24 septembre 2002
Cour de cassation
Pourvoi n° 00-16.245

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

VALEURS IMMOBILIERES - fonds commun de placement - fonds turbo - redressement fiscal - cause - fonctionnement irrégulier - impots et taxes - contributions directes - impôt sur le revenu - revenus des capitaux mobiliers - valeurs mobilieres - souscripteur - préjudice - pénalités fiscales - prise en compte - gérant - obligation de résultat - crédit d'impôt - conformité à sa destination - délivrance - preuve - charge - commission - paiement - achat ou vente - redressement fiscal ultérieur - absence d'influence - contrats et obligations conventionnelles - contrat synallagmatique - contrepartie de l'achat ou de la vente - subrogation dans les droits de l'administration fiscale (non) - elément certain - gain fiscal manqué - responsabilite contractuelle - dommage - réparation - caractères du préjudice - préjudice certain - application

Le préjudice invoqué par des sociétés souscriptrices de parts de fonds communs de placement dits " turbo ", trouve son origine dans les redressements qui, quel que soit leur fondement, leur ont été notifiés par l'administration fiscale, et les transactions signées avec celle-ci n'ont eu pour effet que de mettre fin à un contentieux sur le bien fondé de ces redressements, dont l'issue n'était pas certaine, en contrepartie d'une réduction importante du montant des sommes réclamées. En l'absence de telles transactions, compte tenu de l'avis et des décisions du Conseil d'Etat des 8 avril 1998 et 26 octobre 2001, et de la renonciation de l'Administration, à se prévaloir, dans cette hypothèse, de la procédure de répression des abus de droit, la contestation des redressements engagée par ces sociétés n'aurait eu de chance de succès, que dans la mesure où elles auraient été en droit d'opposer à des redressements dès lors fondés sur l'article 199 ter A du Code général des impôts, par substitution de base légale, les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ce qui n'aurait été le cas que si grâce aux éléments recueillis auprès des fonds communs de placement concernés, seuls détenteurs de ceux-ci, elles avaient pu combattre les affirmations de l'administration fiscale en montrant que ces fonds avaient fonctionné en respectant les conditions auxquelles l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait, dans son article 100, le bénéfice de l'interprétation qu'elle donnait. Dès lors, la cour d'appel ayant retenu que les fonds communs de placement en cause ne pouvaient être regardés comme ayant fonctionné dans des conditions conformes aux dispositions législatives réglementaires et statutaires qui leur étaient applicables a pu décider que les transactions n'avaient pas rompu le lien de causalité et qu'elles ne pouvaient être considérées comme la cause du dommage invoqué.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le pourvoi n° G 00-16.245 :



Les demanderesses au pourvoi principal, invoquent à l'appui de leur recours les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Sur le pourvoi n° K 00-16.408 :



Les demanderesses au pourvoi principal, invoquent à l'appui de leur recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Sur le pourvoi n° K 00-17.443 :



La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Sur le pourvoi n° A 00-17.503 :



Les demanderesses au pourvoi principal, invoquent à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Les demanderesses aux pourvois incidents provoqués G 00-16.245, K 00-17.443 et A 00-17.503, invoquent à l'appui de leurs recours, trois moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;



La demanderesse au pourvoi incident n° K 00-16.408 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Vu la communication faite au Procureur général ;



LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique des 18 et 19 juin 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Gueguen, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, Mmes Garnier, Collomp, Betch, conseillers, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Champalaune, MM. Sémériva et Truchot, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;





Joint les pourvois n° G 00-16.245, formé par les sociétés GPK Finances, CLC Bourse et CDR Créances, cette dernière venant aux droits de la Banque Colbert, venant elle-même aux droits de la banque Saga et de la société Sagagest FCP, n° K 00-17.443, formé par la Banque Lehman Brothers, anciennement dénommée Banque Shearson Lehman Hutton, n° A 00-17.503, formé par la Banque d'Orsay et Orsay Gestion, anciennement dénommées Delta Banque et Delta Gestion, et n° K 00-16.408, formé par les sociétés du "groupe" Legrand, qui attaquent tous le même arrêt ;



Statuant tant sur les pourvois principaux précités, que sur les pourvois incidents provoqués et incidents y afférents respectivement formés par la société Banque de marchés et d'arbitrage (BMA) et la société Chauchat développement (n G 00-16.245, K 00-17.443, A 00-15.503 et K 00-16.408), et par la Banque Arjil (n K 00-16.408) :



Donne acte à la société Shearson Lehman Hutton Gestion, représentée par Mme Carole X..., ès qualités d'administrateur ad hoc, de ce qu'elle s'associe aux moyens mis en oeuvre par les sociétés GPK, CLC Bourse, CDR Créances et par la Banque Lehman Brothers ;

Attendu que la mise hors de cause d'une partie doit être prononcée dès lors que le pourvoi ne vise pas les dispositions de l'arrêt concernant cette partie, qui subsistent quel que soit le sort du pourvoi ;



Attendu qu'en l'espèce, les pourvois susvisés ne formulent aucune critique contre le chef de l'arrêt qui a mis hors de cause la société Conception bureautique et organisation du travail (CBOT) ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de celle-ci tendant à être maintenue hors de cause ;



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par souci de simplification de la gestion des fonds communs de placement (FCP), l'administration fiscale a, dans une instruction du 13 janvier 1983, autorisé ceux-ci à procéder à un réajustement de la masse des crédits d'impôt attachés aux produits perçus par le fonds au titre d'un exercice donné à raison des valeurs mobilières par lui détenues, afin de permettre, lors de la répartition desdits produits, le transfert, aux porteurs de parts du fonds, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant pour chacune des parts de celui-ci, indépendamment de la date de leur souscription entre l'ouverture de cet exercice et la répartition des produits devant intervenir dans un délai de quatre mois à compter de la clôture du même exercice ; que cette mesure, qui avait pour effet de créer des crédits d'impôt ne correspondant à aucune retenue préalable au profit du Trésor public à concurrence de la différence entre la masse des crédits d'impôt transférée par le FCP aux porteurs de parts et la masse des crédits d'impôt réellement délivrés au FCP par les émetteurs des valeurs mobilières détenues au sein du fonds, a été détournée de son objectif initial, par la multiplication des souscriptions de parts dans les jours précédant la répartition des produits, dans l'unique but de créer artificiellement des crédits d'impôt supplémentaires au profit des entreprises souscriptrices, qui cédaient ces parts immédiatement après la répartition, mais étaient ainsi en mesure d'imputer les crédits d'impôt attachés aux produits qu'elles avaient perçus, sur l'impôt dont elles étaient elles-mêmes redevables ; que l'administration fiscale a décidé de mettre un terme à cette pratique et a procédé à des contrôles auprès des souscripteurs de parts de FCP ayant bénéficié de crédits d'impôt pour un montant important ; que des redressements ont ainsi été notifiés, en décembre 1990, mai et décembre 1991, sur le fondement de la procédure de l'abus de droit, à la société Legrand et à trois de ses filiales, les sociétés Arnould Fae, Martin et Lunel, et Planet Wattohm (les sociétés du "groupe" Legrand) qui, en 1987 et 1988, avaient souscrit des parts de FCP auprès de cinq banques et d'une société de bourse, à savoir : des parts de fonds, dont la Banque Arjil était dépositaire, et la société Arjil Gestion, la gérante, des parts de fonds, dont le dépositaire était BMA et le gérant BMA Gestion, devenue la société Chauchat Développement, des parts de fonds, dont le dépositaire était Delta Banque et le gérant la société Delta Gestion, des parts de fonds, dont la banque Saga était dépositaire et la société Sagagest le gérant, des parts de fonds, dont la Banque Shearson Lehman Hutton était dépositaire et la

société Shearson Lehman Hutton Gestion, devenue la société Lehman Brothers, le gérant, et enfin, par l'intermédiaire de CBOT, en vertu de contrats dits de "compte conseillé", des parts de fonds, dont la société Gorgeu, Perquel, Krucker (GPK), devenue CLC Bourse, était dépositaire et la Société lyonnaise et parisienne de gestion, devenue GPK Finance, le gérant ; qu'après la mise en recouvrement des redressements, les sociétés du groupe Legrand ont présenté des réclamations auprès de l'administration fiscale, et ont parallèlement sollicité la garantie de tous les intervenants dans les souscriptions litigieuses ; que devant leur refus, les sociétés du groupe Legrand les ont assignés devant le tribunal de commerce, pour obtenir leur condamnation à leur payer les sommes dues par elles à l'administration fiscale, et subsidiairement leur condamnation à restituer avec intérêts les commissions versées ; que par jugement du 25 septembre 1996, dont les sociétés CLC Bourse, GPK Finance et CBOT ont fait appel, le tribunal a sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision intervienne sur les redressements fiscaux notifiés aux sociétés du groupe Legrand et contestés par elles ; qu'au cours de l'instance d'appel, les sociétés Legrand ont conclu, en juin et juillet 1997, des transactions avec l'administration fiscale ; que, par arrêt du 10 mars 1998, la cour d'appel a sursis à statuer dans l'attente de la réponse aux questions préjudicielles précédemment posées au Conseil d'Etat dans des affaires de même nature ; par des arrêts du 2 juillet 1997 ; que, suite à l'avis rendu par celui-ci le 8 avril 1998, la cour d'appel a repris l'examen des demandes qui lui avaient été soumises ;



Sur le premier moyen du pourvoi principal n° G 00-16.245 formé par GPK Finances, CLC Bourse, et CDR Créances, et sur les premiers moyens, identiques au précédent, du pourvoi principal n° K 00-17.443 formé par la Banque Lehman Brothers, des pourvois incidents provoqués n° G 00-16.245, K 00-17.443, A 00-17.503, et du pourvoi incident n° K 00-16.408, tous formés par les sociétés BMA et BMA Gestion, pris chacun en leurs quatre branches, ainsi que sur le premier moyen du pourvoi incident n° K 00-16.408 formé par la Banque Arjil, et le premier moyen, pris en ses deux branches du pourvoi principal n° A 00-17.503 formé par les sociétés Banque d'Orsay et Orsay Gestion, réunis :



Attendu que les sociétés CLC Bourse, GPK Finance, CDR Créances, la Banque Lehman Brothers, BMA, BMA Gestion, la Banque Arjil, la Banque d'Orsay et Orsay Gestion font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer, chacune, ou solidairement entre certaines d'entre elles, une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Legrand, alors, selon les moyens :



1 / qu'il était acquis aux débats que le "groupe" Legrand s'est vu dans l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires et notifier un redressement fiscal sur le fondement de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales en raison de l'abus de droit qu'elle avait reconnu dans la transaction signée avec l'administration ; que CLC Bourse, GPK Finance, CDR Créances, la Banque Lehman Brothers, BMA et BMA Gestion faisaient valoir que ce dommage se serait ainsi nécessairement produit, quel que soit le

fonctionnement régulier ou non, des FCP ; qu'en énonçant que l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires trouvait nécessairement sa cause dans le non respect par les gérants et dépositaires des fonds de l'article 100 de l'instruction du 13 janvier 1983, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du Code civil ;



2 / que cette transaction signée entre la société Legrand et l'administration fiscale a emporté renonciation de la première à contester les redressements effectués sur le fondement de l'abus de droit qui lui était reproché ; qu'en constatant l'existence de la transaction et en considérant néanmoins que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement aurait privé Legrand de la possibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2052 et 1147 du Code civil ;



3 / qu'à supposer que les fonds communs de placement n'aient pas régulièrement fonctionné, les gérants et dépositaires ne pouvaient être condamnés que s'il en découlait directement un préjudice certain ; qu'en l'espèce, il n'était pas certain qu'en l'absence de transaction, l'administration aurait privé Legrand du bénéfice des dispositions fiscales dérogatoires motif pris d'un fonctionnement prétendument irrégulier des fonds communs de placement ; que dès lors, en affirmant que le fonctionnement irrégulier des fonds communs de placement était le fait générateur de l'impossibilité de se prévaloir des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;



4 / qu'en intégrant dans l'indemnisation due par les gérants et dépositaires des fonds communs de placement la majoration fiscale de 20 % réglée par Legrand en raison de l'abus de droit commis par ce dernier, la cour d'appel a méconnu le principe de la personnalité des peines, violant ainsi l'article 121-1 du nouveau Code pénal, ensembles les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, et a intégré dans les dommages et intérêts un chef de dommage ne correspondant pas à un intérêt légitime juridiquement protégé, violant ainsi les articles 1147 et 1151 du Code civil ;



5 / que le préjudice pour être réparable doit être direct et certain ; qu'ainsi en l'espèce où les sociétés du "groupe" Legrand demandaient réparation du préjudice résultant pour elles des suppléments d'impositions et pénalités qu'elles avaient dû payer au Trésor public en exécution d'une transaction conclue sur la base de redressements pour abus de droit, la cour d'appel, en considérant que nonobstant l'avis du Conseil d'Etat, selon lequel l'administration ne pouvait recourir à la procédure de la répression des abus de droit, mais pouvait seulement contester que le contribuable remplissait les conditions posées par l'instruction du 13 janvier 1983, le préjudice allégué était indemnisable même en l'absence d'une substitution de base légale aux redressements opérés par l'administration, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;



6 / qu'il résulte des constatations des juges du fond que les redressements notifiés à la société Legrand et acceptés par elle étaient exclusivement fondés sur l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales relatif à la répression des abus de droit et que, ainsi que l'avait constaté le tribunal "le fisc n'a pas contesté les conditions de gestion des FCP où l'émission des certificats de crédit d'impôt mais leur utilisation de façon massive et répétitive avec une volonté présumée d'évasion fiscale", d'où il résulte qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les paiements effectués sur ce fondement par la société Legrand au Trésor public et les irrégularités dans la gestion des fonds communs de placement invoqués, si bien qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;



7 / que, par une décision du 8 avril 1998, le Conseil d'Etat a émis l'avis que : "dans l'hypothèse où le contribuable n'a pas appliqué les dispositions même de la loi fiscale mais a seulement entendu se conformer à l'interprétation contraire à celles-ci qu'en avait donné l'Administration dans une instruction ou une circulaire, l'Administration ne peut faire échec à la garantie que le contribuable tient de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales et recourir à la procédure de répression des abus de droit en se fondant sur ce que ce contribuable, tout en se conformant aux termes même de cette instruction ou circulaire, aurait outrepassé la portée que l'administration entendait en réalité conférer à la dérogation aux dispositions de la loi fiscale que l'instruction ou la circulaire autorisait. Elle peut seulement, le cas échéant, contester que le contribuable remplissait les conditions auxquelles l'instruction ou la circulaire subordonne le bénéfice de l'interprétation qu'elle donne", si bien qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par les conclusions des sociétés Banque d'Orsay et Orsay Gestion, si l'administration fiscale avait en l'espèce, contesté que la société Legrand remplissait les conditions auxquelles était subordonné le bénéfice des paragraphes 63 à 67 de l'instruction fiscale du 13 janvier 1983, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les fautes et le dommage invoqué, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;



Mais attendu, en premier lieu, que le préjudice invoqué par les sociétés du "groupe" Legrand trouve son origine dans les redressements qui, quel que soit leur fondement, leur ont été notifiés par l'administration fiscale ; que les transactions, signées entre ces sociétés et l'Administration, n'ont eu pour effet que de mettre fin à un contentieux sur le bien fondé de ces redressements, dont l'issue n'était pas certaine, en contrepartie d'une réduction importante du montant des sommes réclamées ; que compte tenu de l'avis et des décisions du Conseil d'Etat des 8 avril 1998, et 26 octobre 2001, il apparaît qu'en l'absence de telles transactions, et malgré la renonciation de l'Administration à se prévaloir, dans cette hypothèse, de la procédure de répression des abus de droit, la contestation des redressements engagée par les sociétés du "groupe" Legrand n'aurait eu de chance de succès, que dans la mesure où celles-ci auraient été en droit d'opposer à des redressements, dès lors fondés sur l'article 199 ter A du Code général des impôts, par substitution de base légale, les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ce qui n'aurait été le cas, que si, grâce aux éléments recueillis auprès des fonds communs de placement concernés, seuls détenteurs de ceux-ci, elles avaient pu combattre les affirmations de l'administration fiscale en montrant que ces fonds avaient fonctionné en respectant les conditions auxquelles l'instruction 4 k-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait, dans son article 100, le bénéfice de l'interprétation qu'elle donnait ; que dès lors, la cour d'appel, qui a rappelé que dans ses rapports de vérification régulièrement versés aux débats l'administration fiscale avait constaté que les fonds étaient demeurés fermés à toute souscription pendant la période de préparation, et qui a retenu que les fonds communs de placement en cause ne pouvaient être regardés comme ayant fonctionné dans des conditions conformes aux dispositions législatives, réglementaires et statutaires qui leur étaient applicables, a pu décider que les transactions n'avaient pas rompu le lien de causalité et qu'elles ne pouvaient être regardées comme la cause du dommage invoqué ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions visées par les trois premières branches des premiers moyens identiques des pourvois principaux n° G 00-16.245, et K 00-17.443, des pourvois incidents provoqués n° G 00-16245, K 00-17.443, A 00-17.503 et du pourvoi incident (BMA et BMA Gestion) n° K 00-16.408, et par le premier moyen du pourvoi incident (Banque Arjil) n° K 00-16.408, ainsi, que par les deux branches du premier moyen du pourvoi principal n° A 00-17.503 ;





Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, uniquement saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent, d'apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés du "groupe" Legrand, consécutivement au manquement qu'elle a estimé avoir été commis par les gérants et dépositaires des fonds communs de placement auprès desquels les sociétés du "groupe" Legrand avaient souscrit des parts, a pu considérer, sans méconnaître les dispositions visées par chacune des quatrièmes branches des moyens identiques des pourvois principaux n° G 00-16.245, et K 00-17.443, des pourvois incidents provoqués n° G 00-16245, K 00-17.443, A 00-17.503, et du pourvoi incident (BMA et BMA Gestion) n° K 00-16.408, que le préjudice indemnisable des sociétés du "groupe" devait tenir compte de l'appauvrissement qu'elles avaient supporté à raison des pénalités fiscales par elles réglées ;



D'où il suit que les différents moyens ci-dessus visés ne sont fondés en aucune de leurs branches ;



Sur le deuxième moyen du pourvoi principal formé par GPK Finance, CLC Bourse, et CDR Créances n° G 00-16.245, et sur les deuxièmes moyens, identiques au précédent, du pourvoi principal n° K 00-17.443 formé par la Banque Lehman Brothers, des pourvois incidents provoqués n° G 00-16.245, K 00-17.443, A 00-17.503, et du pourvoi incident n° K 00-16.408, tous formés par les sociétés BMA et BMA Gestion, pris chacun en leurs deux branches, ainsi que sur le deuxième moyen du pourvoi incident n° K 00-16.408 formé par la Banque Arjil, tous réunis :



Attendu que les sociétés CLC Bourse, GPK Finance, CDR Créances, la Banque Lehman Brothers, BMA, BMA Gestion, et la Banque Arjil, font également grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer, chacune, ou solidairement entre certaines d'entre elles, une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Legrand, alors, selon les moyens :



1 / que le gérant d'un fonds commun de placement s'engage à placer les capitaux apportés par les souscripteurs, à répartir entre ces derniers, dans le respect des règles légales, réglementaires et statutaires, les produits des valeurs mobilières possédées en portefeuille et de leur transférer les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur ; que la délivrance des crédits d'impôt est une obligation accessoire et mécanique à la répartition des revenus ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat, par la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt, de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires permettant l'imputation du crédit d'impôt, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11, 13 et 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;



2 / que les gérant et dépositaire d'un fonds commun de placement sont uniquement tenus de gérer les valeurs mobilières possédées en portefeuille ainsi que d'exécuter les ordres d'achat et revente des parts des fonds communs de placement que leur adressent les souscripteurs, lesquels maîtrisent seuls la fréquence des achats et ventes, le nombre et la durée de détention des parts ; que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement n'ont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11,13, 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;



3 / que le gérant et le dépositaire d'un fonds commun de placement s'engagent à placer les capitaux apportés par les souscripteurs, à répartir entre ces derniers, dans le respect des règles légales, réglementaires et statutaires, les produits des valeurs mobilières possédées en portefeuille et de leur transférer les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur ; qu'en considérant que les gérant et dépositaire avaient l'obligation de résultat, par la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt, de permettre au souscripteur de bénéficier des dispositions fiscales dérogatoires permettant l'imputation du crédit d'impôt, la cour d'appel a méconnu l'objet du fonds commun de placement et l'obligation des gérant et dépositaire, violant ainsi les articles 11, 13 et 26 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;



Mais attendu que, si les gérants et dépositaires de fonds communs de placement nont pas à apprécier l'opportunité de la politique spécifique d'investissement décidée par chaque souscripteur de parts de ceux-ci, le gérant d'un fonds commun de placement s'engage notamment, ainsi que le précise le moyen lui-même, à transférer aux souscripteurs les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, "calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur" ; qu'en outre, comme l'a rappelé la cour d'appel, le dépositaire, qui reçoit les souscriptions, et exécute les ordres du gérant concernant les achats et ventes de titres, ainsi que ceux relatifs à l'exercice des droits de souscription et d'attribution attachés aux valeurs comprises dans le fonds, puis qui établit les certificats de crédit d'impôt calculés par le gérant, doit, selon l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979, s'assurer que les opérations qu'il effectue sont conformes à la législation des fonds communs de placement et aux dispositions du règlement prévu à l'article 16 ; que dès lors, c'est à bon droit, que la cour d'appel a décidé que les gérants et dépositaires de fonds communs de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, c'est-à-dire propre à permettre aux souscripteurs de bénéficier des dispositions fiscales relatives aux parts de fonds communs de placement ; qu'ainsi les

moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;



Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° G 00-16.245 formé par GPK Finance, CLC Bourse, et CDR Créances, et sur les troisièmes moyens, identiques au précédent, des pourvois incidents provoqués n° G 00-16.245, K 00-17.443, A 00-17.503, et du pourvoi incident n° K 00-16.408, tous formés par les sociétés BMA et BMA Gestion, pris chacun en leurs deux branches, ainsi que sur les deux branches du quatrième moyen du pourvoi principal n° G 00-16.245, le troisième moyen du pourvoi principal n° K 00-17.443 formé par la Banque Lehman Brothers (identique à la première branche des troisièmes moyens précités), le deuxième moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi principal n° A 00-17.503 formé par la Banque d'Orsay et Orsay Gestion, et le troisième moyen, pris en ses deux branches (dont la première est identique à la première branche du deuxième moyen du pourvoi principal précité n° A 00-17.503), du pourvoi incident n° K 00-16.408 formé par la Banque Arjil, réunis :



Attendu que les sociétés CLC Bourse, GPK Finance, CDR Créances, BMA, BMA Gestion, la Banque Lehman Brothers, la Banque d'Orsay et Orsay Gestion, et la Banque Arjil, font encore grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer, chacune, ou solidairement entre certaines d'entre elles, une certaine somme à titre de dommages et intérêts aux sociétés du "groupe" Legrand, alors, selon les moyens :



1 / qu'en énonçant que les gérants et dépositaires des fonds ne rapportaient pas la preuve, qui leur incomberait, que des souscriptions ont pu intervenir à tout moment, pour en déduire que les fonds n'avaient pas régulièrement fonctionné, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;



2 / que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement avaient expressément opposé à la société Legrand qu'aucune disposition ne leur faisait obligation de recevoir des souscriptions antérieurement à la clôture de l'exercice et qu'ils n'étaient tenus de recevoir une souscription qu'autant qu'ils étaient saisis d'une demande de souscription ; qu'en considérant qu'ils ne rapportaient pas la preuve de ce que les souscriptions ont pu intervenir à tout moment, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1315 du Code civil et 7 de la loi du 13 juillet 1979 ;



3 / que l'arrêt énonce que les sociétés CLC Bourse, et GPK Finance sont muettes sur la méconnaissance des dispositions réglementaires et prudentielles relatives à la détention de liquidités alléguée par la société Legrand, qu'il résulte cependant des conclusions des premières qu'elles avaient soutenu au contraire que la détention de liquidités était parfaitement conforme aux dispositions légales et réglementaires et à l'instruction du 13 janvier 1983 et qu'elle était nécessitée par l'obligation de permettre aux souscripteurs de revendre à tout moment les parts détenues ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de CLC Bourse et GPK Finance violant ainsi l'article 1134 du code civil ;



4 / qu'en énonçant que les sociétés CLC Bourse et GPK Finance n'apportent pas la preuve qui leur incombe que les dispositions invoquées par la société Legrand ont été par elles, conformément à leurs obligations contractuelles, respectées, pour en déduire, qu'elles avaient failli à leur obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;



5 / qu'aucune disposition de la loi n'impose que les parts de fonds communs de placement soient souscrites ou rachetées à un moment donné, si bien qu'en retenant qu'à défaut de preuves de ce que les souscriptions étaient intervenues à tout moment, les fonds communs de placement ne pouvaient être considérés comme ayant fonctionné dans des conditions régulières, la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979 et l'article 1147 du Code civil ;



6 / qu'en retenant que les sociétés Banque d'Orsay et Orsay Gestion, auxquelles aucune injonction de verser une quelconque pièce aux débats n'avait été délivrée, avaient refusé de communiquer les pièces relatives au fonctionnement des fonds sans identifier les pièces que ces sociétés auraient refusé de communiquer, ni les circonstances dans lesquelles serait intervenu ce refus, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 11 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;



7 / que les sociétés Banque d'Orsay et Orsay Gestion avaient fait valoir, dans leurs écritures que, sans les souscriptions massives décidées par la société Legrand, qu'elles n'étaient pas en droit de refuser, les fonds Delta qui avaient des coefficients multiplicateurs proches de ceux préconisés par l'instruction administrative du 13 janvier 1983, n'auraient jamais dû être considérés comme des "fonds turbo", si bien qu'en retenant la responsabilité des sociétés Banque d'Orsay et Orsay Gestion sans s'expliquer sur ce moyen la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ,



8 / qu'en affirmant que la Banque Arjil reconnaît à la page 43 de ses écritures que le fonds ARC 1 a procédé à des opérations à découvert, la cour d'appel, par violation de l'article 1134 du Code civil a dénaturé lesdites conclusions dans lesquelles la banque indiquait que ledit fonds n'avait jamais procédé à un emprunt et ajoutait qu'il n'était pas interdit à un fonds commun de placement de payer à terme sans pour autant reconnaître l'avoir fait ;



Mais attendu, en premier lieu, qu'il appartenait aux gérants et dépositaires des fonds communs de placement, tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, de rapporter la preuve qu'ils avaient exécuté celle-ci ;



que, dès lors, la cour d'appel a exactement retenu qu'ils se devaient de démontrer que les conditions auxquelles l'article 100 de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 subordonnait le bénéfice de la mesure d'assouplissement génératrice de la majeure partie des crédits d'impôt transférés aux porteurs de parts avaient été, par eux, respectées ;



qu'ainsi, au vu des différents éléments qui lui ont été soumis, et hors toute dénaturation, la cour d'appel a pu estimer que les gérant et dépositaire du fonds Danae 3 ne démontraient pas avoir respecté les dispositions réglementaires et prudentielles relatives à la détention de liquidités et à la division des risques, que la Banque Arjil ne justifiait pas s'être abstenue de procéder à des opérations à découvert, et que la preuve n'était pas rapportée que les souscriptions aux fonds communs de placement concernés par le litige avaient pu intervenir à tout moment ;



qu'en l'état de ses énonciations et appréciations, et dès lors que, même si cette possibilité de souscription à tout moment, consacrée par l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979, n'exclut pas des souscriptions entre la clôture de l'exercice comptable et la date de répartition des produits encaissés au cours de celui-ci, l'absence de recherche de souscriptions autres que celles des fondateurs du fonds commun de placement avant l'encaissement par celui-ci de tous les produits du portefeuille au titre d'un exercice donné, puis la multiplication de telles souscriptions entre cette date et la distribution desdits produits, est contraire à la nature même du fonds, qui suppose, lorsqu'il fonctionne normalement, une répartition au profit de tous les souscripteurs de produits résultant majoritairement de leurs investissements en capital dans le fonds au cours de l'exercice comptable et non une répartition de produits provenant pour l'essentiel d'une transformation artificielle de capital en revenus, la cour d'appel, qui, astreinte dans la recherche de la preuve à comparer les différents éléments fournis par chacune des parties, n'avait pas à rappeler les circonstances dans lesquelles elle avait constaté qu'il n'avait pas été donné suite à une demande de communication de pièces formée par les sociétés du "groupe" Legrand, ni à identifier les dites pièces qui, en tout état de cause, devaient être de nature à venir confirmer ou infirmer les éléments versés aux débats par le "groupe" Legrand, a légalement justifié sa décision ;



Attendu, en second lieu, qu'en retenant que les souscriptions volontairement effectuées par Legrand dans le but de réduire son imposition n'étaient pas de nature à exonérer les personnes tenues de faire fonctionner les fonds conformément aux dispositions législatives et réglementaires d'ordre public, la cour d'appel a répondu aux conclusions dont elle était saisie par différentes banques ;



D'où il suit que les moyens susvisés ne sont pas fondés ;



Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° K 00-16.408 formé par les sociétés du groupe Legrand, pris en ses trois branches :



Attendu que les sociétés du "groupe" Legrand font grief à l'arrêt d'avoir décidé que leur demande tendant à la restitution des commissions versées n'était fondée sur aucun moyen de droit, alors, selon le moyen :



1 / que satisfait aux exigences de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile et fonde en droit sa prétention, le plaideur qui, pour justifier sa demande de restitution de la rémunération versée en contrepartie d'une prestation inexécutée, invoque la méconnaissance par son cocontractant de son obligation de résultat ; qu'au vu de ces conclusions, la cour d'appel a constaté que les Banques n'avaient pas exécuté les obligations de résultat qu'elles avaient souscrites au profit des sociétés du "groupe" Legrand et que celles-ci avaient demandé, dans leurs dernières écritures, la restitution des commissions payées ; qu'en estimant que cette prétention n'était justifiée par aucun moyen de droit alors que la demande de restitution des commissions était la conséquence de la violation de l'obligation de résultat, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 954, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;



2 / qu'en tout état de cause, dès lors que le juge constate qu'a été méconnue l'obligation de résultat mise à la charge des banques de délivrer des certificats de crédit d'impôt exempts de vice et emportant valeur libératoire, il lui appartient de tirer les conséquences de cette inexécution ; que dès lors que la cour a relevé la méconnaissance par les banques de leur obligation de délivrer des certificats conformes à leur destination, il lui appartenait d'en tirer les conséquences notamment quant à la restitution des commissions, qui lui était demandée ; qu'en refusant, cependant, de prononcer la restitution des sommes versées, le juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1184 du Code civil ;



3 / que, dans leurs conclusions récapitulatives, les souscripteurs de parts faisaient valoir que les substantielles commissions versées à titre de droit d'entrée et de sortie des fonds constituaient la contrepartie de l'engagement des banques résultant des simulations chiffrées faisant apparaître les montants et les dates d'imputation des crédits d'impôt annoncés sans aucune réserve comme éléments de rentabilité de chaque opération de trésorerie proposée et que les banques sont tenues d'une obligation de résultat quant à l'existence, au montant et par suite à la valeur libératoire des crédits d'impôt qu'elles déterminent et certifient ; qu'en considérant qu'il est constant que la cause du paiement serait l'obtention des crédits d'impôt, quels que fussent les redressements fiscaux intervenus par la suite, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les commissions n'avaient pas pour cause les montants et les dates d'imputation des crédits d'impôt annoncés sans aucune réserve comme élément de rentabilité de chaque opération, au moment de la souscription des parts, la cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;



Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a rappelé la teneur de la prétention subsidiaire des sociétés du "groupe" Legrand concernant les commissions versées, et le motif invoqué au soutien de celle-ci, sans que cet énoncé soit critiqué par un grief de dénaturation, a fait l'exacte application de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile en retenant que ces conclusions ne formulaient expressément aucun moyen de droit propre à justifier cette prétention et qu'elle ne pouvait ni suppléer la carence des parties dans l'exposé de leur moyens, ni rechercher dans leurs précédentes écritures ceux qu'elles avaient éventuellement présentés ou invoqués ;



Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a ajouté qu'en admettant qu'elle doive y voir l'allégation d'un défaut de cause au versement des commissions, il y avait lieu de relever que l'existence de la cause des obligations que comporte un contrat synallagmatique doit s'apprécier au moment de la formation de celui-ci, et qu'en l'espèce, la cause du paiement des commissions était, au moment où se sont formés les contrats, l'achat ou la vente de parts de fonds communs de placement, dont la gestion devait permettre l'obtention des crédits d'impôt, et ce quels que fussent les redressements fiscaux intervenus par la suite ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a, à bon droit, décidé que la demande formée aux fins de restitution des commissions versées par les sociétés du "groupe" Legrand ne pouvait, dans ces conditions, qu'être rejetée ;



Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;



Sur le cinquième moyen du pourvoi principal n° K 00-16.408 formé par les sociétés du "groupe" Legrand, pris en ses deux branches :



Attendu que les sociétés du "groupe" Legrand font aussi grief à l'arrêt d'avoir fixé au jour du prononcé de l'arrêt le point de départ des intérêts dus sur les sommes que les banques ont été condamnées à leur payer, alors, selon le moyen :



1 / que, dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 13 décembre 1999 , elles avaient indiqué que le point de départ des intérêts afférents aux sommes dues par les banques devait être fixé à la date du paiement de ces sommes à l'administration fiscale ; qu'aucune des parties au litige n'a contesté le point de départ ainsi invoqué ; qu'en fixant le point de départ de ces intérêts à une date différente de celle figurant dans leurs conclusions et non contestée par ses adversaires, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;



2 / que les intérêts résultant du retard dans le paiement d'une somme, même indemnitaire, dont le montant est déterminé sans l'intervention du juge, courent du jour de la sommation de payer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné les banques à leur rembourser certaines sommes réglées à l'administration fiscale, dont l'évaluation ne nécessitait pas l'intervention de juge puisqu'elles préexistaient à sa décision ; qu'en fixant néanmoins à la date de sa décision le point de départ de ces intérêts, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1153 du Code civil et par fausse application, l'article 1153-1 du même Code ;



Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une action en responsabilité civile, et qui se devait, par conséquent, d'apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés du "groupe" Legrand avant de pouvoir fixer le montant des dommages et intérêts pouvant leur être alloué, a, à bon droit, décidé, sans méconnaître les dispositions visées par le moyen, que les sommes ainsi déterminées porteraient intérêts au taux légal à compter de sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;



Sur le quatrième moyen du pourvoi principal n° K 00-16.408 formé par les sociétés du "groupe" Legrand, pris en ses deux branches :



Attendu que les sociétés du "groupe" Legrand font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité exercée sur le fondement de la subrogation des porteurs de parts dans les droits du Trésor public, alors, selon le moyen :



1 / qu'en certifiant le montant des crédits d'impôt censés représenter l'impôt déjà versé au trésor et destinés à être imputés par le porteur de parts du fonds commun de placement, le gérant et le dépositaire de ce fonds engagent leur responsabilité tant à l'égard des porteurs de parts qu'envers l'administration fiscale à raison des recettes dont celle-ci est privée par l'imputation des crédits d'impôt certifiés ; qu'à supposer que cette responsabilité pécuniaire ne résulte pas "automatiquement" et de plein droit de la certification de crédits d'impôt fictifs, elle découle des fautes constatées par la cour comme exclusivement imputables aux gérants et dépositaires des fonds communs litigieux ; qu'en l'espèce, pour la débouter de son action à l'encontre des banques, fondée sur la subrogation des porteurs de parts dans les droits du Trésor public, la cour d'appel a énoncé que les gérants et dépositaires de fonds commun de placement n'étaient pas susceptibles d'engager leur responsabilité envers l'administration fiscale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 13 et 26-II de la loi du 13 juillet 1979 et 1382 du Code civil et par fausse application, l'article 79-2 de l'annexe II du Code général des impôts ;



2 / que le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré, envers leur créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ; que le porteur de parts d'un fonds commun de placement qui paie des impôts correspondant au montant des crédits d'impôt certifiés à tort par un fonds commun de placement et qui se sont avérés inopposables au Trésor public, éteint, par là-même, la dette de responsabilité des gérant et dépositaire dudit fonds commun de placement envers l'administration fiscale, sur lesquels doit peser la charge définitive de la dette, et se trouve, de ce seul fait, subrogé dans les droits du Trésor public, créancier commun du porteur de parts et des gérant et dépositaire du fonds commun de placement ; qu'en l'espèce, pour les débouter de leur action fondée sur la subrogation dans les droits du Trésor public, la cour d'appel a énoncé que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement n'étaient pas personnellement tenus au paiement de la dette d'impôt des porteurs de parts ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1251-3 du Code civil ;



Mais attendu que c'est à bon droit, que la cour d'appel a énoncé qu'aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables aux fonds communs de placement ne permettait à l'administration fiscale de rechercher la responsabilité pécuniaire du gérant de fonds et notamment pas l'article 79-2 de l'annexe II du Code général des impôts, affirmation transposable aux dépositaires de fonds ;



qu'au surplus, l'administration fiscale, qui a refusé l'imputation des crédits d'impôt litigieux, n'a elle-même subi aucun dommage susceptible d'engendrer réparation à son profit sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que dès lors, celle-ci n'ayant aucune créance à l'égard des gérants et dépositaires des fonds communs de placement, la cour d'appel en a déduit exactement que l'invocation de l'article 1251-3 du Code civil était inopérante ; qu'il s'ensuit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en sa seconde branche ;



Mais, sur la première branche du premier moyen du pourvoi principal n° K 00-16.408 formé par les sociétés du "groupe" Legrand :



Vu l'article 1147 du Code civil ;



Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par les sociétés du "groupe" Legrand à concurrence du gain fiscal dont elles ont été privées par la remise en cause par l'Administration de la valeur libératoire des crédits d'impôt qui leur avaient été transférés par les fonds communs de placement, la cour d'appel a considéré que celles-ci, qui stigmatisaient dans leurs écritures le caractère irrégulier de la gestion de ces fonds en ce qu'elle avait un objectif exclusivement fiscal, n'établissaient pas que s'ils avaient fonctionné conformément à leur nature et dans des conditions régulières, ils auraient été aptes à leur procurer le gain fiscal prétendument manqué, et que dès lors, le préjudice invoqué du chef du paiement du redressement en principal consécutif au refus d'imputation desdits crédits d'impôt n'était pas caractérisé en son élément de certitude requis pour ouvrir droit à réparation ;



Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, et étaient seuls responsables des choix et modalités de fonctionnement des fonds, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal n° K 00-16.408 formé par les sociétés du "groupe" Legrand :



PAR CES MOTIFS :



CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les sociétés du "groupe" Legrand de leurs prétentions relatives à l'indemnisation du préjudice qu'elles invoquaient du chef du paiement des droits en principal, l'arrêt rendu le 29 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;



Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;



Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés du "groupe" Legrand, des sociétés GPK Finance, CLC Bourse, CDR Créances, Banque de marché et d'arbitrage (BMA), Chauchat développement BMA Gestion, Banque Lehman Brothers, Banque d'Orsay et Orsay gestion, et de la société Conception bureautique et organisation du travail (CBOT), formées au titre des pourvois principaux et incidents ;



Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille deux.

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