3 mars 2004
Cour de cassation
Pourvoi n° 02-12.905

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

AGENT COMMERCIAL - contrat - fin - indemnité au mandant - conditions - détermination

Saisie par une société d'une demande en paiement de commissions et de dommages-intérêts pour une rupture unilatérale d'un contrat, lequel stipulait que les dispositions de la loi du 25 juin 1991 n'étaient pas applicables à la partie du contrat correspondant à une activité d'agence commerciale, une cour d'appel, qui rejette cette demande, après avoir fait ressortir de ses constatations que la comparaison entre les objectifs prévus par le contrat et les commissions perçues par la société se prévalant du statut d'agence commerciale, démontrait que l'activité d'agence commerciale n'était pas exercée, en exécution du contrat, à titre principal ou déterminant, ce dont elle a déduit que la clause selon laquelle chaque partie renonçait au statut d'agent commercial formulée par écrit au sein même d'un contrat dont l'objet principal était autre que celui d'agent commercial, était valide, a légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 134-15 du Code de commerce.

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt déféré (Caen, 10 janvier 2002), que la société Domi hospital nutrition (la société DHN) a conclu le 11 août 1993 avec la société Les X... Gilbert (les X... Gilbert) un contrat de mandat intitulé "de prestation de services pour la promotion et la vente de produits et services" ; que, les 9 et 14 février 1995, les deux sociétés ont résilié le contrat en cours et signé un nouveau contrat, dénommé "de collaboration" pour la France métropolitaine ; que, par lettre du 4 février 1997, les X... Gilbert ont résilié le contrat ; que la société DHN les a assignés en réparation du préjudice causé par la rupture unilatérale du contrat, du préjudice causé par la rupture abusive de ce contrat et en paiement de commissions ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la société DHN reproche à l'arrêt d'avoir décidé que le contrat liant les parties n'était pas un contrat d'agence commerciale et d'avoir en conséquence rejeté ses demandes en paiement de commissions et de dommages-intérêts pour rupture unilatérale par le mandant, alors, selon le moyen, que la cour d'appel se devait de rechercher quelle avait été la commune intention des parties s'agissant du contrat du 9 février 1995 ; qu'à cet égard, la société DHN insistait sur toute une série d'éléments convergents de nature à caractériser le contrat d'agent commercial retenu par les premiers juges, à savoir que les contrats en cause envisagent tant la promotion que la vente des produits des X... Gilbert ; que le contrat insistait sur la circonstance que la société DHN était chargée de rechercher des cocontractants pour les X... Gilbert, étant observé qu'il était constant que la société DHN recherchait et visitait une clientèle, présentait les X... Gilbert, animait toutes les activités de relations publiques, présentait et assurait la promotion des produits Gilbert, présentait les tarifs de vente de ces produits, déclenchait les commandes par l'obtention de marchés publics, recueillait des commandes pour les marchés non soumis à la procédure d'appels d'offres ; qu'en infirmant le jugement entrepris par une motivation lapidaire sans s'expliquer sur toute une série d'éléments de nature à caractériser le contrat d'agent commercial et à rendre inopérante la clause l'excluant, la cour d'appel, qui ne se prononce pas sur la réelle intention des parties, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 134-1 et L. 134-16 du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;


Mais attendu que l'article L. 134-15 du Code de commerce dispose que lorsque l'activité de l'agent commercial est exercée en exécution d'un contrat écrit, passé entre les parties à titre principal pour un autre objet, celles-ci peuvent décider par écrit que les dispositions de la loi du 25 juin 1991 ne sont pas applicables à la partie correspondant à l'activité d'agence commerciale, mais que cette renonciation est nulle si l'exécution du contrat fait apparaître que l'activité d'agence commerciale est exercée, en réalité, à titre principal ou déterminant ; que, sans contester l'activité d'agent commercial de la société DHN, l'arrêt retient que les deux sociétés conçoivent et commercialisent leurs propres produits et que l'objet principal du contrat est la mise en place d'une stratégie commerciale commune dans le secteur hospitalier qui améliore leurs situations respectives, leur objectif étant de réaliser dans leur intérêt commun en 1995 un chiffre d'affaires hors taxes d'environ 20 000 000 francs, soit 12 000 000 francs pour la société DHN et 8 000 000 francs pour les X... Gilbert, chacune des sociétés conservant sa propre clientèle ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la comparaison entre les objectifs prévus par le contrat de collaboration et les commissions perçues par la société DHN des X... Gilbert, soit 234 223,53 francs en 1997, démontre que l'activité d'agence commerciale n'était pas exercée, en exécution du contrat, à titre principal ou déterminant,

il en déduit que la clause selon laquelle chaque partie renonce au statut d'agent commercial, formulée par écrit au sein même du contrat dont l'objet principal est autre que celui d'agent commercial, est valide ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen :


Attendu que la société DHN reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à obtenir le paiement de commissions dépendant des marchés acquis avant la rupture du contrat, alors, selon le moyen, que la cassation qui sera prononcée sur le fondement du premier moyen, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il déboute un agent commercial de sa demande de rappel de commissions ;


Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen ci-dessus doit l'être également ;


Et sur le troisième moyen :


Attendu que la société DHN reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture abusive d'une relation contractuelle, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel elle insistait sur la circonstance que l'article 10 du contrat ne visait que le cas de changements de structure juridique de la société DHN ou de départ du dirigeant, le décès de celui-ci n'étant pas expressément prévu comme motif contractuel de résiliation ; que la clause de l'article 10 était nécessairement d'interprétation stricte ; qu'en ne tenant pas compte de cette donnée centrale en statuant comme elle a fait pour infirmer le jugement entrepris, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu que l'arrêt relève que l'article 10 du contrat précise que celui-ci est conclu en considération de la personne de DHN et que ce caractère intuitu personae justifiera sa résiliation automatique dans diverses hypothèses, dont "le départ du dirigeant signataire des présents" ; qu'il retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation de la clause imprécise, que le décès du dirigeant entre dans les prévisions du contrat ; que répondant ainsi aux conclusions invoquées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Domi hospital nutrition aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société X... Gilbert la somme de 1 800 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.

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