16 novembre 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-69.495

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:CO01173

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 25 JANVIER 1985) - redressement judiciaire - plan - plan de continuation - clôture pour extinction du passif - portée à l'égard d'un créancier admis se prétendant impayé

Si le jugement de clôture pour extinction du passif n'a pas autorité de chose jugée quant à l'extinction des créances et si, dès lors, il ne rend pas irrecevable la demande en paiement formée par un créancier prétendant n'avoir pas été désintéressé, il appartient, en revanche, à celui-ci de rapporter la preuve de ce fait, lorsque le jugement de clôture a été prononcé au motif que le passif avait été réglé. Aussi, ayant relevé au vu du jugement de clôture que la société débitrice avait réglé par anticipation toutes les créances inscrites à son plan de redressement, suivant les modalités de celui-ci, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il incombait à la société créancière de rapporter la preuve contraire

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 mai 2009), que la société Cecopar, bénéficiaire d'une ordonnance de référé condamnant à une provision sur créance l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Sollier Pierre (la société débitrice), a été admise au passif du redressement judiciaire de celle-ci ouvert postérieurement ; qu'un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté le 11 avril 2000 prévoyant le règlement intégral de la créance de la société Cecopar sur une durée de 10 ans ; que, par jugement du 9 septembre 2003, le tribunal, retenant que la société débitrice avait apuré la totalité de son passif sans attendre l'achèvement du plan, a prononcé la clôture de la procédure collective pour extinction du passif ; que la société Cecopar, soutenant qu'elle n'avait pas été désintéressée, a, sur le fondement de l'ordonnance de référé, notifié à la société débitrice un commandement de payer aux fins de saisie-vente, que le juge de l'exécution a annulé ;

Attendu que la société Cecopar fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé cette décision alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement de clôture pour extinction du passif ne dispense pas le débiteur de rapporter la preuve qu'il s'est effectivement acquitté de la dette dont l'un de ses créanciers, qui a régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective, lui demande le paiement ; qu'en l'espèce, la société Cecopar faisait valoir que la société débitrice avait refusé de lui verser la somme de 56 253, 69 euros, régulièrement déclarée à la procédure collective ouverte à son encontre, en prétextant que le principe de cette créance était contesté dans une autre procédure ; que la société Cecopar exposait qu'une fois l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 devenue définitive, condamnant la société débitrice à lui payer le montant de sa créance à titre de provision, elle lui avait adressé, en vain, un commandement aux fins de saisie-vente ; qu'en affirmant qu'en raison du jugement ayant prononcé la clôture du redressement judiciaire pour extinction du passif, il appartenait à la société Cecopar d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas été désintéressée de sa créance par la société débitrice, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code ;

2°/ que, dans le cadre d'une procédure collective, le créancier qui a régulièrement déclaré sa créance n'a plus aucune diligence à accomplir pour obtenir le paiement de sa créance ; qu'en reprochant à la société Cecopar de ne pas avoir informé les organes de la procédure collective de l'état des paiements de sa créance ou de difficultés d'exécution du plan de redressement, pour en déduire qu'il lui appartenait, dans ces conditions, d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas été désintéressée de sa créance par la société débitrice, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ que le jugement prononçant la clôture de la procédure collective pour extinction du passif n'a pas pour effet d'éteindre les créances régulièrement déclarées entre les mains du représentant des créanciers ; qu'en l'espèce, la société Cecopar fondait le commandement de saisie-vente adressé à la société débitrice, le 10 janvier 2006, sur une ordonnance de référé du 27 mai 1998, devenue définitive ; qu'en affirmant, par motifs réputés adoptés, que le juge de l'exécution ne pouvait que constater l'extinction de la dette faisant l'objet du plan de redressement et de l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 par l'effet du jugement du 9 septembre 2003 ayant prononcé la clôture de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement et violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu que, si le jugement de clôture pour extinction du passif n'a pas autorité de chose jugée quant à l'extinction des créances et si, dès lors, il ne rend pas irrecevable la demande en paiement formée par un créancier prétendant n'avoir pas été désintéressé, il appartient à celui-ci de rapporter la preuve de ce fait, lorsque le jugement de clôture a été prononcé au motif que le passif avait été réglé ; qu'ayant relevé, au vu du jugement de clôture et sans adopter le motif du juge de l'exécution, que la société débitrice avait réglé, par anticipation, toutes les créances inscrites au plan, suivant les modalités de celui-ci, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il incombait à la société Cecopar de rapporter la preuve contraire ; que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cecopar aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Sollier Pierre la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Cecopar

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Cecopar de l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR prononcé l'extinction, par l'effet du jugement du tribunal de commerce du 9 septembre 2003, de la créance cause de l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 et d'AVOIR en conséquence prononcé l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente du 10 janvier 2006 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que la SA Cecopar était créancière de l'EURL Sollier Pierre en vertu d'une ordonnance de référé définitive du 27 mai 1998, l'ayant condamnée au paiement de la somme de 500. 000 francs à titre provisionnel ; que le tribunal de commerce de Nîmes, par jugement du 11 avril 2000, a arrêté le plan de redressement de l'EURL Sollier Pierre ; qu'il a notamment « donné acte aux créanciers de l'EURL Sollier Pierre des délais acceptés par eux dans les conditions prévues par les 2e et 3e alinéas de l'article 24 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ; imposé aux autres créanciers tant chirographaires que privilégiés les délais suivants : 100 % sur dix ans, la première échéance au 30 juin 2000, en l'absence de créance salariale, et sous réserve, en ce qui concerne les créances à terme, des délais supérieurs stipulés avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; dit que l'apurement du passif de l'EURL Sollier Pierre aura lieu :- pour les créances privilégiées et Cecopar à 100 % sur 10 ans suivant progressivité de 7 % la première année, 9 % la deuxième, 11 % la troisième, 13 % la quatrième, puis 15 % les quatre suivantes,- pour les créances chirographaires déclarées par Deproma, Purodor, Sofinco, la société des Abattages du Périgord, ainsi que par M. Cyrille X..., à raison de 30 % réglée dès la première année d'accomplissement du plan outre 14, 42 % au titre de la régularisation de TVA ; dit que les sommes destinées à l'apurement des créanciers seront provisionnées mensuellement sur un compte spécial et réparties annuellement à terme échu pour le premier versement à avoir lieu au 30 juin 2000 jusqu'au 30 juin 2007 » ; que, par jugement du 9 septembre 2003, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure pour extinction du passif en considération des indications fournies par le commissaire à l'exécution qui confirmait que le débiteur avait réglé son passif par anticipation, de sorte que le passif de la société était complètement éteint ; que, s'il appartient en principe, en application de l'article 1315 du code civil, au débiteur de faire la preuve de l'exécution de ses obligations, en l'occurrence du paiement de la créance de la SA Cecopar, cette preuve résulte en l'espèce du jugement de clôture pour extinction du passif, à raison de la bonne exécution du plan, dans lequel était comprise la créance de la SA Cecopar, admise pour un montant de 328. 229 francs, ainsi qu'il résulte des indications fournies par Maître Y... représentant des créanciers, aux termes du jugement du tribunal de commerce de Nîmes arrêtant le plan de redressement du 11 avril 2000, et sur le montant, l'admission a autorité de la chose jugée à son égard ; qu'il incombe dès lors à ce créancier de combattre l'instrument de preuve que constitue le jugement de clôture ; que, si la clôture d'une procédure collective pour extinction du passif suppose qu'il n'existe plus de passif exigible, il appartient au créancier qui prétend ne pas avoir été désintéressé, de le démontrer ; que la SA Cecopar ne produit aucun élément probant ; qu'elle ne prétend pas avoir informé les organes de la procédure collective, spécialement le commissaire à l'exécution du plan, de l'état des paiements de sa créance ou de difficultés d'exécution du plan de redressement ; qu'ainsi, faute de démontrer que la créance admise n'a pas été intégralement apurée dans le cadre du plan de redressement considéré par la juridiction commerciale comme exécuté, c'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que le premier juge a débouté la SA Cecopar de ses demandes et a annulé le commandement aux fins de saisie-vente du 10 janvier 2006 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort expressément du jugement du 11 avril 2000 arrêtant le plan de redressement judiciaire de la société EURL Pierre Sollier du tribunal de commerce de Nîmes que la société Cecopar a été admise comme créancier ; qu'il s'en déduit nécessairement que la créance due par l'EURL Pierre Sollier à la société Cecopar et faisant l'objet de l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 est incluse dans la déclaration faite par la société Cecopar à défaut de preuves contraires qui ne sont pas produites par la société Cecopar ; que, dès lors, la créance cause de l'ordonnance de référé s'est trouvée incluse par la procédure de déclaration de créance dans la procédure de redressement judiciaire et donc dans le passif de la société EURL Pierre Sollier ; que, par jugement du 9 septembre 2003, le tribunal de commerce de Nîmes déclarait la bonne exécution du plan de redressement par voie de continuation et prononçait la clôture de la procédure pour extinction de passif ; que, selon l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif d'une décision de justice ; qu'il en découle que le juge de l'exécution doit constater l'extinction de la dette faisant l'objet du plan de redressement de l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 ; qu'il s'ensuite que la société Cecopar ne peut à nouveau se fonder sur cette décision pour procéder à une procédure d'exécution ; qu'il convient donc de prononcer l'annulation de la procédure de saisie-vente ;

1) ALORS QUE le jugement de clôture pour extinction du passif ne dispense pas le débiteur de rapporter la preuve qu'il s'est effectivement acquitté de la dette dont l'un de ses créanciers, qui a régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective, lui demande le paiement ; qu'en l'espèce, la société Cecopar faisait valoir que l'EURL Sollier Pierre avait refusé de lui verser la somme de 56. 253, 69 euros, régulièrement déclarée à la procédure collective ouverte à son encontre, en prétextant que le principe de cette créance était contesté dans une autre procédure ; que la société Cecopar exposait qu'une fois l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 devenue définitive, condamnant l'EURL Sollier Pierre à lui payer le montant de sa créance à titre de provision, elle avait adressé, en vain, à la société débitrice un commandement aux fins de saisie-vente ; qu'en affirmant qu'en raison du jugement ayant prononcé la clôture du redressement judiciaire pour extinction du passif, il appartenait à la société Cecopar d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas été désintéressée de sa créance par l'EURL Sollier Pierre, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

2) ALORS QUE dans le cadre d'une procédure collective, le créancier qui a régulièrement déclaré sa créance n'a plus aucune diligence à accomplir pour obtenir le paiement de sa créance ; qu'en reprochant à la société Cecopar de ne pas avoir informé les organes de la procédure collective de l'état des paiements de sa créance ou de difficultés d'exécution du plan de redressement, pour en déduire qu'il lui appartenait, dans ces conditions, d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas été désintéressée de sa créance par l'EURL Sollier Pierre, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

3) ALORS QUE le jugement prononçant la clôture de la procédure collective pour extinction du passif n'a pas pour effet d'éteindre les créances régulièrement déclarées entre les mains du représentant des créanciers ; qu'en l'espèce, la société Cecopar fondait le commandement de saisie-vente adressé à l'EURL Sollier Pierre, le 10 janvier 2006, sur une ordonnance de référé du 27 mai 1998, devenue définitive ; qu'en affirmant, par motifs réputés adoptés, que le juge de l'exécution ne pouvait que constater l'extinction de la dette faisant objet du plan de redressement et de l'ordonnance de référé du 27 mai 1998 par l'effet du jugement du 9 septembre 2003 ayant prononcé la clôture de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement et violé l'article 1351 du code civil.

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