9 décembre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-18.005

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:SO02269

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - règles communes - fonctions - temps passé pour leur exercice - heures de délégation - contingent légal - augmentation - usage ou accord collectif - nécessité - détermination - statut collectif du travail - conventions et accords collectifs - accords collectifs - accord d'entreprise - accord de réduction du temps de travail - effets - pauses accordées aux salariés en situation de travail - assimilation à du travail effectif - portée representation des salaries - assimilation à un temps de travail effectif - portée

Si le représentant du personnel ou du syndicat ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de son mandat, le nombre d'heures de délégation légalement fixées au profit des salariés investis de mandats représentatifs ne peut être augmenté que par un usage ou un accord collectif. N'a pas un tel objet un accord sur la réduction du temps de travail assimilant à un travail effectif la durée des pauses accordées aux salariés en situation de travail

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 2143-13, L. 2143-17, L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail, ensemble l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail du 30 août 1999 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X..., employé par la société Compagnie européenne de la chaussure (CEC) en qualité d'ouvrier préparateur de commandes, exerce divers mandats représentatifs et bénéficie à ce titre de 50 heures mensuelles de délégation ; qu'estimant que l'employeur opérait des retenues illicites sur son salaire correspondant à des temps de pause, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour condamner la société à verser à M. X... des sommes au titre des retenues opérées, le jugement retient que M. X... bénéficie en tant que représentant du personnel de 50 heures de délégation mensuelle, que l'accord RTT du 30 août 1999 stipule « que les temps de pause sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel », que si l'on considère un horaire de travail de 13 heures à 21 heures entrecoupé de deux pauses de 20 minutes, équivalant à 8 heures de travail effectif, en réalité du fait des deux pauses de 20 minutes le temps de travail effectif réel du salarié n'est que de 7 heures et 20 minutes et non de 8 heures, que la société ne tient pas compte dans le décompte des heures de délégation du temps de pause de 20 minutes par période de quatre heures, que les retenues sur salaires pratiquées par la société correspondent donc au temps de pause dont le salarié ne bénéficie plus durant ses heures de délégation, qu'il s'agit là d'une discrimination du salarié représentant du personnel, que si M. X... avait accompli un travail sans heures de délégation, il aurait travaillé pendant 7 heures 20 compte tenu de 40 minutes de pause, qu'en appliquant des retenues sur salaires correspondant au temps de pause, la société a agi en violation des articles L. 2143-17 et L. 2315-3 du code du travail, que l'article L. 2315-3 du même code stipule que « le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme du temps de travail effectif et payé à échéance normale ;

Attendu cependant que, si le représentant du personnel ou du syndicat ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de son mandat, le nombre d'heures de délégation légalement fixées au profit des salariés investis de mandats représentatifs ne peut être augmenté que par un usage ou un accord collectif ; que n'a pas un tel objet un accord sur la réduction du temps de travail assimilant à un travail effectif la durée des pauses accordées aux salariés en situation de travail ;

Qu'en statuant comme il a fait, le conseil de prud'hommes a violé les textes et l'accord susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen et relatif aux dommages-intérêts pour préjudice financier ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mars 2013, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Châteauroux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Tours ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Compagnie européenne de la chaussure (CEC)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à verser à Monsieur X... la somme de 365,33 € correspondant aux retenues sur salaire pour les mois de octobre, décembre 2011 et avril, juin, juillet, octobre et de décembre 2012 avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, ainsi que la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... bénéficie en tant que représentant du personnel, de 50 heures de délégation mensuelles. Attendu que l'accord RTT du 30/08/1999 stipule « que les temps de pause sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel ». Attendu que si l'on considère un horaire de travail de 13H à 21H entrecoupé de deux pauses de 20 mn, équivalent à 8 Heures de travail effectif, en réalité du fait des deux fois vingt minutes de pause, le temps de travail effectif du salarié n'est que de 07H20 mn et non de huit heures. Attendu que la CEC dans son décompte des heures de délégation ne tient pas compte du temps de pause de 20 mn par période de quatre heures. Attendu que les retenues sur salaires pratiquées par la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE LA CHAUSSURE correspondent donc au temps de pause dont le salarié ne bénéficie plus durant ses heures de délégation. Attendu qu'il s'agit bien là d'une discrimination au détriment du salarié représentant du personnel. Attendu que si M. X... avait accompli un travail sans heure de délégation il aurait travaillé pendant 07H20 mn compte tenu de 40 mn de pause. Attendu qu'en appliquant des retenues sur salaires correspondant aux temps de pause, la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE a agi en violation des articles L. 2143-17 et L. 2315-7 du Code du Travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le crédit d'heures de délégation des représentants du personnel ne peut être dépassé qu'en cas de circonstances exceptionnelles ; qu'en retenant implicitement que Monsieur X... avait pu dépasser le crédit légal et conventionnel de ses heures de délégation à hauteur de ses temps de pause sans avoir à démontrer l'existence de circonstances exceptionnelles, le conseil de Prud'hommes a violé les articles L. 2143-13, L. 2143-17, L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en toute hypothèse, en retenant que la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE n'avait pu régulièrement procéder à des retenues sur salaire correspondant au dépassement par le représentant du personnel de ses heures de délégation au titre de ses temps de pause, sans vérifier si ce dernier avait effectivement pris de telles pauses pendant ses heures de délégation, le conseil de Prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-13, L. 2143-17, L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE à verser à Monsieur X... la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 750 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 2315-3 du Code du Travail stipule : « le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme du temps de travail effectif et payé à échéance normale et l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire ; que la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE LA CHAUSSURE a préféré se « faire justice » à elle-même et de manière illégale en opérant des retenues sur salaires. Attendu que M. X... sera rétabli dans ses salaires ; que M. X... a subi un préjudice financier qu'il conviendra de réparer à hauteur de 500 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif du jugement retenant l'irrégularité des retenues opérées par la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE au titre du dépassement du crédit d'heures de délégation entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant la société au paiement de dommages-intérêts ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'obligation pesant sur l'employeur de payer à l'échéance normale comme temps de travail le temps nécessaire au représentant du personnel pour l'exercice de ses fonctions, sauf à contester ensuite devant la juridiction compétente l'usage fait du temps alloué, est limitée aux heures dont le nombre est fixé par la loi ou par un accord collectif plus favorable, et ne s'étend pas à celles qui sont prises en fonction de circonstances exceptionnelles dont il appartient au salarié, en cas de contestation de l'employeur, d'établir l'existence ainsi que la conformité de leur utilisation avec l'objet du mandat représentatif, préalablement à tout paiement par l'employeur ; qu'en l'espèce l'exposante pouvait ainsi, sans avoir à saisir préalablement le juge pour qu'il tranche ce point, procéder à des retenues de salaire correspondant au dépassement de crédit d'heures qu'elle estimait injustifié ; qu'en retenant le contraire pour la condamner au paiement de dommages-intérêts, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 2143-13, L. 2143-17, L. 2315-1 et L. 2325-6 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE si les juges du fond apprécient souverainement l'indemnité due à la victime sans être tenus de spécifier les bases sur lesquelles ils en ont évalué le montant, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est fondée sur des motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en condamnant la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE au versement au salarié de la somme de 500 ¿ à titre dommages-intérêts « au titre de son préjudice financier », sans motiver sa décision sur ce point et sans préciser quel avait été le préjudice financier subi par le salarié, le conseil de prud'hommes, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'à supposer que la condamnation de l'employeur au versement de dommages-intérêts à hauteur de 500 ¿ pour « préjudice financier » visait à réparer la perte de salaire liée aux retenues sur salaire opérées pour les mois d'octobre, décembre 2011 et avril, juin, juillet, octobre et décembre 2012 au titre du dépassement des heures de délégation, en octroyant au salarié de tels dommages-intérêts alors qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 365,33 ¿ à titre de ces retenues sur salaire ce qui indemnisait déjà cette perte de salaire, le conseil de prud'hommes, en indemnisant ainsi deux fois le même préjudice, a violé le principe de réparation intégrale du préjudice ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et les articles 1134 et 1147 du code civil.

ALORS, ENFIN DE CINQUIEME PART, QU'en accordant au salarié la somme de 500 ¿ à titre dommages-intérêts « au titre de son préjudice financier » quand ce dernier sollicitait uniquement le paiement « de dommages-intérêts » sans invoquer l'existence d'un quelconque préjudice financier, le conseil de prud'hommes, qui a indemnisé un préjudice qui n'était pas invoqué par le salarié, a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

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