7 avril 1987
Cour de cassation
Pourvoi n° 84-17.103

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

DROIT MARITIME - abordage - domaine d'application - embarcation escortant un navire pour l'assister lors des opérations d'arrimage et de désarrimage - dommage ne résultant pas de l'inexécution d'une obligation contractuelle - action en indemnité - prescription - responsabilité - abordage sans heurt - conditions

Une cour d'appel peut retenir que ne résultent pas de l'inexécution d'une obligation contractuelle les dommages causés par un navire à l'équipage d'une embarcation qui l'escortait pour l'assister lors de son amarrage, dès lors qu'elle énonce que cet équipage n'a effectué aucun travail relevant du contrat de lamanage et que si le commandant et le pilote du navire lui ont demandé de rester à proximité pour surveiller le relevage d'une ancre, cette simple assistance, qui aurait pu être demandée à tous témoins n'entrait pas dans le cadre des activités des lamaneurs, limitées d'après le contrat aux opérations d'arrimage et de désarrimage.

Texte de la décision

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :




Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 septembre 1984) qu'alors que le navire Ginousse, appartenant à la société Fouquet Sacop Maritime (société Fouquet), naviguait sur le canal de Caronte en direction de l'étang de Berre, une ancre, mouillée par accident, a provoqué l'explosion d'une conduite de gaz posée sur le fond du canal et a entraîné la mort de M. René Y..., qui se trouvait à bord du Caprice VIII , embarcation qui escortait le Ginousse pour l'assister lors de son amarrage ; que Mme X..., veuve de M. René Y..., a assigné en dommages-intérêts la société Fouquet ; que l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) a également demandé à cette société de rembourser les prestations versées à la veuve et aux enfants de la victime ; qu'en outre, Mme Marie-Jeanne Y..., M. Jean Y..., M. Paul Y..., Mme Philomène Y... et M. André Y... (les consorts Y...) ont demandé à la même société la réparation du préjudice que leur avait causé le décès de M. René Y... ;


Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le décès de M. René Y... était consécutif à un abordage sans heurt, au sens de l'article 6 de la loi du 7 juillet 1967, dont la responsabilité incombait à la société Fouquet, d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de dommages-intérêts de Mme X... à titre personnel et de l'ENIM et d'avoir enfin dit mal fondée sur le terrain contractuel et irrecevable comme prescrite la demande de dommages-intérêts des consorts Y..., alors, selon le pourvoi, que, d'une part, l'article 6 de la loi du 7 juillet 1967 déclare les règles de l'abordage et, notamment, la prescription biennale, applicables aux dommages qu'un navire cause à un autre navire ou aux personnes se trouvant à son bord par l'exécution ou l'omission d'une manoeuvre quand bien même il n'y aurait pas eu de choc entre eux ; que cette disposition, qui est d'interprétation stricte, et qui institue une responsabilité de nature délictuelle, suppose que le dommage soit la conséquence directe de la faute du navire responsable de celle-ci ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate que la projection en mer de M. René Y... résulte directement de l'expansion brutale du gaz se trouvant dans une conduite placée au fond du chenal ; que si la déchirure de la conduite a été provoquée par le relevage de l'ancre du navire Ginousse, relevage lui-même rendu nécessaire par le mauvais état du frein de guindeau, il résulte de ces constatations que le dommage, directement provoqué par la fuite du gaz se trouvant dans une conduite, n'a pas été la conséquence directe d'une manoeuvre fautive du navire ; que, dès lors, les circonstances ainsi décrites ne pouvaient être considérées comme constitutives d'un abordage sans heurt et qu'en opposant aux demandes de Mme X... et de l'Etablissement national des invalides de la marine la prescription de deux ans, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de la loi du 7 juillet 1967 ; alors que, d'autre part, ce texte, qui institue une responsabilité de caractère délictuel, n'est pas applicable lorsque le navire, victime du dommage, se trouvait à proximité du bâtiment dont la faute est à l'origine de celui-ci, dans le cadre de relations contractuelles et, notamment, lorsque ce bâtiment avait demandé assistance à l'équipage de ce navire qui avait accepté et était, pour

cette raison, demeuré à ses côtés ; que l'arrêt constate que, par deux fois, le commandant et le pilote du Ginousse avaient demandé au Caprice VIII , qui allait s'éloigner de ce dernier, de rester sur place pour surveiller l'opération de relevage de l'ancre, ce qui avait été fait ; qu'eu égard à ces constatations, l'arrêt ne pouvait, sans violer les dispositions de la loi du 7 juillet 1967 et celles de l'article 1134 du Code civil, déclarer mal fondées sur le terrain contractuel et prescrites par application de cette loi, les demandes de Mme Y... et de l'Etablissement national des invalides de la marine ;


Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt énonce que, ni dans les minutes qui ont précédé l'explosion, ni au moment de celle-ci, l'équipage du Caprice VIII n'a effectué un quelconque travail relevant du contrat de lamanage, que si, à la suite d'une première chute de l'ancre du Ginousse , le commandant et le pilote de ce navire lui ont demandé de rester à proximité pour surveiller l'opération de relevage et notamment constater si, à sa sortie de l'eau, l'ancre était claire, cette simple assistance qui aurait pu être demandée à tout témoin des manoeuvres n'entrait pas dans le cadre des activités des lamaneurs, limitées d'après le contrat aux opérations d'arrimage et de désarrimage, et ne faisait peser sur eux aucune obligation d'assistance au profit des navires naviguant sur le canal de Caronte, lieu de l'abordage ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu estimer que les dommages invoqués ne résultaient pas de l'inexécution d'une obligation contractuelle ;


Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, ayant relevé que la chute de l'ancre était due à une négligence de l'équipage du navire de la société Fouquet et avait déterminé l'explosion à l'origine de l'accident, a pu retenir que l'article 6 de la loi du 7 juillet 1967 était applicable en l'espèce ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

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