8 octobre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-11.789

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01737

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - conventions et accords collectifs - conventions diverses - convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole - article 36 - indemnité conventionnelle de licenciement - bénéfice - exclusion - salariés licenciés pour inaptitude physique - caractère discriminatoire - justification - absence d'élément objectif - portée - dispositions générales - nullité - cause - détermination

En l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour cause d'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel du bénéfice d'une indemnité de licenciement qu'elle institue. Doit être approuvé en conséquence l'arrêt par lequel la cour d'appel a décidé que les dispositions illicites du 2° de l'article 36 de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole dans sa rédaction du 22 décembre 1999 devaient être écartées au profit de celles du 1° de cet article

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes,11 décembre 2012), que Mme X..., engagée le 3 juin 1965 par la Fédération des caisses de mutualité sociale agricole du Languedoc, devenue mutualité sociale agricole du Languedoc, a été licenciée le 21 novembre 2005 pour cause d'inaptitude physique médicalement constatée consécutive à une maladie ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en invoquant, en cause d'appel, une discrimination créée par l'article 36 de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole dans sa rédaction du 22 décembre 1999 alors applicable prévoyant une exclusion de l'indemnité conventionnelle de licenciement en cas d'inaptitude physique consécutive à une maladie ou à un accident de la vie privée ;


Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen :


1°/ que la rupture du contrat de travail d'un salarié pour inaptitude s'analyse en un licenciement qui ouvre droit à l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable au salarié et si les clauses de la convention collective ne l'excluent pas ; que l'article 36 de la convention collective du personnel de la MSA qui dispose que « 1 - Licenciement : Lorsque le licenciement d'un salarié est prononcé avec indemnité, celle-ci est égale à un demi mois de salaire par année d'ancienneté, pour les six premières années, un mois de salaire par année d'ancienneté, pour les années suivantes. Toutefois, l'indemnité ne pourra, en aucun cas, être supérieure à vingt-quatre mois de salaire. 2 - Licenciement pour inaptitude physique : En cas de rupture du contrat de travail du salarié pour cause d'inaptitude physique médicalement constatée, consécutive à une maladie ou un accident de la vie privée, le versement de l'indemnité de licenciement visée au 1° du présent article est exclu. Seule est due une indemnité égale à l'indemnité légalisée de licenciement prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, majorée de 50 % », exclut expressément les salariés licenciés pour inaptitude d'origine non professionnelle du bénéfice de l'indemnité conventionnelle visée à l'article 36 1° ; qu'en allouant à Mme X... qui avait été licenciée pour inaptitude physique d'origine non professionnelle l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 36 1° de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole, la cour d'appel a violé l'article 36 1° de ladite convention collective par fausse application et son article 36 2° par refus d'application ;


2°/ que le licenciement valablement prononcé pour inaptitude ne constitue pas un licenciement discriminatoire fondé sur l'état de santé ; que dès lors, n'instaure pas une mesure discriminatoire en raison de l'état de santé la convention collective qui traite différemment les salariés licenciés pour inaptitude et les salariés licenciés pour un autre motif ; qu'en jugeant que l'article 36 de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole introduisait une discrimination en raison de l'état de santé dès lors que l'indemnité de licenciement versée aux salariés licenciés pour inaptitude en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel est moindre que celle versée aux salariés licenciés pour une autre cause que l'inaptitude médicalement constatée, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du code du travail, ensemble l'article 36 de la convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole ;


Mais attendu qu'en l'absence d'élément objectif et pertinent la justifiant, est nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l'état de santé du salarié, la disposition d'une convention collective excluant les salariés licenciés pour cause d'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel du bénéfice de l'indemnité de licenciement qu'elle institue; qu'il en résulte que la cour d'appel a exactement décidé que les dispositions illicites du 2° de l'article 36 de la convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole devaient être écartées au profit de celles du 1° de cet article et que la salariée devait percevoir l'indemnité conventionnelle de licenciement ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la mutualité sociale agricole du Languedoc aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la mutualité sociale agricole du Languedoc.


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la MSA du LANGUEDOC à verser à Madame X... la somme de 29 888, 18 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2006, et 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile


AUX MOTIFS QUE « Selon l'article L122-45 de l'ancien Code de travail, dans sa rédaction applicable à l'époque du licenciement, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de son état de santé. En l'espèce, l'article 36 intitulé "indemnité de licenciement" de la convention collective dans sa rédaction applicable au jour du licenciement de Madame X... dispose que:
1° Licenciement
Lorsque le licenciement d'un salarié est prononcé avec indemnité, celle-ci est égale à:
- un demi mois de salaire par année d'ancienneté, pour les six premières années,
- un mois de salaire par année d'ancienneté, pour les années suivantes.
Toutefois, l'indemnité ne pourra, en aucun cas, être supérieure à 24 mois de salaire.
Le salaire servant de base de calcul de l'indemnité est égal au douzième de la rémunération brute perçue au cours des douze mois précédant le licenciement.
2° Licenciement pour inaptitude physique
En cas de rupture du contrat de travail du salarié pour cause d'inaptitude physique médicalement constatée, consécutive à une maladie ou un accident de la vie privée, le versement de l'indemnité de licenciement visée au 10 du présent article est exclu. Seule est due une indemnité égale à l'indemnité légalisée de licenciement prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 majorée de 50 %. »
Ces dispositions introduisent une discrimination entre les salariés selon leur état de santé puisque l'indemnité de licenciement versée aux salariés licenciés pour inaptitude en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel est moindre que celle versée aux salariés licenciés pour une autre cause que l'inaptitude médicalement constatée.
L'employeur ne justifie ni même n'allègue aucun élément démontrant que cette différence de traitement repose sur des raisons objectives étrangères à toute discrimination.
Il en résulte que Madame X... est fondée à demander que les dispositions illicites du 2° de l'article 36 de la convention collective soient écartées au profit de celles du 1° de cet article et que la Mutualité Sociale. Agricole soit condamnée à lui régler un complément d'indemnité de licenciement.
Il sera tenu compte :
- d'un salaire mensuel brut de l 856,87 euros retenu par la Mutualité Sociale Agricole dans son calcul initial (pièce 6 produite par l'employeur) et replis par la salariée ;
- d'une ancienneté, déduction faite des périodes d'absence pour maladie, de 32,45 années, selon le calcul précis fait par l'employeur dans son décompte initial (pièce 6).
- du plafonnement à 24 mois de salaire prévu par l'alinéa 2 de l'article 36 10;
- du montant déjà perçu par la salariée au titre de l'indemnité de licenciement, soit 14.676,70 euros.
En conséquence, l'indemnité s'élève à 44.564,88 euros correspondant au plafond de 24 mois de salaire (1.856,87 x 24) puisque l'indemnité calculée sur la base d'un demi mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à six ans et d'un mois de salaire au-delà est d'un montant supérieur au plafond soit (1/2 x 1.856,87) x 6 + (1.856,87 x 26,45) = 54.684,82 euros.
Ainsi le complément d'indemnité que la Mutualité Sociale Agricole sera condamnée à régler à Madame X... est de 29.888,18 euros (44.564,88 - 14.676,70). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2006, date de réception par l'employeur de la convocation à l'audience de tentative de conciliation devant le conseil de prud'hommes »


1/ ALORS QUE la rupture du contrat de travail d'un salarié pour inaptitude s'analyse en un licenciement qui ouvre droit à l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable au salarié et si les clauses de la convention collective ne l'excluent pas ; que l'article 36 de la convention collective du personnel de la MSA qui dispose que « 1 ¿ Licenciement : Lorsque le licenciement d'un salarié est prononcé avec indemnité, celle-ci est égale à un demi mois de salaire par année d'ancienneté, pour les six premières années, un mois de salaire par année d'ancienneté, pour les années suivantes. Toutefois, l'indemnité ne pourra, en aucun cas, être supérieure à 24 mois de salaire. 2 - Licenciement pour inaptitude physique : En cas de rupture du contrat de travail du salarié pour cause d'inaptitude physique médicalement constatée, consécutive à une maladie ou un accident de la vie privée, le versement de l'indemnité de licenciement visée au 1° du présent article est exclu. Seule est due une indemnité égale à l'indemnité légalisée de licenciement prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, majorée de 50 % », exclut expressément les salariés licenciés pour inaptitude d'origine non professionnelle du bénéfice de l'indemnité conventionnelle visée à l'article 36 1° ; qu'en allouant à Madame X... qui avait été licenciée pour inaptitude physique d'origine non professionnelle l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 36 1° de la convention collective du personnel de la Mutualité Sociale Agricole, la Cour d'appel a violé l'article 36 1° de ladite convention collective par fausse application et son article 36 2° par refus d'application ;


2/ ALORS QUE le licenciement valablement prononcé pour inaptitude ne constitue pas un licenciement discriminatoire fondé sur l'état de santé ; que dès lors, n'instaure pas une mesure discriminatoire en raison de l'état de santé la convention collective qui traite différemment les salariés licenciés pour inaptitude et les salariés licenciés pour un autre motif ; qu'en jugeant que l'article 36 de la convention collective du personnel de la Mutualité Sociale Agricole introduisait une discrimination en raison de l'état de santé dès lors que l'indemnité de licenciement versée aux salariés licenciés pour inaptitude en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel est moindre que celle versée aux salariés licenciés pour une autre cause que l'inaptitude médicalement constatée, la Cour d'appel a violé l'article L 1132-1 du Code du travail, ensemble l'article 36 de la convention collective du personnel de la Mutualité Sociale Agricole.

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