26 novembre 1996
Cour de cassation
Pourvoi n° 94-15.403

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - faute - société - concurrence déloyale au préjudice d'une société - associé - administrateur d'une société anonyme - preuve d'une faute - nécessité - societe anonyme - actionnaires - actions - cession - rachat par un autre associé - fixation du prix - expertise ordonnée d'office - estimation de l'expert s'imposant aux parties (non)

Saisie d'une action en concurrence déloyale engagée par une société anonyme contre l'un des associés, administrateur, une cour d'appel a pu considérer que les conditions de cette responsabilité n'étaient pas réunies, après avoir constaté qu'aucune faute n'était prouvée à la charge de cet associé.

Texte de la décision

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que MM. X... et Alain Y..., qui détenaient chacun 37,6 % du capital de la société anonyme Europ'auto service (la société EAS), concessionnaire à Soissons de la marque de véhicules automobiles Ford, étaient administrateurs de ladite société dont le premier était président du conseil d'administration et le second directeur des ventes ; qu'à la suite d'une mésentente entre eux, M. Alain Y... a démissionné de ses fonctions de directeur des ventes et, tout en restant administrateur de la société EAS, a acquis le contrôle d'une société concurrente, concessionnaire dans la même ville des véhicules de marque Opel, la société SDA, dont il est devenu le président du conseil d'administration ; que la société EAS a assigné M. Alain Y... en paiement de dommages-intérêts sur le fondement d'une concurrence déloyale et pour demander que soit ordonné le rachat par M. Jean Y... des actions de la société EAS détenues par son frère ; que M. Jean Y... est intervenu à l'instance aux mêmes fins ;


Sur le second moyen :


Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, que, par ses seules qualités d'associé et de dirigeant social, M. Alain Y..., directeur des ventes de la société EAS, avait l'obligation contractuelle de s'abstenir de tout acte de concurrence à l'égard de cette société, que cette obligation de non-concurrence lui interdisait de s'installer dans le même secteur géographique que la société EAS pour y exercer la même activité de concessionnaire automobile, que la violation de cette obligation était fautive, indépendamment de manoeuvre déloyale, le préjudice résultant nécessairement de la confusion entre les deux sociétés rendue inéluctable par les liens de parenté entre leurs deux dirigeants sociaux, d'où il suit qu'en exigeant la preuve d'actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;


Mais attendu qu'ayant constaté que les demandeurs procédaient par voie d'affirmations et ne démontraient pas la réalité d'un préjudice, l'arrêt relève en outre que la démission de M. Alain Y..., consécutive à la mésentente avec son frère et à l'impossibilité de poursuivre le travail en commun, était une décision de bon sens, que son engagement ensuite au sein d'une société concurrente, expliqué par lui par la nécessité de retrouver une activité professionnelle, s'il était en lui-même une source de difficultés pour les deux concédants et les deux concessionnaires, ne constituait pas ipso facto un acte constitutif de concurrence déloyale de la part de M. Alain Y... à l'encontre de la société EAS, que la non-réalisation de la cession de ses actions est autant imputable à chacun des deux frères du fait de la persistance de leur désaccord et qu'il résulte des documents sociaux versés aux débats que M. Alain Y... n'a pas profité abusivement de ses fonctions d'administrateur dans un but de concurrence déloyale mais a agi régulièrement dans les limites fixées par la loi et les statuts ; qu'à partir de ces constatations et énonciations retenant l'absence de faute prouvée dans le comportement de M. Y..., la cour d'appel a pu considérer que n'était pas établie la concurrence déloyale alléguée à son encontre ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le premier moyen :


Vu les articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1843-4 du Code civil ;


Attendu que, pour ordonner le rachat par M. Jean Y... des actions détenues par M. Alain Y... au prix de 421 francs l'action, estimé par l'expert désigné par le tribunal, en dépit de la contestation élevée par M. Jean Y... et la société EAS sur cette évaluation, l'arrêt retient que l'assignation visait la cession des actions que M. Alain Y... détenait dans la société EAS et " manifestait " que, pour la fixation du prix, M. Jean Y... et cette société s'en remettaient à la solution à laquelle aboutirait le débat judiciaire ; que, compte tenu de la situation, cette cession était une solution de raison et de logique économique dont les parties étaient convenues dès avant l'assignation ; que, saisi de ce litige, et devant les positions divergentes de celles-ci sur la fixation du prix des actions, c'était par une application de l'article 1843-4 du Code civil que le tribunal avait ordonné une expertise ; que, dès lors, le prix fixé par l'expert conformément à ce texte s'impose aux parties ;


Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que les parties, qui ne se trouvaient pas dans un cas où est prévu la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, avaient convenu de la vente des actions de la société EAS détenues par M. Alain Y... au prix déterminé par un expert à désigner par le tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le rachat des actions de M. Alain Y... par la société EAS et M. Jean Y... au prix de 421 francs l'une et a condamné ce dernier à payer à M. Alain Y... la somme de 1 210 000 francs à ce titre, l'arrêt rendu le 23 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

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