11 juillet 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-18.267

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

FONDS DE COMMERCE - nantissement - bail - résiliation - clause résolutoire - notification de la demande - portée - nantissement du fonds de commerce - résiliation du bail - bail commercial - créancier nanti

Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits. Ceux-ci, non tenus d'exploiter directement, ont la possibilité de faire exécuter les obligations nées du bail.

Texte de la décision

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :


Vu les articles 1382 du code civil et L. 143-2 du code de commerce ;


Attendu que le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits ; que ceux-ci, non tenus d'exploiter directement, ont la possibilité de faire exécuter les obligations nées du bail ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 novembre 2003, pourvoi n° 0101726), que la société le Crédit touristique C2T (la société C2T) a consenti le 29 mars 1988 à la Société d'exploitation du moulin de la Roque (SEMR) un prêt destiné à financer l'achat d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant ; que ce prêt était garanti par un nantissement sur le fonds de commerce qui a été inscrit au greffe du tribunal de Carpentras, dans le ressort duquel se trouvait ce fonds ; que celui-ci était exploité dans des locaux donnés à bail par la société Soprinfi, aux droits de laquelle se trouve la Société parisienne de développement (Sopadev) ; que la SEMR ayant cessé de payer les loyers, la société Soprinfi a fait constater par une ordonnance de référé du 17 mai 1995, confirmée par un arrêt du 23 janvier 1996, que la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail était acquise; que la SEMR a été mise en redressement judiciaire le 5 avril 1996, converti ultérieurement en liquidation judiciaire ; que la société C2T, invoquant la faute commise par la société Soprinfi qui s'était abstenue, en violation de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909 devenu l'article L. 143-2 du code de commerce, de lui notifier la demande tendant à faire constater la résiliation du bail, a demandé le 20 janvier 1997 que cette dernière soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts représentant le montant de sa créance sur la SEMR ; que par arrêt du 13 novembre 2003 la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 9 novembre 2000 qui avait accueilli la demande, au motif que la réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;


Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société C2T, créancier nanti, l'arrêt retient que la SEMR a été condamnée à verser à titre provisionnel à la société Soprinfi la somme de 2 000 000 euros au titre des loyers échus impayés, que la société C2T reconnaît que la dette de loyers pouvait être supérieure puisqu'elle s'élevait en 1996 à un montant de 3 464 000 francs, qu'au jour de l'assignation délivrée par la bailleresse aux fins d'obtenir la résiliation du bail, soit entre le 28 février 1995, date du commandement de payer délivré à l'encontre de la société SEMR, et le 17 mai 1995, date de l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire, confirmée par un arrêt du 13 janvier 1996, la créance de la société C2T à l'égard de la SEMR s'élevait à 917 527,60 francs en capital et intérêts au titre des échéances échues impayées au 20 novembre 1995, qu'il n'est dans ces conditions pas patent que la société C2T aurait eu à cette époque un intérêt à régler la dette de loyers pour maintenir l'activité saisonnière de sa débitrice, dont les difficultés à honorer ses engagements remontaient à trois années au jour où le bail a été résilié ;


Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme elle était invitée à le faire par les conclusions de la société C2T, les résultats positifs dégagés par l'exploitation du fonds par la Sopadev dès 1996 ne démontraient pas que celui-ci avait conservé son existence et sa valeur en dépit de son absence d'exploitation en 1995, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;


Condamne la société Sopadev aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Sopadev à payer à la société le Crédit Touristique C2T et à M. X..., ès qualités, la somme globale de 2 000 euros ; rejette la demande de la société Sopadev ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille six.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.