29 septembre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-11.191

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01607

Titres et sommaires

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - mise à disposition - mise à disposition d'un organisme privé - existence d'un contrat de travail - dérogation - dérogation résultant de dispositions législatives - applications diverses - article 7 de la loi n° 2005 - 357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports - détermination - contrat de travail, formation - définition - lien de subordination - défaut - agent public - mise à la disposition d'un organisme privé - conditions

Des dispositions législatives peuvent déroger à la règle selon laquelle un agent public mis à la disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail de droit privé. Tel est le cas des dispositions de l'article 7 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui subordonnent la conclusion d'un contrat de droit privé entre le concessionnaire d'un aéroport et un agent public mis à sa disposition à une demande de ce dernier. Une cour d'appel qui constate que l'agent d'une chambre de commerce mis à la disposition d'une société chargée de l'exploitation d'un aéroport a renoncé à sa demande de conclusion d'un contrat de travail avec celle-ci en déduit exactement que l'intéressé est resté au service de la chambre de commerce concédante

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2012), que M. X... a été engagé par la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (CCIT) en qualité de chef comptable à compter du 15 mars 2001 ; qu'il a été affecté à l'aéroport de Toulouse-Blagnac en qualité de chef comptable du département administratif et financier ; qu'en application de la loi n 2005-357 du 20 avril 2005 qui a organisé le transfert des concessions aéroportuaires à des sociétés de droit privé, M. X... a été mis à disposition de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (la société) ; que le 1er septembre 2009, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation de son contrat de travail et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'agent statutaire mis à la disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail, sans qu'il soit besoin de caractériser un lien de subordination ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. X..., agent titulaire de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, mise à la disposition de la SAS Aéroport Toulouse-Blagnac en 2007, se trouvait lié à cet organisme par un contrat de travail ; qu'en jugeant du contraire, pour débouter M. X... de ses demandes en résiliation du contrat de travail et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que selon les constatations de l'arrêt, M. X... avait été engagé par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse en qualité de chef comptable, avait été immédiatement affecté en cette même qualité au département administratif et financier de l'Aéroport de Toulouse-Blagnac alors service public industriel et commercial géré par la chambre de commerce et avait dans le cadre du transfert de la concession aéroportuaire à la SAS Aéroport Toulouse-Blagnac intervenue en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 été mis à la disposition de cette personne morale de droit privé pour y poursuivre ses activités au sein, dans un dernier temps, de la direction financière ; qu'en jugeant que M. X..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, mis à la disposition de la SAS Aéroport Toulouse-Blagnac n'était pas lié par un contrat de travail avec la société aéroportuaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que des dispositions législatives peuvent déroger à la règle selon laquelle un agent public mis à la disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail ;

Attendu ensuite que selon l'article 7 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 « les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. Une convention conclue entre l'ancien et le nouvel exploitant détermine les conditions de cette mise à disposition et notamment celles de la prise en charge par ce dernier des coûts salariaux correspondants. Pendant la durée de cette mise à disposition, chaque agent peut à tout moment demander que lui soit proposé par le nouvel exploitant un contrat de travail. La conclusion de ce contrat emporte alors radiation des cadres. Au terme de la durée prévue au premier alinéa, le nouvel exploitant propose à chacun des agents publics un contrat de travail, dont la conclusion emporte radiation des cadres. Les agents publics qui refusent de signer ce contrat sont réintégrés de plein droit au sein de la chambre de commerce et d'industrie concernée » ;

Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait été mis à la disposition de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse et qu'après avoir demandé la conclusion d'un contrat de travail avec cette société, il y avait renoncé, en a exactement déduit que l'intéressé était resté au service de la chambre de commerce et d'industrie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à la Cour d'appel de Toulouse d'AVOIR confirmé le jugement ayant « mis hors de cause la société AEROPORT TOULOUSE-BLAGNAC», « débouté Monsieur Alain X... de l'intégralité de ses demandes » et par voie de conséquence, condamné Monsieur Alain X... aux dépens et au paiement d'une somme de 1.000 € à la société AEROPORT TOULOUSE-BLAGNAC la sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE M. Alain X... est un agent de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE TOULOUSE, mis à disposition de la SAS AEROPORT DE TOULOUSE BLAGNAC. Les agents des chambres de commerce ne sont ni des fonctionnaires ni des agents publics. La mise à disposition de M. X... n'est donc pas régie par la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat en ses articles 41 et 44 relatifs à la mise à disposition ; Que la mise à disposition en vertu de laquelle M. X... exerce ses fonctions au sein de la SAS AEROPORT DE TOULOUSE BLAGNAC est régie par la loi 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports qui dispose que les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. La convention signée entre le CCAT et la SAS AEROPORT DE TOULOUSE BLAGNAC en date du 16 mars 2007 prise en application de ladite loi précise en son article 3 les conditions d'emploi des agents mis à disposition. Elle indique en particulier que : - les agents mis à disposition continueront à bénéficier de toutes les règles applicables prévues par le statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie ; - la CCI continue d'assurer la rémunération des agents mis à disposition qui conservent leur classement sur la grille des emplois et aucune rémunération sous quelque forme que ce soit ne peut être octroyée directement aux agents mis à disposition ; - les agents mis à disposition restent soumis aux dispositions relatives à la durée du travail au sein de la CCIT ; - le pouvoir disciplinaire relève de la compétence de la CCIT et en cas de licenciement les dispositions statutaires de la CCIT s'appliquent aux agents mis à disposition, et la démission doit être présentée à la CCIT » ; que la note concernant la mise à disposition de établie par le CCIT et remise à M. X... précise : - votre employeur demeure la CCIT ; - pendant la durée de cotre mise à disposition, vous continuez à bénéficier des règles applicables prévues par le statut du personnel des Compagnies consulaires, par les accords locaux, par le règlement intérieur du personnel et par la lettre d'engagement vous liant à la CCIT ; - la période de mise à disposition est intégralement prise en compte dans l'appréciation des droits auxquels peut prétendre M. X... au titre de son ancienneté au sein de la CCIT ; -pendant la durée de la mise à disposition, l'agent peut à tout moment demander que lui soit proposé un contrat de travail par la société aéroportuaire, la conclusion de ce contrat emportant la radiation immédiate des effectifs de la CCIT ;- la rémunération mensuelle continue d'être versée par la CCIT dans les mêmes conditions, revalorisées conformément aux dispositions des commissions paritaires nationale et locale et les frais de mission sont remboursés par la société aéroportuaire ; - le pouvoir disciplinaire est exercé par la CCIT, les procédures disciplinaires applicables relèvent du statut du personnel des Compagnies consulaires à la demande et sur justification motivée de la société aéroportuaire ; - les règles relatives au licenciement, à la démission ou à la mise à la retraite sont celles du statut des personnels des Compagnies consulaires ; - le 19 mars 2017, la mise à disposition prendra fin soit par la signature d'un contrat de travail avec la société AEROPORT DE TOULOUSE- BLAGNAC soit par réintégration à la CCIT » ; Qu' il revient à la partie qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Il convient donc d'examiner les pièces produites par M. Alain X... pour voir si elles rapportent la preuve de l'existence vis à vis de la SAS AEROPORT DE TOULOUSE-BLAGNAC, employeur qu'il désigne comme étant le sien et contre lequel il agit, et dans l'optique particulière d'une mise à disposition, des éléments caractéristiques de l'existence d'un contrat de travail : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination dans lequel il a exécuté la prestation de travail pour laquelle il a été rémunéré ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que tous les bulletins de salaire sont établis par la CCIT, aucun élément n'est fourni de nature à établir que les salaires seraient versés par une autre personne que la CCIT, le simple fait que la CCIT rembourse les éventuels frais de mission engagés par M. X... en exécution de la prestation qu'il exécute dans le cadre de sa mise à disposition est sans incidence ; que les fiches de fonctions, les actes de réorganisation de la direction financière et les organigrammes sont établis par la société aéroportuaire dans le cadre du pouvoir de direction des agents de cette société, ils précisent le cadre de la mise à disposition et de l'exécution de la prestation de travail, ils sont sans incidence sur le lien entre employeur et le salarié mis à disposition ; que le procès-verbal d'entretien professionnel 2008 est tronqué dans le document produit à la cour, n'y figure que les mentions remplies par la société aéroportuaire, à remettre à une drh dont l'intitulé précis n'est pas indiqué, et qui constitue une description fournie dans le cadre de la mise à disposition sans incidence sur le lien de subordination ; que la lettre de protestation de M. X... du 8 mai 2009 relative à la réorganisation du pôle comptable et financier est adressée par M. X... au directeur général de la CCIT et au président du directoire de la société aéroportuaire, le fait que ces fonctions soient occupées par la même personne est indifférent, que la réponse est adressée par le CCIT ; que le litige né à propos de la classification de l'emploi de M. X... est résolu à l'issu d'un échange de courrier entre M. X... et la CCIT seule, sans mention de la société aéroportuaire, et la CCI le tranche en indiquant le niveau, l'échelon et le coefficient attribué au poste de Monsieur X... ; qu'une procédure disciplinaire a été envisagée à l'encontre de M. X..., la lettre de convocation à l'entretien préalable a été envoyée au salarié par la CCIT, la lettre de mise en garde adressée au salarié à l'issue de cet entretien qui s'est déroulé devant le directeur général de la CCIT et la DRH de la société aéroportuaire est adressé à M. X... par le Président de la CCIT, M. X... proteste contre cette décision par une lettre adressée à la société aéroportuaire qui lui répond en visant la procédure diligentée par la CCIT ; que la lettre de l'inspecteur du travail met en évidence la réalité de la mise à disposition, la réalité d'une prestation de travail mais exécutée dans le cadre d'une mise à disposition, aucun élément ne met en valeur l'existence d'un lien de subordination direct de la société aéroportuaire sur M. X... ; qu'il convient en outre de relever que monsieur X... avait entrepris la procédure aux fins de conclusion d'un contrat de travail avec la avec la société aéroportuaire et qu'il a renoncé à la poursuivre, ce qui met en évidence son exacte connaissance de son statut effectif d'agent de la CCIT ; qu'enfin ce n'est pas sans raison que la société aéroportuaire appelle l'attention de la cour sur le mode de calcul des indemnités réclamées par M. X... qui fait application du statut des agents de la CCIT pour chiffrer ses demandes (cf. arrêt, p. 4, 5 et 6) ;

ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT QUE les pièces démontrent clairement le lien de subordination qui existe entre M. X... et la CCIT ; que la convention de mise à disposition explicite les conditions d'emploi des agents mis à la disposition qui continuent de bénéficier de toutes les règles applicables prévues par le statut du personnel des CCI, les dispositions réglementaires et les accords locaux du CCIT ; que pendant toute la durée de la mise à disposition, la CCIT continue d'assurer la rémunération des agents concernés, ce qui est établi, par ailleurs par les fiches de paie de M. X... ; que les agents mis à la disposition restent soumis aux dispositions relatives à la durée du temps de travail en vigueur au sein de la CCIT ; que le pouvoir disciplinaire relève de la compétence de la CCIT employeur, ce qui sera également établi par ailleurs lors de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... ; qu'en revanche, le pouvoir organisationnel relève de la société aéroportuaire et qu'en cas de réorganisation interne d'un service de la société aéroportuaire, celle-ci s'oblige à reclasser en son sein les personnels mis à disposition sur le site de l'aéroport selon les règles en vigueur dans le statut des personnels des CCI ; que la note du 15 mars 2007 concernant la mise à disposition signée par M. Claude Y..., président de la CCIT, à l'attention de M. X... en son article 2 sur les conditions d'emploi précise : « Votre employeur demeure la CCI de Toulouse » ; que le Conseil constate que M. X... est bien un agent de droit public de la CCI de Toulouse mis à la disposition de la société aéroportuaire ; que la société AEROPORT TOULOUSE n'est pas l'employeur du demandeur (cf. jugement, p. 5 et 6) ;

1/ ALORS QUE l'agent statutaire mis à la disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail, sans qu'il soit besoin de caractériser un lien de subordination ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. X..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, mise à la disposition de la SAS AEROPORT TOULOUSE-BLAGNAC en 2007, se trouvait lié à cet organisme par un contrat de travail ; qu'en jugeant du contraire, pour débouter M. X... de ses demandes en résiliation du contrat de travail et en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2/ ET ALORS QUE selon les constatations de l'arrêt, M. X... avait été engagé par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse en qualité de chef comptable, avait été immédiatement affecté en cette même qualité au département administratif et financier de l'Aéroport de Toulouse-Blagnac alors service public industriel et commercial géré par la chambre de commerce et avait dans le cadre du transfert de la concession aéroportuaire à la SAS AEROPORT TOULOUSE-BLAGNAC intervenue en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 été mis à la disposition de cette personne morale de droit privé pour y poursuivre ses activités au sein, dans un dernier temps, de la direction financière ; qu'en jugeant que M. X..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, mis à la disposition de la SAS AEROPORT TOULOUSEBLAGNAC n'était pas lié par un contrat de travail avec la société aéroportuaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.

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