26 mars 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-25.455

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00659

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - compétence judiciaire - domaine d'application - litige relatif à un contrat de droit privé - contrat emploi consolidé et contrat d'accompagnement dans l'emploi - portée - acte administratif - appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - question préjudicielle - nécessité - exclusion - cas - litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats emploi consolidé et des contrats d'accompagnement - convention liant l'etat à un employeur - inexécution du fait de l'employeur de son obligation de formation - portée emploi - fonds national de l'emploi - contrat d'accompagnement dans l'emploi - obligations de l'employeur - obligation de formation - inexécution du fait de l'employeur - contrats aidés - contrat emploi consolidé - portée contrat de travail, duree determinee - effets - requalification - requalification du contrat

Les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats "emploi consolidé" et des contrats d'accompagnement dans l'emploi qui sont des contrats de travail de droit privé, relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige. Est en conséquence cassé l'arrêt qui renvoie les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle portant sur la légalité des conventions souscrites entre l'Etat et une commune au motif que ces conventions de droit public ayant servi de cadre à la passation des contrats d'accompagnement dans l'emploi ne prévoient aucune action de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaire à la réalisation du projet professionnel des intéressés, en violation des dispositions de l'article L. 322-4-7 devenu L. 5134-22 du code du travail, alors que la question sur laquelle portait l'exception préjudicielle n'était pas nécessaire au règlement au fond du litige dès lors, d'une part, que les salariés ne mettaient pas en cause la légalité des conventions passées entre l'Etat et leur employeur et invoquaient la méconnaissance par celui-ci de son obligation en matière de formation telle que fixée par la loi, et d'autre part, que l'obligation de formation constitue l'une des conditions d'existence du contrat emploi consolidé et du contrat d'accompagnement dans l'emploi, en sorte que l'inexécution de l'obligation de formation qui incombe à l'employeur justifie à elle seule la requalification du contrat

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° S 12-25. 455, U 12-25. 457 et V 12-25. 458 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du code de procédure civile, L. 322-4-8-1 et L. 322-4-7 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et les articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du même code ;

Attendu que les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance des contrats « emploi consolidé » et des contrats d'accompagnement dans l'emploi qui sont des contrats de travail de droit privé, relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ;

Attendu que Mmes X...et Y... dite A...et M. Z...ont été engagés par la commune de Saint-Leu respectivement en qualité de surveillantes et d'agent d'entretien dans le cadre d'une succession de contrats emploi consolidé (CEC) puis d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ; que la commune de Saint-Leu ayant mis fin à la relation contractuelle à l'issue du terme de leur dernier contrat, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de ces contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que les salariés ne sollicitaient pas la poursuite de la relation contractuelle avec la personne morale de droit public mais seulement l'indemnisation des conséquences de la requalification et de la rupture du contrat de travail, a renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle portant sur la légalité des conventions souscrites entre l'Etat et la commune de Saint-Leu au motif que ces conventions de droit public ayant servi de cadre à la passation des contrats d'accompagnement dans l'emploi ne prévoient aucune action de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaire à la réalisation du projet professionnel des intéressés, en violation des dispositions de l'article L. 322-4-7 devenu L. 5134-22 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les salariés ne mettaient pas en cause la légalité des conventions passées entre l'Etat et leur employeur et invoquaient la méconnaissance par celui-ci de son obligation en matière de formation telle que fixée par la loi, et d'autre part, que l'obligation de formation constitue l'une des conditions d'existence du contrat emploi consolidé et du contrat d'accompagnement dans l'emploi, en sorte que l'inexécution de l'obligation de formation qui incombe à l'employeur justifie à elle seule la requalification du contrat, la cour d'appel, en accueillant l'exception préjudicielle portant sur une question qui n'était pas nécessaire au règlement au fond du litige, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il renvoie les parties à faire trancher par le juge administratif la question préjudicielle afférente à la légalité des conventions souscrites entre l'Etat et la commune de Saint-Leu et sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes, les arrêts rendus le 22 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la commune de Saint-Leu aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la commune de Saint-Leu à payer à la SCP Coutard et Munier-Apaire la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi n° S 12-25. 455

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR annulé le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre en raison de la violation du principe du contradictoire et, statuant à nouveau, constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si le salarié entrait bien dans le champ d'application du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence D'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif.

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d'annulation des jugements pour non respect du contradictoire :

En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, pris en son premier alinéa, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Ce principe exige que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des preuves produites, sans pouvoir se prévaloir d'une absence de contradiction exclusivement imputable à leur propre carence. A contrario, dès lors que l'une des parties justifie d'un motif légitime excusant son absence à l'audience, les juges doivent prendre en compte cette circonstance et prendre toute mesure préservant le principe de la contradiction. En l'espèce, la Commune de Saint Leu sollicite l'annulation pure et simple du jugement rendu le 25/ 02/ 10 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre, au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté en première instance. Convoquée devant le Bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre au 26/ 11/ 09, la Commune soutient qu'en raison de l'absence d'un conseiller prud'homal, l'audience, initialement prévue à 8h30, n'a pu être tenue qu'à compter de 10h30. En raison de ce retard, imputable au Conseil et non aux parties, le conseil de la Commune, attrait à des obligations professionnelles, a dû quitter l'audience à 9h40, heure à laquelle le Conseil de Prud'hommes n'était manifestement pas en l'état de tenir une quelconque audience car insuffisamment composée. Cette situation, au demeurant non contestée par le salarié dans ses conclusions, est confirmée par la note d'audience du 26/ 11/ 09 établi par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre, qui fait état des difficultés liées au retard d'un conseiller. En outre, il résulte du courrier de Me Creissen, conseil de la Commune prenant la suite de Me Rabenantoandro, en date du 20/ 09/ 11, qu'au cours de l'audience litigieuse, plusieurs dossiers ont fait l'objet d'un renvoi sur l'insistance du Bâtonnier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aujourd'hui par la Commune, à savoir un défaut de respect de la contradiction. Toutefois, le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre a retenu le présent dossier, passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime, privant ainsi cette dernière d'apporter une quelconque explication orale à l'audience. La circonstance que le dossier ait fait l'objet de plusieurs renvois, antérieurement à l'audience litigieuse du 26/ 11/ 09, est sans incidence dès lors que l'important retard pris par le Conseil est exclusivement imputable à ce dernier, et dès lors que le conseil de la Commune, au demeurant inscrit dans un Barreau extérieur, était présent à l'heure initialement prévue pour l'audience. Il s'ensuit que le Conseil de Prud'hommes, en rendant une décision sur les seuls éléments fournis par le salarié, sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence, a violé le principe de la contradiction, viciant le jugement ainsi entrepris. Par conséquent, la demande de la Commune est fondée, et le jugement déféré sera annulé en son intégralité, en raison de la violation du principe de la contradiction » ;

ALORS QU'un jugement a la force probante d'un acte authentique, qu'il ressort des énonciations du jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de SAINT-PIERRE du 25 février 2010 que la Commune de SAINT-LEU était représentée par son directeur des ressources humaines et assistée d'un avocat lors de l'audience de jugement du 26 novembre 2009 ; qu'en affirmant dès lors, pour prononcer l'annulation de ce jugement, que le Conseil de Saint-Pierre avait retenu le dossier à l'audience en « passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime », la privant ainsi « d'apporter une quelconque explication orale à l'audience », « sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence », en violation du principe de la contradiction, la Cour d'appel, qui a elle-même méconnu les mentions du jugement entrepris, a violé les articles 16, 454 à 457 et 460 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si le salarié entrait bien dans le champ d'application du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence D'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la question préjudicielle :

Madame X...sollicite la requalification des différents contrats aidés qui se sont succédés du 01/ 12/ 03 au 30/ 11/ 08, faute de remplir les conditions légales tenant :

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail relatif à l'obligation de formation et des actions d'insertion professionnelles mises à la charge de l'employeur, pour les contrats emplois consolidés (CEC),
- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail relatif à l'obligation faite à l'employeur de procéder à un bilan de compétence du salarié par un organisme spécialisé au terme des vingt-quatre premiers mois du CEC,

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux conditions d'accès à un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE),

- au défaut de respect des dispositions de la circulaire de la DGEFP n° 2005-12 du 21 mars 2005 sur le renouvellement des CEC,

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux exigences de formation mises à la charge de l'employeur.

Pour autant, la nullité à raison du caractère illicite des conventions souscrites entre l'Etat et l'employeur n'est pas requise par la salariée qui n'en conteste pas la validité. En revanche, la commune de Saint Leu, qui demande à la Cour de constater que les conventions conclues entre l'Etat et elle-même préalablement à l'approbation avec l'intimée des contrats aidés de type CEC ne prévoient aucune obligation de formation, estime qu'il y a donc matière à question préjudicielle quant à l'appréciation de la validité de telles conventions dont l'examen relève de la juridiction administrative.

Les causes de la requalification conduisent à rappeler les règles de compétences posées par l'arrêt en date du 13/ 12/ 10 du Tribunal des Conflits pour les CES, CEC et CAE :

«'sous les régimes du contre « emplois solidarité », du contrat « emploi consolidé » puis du « contrat d'accompagnement dans l'emploi », soient requalifiés en contrats à durée indéterminée en vue d'obtenir, en raison de l'arrivée à échéance du dernier de ces contrats, l'indemnisation de ce qu'il estime être un licenciement ;

Considérant que les dispositions, alors en vigueur, des articles L. 322-4-7, L. 322-4-8 et L. 322-4-8-1 du code du travail, les contrats en cause contrat « emploi solidarité », contrat « emploi consolidé » puis « contrat d'accompagnement dans l'emploi » sont des contrats de travail de droit privé ;

Qu'en conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire »

Il résulte des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail que lorsque l'Etat et l'employeur ont passé une convention pour favoriser l'embauche d'un demandeur d'emploi et qu'un contrat emploi consolidé a été conclu avec un salarié en vertu d'une telle convention, le dispositif comprenant notamment des actions d'orientation professionnelle et de validation d'acquis en vue de construire et de faciliter la réalisation de son projet professionnel ainsi qu'un bilan de compétences, doit être prévu par cette convention.

En l'espèce, il résulte de la lecture de la convention conclue entre l'Etat et la Commune qu'aucune disposition de formation n'a été prévue, violant ainsi les dispositions de l'article L. 322-4-8-1.

S'agissant des contrats d'accompagnement dans l'emploi, dont le régime est fixé par l'article L. 322-4-7 du code du travail, alors applicable au moment de la conclusion des contrats, il ressort de la lecture de cet article « afin de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail, appelés contrats d'accompagnement dans l'emploi, avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public ».

La salariée invoque la violation, par l'employeur, de ces dispositions, en ce qu'au jour de la conclusion de son premier contrat d'accompagnement dans l'emploi, elle ne pouvait être considérée comme une personne sans emploi, et ne remplissait pas les conditions légales d'accès au CEA.

Or, en vertu de la jurisprudence du Tribunal des Conflits précitée, « le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat,'lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats ».

Ces irrégularités affectant les conventions liant l'Etat et l'employeur au regard de la prévision d'un dispositif d'orientation ou de formation professionnelle, ainsi que la question de la requalification du CEA au motif que la salariée n'entrait pas dans le champ d'application du texte précité, suscitent une difficulté sérieuse qui selon la jurisprudence du Tribunal des Conflits échappe à la compétence de la juridiction judiciaire.

Il s'ensuit que seul le juge administratif peut traiter de cette question.

Dès lors, l'exception d'incompétence, soulevée sur cette question par la Commune de Saint Leu, est fondée en son principe.

L'intervention de l'Etat à ce stade de la procédure en cause d'appel n'est pas nécessaire.

Les parties sont donc renvoyées à saisir le juge administratif pour faire trancher la question préjudicielle dont dépend la solution du litige et de surseoir à statuer à cette fin sur les autres demandes. »

1) ALORS D'UNE PART, QUE le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ; qu'en l'espèce, comme le constatait la Cour d'appel, Madame X...fondait sa demande de requalification des contrats sur plusieurs moyens différents tirés de « la violation par l'employeur de ses obligations relatives à la formation et à l'orientation professionnelle, à la nécessité de réaliser un bilan de compétences et surtout, la méconnaissance des conditions d'accès au contrat d'accompagnement dans l'emploi et la violation des règles de renouvellement des contrats », qui étaient de la compétence du juge judiciaire ; qu'en décidant néanmoins, sans avoir procédé à l'examen de l'ensemble de ces moyens préalables, que la solution du litige dépendait de la réponse à la question préjudicielle soulevée en défense par l'employeur et portant sur la légalité des conventions conclues entre la Commune et l'Etat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile, L. 322-4-8-1 et L. 322-4-7 du Code du travail dans leur rédaction alors applicable et les articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du même Code.

2) ALORS D'AUTRE PART, QUE commet un excès de pouvoir négatif, aboutissant à un déni de justice, le juge judiciaire qui refuse de statuer en restreignant à tort l'étendue de son pouvoir de juger ; qu'en l'espèce, en renvoyant les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle soulevée en défense par l'employeur, fondée exclusivement sur la légalité et la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint-Leu auxquelles Madame X...était tiers, sans examiner les irrégularités dénoncées par Madame X...s'agissant des obligations de formation et d'adaptation à l'emploi que son employeur avait ignorées et afférentes aux contrats litigieux, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de son pouvoir de juger et commis un déni de justice en violation de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile et 4 du Code civil ;

3) ALORS ENFIN, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux moyens développés par le salarié pour justifier la requalification de ses contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. Z..., demandeur au pourvoi n° U 12-25. 457

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR annulé le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre en raison de la violation du principe du contradictoire et, statuant à nouveau, constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si le salarié entrait bien dans le champ d'application du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence D'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif.

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d'annulation des jugements pour non respect du contradictoire :

En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, pris en son premier alinéa, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Ce principe exige que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des preuves produites, sans pouvoir se prévaloir d'une absence de contradiction exclusivement imputable à leur propre carence. A contrario, dès lors que l'une des parties justifie d'un motif légitime excusant son absence à l'audience, les juges doivent prendre en compte cette circonstance et prendre toute mesure préservant le principe de la contradiction. En l'espèce, la Commune de Saint Leu sollicite l'annulation pure et simple du jugement rendu le 25/ 02/ 10 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre, au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté en première instance. Convoquée devant le Bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre au 26/ 11/ 09, la Commune soutient qu'en raison de l'absence d'un conseiller prud'homal, l'audience, initialement prévue à 8h30, n'a pu être tenue qu'à compter de 10h30. En raison de ce retard, imputable au Conseil et non aux parties, le conseil de la Commune, attrait à des obligations professionnelles, a dû quitter l'audience à 9h40, heure à laquelle le Conseil de Prud'hommes n'était manifestement pas en l'état de tenir une quelconque audience car insuffisamment composée. Cette situation, au demeurant non contestée par le salarié dans ses conclusions, est confirmée par la note d'audience du 26/ 11/ 09 établi par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre, qui fait état des difficultés liées au retard d'un conseiller. En outre, il résulte du courrier de Me Creissen, conseil de la Commune prenant la suite de Me Rabenantoandro, en date du 20/ 09/ 11, qu'au cours de l'audience litigieuse, plusieurs dossiers ont fait l'objet d'un renvoi sur l'insistance du Bâtonnier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aujourd'hui par la Commune, à savoir un défaut de respect de la contradiction. Toutefois, le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre a retenu le présent dossier, passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime, privant ainsi cette dernière d'apporter une quelconque explication orale à l'audience. La circonstance que le dossier ait fait l'objet de plusieurs renvois, antérieurement à l'audience litigieuse du 26/ 11/ 09, est sans incidence dès lors que l'important retard pris par le Conseil est exclusivement imputable à ce dernier, et dès lors que le conseil de la Commune, au demeurant inscrit dans un Barreau extérieur, était présent à l'heure initialement prévue pour l'audience. Il s'ensuit que le Conseil de Prud'hommes, en rendant une décision sur les seuls éléments fournis par le salarié, sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence, a violé le principe de la contradiction, viciant le jugement ainsi entrepris. Par conséquent, la demande de la Commune est fondée, et le jugement déféré sera annulé en son intégralité, en raison de la violation du principe de la contradiction » ;

ALORS QU'un jugement a la force probante d'un acte authentique, qu'il ressort des énonciations du jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de SAINT-PIERRE du 25 février 2010 que la Commune de SAINT-LEU était représentée par son directeur des ressources humaines et assistée d'un avocat lors de l'audience de jugement du 26 novembre 2009 ; qu'en affirmant dès lors, pour prononcer l'annulation de ce jugement, que le Conseil de Saint-Pierre avait retenu le dossier à l'audience en « passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime », la privant ainsi « d'apporter une quelconque explication orale à l'audience », « sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence », en violation du principe de la contradiction, la Cour d'appel, qui a elle-même méconnu les mentions du jugement entrepris, a violé les articles 16, 454 à 457 et 460 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si le salarié entrait bien dans le champ d'application du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence D'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la question préjudicielle :

Monsieur Z...sollicite la requalification des différents contrats aidés qui se sont succédés du 01/ 04/ 05 au 31/ 03/ 09, faute de remplir les conditions légales tenant :

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail relatif à l'obligation de formation et des actions d'insertion professionnelles mises à la charge de l'employeur, pour les contrats emplois consolidés (CEC),

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail relatif à l'obligation faite à l'employeur de procéder à un bilan de compétence du salarié par un organisme spécialisé au terme des vingt-quatre premiers mois du CEC,

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux conditions d'accès à un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE),

- au défaut de respect des dispositions de la circulaire de la DGEFP n° 2005-12 du 21 mars 2005 sur le renouvellement des CEC,

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux exigences de formation mises à la charge de l'employeur.

Pour autant, la nullité à raison du caractère illicite des conventions souscrites entre l'Etat et l'employeur n'est pas requise par le salarié qui n'en conteste pas la validité. En revanche, la commune de Saint Leu, qui demande à la Cour de constater que les conventions conclues entre l'Etat et elle-même, préalablement à l'approbation par l'intimée des contrats aidés de type CEC, ne prévoient aucune obligation de formation, estime qu'il y a donc matière à question préjudicielle quant à l'appréciation de la validité de telles conventions dont l'examen relève de la juridiction administrative. Les causes de la requalification conduisent à rappeler les règles de compétences posées par l'arrêt en date du 13/ 12/ 10 du Tribunal des Conflits pour les CES, CEC et CAE :

«'sous les régimes du contre « emplois solidarité », du contrat « emploi consolidé » puis du « contrat d'accompagnement dans l'emploi », soient requalifiés en contrats à durée indéterminée en vue d'obtenir, en raison de l'arrivée à échéance du dernier de ces contrats, l'indemnisation de ce qu'il estime être un licenciement ;

Considérant que les dispositions, alors en vigueur, des articles L. 322-4-7, L. 322-4-8 et L. 322-4-8-1 du code du travail, les contrats en cause contrat « emploi solidarité », contrat « emploi consolidé » puis « contrat d'accompagnement dans l'emploi » sont des contrats de travail de droit privé ; Qu'en conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ». Il résulte des dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail que lorsque l'Etat et l'employeur ont passé une convention pour favoriser l'embauche d'un demandeur d'emploi et qu'un contrat emploi consolidé a été conclu avec un salarié en vertu d'une telle convention, le dispositif comprenant notamment des actions d'orientation professionnelle et de validation d'acquis en vue de construire et de faciliter la réalisation de son projet professionnel ainsi qu'un bilan de compétences, doit être prévu par cette convention. En l'espèce, il résulte de la lecture des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu que celles-ci ne comportent aucune disposition relative à la formation telle que prévu par l'article L. 322-4-8-1. S'agissant des contrats d'accompagnement dans l'emploi, dont le régime est fixé par l'article L. 322-4-7 du code du travail, alors applicable au moment de la conclusion des contrats, il ressort de la lecture de cet article « afin de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail, appelés contrats d'accompagnement dans l'emploi, avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public ». Le salarié invoque la violation, par l'employeur, de ces dispositions, en ce qu'au jour de la conclusion de son premier contrat d'accompagnement dans l'emploi, il ne pouvait être considéré comme une personne sans emploi, et ne remplissait pas les conditions légales d'accès au CEA. Or, en vertu de la jurisprudence du Tribunal des Conflits précitée, « le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat,'lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats ». Ces irrégularités affectant les conventions liant l'Etat et l'employeur au regard de la prévision d'un dispositif d'orientation ou de formation professionnelle, ainsi que la question de la requalification du CEA au motif que le salarié n'entrait pas dans le champ d'application du texte précité, suscitent une difficulté sérieuse qui selon la jurisprudence du Tribunal des Conflits échappe à la compétence de la juridiction judiciaire. Il s'ensuit que seul le juge administratif peut traiter de cette question. Dès lors, l'exception d'incompétence soulevée sur cette question par la Commune de Saint Leu est fondée en son principe. L'intervention de l'Etat à ce stade de la procédure en cause d'appel n'est pas nécessaire. Les parties sont donc renvoyées à saisir le juge administratif pour faire trancher la question préjudicielle dont dépend la solution du litige et de surseoir à statuer à cette fin sur les autres demandes » ;

1) ALORS D'UNE PART, QUE le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ; qu'en l'espèce, comme le constatait la Cour d'appel, Monsieur Z...fondait sa demande de requalification des contrats sur plusieurs moyens différents tirés de « la violation par l'employeur de ses obligations relatives à la formation et à l'orientation professionnelle, à la nécessité de réaliser un bilan de compétences et surtout, la méconnaissance des conditions d'accès au contrat d'accompagnement dans l'emploi et la violation des règles de renouvellement des contrats », qui étaient de la compétence du juge judiciaire ; qu'en décidant néanmoins, sans avoir procédé à l'examen de l'ensemble de ces moyens préalables, que la solution du litige dépendait de la réponse à la question préjudicielle soulevée en défense par l'employeur et portant sur la légalité des conventions conclues entre la Commune et l'Etat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile, L. 322-4-8-1 et L. 322-4-7 du Code du travail dans leur rédaction alors applicable et les articles L. 1242-3 et L. 1245-1 du même Code.

2) ALORS D'AUTRE PART, QUE commet un excès de pouvoir négatif, aboutissant à un déni de justice, le juge judiciaire qui refuse de statuer en restreignant à tort l'étendue de son pouvoir de juger ; qu'en l'espèce, en renvoyant les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle soulevée en défense par l'employeur, fondée exclusivement sur la légalité et la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint-Leu auxquelles Monsieur Z...était tiers, sans examiner les irrégularités dénoncées par M. Z...s'agissant des obligations de formation et d'adaptation à l'emploi que son employeur avait ignorées et afférentes aux contrats litigieux, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de son pouvoir de juger et commis un déni de justice en violation de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile et 4 du Code civil ;

3) ALORS ENFIN, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux moyens développés par le salarié pour justifier la requalification de ses contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme Y... dite A..., demanderesse au pourvoi n° V 12-25. 458

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR annulé le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre en raison de la violation du principe du contradictoire et, statuant à nouveau, constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si la salariée entrait bien dans le champ d'application du CAE, dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence D'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d'annulation des jugements pour non respect du contradictoire :

En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, pris en son premier alinéa, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Ce principe exige que les parties aient été mises à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des preuves produites, sans pouvoir se prévaloir d'une absence de contradiction exclusivement imputable à leur propre carence. A contrario, dès lors que l'une des parties justifie d'un motif légitime excusant son absence à l'audience, les juges doivent prendre en compte cette circonstance et prendre toute mesure préservant le principe de la contradiction. En l'espèce, la Commune de Saint Leu sollicite l'annulation pure et simple du jugement rendu le 25/ 02/ 10 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre, au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté en première instance. Convoquée devant le Bureau de Jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre au 26/ 11/ 09, la Commune soutient qu'en raison de l'absence d'un conseiller prud'homal, l'audience, initialement prévue à 8h30, n'a pu être tenue qu'à compter de 10h30. En raison de ce retard, imputable au Conseil et non aux parties, le conseil de la Commune, attrait à des obligations professionnelles, a dû quitter l'audience à 9h40, heure à laquelle le Conseil de Prud'hommes n'était manifestement pas en l'état de tenir une quelconque audience car insuffisamment composée. Cette situation, au demeurant non contestée par la salariée dans ses conclusions, est confirmée par la note d'audience du 26/ 11/ 09 établi par le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre, qui fait état des difficultés liées au retard d'un conseiller. En outre, il résulte du courrier de Me Creissen, conseil de la Commune prenant la suite de Me Rabenantoandro, en date du 20/ 09/ 11, qu'au cours de l'audience litigieuse, plusieurs dossiers ont fait l'objet d'un renvoi sur l'insistance du Bâtonnier, pour les mêmes motifs que ceux exposés aujourd'hui par la Commune, à savoir un défaut de respect de la contradiction. Toutefois, le Conseil de Prud'hommes de Saint Pierre a retenu le présent dossier, passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime, privant ainsi cette dernière d'apporter une quelconque explication orale à l'audience. La circonstance que le dossier ait fait l'objet de plusieurs renvois, antérieurement à l'audience litigieuse du 26/ 11/ 09, est sans incidence dès lors que l'important retard pris par le Conseil est exclusivement imputable à ce dernier, et dès lors que le conseil de la Commune, au demeurant inscrit dans un Barreau extérieur, était présent à l'heure initialement prévue pour l'audience. Il s'ensuit que le Conseil de Prud'hommes, en rendant une décision sur les seuls éléments fournis par la salariée, sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence, a violé le principe de la contradiction, viciant le jugement ainsi entrepris. Par conséquent, la demande de la Commune est fondée, et le jugement déféré sera annulé en son intégralité, en raison de la violation du principe de la contradiction » ;

ALORS QU'un jugement a la force probante d'un acte authentique, qu'il ressort des énonciations du jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de SAINT-PIERRE du 25 février 2010 que la Commune de SAINT-LEU était représentée par son directeur des ressources humaines et assistée d'un avocat lors de l'audience de jugement du 26 novembre 2009 ; qu'en affirmant dès lors, pour prononcer l'annulation de ce jugement, que le Conseil de Saint-Pierre avait retenu le dossier à l'audience en « passant outre l'absence du représentant de la Commune pour motif légitime », la privant ainsi « d'apporter une quelconque explication orale à l'audience », « sans convoquer les parties à une nouvelle audience, fût-ce à bref délai, et alors que la défenderesse justifiait d'un motif légitime pour excuser son absence », en violation du principe de la contradiction, la Cour d'appel, qui a elle-même méconnu les mentions du jugement entrepris, a violé les articles 16, 454 à 457 et 460 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR constaté l'existence dans l'affaire d'une difficulté sérieuse, dont dépend la solution du litige, liée notamment aux irrégularités affectant les conventions passées entre l'Etat et l'employeur, et à la question de savoir si la salariée entrait bien dans le champ d'application du CAE, dont l'appréciation échappe à la compétence de la juridiction judiciaire ; et en conséquence d'AVOIR renvoyé les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint Leu ainsi que sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif.

AUX MOTIFS QUE :

« Sur la question préjudicielle :

Madame Y... DIT A...sollicite la requalification des différents contrats aidés qui se sont succédés du 01/ 04/ 04 au 31/ 03/ 09, faute de remplir les conditions légales tenant :

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux conditions d'accès à un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE),

- au défaut de respect des dispositions de la circulaire de la DGEFP n° 2005-12 du 21 mars 2005 sur le renouvellement des CEC,

- au défaut de respect des dispositions de l'article L. 322-4-7 du code du travail relatif aux exigences de formation mises à la charge de l'employeur.

Pour autant, la nullité à raison du caractère illicite des conventions souscrites entre l'Etat et l'employeur n'est pas requise par la salariée qui n'en conteste pas la validité. Les causes de la requalification conduisent à rappeler les règles de compétences posées par l'arrêt en date du 13/ 12/ 10 du Tribunal des Conflits pour les CES, CEC et CAE :

«'sous les régimes du contre « emplois solidarité », du contrat « emploi consolidé » puis du « contrat d'accompagnement dans l'emploi », soient requalifiés en contrats à durée indéterminée en vue d'obtenir, en raison de l'arrivée à échéance du dernier de ces contrats, l'indemnisation de ce qu'il estime être un licenciement ;

Considérant que les dispositions, alors en vigueur, des articles L. 322-4-7, L. 322-4-8 et L. 322-4-8-1 du code du travail, les contrats en cause contrat « emploi solidarité », contrat « emploi consolidé » puis « contrat d'accompagnement dans l'emploi » sont des contrats de travail de droit privé ; qu'en conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire » ; s'agissant des contrats d'accompagnement dans l'emploi, dont le régime est fixé par l'article L. 322-4-7 du code du travail, alors applicable au moment de la conclusion des contrats, il ressort de la lecture de cet article « afin de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail, appelés contrats d'accompagnement dans l'emploi, avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public ». La salariée invoque la violation, par l'employeur, de ces dispositions, en ce qu'au jour de la conclusion de son premier contrat d'accompagnement dans l'emploi, elle ne pouvait être considérée comme une personne sans emploi, et ne remplissait pas les conditions légales d'accès au CEA. Or, en vertu de la jurisprudence du Tribunal des Conflits précitée, « le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat,'lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visés par les dispositions du code du travail fixant le régime de ces contrats ». La question de la requalification du CEA au motif que la salariée n'entrait pas dans le champ d'application du texte précité, suscite ainsi une difficulté sérieuse qui selon la jurisprudence du Tribunal des Conflits échappe à la compétence de la juridiction judiciaire. Il s'ensuit que seul le juge administratif peut traiter de cette question. Dès lors, l'exception d'incompétence soulevée sur cette question par la Commune de Saint Leu est fondée en son principe. L'intervention de l'Etat à ce stade de la procédure en cause d'appel n'est pas nécessaire. Les parties sont donc renvoyées à saisir le juge administratif pour faire trancher la question préjudicielle dont dépend la solution du litige et de surseoir à statuer à cette fin sur les autres demandes » ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige qui est déterminé par les prétentions des parties ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la salariée ne contestait pas la validité des conventions souscrites entre l'Etat et l'employeur et qu'elle s'était bornée à solliciter la requalification des différents contrats aidés faute de remplir les conditions légales tenant aux conditions d'accès, au renouvellement et aux exigences de formation mises à la charge de l'employeur, et qu'elle sollicitait de la cour d'appel qu'elle tranche ces questions ; qu'en renvoyant les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la commune de SAINT-LEU, la Cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige dont elle était saisie, a violé, ensemble, les articles 4 et 16 du Code de procédure civile ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ni décider de renvoyer d'office au juge administratif une question préjudicielle, sans inviter les parties à en débattre préalablement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait énoncer que seul le juge administratif était compétent pour trancher la question de la requalification du CEA, au motif que la salariée n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L 322-4-7 du Code du travail, au prétexte que « l'exception d'incompétence soulevée sur cette question par la commune de SAINT-LEU est fondée en son principe », quand il ne ressort pas de l'arrêt que la commune ou la salariée avait soutenu que cette question échappait à la compétence du juge judiciaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé, ensemble, les articles 4, 16, 49 et 378 du Code de procédure civile ;

3) ALORS, EN OUTRE, QU'il n'y a lieu à faire trancher par le juge administratif la question préjudicielle tenant à la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur que si la contestation met en cause cette légalité ; qu'en renvoyant les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint-Leu et en sursoyant en conséquence à statuer sur l'ensemble des demandes de la salariée dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif, sans relever l'existence d'irrégularités, sans préciser en quoi consisteraient ces irrégularités affectant les conventions litigieuses et sans indiquer en quoi la contestation mettait en cause cette légalité, la cour d'appel qui a elle-même constaté que la salariée ne la contestait pas, et qui s'est bornée à énoncer que la commune avait simplement soulevé une exception d'incompétence « sur la question de la requalification du CEA, au motif que la salariée n'entrait pas dans le champ d'application du texte », a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile et les articles L 322-4-8-1 et L 322-4-7 du Code du travail dans leur rédaction alors applicable et les articles L 1242-3 et L 1245-1 du même Code ;

4) ALORS, AUSSI, QUE le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ; qu'en renvoyant les parties à faire trancher par le tribunal administratif la question préjudicielle afférente à la légalité et à la validité des conventions souscrites entre l'Etat et la Commune de Saint-Leu et en sursoyant en conséquence à statuer sur l'ensemble des demandes de Madame Y... dit A...dans l'attente d'une décision définitive du juge administratif, sans exposer en quoi cette question préjudicielle présentait un caractère sérieux et portait sur une question dont la solution était nécessaire au règlement au fond du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile ;

5) ALORS, ENFIN, QUE, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en prononçant un sursis à statuer sine die et renvoyant les parties à saisir le juge administratif sans trancher le litige qui lui était soumis, ce qui aboutit à un véritable déni de justice en violation de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III, ensemble les articles 49 et 378 du Code de procédure civile et 4 du Code civil.

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