant, pour cette raison, de « défaillant » ; que cependant, pour infirmer le jugement de première instance et débouter M. et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société CI, la cour d'appel a statué au visa de conclusions établies dans l'intérêt « de M. X... et de la SARL Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » ; qu'en procédant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la société CI, dessaisie de ses droits et actions, n'était pas régulièrement représentée à hauteur d'appel faute pour M. A..., ès qualités, d'avoir constitué avocat et déposé des conclusions en qualité de liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 899 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 641-3, L. 641-9 I du code de commerce et L. 622-22 du code de commerce ;

2°/ que l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; que si l'appelant n'a pas conclu, la cour d'appel, qui n'est saisie d'aucun moyen, ne peut que rejeter le recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société CI avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011, et que M. A..., liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par M. et Mme Y... n'avait pas constitué avocat ; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société CI à les indemniser de leurs différents préjudices, au visa des conclusions « de M. X... et de la SARL Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » quand, en l'absence de conclusions régulièrement déposées par le mandataire liquidateur, elle n'était saisie d'aucun moyen par la société CI dessaisie de ses droits et actions, et devait de ce fait rejeter le recours formé par cette société, la cour d'appel a violé l'article 562 et 954 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... faisaient valoir que la responsabilité de M. X... serait engagée, en tout état de cause, sur le fondement délictuel, à raison des nombreuses fautes commises par celui-ci dans l'accomplissement de sa mission, en lien de causalité directe avec leur préjudice ; qu'ils ajoutaient que M. X... avait sciemment entretenu la confusion dans l'esprit de M. et Mme Y... entre les différentes sociétés dont il était le gérant, ces derniers n'ayant jamais été en mesure de se rendre compte qu'ils avaient prétendument contracté avec une société de droit anglais, la société Corse Engineering Ltd, dont le nom ne figurait sur aucun document contractuel, et encore moins sur l'attestation d'assurance qui leur avait été remise, laquelle couvrait la responsabilité d'une « SARL Concept Ingenierie » ; qu'en infirmant le jugement entrepris, en indiquant qu'il y avait lieu de débouter M. et Mme Y... « de leurs demandes à l'encontre de la SARL Concept Ingenierie et de M. X... à titre personnel sur le fondement de l'article 1843 du code civil comme ayant agi pour le compte de la SARL Concept Ingenierie », la cour d'appel qui, ce faisant, a omis de répondre au moyen soulevé par M. et Mme Y... tiré de ce que M. X... avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 641-9 I du code de commerce que lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; qu'ayant relevé que la société CI avait relevé appel, le 14 octobre 2011, du jugement la condamnant solidairement avec M. X..., avant d'être mise en liquidation judiciaire le 26 octobre suivant, tandis que son liquidateur, assigné en intervention forcée par M. et Mme Y... en cause d'appel, avait fait savoir qu'il ne se constituerait pas pour le compte de la société CI, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées par la troisième branche, a décidé à bon droit de statuer sur l'appel formé, au titre de son droit propre, par la société CI, peu important l'absence de constitution de son liquidateur pourtant appelé en la cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame Y... de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Sarl CONCEPT INGENIERIE (RCS 485 053 193 00010) et de Monsieur Patrice X... ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... et la SARL Concept Ingenierie ont interjeté appel de cette décision le 14 octobre 2011. La SARL Concept Ingenierie (N° de RCS 485 053 193 RCS Marseille) a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011. L'instance a été interrompue pour mise en cause du liquidateur ; Par acte du 9 avril 2013, les époux Y... ont fait délivrer une assignation en intervention forcée à l'encontre de Me A... es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de cette société. Celui-ci par courrier du 10 avril 2013 a fait savoir qu'il ne constituerait pas avocat faute de trésorerie et que les époux Y... avaient déclaré leur créance pour un montant chirographaire de 209. 763, 18 euros. L'arrêt sera rendu par défaut.
Vu les conclusions de M. X... et de la SARL Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012, Vu les conclusions des époux Y... en date du 12 mars 2012, Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions. (...) Il résulte des pièces versées aux débats que le contrat en date du 25 juin 2004 a été conclu entre les époux Y... et la société Concept Ingenierie, représentée par M. X..., domiciliée 19 avenue des Orangers à Nice, immatriculée au registre du commerce de Nice sous le n º 438 105 439 00048. Cette société était assurée en responsabilité décennale, responsabilité professionnelle et responsabilité civile d'exploitation auprès des MMA selon attestation du 24 juin 2003. C'est cette même société qui est visée dans le cahier des clauses générales, sur les plans du chantiers et dans les différentes situations de travaux de 2004 et 2005, dans les courriers adressés par M. X... adressés à la société Castellana pour la poursuite des travaux. Il résulte d'un KBIS que cette société en fait dénommée Corse Engineering limited, de droit étranger ayant son siège social à Birmingham, a été immatriculée le 23 mai 2002, qu'elle a pour activité l'économie de la construction et pour principal établissement l'adresse de Nice précitée avec pour responsable France M. Patrick X.... Cette société aurait fait l'objet, après un transfert du siège dans le ressort du tribunal de commerce d'Aix en Provence, d'une radiation le 11 août 2008. L'assignation en date du 16 décembre 2009 a été délivrée à l'encontre d'une société Concept Ingenierie immatriculée au registre du commerce de Tarascon sous le n° 485 053 193 dont l'adresse est 11 boulevard Marceau à St Rémy en Provence, qui a pour gérante Madame Emile X... en remplacement de M. Patrick X.... Selon un kbis du 3 avril 2013, cette société a fait l'objet d'un transfert à compter du 1er mars 2010 au RCS de Marseille ayant transféré son siège social ZI, Les Paluds à Aubagne et ayant comme gérant M. P X.... Elle a fait l'objet le 26 octobre 2011 d'un jugement du tribunal de commerce de Marseille ouvrant à son égard une procédure de liquidation judiciaire, Me A... ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire. Il résulte du rapport d'expertise de M. Z... que par courrier du 30 janvier 2008, la société Concept Ingenierie RCS 485 053 193 00010 avait informé l'expert qu'elle avait été créée en novembre 2005, qu'elle n'était pas assurée à la MMA et qu'il appartenait aux époux Y... d'assigner la société Corse Ingineering ayant pour appellation commerciale Concept Ingenierie. Il s'évince de ce qui précède, que malgré des appellations et des dirigeants communs pouvant prêter à confusion, la SARL Concept Ingenierie qui a été assignée n'est pas la société qui a contracté avec les époux Y... ainsi que cela leur avait été signalé au cours des opérations d'expertise selon le courrier précité visé dans le rapport d'expertise déposé en juillet 2009 soit antérieurement à l'assignation de décembre 2009. Les époux Y... doivent donc être déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SARL Concept Ingénierie et de M. X... à titre personnel sur le fondement de l'article 1843 du code civil comme ayant agi pour le compte de la SARL Concept Ingenierie. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions » ;

1°/ ALORS QUE dans les procédures contentieuses devant la cour d'appel, les parties sont tenues, sauf disposition contraire, de constituer avocat ; que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire interrompt toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que dans ce cas, l'instance est reprise après mise en cause du liquidateur judiciaire qui a seul qualité pour exercer les droits et actions du débiteur dessaisi ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame Y... avaient fait valoir que la Sarl CONCEPT INGENIERIE ne pouvait valablement conclure en suite de la liquidation judiciaire prononcée à son encontre ; que la cour d'appel a constaté que cette société (RCS 485 053 193) avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011 et que Maître A..., mandataire liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par les époux Y..., n'avait pas constitué avocat, l'arrêt le qualifiant, pour cette raison, de « défaillant » ; que cependant, pour infirmer le jugement de première instance et débouter les époux Y... de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la Sarl CONCEPT INGENIERIE, la cour d'appel a statué au visa de conclusions établies dans l'intérêt « de M. X... et de la Sarl Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » (arrêt p. 3 in fine) ; qu'en procédant ainsi, quand il résultait de ses constatations que la Sarl CONCEPT INGENIERIE, dessaisie de ses droits et actions, n'était pas régulièrement représentée à hauteur d'appel faute pour Maître A... d'avoir constitué avocat et déposé des conclusions es-qualité de liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 899 du Code de procédure civile, ensemble les articles L 641-3, L. 641-9-1 du Code de commerce et L 622-22 du Code de commerce ;

2°/ ALORS QUE l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; que si l'appelant n'a pas conclu, la cour d'appel, qui n'est saisie d'aucun moyen, ne peut que rejeter le recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Sarl CONCEPT INGENIERIE avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 26 octobre 2011, et que Maître A..., mandataire liquidateur assigné en intervention forcée le 9 avril 2013 par les époux Y... n'avait pas constitué avocat ; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la Sarl CONCEPT INGENIERIE à indemniser les époux Y... de leurs différents préjudices, au visa des conclusions « de M. X... et de la Sarl Concept Ingenierie en date du 6 décembre 2012 » (arrêt p. 3 in fine), quand, en l'absence de conclusions régulièrement déposées par le mandataire liquidateur, elle n'était saisie d'aucun moyen par la société CONCEPT INGENIERIE dessaisie de ses droits et actions, et devait de ce fait rejeter le recours formé par cette société, la cour d'appel a violé l'article 562 et 954 du Code de procédure civile, ensemble les articles L 641-3 et L622-22 du Code de commerce ;

3°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les époux Y... faisaient valoir (conclusions du 12 mars 2012, p. 18 et s.) que la responsabilité de Monsieur X... serait engagée, en tout état de cause, sur le fondement délictuel, à raison des nombreux fautes commises par celui-ci dans l'accomplissement de sa mission, en lien de causalité directe avec leur préjudice ; qu'ils ajoutaient que Monsieur X... avait sciemment entretenu la confusion dans l'esprit des époux Y... entre les différentes sociétés dont il était le gérant, ces derniers n'ayant jamais été en mesure de se rendre compte qu'ils avaient prétendument contracté avec une société de droit anglais, la société CORSE ENGINEERING LTD, dont le nom ne figurait sur aucun document contractuel, et encore moins sur l'attestation d'assurance qui leur avait été remise, laquelle couvrait la responsabilité d'une « Sarl CONCEPT INGENIERIE » ; qu'en infirmant le jugement entrepris, en indiquant qu'il y avait lieu de débouter les époux Y... « de leurs demandes à l'encontre de la SARL Concept Ingenierie et de M. X... à titre personnel sur le fondement de l'article 1843 du code civil comme ayant agi pour le compte de la SARL Concept Ingenierie », la cour d'appel qui, ce faisant, a omis de répondre au moyen soulevé par les époux Y... tiré de ce que Monsieur X... avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

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