10 juillet 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-19.373

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2007:CO00945

Titres et sommaires

AGENT COMMERCIAL - statut légal - domaine d'application - conditions - détermination - contrat - qualification

Quels que soient les termes employés par la convention liant les parties, n'est pas un agent commercial la société qui s'est toujours comportée en distributeur soucieux de préserver les relations commerciales qu'elle avait développées avec ses clients, y compris à l'égard des clients spécifiques, se considérant comme engagée par le volume des livraisons qu'elle avait négociées jusqu'au point d'avoir recours aux services d'un concurrent de la société dont elle distribuait les produits pour satisfaire leurs commandes et non comme un mandataire d'un donneur d'ordres qui ne se trouve engagé vis-à-vis d'un client que lorsque ce donneur d'ordre confirme les commandes faites par son intermédiaire

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt déféré (Reims, 8 septembre 2003), que la société champagne F. Bonnet P. et fils (société F. Bonnet) a assigné la société Bacchus Wine and Spirits Merchants Ltd (société Bacchus) en paiement de bouteilles qu'elle lui avait livrées ; que celle-ci a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;



Sur le premier moyen :



Attendu que la société Bacchus reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle ne pouvait pas se prévaloir du statut d'agent commercial et d'avoir en conséquence limité à 15 000 euros le montant des sommes devant lui être versées par la société F. Bonnet, alors, selon le moyen :



1°/ que l'agent commercial est un professionnel indépendant, chargé de négocier des contrats pour le compte d'un tiers moyennant le versement d'une commission ; qu'en l'espèce, le contrat du 24 août 1995, signé entre la société F. Bonnet et la société Bacchus, professionnel indépendant, prévoyait que, pour certains clients, la société Bacchus avait pour mission de commercialiser les champagnes de la société F. Bonnet étant précisé que ces clients seraient directement facturés par la société F. Bonnet et que la société Bacchus serait rémunérée par une commission négociée au préalable avec la société F. Bonnet ; qu'en refusant, malgré ces stipulations claires et précises, de considérer que la société Bacchus pouvait se prévaloir du statut d'agent commercial pour une partie de son activité, la cour d'appel a dénaturé le contrat du 24 août 995, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;



2°/ qu'en tout état de cause, l'application du statut d'agent commercial dépend des seules conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée et non de la dénomination que les parties ont donné à la convention ; qu'en l'espèce, peu important que la société F. Bonnet ait fait référence, dans un courrier, au "contrat de distribution" la liant à la société Bacchus et que la société Bacchus se soit présentée comme un distributeur, la cour d'appel a relevé que certains clients, avec lesquels la Bacchus avait négocié un volume de livraison étaient directement facturés par la société F. Bonnet, ce dont il s'évinçait que ces clients étaient restés ceux de la société F. Bonnet ; qu'en disant pourtant que la société Bacchus ne pouvait prétendre au statut d'agent commercial pour la part de son activité correspondant à cette clientèle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 134-1 du code de commerce ;



Mais attendu que, recherchant l'activité effectivement exercée par la société Bacchus au lieu de s'arrêter à la dénomination que les parties ont donné au contrat, l'arrêt retient que les clients directement facturés par la société F. Bonnet restaient ceux de la société Bacchus, non seulement parce que les parties ont toujours considéré dans leurs correspondances que celle-ci était un distributeur, mais encore parce qu'elle s'est comportée en distributeur soucieux de préserver les relations commerciales qu'elle avait développées avec ses clients, y compris à l'égard des clients spécifiques, se considérant comme engagée par le volume des livraisons qu'elle avait négociées jusqu'au point d'avoir recours aux services d'un concurrent de la société F. Bonnet pour satisfaire leurs commandes, et non comme un mandataire d'un donneur d'ordres qui ne se trouve engagé vis-à-vis d'un client que lorsqu'il confirme les commandes faites par son intermédiaire ; qu'ainsi, sans dénaturer le contrat, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;



Et sur le second moyen :



Attendu que la société Bacchus reproche encore à l'arrêt d'avoir limité à 15 000 euros le montant des sommes devant lui être versées par la société F. Bonnet, alors, selon le moyen, que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour réduire le montant des dommages-intérêts alloués à la société Bacchus en réparation de la perte de marge, la cour d'appel a relevé d'office que cette perte de marge était compensée d'une part, par la marge supplémentaire réalisée par la société Bacchus sur la marque Princesse de France et d'autre part, par la vente de champagne A. Bonnet brut ; qu'en statuant ainsi d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ces points qui appelaient pourtant discussion, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;



Mais attendu que les éléments relevés par l'arrêt étaient dans le débat comme résultant d'un tableau produit par la société Bacchus ainsi que de son catalogue lui aussi produit ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation du préjudice, n'est pas fondé ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Condamne la société Bacchus aux dépens ;



Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Bacchus, la condamne à payer à la société F. Bonnet la somme de 2 000 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Garnier, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du dix juillet deux mille sept.

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