14 mai 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-19.351

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:CO00487

Titres et sommaires

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - concurrence déloyale - action en justice - compétence d'attribution - contrat de travail - clause de non - concurrence - complicité de violation - compétence du tribunal de commerce - détermination

Saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, une cour d'appel énonce à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 février 2012), que la société SDL Interim, société de travail intérimaire, employait M. X..., commercial, et Mme Y..., secrétaire, qui ont tous deux démissionné en août 2010 et ont ensuite été embauchés par une société concurrente, la société Gemo Interim 3 ; que, faisant valoir que ces salariés étaient tenus par une clause de non-concurrence et invoquant un détournement de clientèle, la société SDL Interim a fait assigner la société Gemo Interim 3 en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;


Attendu que la société Gemo Interim 3 fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen :


1°/ qu'une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; qu'il appartient à l'ancien employeur, qui prétend agir en concurrence déloyale contre le nouvel employeur de son ancien salarié, de faire préalablement constater la violation de la clause de non-concurrence par son salarié ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Gémo Intérim 3 au titre d'une complicité de la violation des clauses de non-concurrence stipulées aux contrats de travail entre la société SDL Intérim et M. X... et Mme Y..., au motif inopérant qu'il n'était pas démontré qu'une action ait été introduite devant le conseil de prud'hommes quant à la violation de la clause, tandis que cette action incombait à SDL Intérim, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;


2°/ que l'aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait ; que l'employeur d'un salarié tenu, à l'égard de son précédent employeur, par une clause de non-concurrence, ne peut reconnaître que la clause a vocation à s'appliquer, ce qui suppose une appréciation juridique de la validité de la clause ; que pour retenir la responsabilité de la société Gemo Intérim 3, la cour d'appel a considéré que la société Gemo Intérim 3 avait reconnu que cette clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;


3°/ que la responsabilité de l'employeur d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence liant ce dernier à un précédent employeur ne peut être engagée qu'à charge pour le juge de vérifier la licéité de la clause de non-concurrence ; qu'il appartient ainsi au juge de vérifier que la clause de non-concurrence est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié ; que la société Gemo Intérim 3 faisait valoir que la licéité des clauses de non-concurrence stipulées dans les contrats de M. X... et de Mme Y... n'avait pas été vérifiée par la juridiction prud'homale ; qu'il appartenait ainsi à la cour d'appel, au besoin d'office, de vérifier la validité des clauses litigieuses au regard des critères précités ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette vérification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du code civil ;


4°/ que pour juger que la société Gemo Intérim 3 avait commis une faute en embauchant Mme Y... en violation de la clause de non-concurrence liant cette dernière à la société SDL Intérim, la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, qu'au regard de l'activité de secrétariat confiée à l'intéressée qui dans ce type d'activité implique des relations avec la clientèle, l'existence d'une clause de non-concurrence était justifiée et que cette clause stipulait elle-même qu'elle était indispensable ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que la clause litigieuse était, au-delà de l'affirmation qu'elle comportait, indispensable aux intérêts légitimes de la société SDL Intérim, qu'elle était limitée dans le temps et dans l'espace, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du code civil ;


Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs ;


Attendu, en deuxième lieu, que la société Gemo Interim 3 ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. X... un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer ;


Attendu, en troisième lieu, que, devant la cour d'appel, la société Gemo Interim 3 ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. X... et, s'agissant de Mme Y..., se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


PAR CES MOTIFS


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Gemo Interim 3 aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société SDL Intérim la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Gemo Intérim 3.


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société Gemo Intérim avait commis des actes de concurrence déloyale envers la société SDL Intérim et de l'avoir condamnée à payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE la cour d'appel constate l'existence de la clause de non concurrence incluse dans les contrats de travail de M. X... et de Mme Y..., dont il n'est pas soutenu et encore moins justifié, qu'elles ont fait l'objet d'une instance en annulation devant la juridiction prud'homale ; que l'absence de décision de la juridiction prud'homale sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question dans le cadre de l'action opposant leur nouvel employeur et leur ancien employeur, ce qui n'affecte pas la compétence exclusive de la juridiction prud'homale pour statuer dans les rapports employeur salariés ; que la société Gemo Intérim reconnaît avoir su quand elle a embauché M. X... et Mme Y... qu'ils ont travaillé jusqu'au mois d'août 2008 pour la société SDL Intérim, une entreprise concurrente de l'agence qu'elle ouvrait sur Saint-Etienne ; que concernant M. X..., elle a su qu'il était tenu par une clause de non-concurrence envers son ancien employeur, et en lui confiant, de ce fait selon ses écritures, un poste à Brignoles (83) hors de la zone géographique visée, a reconnu que la dite clause avait vocation à s'appliquer ; que cependant, il ressort du constat de Maître A..., huissier de justice associé à Saint-Étienne, en date du 20/11/2008, que M. X... se trouvait dans les locaux de l'agence de Saint-Étienne de la société Gemo Intérim le jour de son passage, et aurait déclaré se trouver là par hasard "ne travaillant pas ce jour là" ; que cependant, M. X... a encore été vu à l'agence stéphanoise de Gemo Intérim le 06/10/2008 par M. Moncef B..., qui a établi une attestation, versée aux débats, précisant que M. X... à cette occasion lui a remis sa carte de visite ; qu'en outre, M. Jean C... et M. Henri D..., entrepreneurs de la région stéphanoise, déclarent dans des lettres adressées à la société SDL Intérim, en date respectivement des 16/10/2008 et 12/11/2008, que M. X... leur a présenté la société Gemo Intérim quand il est venu, chez le premier le 14/10/2008, chez le second le 09/10/2008 ; que ces éléments démontrent la présence régulière et active de M. X... sur la région de Saint-Étienne pendant la durée de validité de la clause de non concurrence à laquelle il était tenu ; que les éléments au dossier établissent que ce n'est qu'après avoir constaté ces agissements que la société SDL Intérim a arrêté le versement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ; que concernant Mme Y..., la société Gemo Intérim dit n'avoir appris qu'à l'occasion du passage de l'huissier de justice dans ses locaux que celle-ci était également débitrice d'une obligation de non concurrence envers son ancien employeur ; que si cela est exact, au regard de l'activité de secrétariat confiée à l'intéressée qui dans ce type d'activité implique des relations avec la clientèle et justifie l'existence d'une clause de nonconcurrence, elle aurait commis une faute en ne s'assurant de l'absence d'une telle clause dans le précédent contrat de travail de Mme Y... ; que la violation par celleci de son obligation est établie par la production d'une lettre du 05/1112008, dans laquelle la société Morassuti confirme à la société SDL Intérim que le 03/10/2008, elle a reçu la visite de Mme Y..., après avoir appris par téléphone le 01/10/2008 l'implantation de la société Gemo Intérim dans la région ; que les agissements de Mme Y... et de M. X... constituaient une violation de leur obligation de non concurrence, dont la société Gemo Intérim pour le compte de qui ils ont été opérés, doit répondre ; qu'ils ont nécessairement causé un préjudice à la société SDL Intérim ; que la société SDL Intérim se prévaut d'une baisse de son chiffre d'affaires sur le deuxième semestre 2008 par rapport au deuxième semestre 2007, mais ne précise pas quelle est la baisse de chiffre d'affaires avec les clients retrouvés sur le listing de la société Gemo Intérim, et en justifie encore moins ; qu'aucun élément au dossier ne permet donc d'attribuer précisément aux agissements délictueux tout ou partie de la baisse de son activité ; qu'en revanche, elle a subi un préjudice commercial notamment du fait que les actes de concurrence déloyale ont été commis par ses anciens salariés ; que son préjudice global peut être fixé à la somme retenue par les premiers juges, soit 20.000 € ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner à la société Gemo Intérim de cesser des actes de concurrence déloyale déjà interdits par la loi, étant observé par ailleurs que les clauses litigieuses sont arrivée à leur terme ;


ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. X... a accepté les termes du contrat contracté avec la société SDL Intérim et plus particulièrement son article 15 "clause de non concurrence" où il est clairement établi les obligations de chacune des parties (…) ; que M. X... a été embauché le 1er septembre 2008 par la société Gémo Intérim 3 dont le siège social est à Avold, soit à plus de 100km du siège social de SDL, mais que de toute évidence, il s'est impliqué dans l'organisation de l'agence Gémo Intérim implantée à Saint-Etienne ; que le tribunal constatera que M. X... n'a pas respecté les termes du contrat qu'il avait contracté avec SDL Intérim ; que Mme Y... a été embauchée en date du 9 novembre 2005 en qualité de secrétaire par SDL Intérim et que dans son contrat de travail, dans la rubrique "clauses de non concurrence", il est précisé "que compte tenu de la nature de ses fonctions et du marché très concurrentiel sur lequel intervient SDL Intérim, les parties conviennent qu'une clause de non concurrence est indispensable" (…) ; que Mme Y... a accepté les termes de son contrat de travail et plus particulièrement la clause de non concurrence dont il est fait référence (…) et qu'elle n'a pas respecté les conditions du contrat ;


1. ALORS QU' une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; qu'il appartient à l'ancien employeur, qui prétend agir en concurrence déloyale contre le nouvel employeur de son ancien salarié, de faire préalablement constater la violation de la clause de non-concurrence par son salarié ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Gémo Intérim 3 au titre d'une complicité de la violation des clauses de non-concurrence stipulées aux contrats de travail entre la société SDL Intérim et M. X... et Mme Y..., au motif inopérant qu'il n'était pas démontré qu'une action ait été introduite devant le conseil de prud'hommes quant à la violation de la clause, tandis que cette action incombait à SDL Intérim, la cour d'appel a violé les articles L.1411-1 et L.1411-4 du code du travail, ensemble l'article 49 du code de procédure civile ;


2. ALORS QUE l'aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait ; que l'employeur d'un salarié tenu, à l'égard de son précédent employeur, par une clause de non-concurrence, ne peut reconnaître que la clause a vocation à s'appliquer, ce qui suppose une appréciation juridique de la validité de la clause ; que pour retenir la responsabilité de la société Gemo Intérim 3, la cour d'appel a considéré que la société Gemo Intérim 3 avait reconnu que cette clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;


3. ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHESE, la responsabilité de l'employeur d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence liant ce dernier à un précédent employeur ne peut être engagée qu'à charge pour le juge de vérifier la licéité de la clause de non-concurrence ; qu'il appartient ainsi au juge de vérifier que la clause de non-concurrence est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié ; que la société Gemo Intérim 3 faisait valoir que la licéité des clauses de nonconcurrence stipulées dans les contrats de M. X... et de Mme Y... n'avait pas été vérifiée par la juridiction prud'homale (concl. p. 8 § 2 et p. 10, § 1 et 2) ; qu'il appartenait ainsi à la cour d'appel, au besoin d'office, de vérifier la validité des clauses litigieuses au regard des critères précités ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette vérification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du code civil ;


4. ALORS QUE pour juger que la société Gemo Intérim 3 avait commis une faute en embauchant Mme Y... en violation de la clause de non-concurrence liant cette dernière à la société SDL Intérim, la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, qu'au regard de l'activité de secrétariat confiée à l'intéressée qui dans ce type d'activité implique des relations avec la clientèle, l'existence d'une clause de nonconcurrence était justifiée et que cette clause stipulait elle-même qu'elle était indispensable ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que la clause litigieuse était, au-delà de l'affirmation qu'elle comportait, indispensable aux intérêts légitimes de la société SDL Intérim, qu'elle était limitée dans le temps et dans l'espace, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du code civil.

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