8 mars 2005
Cour de cassation
Pourvoi n° 02-17.692

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - redressement judiciaire - période d'observation - créanciers - déclaration des créances - domaine d'application - créance de remboursements de droits sociaux - condition - societe (règles générales) - statuts - clause - perte de plein droit de la qualité d'associé - licéité - conditions - détermination - societe en nom collectif - associés - redressement ou liquidation judiciaire - incapacités et interdictions - moment

Après avoir énoncé qu'il est possible et licite de prévoir dans les statuts de la société, qui constituent le contrat accepté par les parties et fixant leurs obligations, que le redressement judiciaire d'un des associés lui fera perdre cette qualité, dès lors que lui est due la valeur des droits dont il est ainsi privé pour un motif qui est conforme à l'intérêt de la société et à l'ordre public, puis relevé qu'en vertu de cette clause, la perte des droits d'associé s'opère de plein droit par l'effet du redressement judiciaire de l'associé, qui détient alors sur la société une créance qu'il lui appartient de faire évaluer par expert puis de recouvrer, une cour d'appel décide, à bon droit, qu'il incombait à l'associé, devenu créancier de la société au jour de l'ouverture de son redressement judiciaire, de déclarer sa créance au passif de la procédure collective ultérieurement ouverte à l'égard de la société.

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 mai 2002), que Mme X... et M. Y... étaient associés à parts égales au sein de la société en nom collectif Pharmacie X...
Y... (la société), dont les statuts stipulaient notamment qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d'un associé, les parts de celui-ci seraient de plein droit annulées et que la société devrait lui en rembourser la valeur déterminée par expert ; que Mme X... a été mise en redressement judiciaire le 29 juillet 1994, puis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1996 ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 20 décembre 1996 ; qu'après avoir bénéficié d'un plan de continuation, la société a demandé que soit prononcée l'exclusion de Mme X... et que soit constatée l'extinction de sa créance de remboursement de la valeur des parts ; que Mme X... et son liquidateur ont reconventionnellement demandé que la société soit condamnée à payer le montant de cette créance ;


Sur le premier moyen :


Attendu que Mme X... et son liquidateur font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de remboursement de la valeur des droits sociaux, alors, selon le moyen :


1 / que l'article L. 221-16 du Code de commerce ne prévoit, dans l'hypothèse d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'associé d'une société en nom collectif, la dissolution de la société ou la poursuite de son activité ainsi que le remboursement de ses droits sociaux que dans les seuls cas d'un jugement "de liquidation judiciaire ou arrêtant un plan de cession totale, une mesure d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou une mesure d'incapacité est prononcé à l'égard de l'un des associés", ce qui exclut donc le cas de l'associé faisant l'objet d'un jugement de redressement judiciaire, nonobstant toute clause contraire, de sorte qu'en jugeant que Mme X... avait perdu la qualité d'associé dès le jugement prononçant son propre redressement judiciaire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;


2 / que seules doivent faire l'objet d'une déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture les créances trouvant leur origine antérieurement à cette décision si bien qu'en énonçant que Mme X... aurait dû produire au redressement judiciaire de la SNC X...
Y..., alors que sa créance d'un montant équivalent au remboursement de ses droits sociaux, était née au jour de ce jugement, puisque cette date correspondait au jugement ayant prononcé sa propre liquidation judiciaire, ce dont il résultait que la créance ne pouvait être qualifiée d'antérieure au jugement d'ouverture et ainsi être soumise à production, la cour d'appel a violé l'article L. 621-43 du Code de commerce ;


Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il est possible et licite de prévoir dans les statuts, qui constituent le contrat accepté par les parties et fixant leurs droits et obligations, que le redressement judiciaire de l'un des associés lui fera perdre cette qualité, dès lors que lui est due la valeur des droits dont il est ainsi privé pour un motif qui est en l'occurrence conforme à l'intérêt de la société et à l'ordre public, l'arrêt relève qu'en vertu de cette clause, la perte des droits d'associés s'opère de plein droit par l'effet du redressement judiciaire de l'associé qui détient alors sur la société une créance qu'il lui appartient de faire évaluer par expert puis de recouvrer ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'il incombait à Mme X..., devenue créancière de la société au jour de l'ouverture de son redressement judiciaire, de déclarer sa créance au passif de la procédure collective ultérieurement ouverte à l'égard de la société ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Et sur le second moyen :


Attendu que Mme X... et son liquidateur font encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'exclusion de Mme X... du fait de la perte de sa qualité d'associé consécutive à la procédure collective dont elle faisait l'objet, alors, selon le moyen :


1 / que selon l'article L. 221-16 du Code de commerce, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'un associé ne provoque pas la dissolution automatique de la société civile ; que dans ce cas, la valeur des droits sociaux à rembourser à l'associé qui perd cette qualité est déterminée suivant les dispositions de l'article 1843-4 du même Code ; qu'ainsi la perte de la qualité d'associé ne résulte pas du jugement d'ouverture mais seulement du remboursement de ses parts sociales, dont elle ne peut en aucun cas être le préalable, si bien qu'en statuant de la sorte en constatant que les parts sociales de Mme X... ne lui avaient pas été remboursées, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;


2 / que l'article 12 des statuts de la société en nom collectif prévoyait expressément que la procédure collective prononcée à l'encontre de l'un des associés ne mettait pas fin à la société, mais que les parts de cet associé étaient annulées et devait être remboursées dans un délai de trois mois à compter de la notification à la société du rapport d'expertise, ce dont il résultait que l'admission au bénéfice d'une procédure collective, si elle constituait une cause d'exclusion de la société, devait entraîner le remboursement des parts sociales puis la perte de la qualité d'associé, si bien qu'en relevant que le remboursement des parts sociales n'était que la conséquence de la perte des droits d'associé, la cour d'appel a dénaturé la sens clair et précis de cet article, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;


Mais attendu qu'il résulte de la clause litigieuse, exactement reproduite par l'arrêt, que les parts de l'associé admis au redressement judiciaire sont de plein droit annulées ; qu'après avoir retenu que cette stipulation ajoutait valablement aux dispositions de l'article L. 221-16 du Code de commerce, la cour d'appel en a fait l'exacte application en décidant que la perte de la qualité d'associé s'était opérée de plein droit dès le redressement judiciaire de Mme X... et n'était pas subordonnée au remboursement des droits sociaux qui n'en était que la conséquence ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille cinq.

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