7 juin 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-18.860

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:CO00587

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - enregistrement - droits de mutation - mutation à titre onéreux d'immeubles - exonération - achat en vue de la revente - marchands de biens - conditions - tenue d'un répertoire - sanction - article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 - fait générateur de l'impôt antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance - lois et reglements - non - rétroactivité - domaine d'application - abrogation de la sanction de la déchéance du régime de faveur des marchands de biens à compter du 1er janvier 2006

Une loi nouvelle, si elle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date. Dès lors, un marchand de biens peut être déchu du bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement prévue par l'article 1115 du code général des impôts, pour manquements à l'obligation de tenir le registre prévu par l'article 852 2° du même code, nonobstant l'entrée en vigueur ultérieure de nouvelles dispositions

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 29 avril 2010), qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er juin 1997 au 31 mai 2001, la société Oxygène plus (la société) a fait l'objet d'une notification de redressement, le 26 décembre 2002, remettant en cause l'exonération des droits d'enregistrement, prévue par l'article 1115 du code général des impôts et dont elle avait bénéficié en sa qualité de marchand de biens, à raison d'anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852-2° du même code ; qu'après rejet de ses réclamations, elle a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation des avis de mise en recouvrement et la décharge des impositions correspondantes ;


Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen, que l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, codifié à l'article 1829 du code général des impôts, a prévu que toute infraction aux dispositions du 2° de l'article 852 du code général des impôts est exclusivement punie d'une amende dont le montant varie en fonction du manquement ; que cette ordonnance entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2006 s'appliquait immédiatement aux manquements commis avant son entrée en vigueur n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision définitive de la part de l'administration fiscale ou d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ; que l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, entrée en vigueur à compter du 11 mars 2010, a abrogé l'article 1829 du code général des impôts ; qu'en décidant dans son arrêt du 29 avril 2010 que la méconnaissance par la société Oxygène plus des dispositions de l'article 852-2° du code général des impôts entraînait la déchéance du régime de faveur des marchands de biens dont elle avait bénéficié, conséquences juridiques inapplicables depuis le 1er janvier 2006, la cour d'appel a violé l'article 1829 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, ensemble l'article 1115 du code général des impôts et l'article 2 du code civil ;


Mais attendu que si la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date ; qu'à la date du fait générateur de l'impôt, le bénéfice des dispositions prévues par l'article 1115 du code général des impôts était subordonné à l'accomplissement des formalités exigées par l'article 852-2° du même code ; qu'en l'espèce, l'arrêt relève que des erreurs ou anomalies affectant 25 % des affaires traitées avaient été constatées dans le répertoire de l'article 852-2°, présenté au cours du contrôle ; que retenant souverainement que ces manquements formels importants et répétés étaient suffisamment graves, la cour d'appel a pu en déduire qu'ils entraînaient la déchéance du régime de faveur des marchands de biens prévu par l'article 1115 ; que le moyen n'est pas fondé ;


Et attendu que l'autre grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Oxygène plus aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Oxygène plus.


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Oxygène Plus de ses demandes tendant à l'annulation des avis de mise en recouvrement et à la décharge des droits d'enregistrement correspondant, tant en droits simples, intérêts et pénalités ;


AUX MOTIFS QUE par son arrêt rendu le 15 septembre 2009 (direction générale des impôts c/ Darras) la Cour de cassation a dit que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens ne constituait pas une peine et en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de faire application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce lorsque la loi mettant en place un système d'amendes fiscales (article 1829 du code général des impôts) remplace une mesure qui n'a pas le caractère d'une pénalité fiscale (déchéance de l'article 852-2 du code général des impôts) ; que dès lors, en déduisant néanmoins de l'article 20 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 modifiant l'article 1859 du code général des impôts, et du commentaire doctrinal contenu dans le BOI (Bulletin officiel des impôts) n° 29 du 19 février 2007, que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens avait la nature juridique d'une sanction plus sévère que les dispositions de l'article 1829 du code général des impôts modifié, le premier juge a fait une fausse interprétation de l'article 20 de ladite ordonnance ; qu'il s'ensuit que le moyen soulevé par la société Oxygène Plus tiré de la qualification de la nature juridique de la déchéance du régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts au regard de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, doit être écarté ;


ET AUX MOTIFS QU' il convient de rappeler que l'article 852-2° du code général des impôts stipule que « les personnes qui réalisent les affaires définies au 6° de l'article 257-6° du code général des impôts doivent tenir un répertoire à colonnes non sujet au timbre, présentant jour par jour, sans blanc ni interligne et par ordre de numéros, tous les mandats, promesses de vente, actes translatifs de propriété et, d'une manière générale tous actes se rattachant à la profession de marchand de biens » ; que la forme du répertoire a été déterminée par le décret du 11 août 1925 ; que dans le cadre de ses opérations de contrôle, la vérificatrice a constaté diverses anomalies dans la tenue du répertoire prévu à l'article 852-2 du code général des impôts, à savoir : opérations non retracées (8) ; erreurs chronologiques (41 erreurs sur 230 affaires réalisées soit 18 %) ; erreurs dans l'identification des parties (absence des prénoms et 5 noms) ; rupture dans les numéros d'ordre (4 numéros : 152 ; 153 ; 160 ; 170) ; qu'au total 58 erreurs ou anomalies sur 230 affaires traitées soit 25 % ont été constatées par la vérificatrice ; que ces manquements formels importants et répétés sont suffisamment graves pour entraîner la déchéance du régime particulier prévu à l'article 1115 du code général des impôts et justifier les redressements notifiés au contribuable ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'ensemble des avis de mise en recouvrement issus de la vérification fiscale de la société Oxygène Plus et a prononcé la décharge totale des impositions mise à la charge de cette société, tant en principal, intérêts de retard que pénalités, visés par ces avis de recouvrement ;


1°) ALORS QUE la société Oxygène Plus a fait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées page 29 et suivantes et page 32, que l'ordonnance du 7 février 2005 avait substitué à compter du 1er janvier 2006 un dispositif d'amendes fiscales à la déchéance du régime de faveur des marchands de biens en cas de manquements formels dans la tenue par ces professionnels de leurs registres ; qu'elle ajoutait que cette loi était immédiatement applicable à l'ensemble des litiges en cours, de sorte que la déchéance du régime de faveur des marchands de biens prononcée par l'administration fiscale devait être annulée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen relatif aux conflits de lois dans le temps, la cour d'appel de Bourges n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE l'article 20 de l'ordonnance 2005-1512 du 7 décembre 2005, codifié à l'article 1829 du code général des impôts, a prévu que toute infraction aux dispositions du 2° d e l'article 852 du code général des impôts est exclusivement punie d'une amende dont le montant varie en fonction du manquement ; que cette ordonnance entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2006 s'appliquait immédiatement aux manquements commis avant son entrée en vigueur n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision définitive de la part de l'administration fiscale ou d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée ; que l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, entrée en vigueur à compter du 11 mars 2010, a abrogé l'article 1829 du code général des impôts ; qu'en décidant dans son arrêt du 29 avril 2010 que la méconnaissance par la société Oxygène Plus des dispositions de l'article 852 2° du code général des impôts entraînait la déchéance du régime de faveur des marchands de biens dont elle avait bénéficié, conséquences juridiques inapplicables depuis le 1er janvier 2006, la cour d'appel a violé l'article 1829 du code général des impôts dans sa rédaction issu de l'ordonnance 2005-1512 du 7 décembre 2005, l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, ensemble l'article 1115 du code général des impôts, et l'article 2 du code civil.

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