7 juin 2005
Cour de cassation
Pourvoi n° 04-13.303

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

BANQUE - agrément - obtention - défaut - sanction - nullité (non) - contrats et obligations conventionnelles - nullité - causes - exclusion - cas - exercice illégal de l'activité de banquier

La seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence d'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du Code monétaire et financier, subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus.

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes notariés du 5 juillet 1989, la société Générale de banque, société de droit belge aujourd'hui dénommée Fortis banque (la banque), a consenti une ouverture de crédit à la société Carton Stock Diffusion et à la société Cartonnage du Val d'Oise, avec pour garantie le cautionnement hypothécaire de la SCI Chemin du Crouy (la SCI) ; que les sociétés Carton Stock Diffusion et Cartonnage du Val d'Oise ayant été mises en redressement judiciaire le 1er avril 1993, la banque a déclaré sa créance et a délivré le 30 janvier 2003 à la SCI et à son gérant, M. X..., un commandement aux fins de saisie immobilière ; que la SCI et M. X... ont assigné la banque en nullité de ce commandement ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la SCI et M. X..., gérant de cette société, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en nullité du commandement de saisie immobilière et d'avoir dit que la banque pouvait reprendre les poursuites engagées suivant ce commandement alors, selon le moyen, que l'agrément exigé par les articles 10 et 15 de la loi du 24 janvier 1984, devenus les articles L. 511-5 et L. 511-10 du Code monétaire et financier, était conforme aux trois conditions exigées, pour sa validité, par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 9 juillet 1997, notamment en ce qu'il devait être obtenu par toute personne ayant pour activité l'octroi de prêts hypothécaires en France et en ce que, pour l'accorder, le comité des établissements de crédit devait apprécier l'aptitude de l'entreprise à réaliser ses objectifs de développement dans des conditions qui soient compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante, conditions justifiant alors l'implantation de succursales, compte tenu des garanties que celle-ci offraient en l'absence de règles prudentielles suffisamment harmonisées au sein des Etats membres et de relations précisément organisées et effectivement mises en oeuvre entre les autorités de contrôle des pays concernés ; que les prêts litigieux ayant été consentis, par la société belge Générale de banque, établissement de crédit au sens commun des législations belge et française, avant l'entrée en vigueur 89/646 CEE du Conseil du 15 décembre 1989, il s'en déduisait qu'en application des textes précités, cet établissement prêteur devait obtenir l'agrément imposé par ceux-ci pour exercer en France son activité, fût-ce à titre occasionnel et sous la forme de libre prestation de services ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 59 du Traité instituant la Communauté européenne et les textes précités ;


Mais attendu que la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence d'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1986, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du Code monétaire et financier, subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclu ; que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :


Vu l'article 1134 du Code civil ;


Attendu que pour rejeter la demande de la SCI et de son gérant, M. X..., en nullité du commandement de saisie immobilière délivré le 30 janvier 2003 et dire que la banque pouvait reprendre les poursuites engagées suivant ce commandement, l'arrêt retient que les engagements de caution hypothécaire garantissant les ouvertures de crédit ont été consentis sans aucune limitation dans le temps et doivent produire leurs effets jusqu'au complet paiement des sommes pour lesquelles ils ont été accordés alors que, par ailleurs, les dates de péremption des inscriptions hypothécaires n'ont été fixées, au regard des stipulations des actes du 5 juillet 1989 arrêtant la durée du crédit, respectivement au 5 juillet 2001 et 31 juillet 1996 qu'en considération des stipulations de l'article 2154 du Code civil et sont sans aucune incidence sur la durée de l'obligation de la garantie elle-même, que la banque était ainsi fondée à procéder au renouvellement des inscriptions initiales les 18 juin 1996 et 26 juin 2001 sans le concours de la SCI, une telle formalité n'ayant pas pour effet d'étendre l'engagement de cette dernière au-delà des limites dans lesquelles il avait été contracté, que le commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 30 janvier 2003 n'est pas nul ;


Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les engagements souscrits fixent les dates de péremption des inscriptions hypothécaires aux 5 juillet 2001 et 31 juillet 1996 sans prévoir de possibilité de renouvellement par référence aux dispositions de l'article 2154 du Code civil, la cour d'appel, qui a dénaturé les clauses contractuelles de validité des inscriptions hypothécaires, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions qui, infirmant le jugement, ont débouté la SCI du Chemin de Crouy et M. X..., gérant de celle-ci, de leurs demandes en nullité du commandement à fins de saisie immobilière délivré le 30 janvier 2003 par la société Fortis banque à la SCI du Chemin de Crouy et des poursuites de saisie immobilière, et dit que la société Fortis banque peut reprendre les poursuites à fins de saisie immobilière engagées suivant le commandement du 30 janvier 2003, l'arrêt rendu le 22 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;


Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille cinq.

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