23 juin 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-17.894

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00604

Titres et sommaires

AGENT COMMERCIAL - statut légal - période d'essai - validité - conditions - détermination

Le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n'interdit pas une période d'essai

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Constructions traditionnelles du Val de Loire (la société CTVL) a conclu avec la société Fadin habitat (la société Fadin) un contrat d'agent commercial stipulant une période d'essai de huit mois ; que la société CTVL ayant mis fin au contrat après six mois, la société Fadin l'a assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat ; que celle-là s'y est opposée au motif que la rupture avait eu lieu pendant la période d'essai ;


Sur le premier moyen :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;


Mais sur le second moyen :


Vu les articles 1134 et 1184 du code civil ;


Attendu que pour condamner la société CTVL à payer une indemnité de cessation de contrat à la société Fadin, l'arrêt retient que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, d'ordre public, prévoient le versement d'une indemnité lors de la rupture du contrat d'agent commercial et les cas dans lesquels cette réparation n'est pas due, de sorte qu'à supposer que la stipulation d'une période d'essai dans un tel contrat ne soit pas en elle-même illicite, celle-ci ne peut avoir pour effet de priver l'agent commercial de son droit à indemnité ;


Qu'en statuant ainsi, alors que le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n'interdit pas une période d'essai, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Constructions traditionnelles du Val de Loire à payer à la société Fadin habitat la somme de 123 307,48 euros à titre d'indemnité de rupture, l'arrêt rendu le 17 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;


Condamne la société Fadin habitat aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Constructions traditionnelles du Val de Loire la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Constructions traditionnelles du Val de Loire


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CTVL à payer à la société FADIN HABITAT la somme de somme de 123.307,48 euros en principal;


AUX MOTIFS QUE la société CTVL invoque la jurisprudence en vertu de laquelle l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'il convient donc, du fait de la contestation soulevée par la société appelante, de rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles et aux modalités d'exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial ; qu'il sera relevé que l'argumentation de la société CTVL va à l'encontre des dispositions écrites qu'elle a ellemême rédigées et qui ne présentent aucune ambiguïté ; qu'en effet, le contrat conclu entre les parties le 21 décembre 2010 est expressément intitulé « contrat d'agence commerciale de la marque Maisons CTVL » ; que l'article 1er « objet du contrat » stipule que la société FADIN a la charge de présenter les produits de la marque et de faire signer des contrats de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans de la marque, que le mandataire apporte à son mandant des contrats types signés par les clients sous le contrôle et la responsabilité du mandataire avec l'ensemble des pièces nécessaires au mandant pour réaliser, après confirmation, l'opération de construction, et qu'enfin, le présent contrat est expressément soumis aux dispositions de la loi du 25 juin 1991 régissant les rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants ; que le contrat du 21 décembre 2010 prévoit encore que l'agence commerciale exerce son activité en totale indépendance et en toute liberté, que le mandataire s'engage à utiliser la dénomination de la marque CTVL sur ses locaux et les documents et papiers à entête nécessaires à l'exercice du mandat et que les rapports entre le mandant et le mandataire sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent est défini à l'article 2-5 comme un professionnel qui dans l'exercice de son mandat est tenu à un devoir de conseil envers les personnes avec lesquelles il de son mandat ; que l'article 2-6 précise que le mandataire ne dispose d'aucun pouvoir pour représenter le mandant autrement que pour la négociation des contrats et la constitution des dossiers, à savoir dossier administratif pour les autorisations d'urbanisme, dossier technique nécessaire à l'établissement de la notice descriptive et des plans, et dossier de financement, le mandataire définissant sous sa seule responsabilité le coût de la construction et celui des travaux réservés ; que par ailleurs, le contrat prévoit une augmentation de la commission en cas de « surmarge » sur le dossier accepté ; que s'il est mentionné que le mandataire doit respecter strictement les consignes du mandant concernant les tarifs et les conditions de vente, il apparaît, au vu des pièces communiquées, que la société CTVL autorisait fréquemment ses agents commerciaux, dans le cadre de campagnes de commercialisation, à pratiquer des remises de 5% à 10 % sur le prix de l'opération ; que les commandes obtenues par la société FADIN font état du montant des remises consenties (pièce n° 28 du bordereau du 14 octobre 2013) ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FADIN proposait à la vente des produits de la société CTVL au nom et pour le compte de celle-ci, que sa prospection se traduisait par des commandes, sans que son rôle se réduise à celui de courtier qui se borne à rapprocher les parties, qu'elle disposait, de façon permanente, d'un pouvoir de négocier des contrats de construction de maisons individuelles, tant du point de vue tarifaire que de la consistance de la construction, de sorte qu'elle avait bien la qualité d'agent commercial, le jugement étant confirmé de ce chef,


1°) ALORS QUE l'application du statut de l'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; que pour considérer que le contrat litigieux était un contrat d'agent commercial, la cour d'appel a retenu que la société CTVL elle-même avait ainsi dénommé le contrat qu'elle avait rédigé et que ce contrat faisait référence à la loi du 25 juin 1991 ; qu'en se déterminant au regard de la dénomination du contrat retenue par les parties, et non au regard de la façon dont l'activité était effectivement exercée, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L134-1 du code de commerce et 12 du code de procédure civile;


2°) ALORS QUE l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente ; que le pouvoir de négociation, contrairement à une simple mission de prospection ou d'intermédiation, emporte celui de modifier le contrat ; que le contrat prévoyait que « la société CTVL confie à la société FADIN HABITAT la charge de présenter les produit de la marque et de faire signer des contrats de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans de la marque dans la limite du secteur qui lui est concédé dans les conditions définies aux présentes. Le mandataire apporte à son mandant des contrats type signés par les clients sous le contrôle et la responsabilité du mandataire avec l'ensemble des pièces nécessaires au mandant pour confirmer ledit contrat et réaliser l'opération de construction dans les conditions définies au contrat signé par les clients » ; qu'il ressort de cette convention que si la société FADIN HABITAT devait prospecter et « monter » les dossiers de vente, et les transmettre à la société CTVL pour approbation; que tenue d'utiliser des modèles-type fournis par le mandant, elle n'avait pas le pouvoir de les modifier ; qu'en retenant que la société FADIN HABITAT, qui ne pouvait modifier le contrat, était investie d'un pouvoir de négociation, la cour d'appel a violé l'article L134-1 du code de commerce ;


3°) ALORS QUE pour retenir que la société FADIN HABITAT était investie d'un pouvoir permanent de négociation, caractérisé par celui de modifier le contrat, la cour d'appel a retenu que la société CTVL autorisait fréquemment ses agents commerciaux à pratiquer des remises ; qu'il résultait de ce que la société FADIN HABITAT avait besoin d'une autorisation spéciale pour pratiquer une remise qu'elle n'avait aucun pouvoir général de négociation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L134-1 du code de commerce.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CTVL à payer à la société FADIN HABITAT la somme de somme de 123.307,48 euros en principal,


AUX MOTIFS QUE le contrat litigieux, qui prenait effet au 15 janvier 2011, a été conclu pour une durée indéterminée mais avec une période d'essai de huit mois qui pouvait être rompue en respectant un préavis de 15 jours le premier mois puis d'un mois au-delà ; que la société CTVL s'est fondée sur ces dispositions pour notifier à son agent commercial, par lettre recommandée du 26 juillet 2011, sa décision de mettre fin à la période d'essai au motif qu'elle n'était pas concluante, eu égard à la non-réalisation des objectifs de ventes définis à l'article 9 ; que les articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce, qui prévoient le versement d'une indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat d'agent commercial et énumèrent les cas dans lesquels cette réparation n'est pas due, sont d'ordre public ; qu'ainsi, à supposer que la stipulation d'une période d'essai dans un contrat d'agent commercial ne soit pas en soi illicite, celle-ci ne peut avoir pour effet de priver l'agent de son droit à indemnité compensatrice,


ALORS QUE les parties peuvent aménager le contrat en prévoyant une période d'essai, pendant laquelle chacune d'entre elle bénéficie d'un droit de résiliation unilatéral ; que l'auteur de la rupture intervenue dans cette période n'est pas tenu au paiement d'une indemnité de rupture ; qu'ayant constaté que la rupture était intervenue pendant la période d'essai prévue par les parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en condamnant la société CTVL au paiement d'une indemnité de résiliation ; qu'elle a ce faisant violé les articles 1134 et 1184 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.