27 février 1996
Cour de cassation
Pourvoi n° 92-18.146

Chambre commerciale financière et économique

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - procédure (règles communes) - voies de recours - pourvoi en cassation - délai - augmentation en raison de la distance - société ayant son siège social à l'étranger - assignation - champ d'application - enregistrement - taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en france par des personnes morales n'y ayant pas leur siège - procédure d'arbitrage des droits - application - article 105 de la loi du 29 décembre 1989 - portée - actifs immobiliers - imposition - nouvelles conditions (non)

Si, aux termes de l'article R. 197-5 du Livre des procédures fiscales, tout réclamant domicilié hors de France doit faire élection de domicile en France de sorte que le délai d'assignation de 2 mois, à compter de la notification de la décision de rejet de la réclamation contentieuse, faite au contribuable ou à son mandataire, prévu par l'article R. 199-1 de ce Code, ne peut être prorogé en application des dispositions de l'article 643 du nouveau Code de procédure civile, il n'en est pas de même de l'instance devant la Cour de Cassation, les dispositions du Livre des procédures fiscales ne comportant sur ce point aucune dérogation aux règles de procédure de droit commun. Il s'ensuit qu'une société ayant son siège social à l'étranger est en droit de se prévaloir des prorogations prévues à l'article 1023 du nouveau Code de procédure civile.

Texte de la décision

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Bonneville, 8 avril 1992) que la société Mid Ocean International, dont le siège est à Nassau, Bahamas, a fait l'objet en avril 1986 et février 1987 de deux redressements relatifs au paiement de la taxe de 3 % sur les immeubles qu'elle possède en France, relativement aux années 1983 à 1985, et 1986 ; qu'elle a demandé l'annulation des avis de mise en recouvrement consécutifs notifiés en septembre 1986 et avril 1987 ; que, cette demande ayant été repoussée en novembre 1990, elle a fait opposition devant le tribunal à cette décision de rejet ;


Sur la recevabilité du pourvoi :


Attendu que le Directeur général des Impôts soulève l'irrecevabilité du pourvoi, au motif que le mémoire ampliatif n'a été déposé que le 15 mars 1993, sept mois après le pourvoi, formé le 13 août 1992, soit au terme de la prorogation du délai en faveur des parties demeurant à l'étranger, alors que cette prorogation est exclue par les dispositions particulières relatives à la procédure fiscale ;


Mais attendu que si, aux termes de l'article R. 197-5 du Livre des procédures fiscales, tout réclamant domicilié hors de France doit faire élection de domicile en France et qu'ainsi le délai d'assignation de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet de la réclamation contentieuse, faite au contribuable ou à son mandataire, prévu par l'article R. 199-1 de ce Code, ne peut être prorogé en application des dispositions de l'article 643 du nouveau Code de procédure civile, il n'en est pas de même de l'instance devant la Cour de Cassation ; qu'à l'égard de cette dernière en effet les dispositions du Livre des procédures fiscales ne comportent aucune dérogation dérogatoire aux règles de procédure de droit commun ; qu'il s'ensuit que la société est en droit de se prévaloir des prorogations prévues à l'article 1023 du nouveau Code de procédure civile ;


Que le pourvoi est donc recevable ;


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que la société reproche au jugement d'avoir écarté son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de redressement, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il est constant et que le Tribunal relève que la notification de redressement concernant les années 1983, 1984, 1985 l'a été selon la procédure de l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales aujourd'hui abrogé ; qu'initié sur la base d'une procédure erronée - à savoir celle de l'arbitrage des droits propres à l'impôt sur les grandes fortunes - et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la circonstance que les notifications de redressement auraient été notifiées selon les dispositions de l'article L. 57 du même Code et que les exigences des articles L. 55 et suivants de ce Livre auraient été en fait satisfaites, la procédure de redressement était irrégulière ; qu'en déclarant le contraire sur le fondement de motifs inopérants, le Tribunal viole l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction d'alors, ensemble les articles L. 55 et suivants du même Code, et ce que les exigences des droits de la défense postulent en la matière ; alors, d'autre part, que toute notification de redressement doit contenir les motifs de droit et de fait de nature à justifier le ou lesdits redressements, peu important à cet égard qu'ils soient communiqués ultérieurement au contribuable ; qu'une disposition législative postérieure, à savoir l'article 105 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 portant loi de finances pour l'année 1990, appliquée à la procédure de notification de redressement remontant, comme le relève le tribunal, au 17 avril 1986 pour les années 1983, 1984 et 1985, et au 10 février 1987 pour l'année 1986, ne peut s'analyser qu'en un changement de motivation de droit prohibée ; qu'en statuant comme il a fait, sans qu'il y ait lieu de tenir compte utilement du caractère interprétatif de la disposition législative précitée, qui ne pouvait lui conférer une quelconque rétroactivité au regard d'une motivation de fait et de droit, le Tribunal, en déclarant la procédure régulière, viole l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales et méconnaît derechef ce que postulent les droits de la défense en la matière ;


Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 990 F, alinéa 2, du Code général des Impôts dans sa rédaction alors applicable, sont applicables à la taxe les dispositions de l'article 76 B du Livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la procédure n'a pas été initiée sur la base d'une procédure erronée ;


Attendu, en second lieu, que le jugement relève que " chacune des notifications est motivée de manière détaillée et précise, permettant à la société de savoir ce qui lui est reproché et les motifs de ce reproche " ;


Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches ;


Sur le second moyen :


Attendu que la société reproche aussi au jugement d'avoir fait application, pour rejeter sa demande, des dispositions prétendument interprétatives de la loi de finances pour 1990, article 105, alors, selon le pourvoi, qu'il ressort du jugement lui-même que cette loi a substitué des conditions totalement différentes de celles, claires, des textes prétendument interprétés, si bien que, nonobstant son caractère interprétatif et en l'absence de dispositions indiquant que ce nouveau droit substantiel était rétroactif, celui issu de l'article 105 de la loi du 29 décembre 1989 est sans influence sur la solution du litige relatif à l'imposition à la taxe annuelle de 3 % due par les sociétés qui détiennent directement ou par personnes interposées des immeubles en France ; qu'ainsi ont été violés par refus d'application les articles 990 D, 990 E et 990 F du Code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la promulgation de cette loi, laquelle était sans influence sur la solution du litige relatif au paiement de la taxe précitée au titre des années 1983, 1984, 1985 et 1986 ;


Mais attendu que l'article 105 de la loi du 29 décembre 1989, qui précise les modalités de calcul des actifs immobiliers pour l'exonération de certaines personnes morales, n'a pas sur ce point substitué de nouvelles conditions d'imposition différentes de celles du texte interprété ;


Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi.

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