15 mai 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-12.999

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:CO00527

Titres et sommaires

SOCIETE (RèGLES GéNéRALES) - parts sociales - cession - prix - fixation - fixation par expert - renonciation de l'expert - désignation de son remplaçant - recours uniquement en cas d'excès de pouvoir

La décision par laquelle le président du tribunal, statuant en application de l'article 1843-4 du code civil, procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux, fût-ce en remplacement d'un premier expert ayant renoncé à sa mission, est sans recours possible. Cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours, et il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir. Il s'ensuit que le pourvoi formé contre une telle décision, qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir, est irrecevable

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office après avis donné aux parties :

Vu l'article 1843-4 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2010), que MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., et Mme F...(les consorts X...), associés de la société civile des Mousquetaires, en ont été exclus par différentes assemblées générales de 1998 à 2003 ; que les consorts X... ayant saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, pour faire déterminer la valeur de leurs droits sociaux, un expert a été désigné à cette fin par ordonnance du 7 mars 2007 ; que par une nouvelle ordonnance du 17 mai 2010, le président du tribunal a désigné, aux mêmes fins, un expert en remplacement du premier ;

Attendu que la société des Mousquetaires fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel de l'ordonnance du 17 mai 2010, alors, selon le moyen :

1°/ que seule la décision du président du tribunal de grande instance ordonnant une expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil n'est pas susceptible de recours ; qu'en revanche, aucun texte ne prévoit que l'ordonnance de ce juge par lequel il désigne un nouvel expert, en remplacement d'un premier expert déjà désigné, soit elle-même sans recours possible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la SCM en ce qu'il tendait à la réformation de la décision, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil ;

2°/ que commet un excès de pouvoir le juge qui remplace l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil sans mettre préalablement fin à sa mission ; qu'en refusant de sanctionner l'excès de pouvoir du premier juge qui avait désigné un nouvel expert sans s'être préalablement prononcé sur la fin de mission du premier expert désigné, la cour d'appel a elle-même méconnu les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 1843-4 code civil ;

3°/ que le juge n'a le pouvoir de procéder au remplacement de l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil qu'à la condition que celui-ci n'ait pas accepté sa mission ou que les parties y aient mis fin d'un commun accord ; que dans ses conclusions d'appel, la SCM soutenait que l'expert G...n'avait pas refusé sa désignation mais qu'il avait au contraire commencé à instruire, dénotant ainsi son acceptation de la mission qui lui avait été confiée ; qu'en s'arrogeant le pouvoir de désigner un nouvel expert en remplacement de M. G...sans rechercher s'il n'avait pas accepté sa mission, toute renonciation ultérieure de sa part étant dépourvue d'effet sur ce mandat accepté, la cour d'appel a méconnu les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 1843-4 du code civil ;

4°/ que par sa lettre du 14 août 2009, l'expert initialement désigné ne faisait que prendre acte, à la suite d'un échange de courriers avec le conseil de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., et Mme F..., du refus exprimé par ceux-ci de le confirmer en sa qualité d'expert après les hésitations dont il avait lui-même fait preuve à cette égard en 2007 ; qu'en affirmant néanmoins que, dans cette lettre du14 août 2009, l'expert avait confirmé avoir décliné sa mission en 2007, refus dont elle a ensuite déduit le pouvoir du premier juge pour procéder au changement d'expert, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

5°/ qu'en retenant que l'expert avait, dans sa lettre du 14 août 2009, « réitéré » le refus de poursuivre sa mission qui aurait été initialement formulée en 2007, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si l'expert n'avait pas poursuivi les opérations d'expertise en 2008, ce qui rendait impossible toute réitération d'un refus exprimé en 2007, lequel était devenu caduc, la cour d'appel a encore excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 1843-4 du code civil ;

6°/ que la renonciation de l'expert désigné en application de l'article 1843 du Code civil à la mission qu'il a préalablement acceptée doit être claire et sans équivoque ; qu'en procédant au remplacement de M. G...au motif de la prétendue défection de celui-ci, sans s'être assurée que celui-ci avait manifesté une volonté claire et non-équivoque de renoncer à sa mission et que celle-ci ne résultait pas d'une confusion de l'expert, entretenue par les consorts X..., lequel avait cru, à tort, qu'il ne pouvait poursuivre sa mission, la cour d'appel a encore excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 1843-4 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 1843-4 du code civil que la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance, statuant en application de ce texte, procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux, fût-ce en remplacement d'un premier expert ayant renoncé à sa mission, est sans recours possible ; que cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours ; qu'il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, en second lieu, que les griefs articulés par les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches ne sont pas de nature à caractériser un excès de pouvoir ;

D'où il suit que, formé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir, le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;

Condamne la Société civile des Mousquetaires aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., et Mme F...; rejette sa demande :

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille douze.





Moyen produit par SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la Société civile des Mousquetaires

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel de la SCM à l'encontre de l'ordonnance ayant désigné M. H..., en remplacement de M. G..., avec mission de déterminer la valeur de rachat des parts sociales de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., et Mme F...dans la SCM ;

Aux motifs que « le président du tribunal, statuant en la forme des référés et en application de l'article 1843-4 du Code civil pour désigner un expert aux fins d'évaluation de droits sociaux, est aussi seul compétent pour procéder dans les mêmes conditions au remplacement de l'expert qu'il a désigné ; que son ordonnance est alors sans recours possible, sauf excès de pouvoir ; que pour soutenir que le Président du tribunal de grande instance de Paris aurait méconnu l'étendue de ses pouvoirs en désignant Monsieur H... en remplacement de M. G..., la société appelante fait valoir d'abord que ce magistrat n'aurait pas constaté que ce premier expert aurait refusé sa désignation, ou que les parties auraient d'un commun accord mis fin à sa mission ; que le premier juge a constaté la défection de l'expert désigné ; qu'il résulte effectivement des pièces produites aux débats que M. G..., pour s'en tenir à l'essentiel et faire abstraction de certaines hésitations de sa part, qui avait décliné sa mission dès un premier courrier du 20 juin 2007, a réitéré cette position par un courrier du 14 août 2009 en considérant que sa désignation était caduque ; que ce moyen n'est donc pas fondé ; que la société appelante soutient ensuite que le premier juge aurait excédé ses pouvoirs en procédant à la nomination d'un nouvel expert dès lors que les demandeurs auraient été définitivement déboutés de leur demande en contestation de la valeur des parts sociales litigieuses par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 3 novembre 2006 entré en force de chose jugée ; Mais considérant, ; que d'une part, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 novembre 2006, pour débouter les requérants de leur demande en désignation d'un expert formée devant le tribunal de grande instance, a dit que la détermination de la valeur de parts sociales relevait de la compétence exclusive du président de cette juridiction ; que d'autre part, la désignation de l'expert découlant de l'ordonnance du 7 mars 2007 rendue par ce magistrat est aujourd'hui définitive, le moyen soulevé n'est pas plus fondé ; que la demande de réformation de l'ordonnance, alors que celle-ci est sans recours, est irrecevable » ;

Alors, d'une part, que seule la décision du président du tribunal de grande instance ordonnant une expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil n'est pas susceptible de recours ; qu'en revanche, aucun texte ne prévoit que l'ordonnance de ce juge par lequel il désigne un nouvel expert, en remplacement d'un premier expert déjà désigné, soit elle-même sans recours possible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la SCM en ce qu'il tendait à la réformation de la décision, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil ;

Alors, d'autre part et à titre subsidiaire, que commet un excès de pouvoir le juge qui remplace l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil sans mettre préalablement fin à sa mission ; qu'en refusant de sanctionner l'excès de pouvoir du premier juge qui avait désigné un nouvel expert sans s'être préalablement prononcé sur la fin de mission du premier expert désigné, la cour d'appel a elle-même méconnu les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 1843-4 du code civil ;

Alors, ensuite et plus subsidiairement encore, que le juge n'a le pouvoir de procéder au remplacement de l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil qu'à la condition que celui-ci n'ait pas accepté sa mission ou que les parties y aient mis fin d'un commun accord ; que dans ses conclusions d'appel, la SCM soutenait que l'expert G...n'avait pas refusé sa désignation mais qu'il avait au contraire commencé à instruire, dénotant ainsi son acceptation de la mission qui lui avait été confiée ; qu'en s'arrogeant le pouvoir de désigner un nouvel expert en remplacement de M. G...sans rechercher s'il n'avait pas acceptée sa mission, toute renonciation ultérieure de sa part étant dépourvue d'effet sur ce mandat accepté, la cour d'appel a méconnu les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 1843-4 du code civil ;

Alors, par ailleurs et plus subsidiairement encore, que par sa lettre du 14 août 2009, l'expert initialement désigné ne faisait que prendre acte, à la suite d'un échange de courriers avec le conseil de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., et Mme F..., du refus exprimé par ceux-ci de le confirmer en sa qualité d'expert après les hésitations dont il avait lui-même fait preuve à cette égard en 2007 ; qu'en affirmant néanmoins que, dans cette lettre du 14 août 2009, l'expert avait confirmé avoir décliné sa mission en 2007, refus dont elle a ensuite déduit le pouvoir du premier juge pour procéder au changement d'expert, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

Alors, au surplus et toujours à titre subsidiaire qu'en retenant que l'expert avait, dans sa lettre du 14 août 2009, « réitéré » le refus de poursuivre sa mission qui aurait été initialement formulée en 2007, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si l'expert n'avait pas poursuivi les opérations d'expertise en 2008, ce qui rendait impossible toute réitération d'un refus exprimé en 2007, lequel était devenu caduc, la cour d'appel a encore excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 1843-4 du code civil ;

Alors, enfin et plus subsidiairement, que la renonciation de l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil à la mission qu'il a préalablement acceptée doit être claire et sans équivoque ; qu'en procédant au remplacement de M. G...au motif de la prétendue défection de celui-ci, sans s'être assurée que celui-ci avait manifesté une volonté claire et non-équivoque de renoncer à sa mission et que celleci ne résultait pas d'une confusion de l'expert, entretenue par les consorts X..., lequel avait cru, à tort, qu'il ne pouvait poursuivre sa mission, la cour d'appel a encore excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 1843-4 du code civil.

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