4 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-11.879

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01807

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - maladie du salarié - maladie ou accident non professionnel - inaptitude au travail - inaptitude consécutive à la maladie - reclassement du salarié - obligation de l'employeur - proposition d'un emploi adapté - moment - portée - travail reglementation, sante et securite - services de santé au travail - examens médicaux - inaptitude physique du salarié

Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Viole dès lors l'article L. 1226-2 du code du travail, la cour d'appel qui décide que le licenciement d'un salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur, qui avait convoqué le salarié à un entretien préalable en vue de son licenciement le jour même du second avis constatant son inaptitude, n'avait pas recherché de possibilités de reclassement postérieurement à cet avis

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Cabinet Dolleans en qualité de secrétaire de direction, a été déclarée par le médecin du travail, à l'issue de deux visites médicales des 1er et 15 avril 2010, inapte à son poste ; qu'elle a été convoquée le 15 avril 2010 à un entretien préalable en vue de son licenciement et licenciée le 7 mai 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;


Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ne peut être tiré du fait que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été envoyée le jour de l'avis d'inaptitude, la conclusion qu'aucune possibilité de reclassement n'a été recherchée par l'employeur, qu'en effet la seconde fiche de visite est rédigée dans les mêmes termes que la première, et le délai de quinze jours qui les sépare est précisément destiné à engager une réflexion sur le reclassement, de sorte que l'employeur a disposé de ce délai pour examiner les différentes possibilités, qu'en l'espèce cet examen pouvait être fait rapidement, dès lors qu'il n'existe qu'une seule structure, comportant sept salariés y compris les dirigeants, et qu'ainsi, les possibilités d'emploi pouvaient être examinées sans consultation d'autres établissements, par une personne connaissant parfaitement l'entreprise ;


Attendu, cependant, que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;


Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur n'avait pas recherché de possibilités de reclassement postérieurement au second avis d'inaptitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;


Condamne la société Cabinet Dolleans aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute cette société de sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...



IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes ;


AUX MOTIFS QUE l'avis du médecin du travail est rédigé dans les termes suivants : « Inapte définitivement au poste d'assistance de direction (invalidité de catégorie 2 : pas de proposition de reclassement) » ; que Mme X... a été licenciée le 7 mai 2010, la lettre de licenciement, après avoir rappelé les termes des avis médicaux, indiquant que compte tenu des conclusions du médecin du travail et de la structure de la société, il s'était avéré impossible de trouver une solution de reclassement ; qu'il ne peut pas être tiré du fait que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été envoyée le jour de l'avis d'inaptitude la conclusion qu'aucune possibilité de reclassement n'a été recherchée par l'employeur ; qu'en effet la seconde fiche de visite est rédigée dans les mêmes termes que la première, et le délai de quinze jours qui les sépare est précisément destiné à engager une réflexion sur le reclassement, de sorte que l'employeur a disposé de ce délai pour examiner les différentes possibilités ; qu'en l'espèce, cet examen pouvait être fait rapidement dès lors qu'il n'existe qu'une seule structure, comportant sept salariés y compris les dirigeants, et qu'ainsi les possibilités d'emploi pouvaient être examinées sans consultation d'autres établissements, par une personne connaissant parfaitement l'entreprise ; qu'il n'est pas contesté par Mme X... que son inaptitude trouve son origine dans des difficultés respiratoires ; qu'elle occupait un poste purement administratif, ne comportant pas de contraintes physiques particulières, de sorte que la difficulté provient de la situation des locaux, situés au deuxième étage sans ascenseur ; que dans ces conditions, les autres postes administratifs de la société N'auraient pas été plus adaptés, étant précisé que certains postes nécessitaient, en outre, des déplacements pour se rendre dans les immeubles gérés ; que Mme X... ne donne d'ailleurs aucun exemple de fonctions qu'elle aurait été susceptible d'occuper dans l'entreprise ; que compte tenu de ces éléments, il n'apparait pas que l'employeur ait manqué à son obligation de reclassement, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de procédure ;


1°) ALORS QUE l'inaptitude du salarié n'est acquise qu'après le second examen médical de reprise et que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la dernière visite peuvent être prises en considération pour apprécier si l'employeur a respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge ; qu'en déboutant Mme X... de ses demandes quand il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur, qui a engagé la procédure de licenciement le jour même du second avis constatant l'inaptitude définitive de la salariée à son poste d'assistante de direction, n'avait pas recherché de possibilités de reclassement postérieurement à cet avis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-2 et R. 4624-31 du code du travail ;


2°) ALORS QUE l'employeur est tenu de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, l'employeur devant justifier qu'il a effectué des démarches précises en ce sens ; que faute d'avoir recherché si l'employeur avait entrepris une recherche effective de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail, notamment, et ainsi que les premiers juges l'avaient relevé, en étudiant la possibilité d'aménager un télétravail, ou un aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;


3°) ALORS QUE la cour d'appel qui décide d'infirmer la décision des premiers juges doit en réfuter les motifs déterminants ; que le jugement entrepris a relevé que la décision de licencier était pré-établie ainsi qu'il ressort de la chronologie présentée par l'employeur relativement à la titularisation dès le 25 février 2009 de la remplaçante de Mme X... ; qu'en ne réfutant pas ces motifs déterminants du jugement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile;


4°) ALORS QUE le reclassement doit être recherché en fonction des indications formulées par le médecin du travail ; qu'il n'appartient ni à l'employeur, ni aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des deux fiches d'aptitudes établies à l'issue des visites de reprise, ni de recommandations émises par le médecin du traverail que l'inaptitude de Mme X... à son poste d'assistante de direction trouvait son origine dans des difficultés respiratoires ou encore que la situation des locaux, situés au deuxième étage sans ascenseur, serait un obstacle absolu au reclassement de la salariée dans l'entreprise ; que dès lors, en se fondant sur de telles considérations, au demeurant non étayées, pour retenir que les autres postes administratifs de la société n'auraient pas été plus adaptés aux capacités de Mme X..., la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;


5°) ALORS QU'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte ; qu'en relevant que Mme X... ne donnait aucun exemple de fonctions qu'elle aurait été susceptible d'occuper dans l'entreprise pour retenir qu'il n'apparaissait pas que l'employeur ait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil.

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