5 décembre 1995
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-21.172

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 25 JANVIER 1985) - redressement judiciaire - créanciers de la procédure - créance née régulièrement après le jugement d'ouverture - créance en restitution d'une somme d'argent résultant d'un arrêt de cassation

Un agriculteur qui avait conclu un contrat d'intégration avec une société ayant été condamné, après annulation du contrat et comptes entre parties, à payer à celle-ci une certaine somme qu'il a versée au liquidateur judiciaire de la société, la créance de l'agriculteur en restitution de cette somme, résultant de la cassation de l'arrêt de condamnation, est née régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire de la société et relève des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985.

Texte de la décision

Attendu que, par un arrêt du 14 mars 1984, le contrat d'intégration liant l'activité de M. X... à celle de la société des établissements Gargaud (établissements Gargaud) a été annulé en raison de sa non-conformité aux prescriptions de l'article 19 de la loi du 6 juillet 1964 et qu'une expertise a été ordonnée pour déterminer la valeur des prestations fournies de part et d'autre et établir le compte des parties ; que par arrêt du 12 novembre 1987, M. X... a été condamné à payer aux établissements Gargaud la somme de 39 634,55 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1979 ; que pour parvenir au recouvrement de cette créance, le liquidateur judiciaire des établissements Gargaud a poursuivi la vente sur saisie immobilière d'un bien appartenant à M. X... et a reçu la somme totale de 110 122,39 francs correspondant au principal, aux intérêts et aux frais de la procédure de saisie ; que l'arrêt du 12 novembre 1987 ayant été annulé par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 11 juin 1991, l'arrêt déféré, après avoir fixé la créance de M. X... sur les établissements Gargaud, a ordonné la restitution par le liquidateur judiciaire de ces établissements de la somme de 110 122,39 francs augmentée des intérêts à compter de l'arrêt du 11 juin 1991 et fixé à 50 000 francs le préjudice subi par M. X... ; que M. X... étant décédé après le pourvoi formé contre cet arrêt par le liquidateur judiciaire des établissements Gargaud, Mme X..., sa veuve, a déclaré reprendre l'instance ;


Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense : (sans intérêt) ;


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que le liquidateur judiciaire des établissements Gargaud reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à restituer à M. X... la somme de 110 122,39 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire suspend ou interdit toute action en paiement de la part d'un créancier dont la créance a son origine antérieurement à ce jugement ; qu'en se bornant à déclarer, pour condamner le liquidateur des établissements Gargaud à restituer à M. X... la somme de 110 122,39 francs, que celle-ci " ne peut faire l'objet d'une production ", sans préciser en quoi cette demande en restitution, qui tendait au paiement d'une somme d'argent, était recevable à l'encontre d'une personne morale en liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que seules les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à l'échéance et peuvent, à défaut, faire l'objet de mesures d'exécution à l'encontre du débiteur en redressement ou en liquidation judiciaires ; qu'en se bornant à déclarer, pour condamner le liquidateur des établissements Gargaud à restituer à M. X... la somme de 110 122,39 francs, que celle-ci " ne peut faire l'objet d'une production ", sans rechercher si la cause de cette créance en restitution, qui résultait de l'annulation du contrat d'intégration qui liait les parties, n'était pas antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre des établissements Gargaud, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;


Mais attendu que la créance en restitution de M. X..., résultant de l'arrêt de la Cour de Cassation du 11 juin 1991, est née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire des établissements Gargaud et relève des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; que, par ce motif de pur droit, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :


Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Attendu que pour fixer à 50 000 francs le préjudice subi par M. X..., l'arrêt n'énonce aucun motif de nature à caractériser le fait générateur de la responsabilité des établissements Gargaud ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


Et sur le troisième moyen :


Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;


Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;


Attendu qu'en ordonnant, à compter de l'arrêt de cassation, le règlement des intérêts sur la somme de 110 122,39 francs exposée au titre des poursuites engagées en exécution de l'arrêt annulé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la restitution par M. Y..., ès qualités de liquidateur de la société Gargaud, de la somme de 110 122,39 francs, outre intérêts à compter de l'arrêt de cassation du 11 juin 1991 et en ce qu'il a fixé à la somme de 50 000 francs le préjudice subi par M. X..., l'arrêt rendu le 28 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

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