4 décembre 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-17.525

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:SO02088

Titres et sommaires

POUVOIRS DES JUGES - appréciation souveraine - contrat de travail - salaire - heures supplémentaires - importance - evaluation - eléments versés aux débats - prise en compte - détermination - portée - contrat de travail, execution - office du juge - détermination travail reglementation, remuneration

Ayant constaté l'existence d'heures supplémentaires, c'est en fonction des éléments de fait qui lui étaient soumis et qu'elle a analysés qu'une cour d'appel en a souverainement évalué l'importance et fixé en conséquence les créances salariales s'y rapportant

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2012) que M. X... a été engagé en qualité de cuisinier le 1er février 2004 à effet au 1er mars 2004 en contrat à durée déterminée d'un an pour 39H par semaine par la société Amela exploitant un restaurant ; qu'un second contrat, à durée indéterminée du 1er novembre 2004 , a été souscrit pour 35H de travail hebdomadaire ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 27 juin 2007 adressée à M. Y... en sa double qualité de gérant de la société Amela et d'exploitant en son nom personnel d'un autre restaurant ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dont un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des indemnités de rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux dernières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces griefs qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Amela et M. Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer des sommes aux titres des heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour privation de repos hebdomadaire, alors, selon le moyen, qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié, le juge devant, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que le juge doit rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires lorsque les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ; qu'en condamnant dès lors la société Amela et M. Y..., en qualité de coemployeurs, à verser à M. X... la somme de 15 000 euros au titre du « montant global des heures supplémentaires », tout en constatant que la demande de M. X..., « basée sur un calcul annuel apparaît forfaitaire et excessive, ne détaille pas les heures accomplies réellement sur chaque semaine et mois, remonte à compter du 1er février 2004 qui est la date de signature du premier contrat de travail et non celle de l'embauche effective à compter du 1er mars 2004, sans produire les bulletins de salaire pour la période de juillet à octobre 2004 pendant la durée du contrat à durée déterminée pendant lequel M. X... a été rémunéré sur 39H par semaine et non 35H, pour ne pas tenir compte des congés payés effectivement pris sur trente jours et alors que l'amplitude du travail revendiqué est contraire à l'emploi d'autres cuisiniers dans les deux restaurants tels que résultant des attestations susvisées et que les avantages en nature figurant sur les bulletins de salaires sont relatifs à un repas par jour travaillé », ce dont il résultait en réalité que la demande du salarié n'était nullement justifiée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté l'existence d'heures supplémentaires, la cour d'appel en a souverainement évalué l'importance et fixé en conséquence les créances salariales s'y rapportant, en fonction des éléments de fait qui lui étaient soumis et qu'elle a analysés ;

Et attendu que le moyen ne critique pas l'évaluation par les juges du fond du préjudice résultant de la privation du repos hebdomadaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Amela et M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Amela et M. Y...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement la société Amela et M. Y... à payer à M. X... les sommes de 1302,48 € et de 130,24 € au titre des jours fériés travaillés, de 15.000 € au titre des heures supplémentaires du 1er mars 2004 au 24 mai 2007, de 2.000 € de dommages et intérêts pour privation de repos hebdomadaire et de 2.895 € pour privation de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, M. X... revendique un travail de février 2004 à octobre 2006 de 9h à 16h et de 19h à 23h soit 11 heures sur six jours dont le dimanche, et sur cinq jours depuis novembre 2006 ; que le 8 septembre 2006, M. X..., lors d'un premier incident avec mise à la porte à 12h30, avait fait état dans une lettre adressée à M. Tigrine, 262 rue de Paris, d'un travail de 9h à 16h et de 19h à 23h tous les jours sauf le samedi et du non-paiement des congés payés et jours fériés travaillés ; que la société oppose dans ses écritures un travail de 9h30 à 15h30 du lundi au vendredi et de 10h à 15h le samedi, jusqu'en février 2006, soit 35 heures par semaine, puis de 11h30 à 15h et de 19h à 23h du lundi au vendredi (soit 37 heures 50) et alors que l'avertissement fait état de prise de travail pouvant être faite à 18h45, soit un cumul de 38 heures 75 par semaine proche des 39 heures initiales ; que la société Amela produit les attestations de Mmes Z... et A..., se déclarant salariées de la société et ne pas faire d'heures supplémentaires, ne pas travailler les jours fériés et prendre leurs congés payés ; que M. B..., autre salarié, a attesté le 20 avril 2008 dans le même sens ; qu'il avait attesté les 23 janvier et 18 février 2008 en qualité de chef de cuisine au restaurant L'Alembert en poste depuis octobre 2005 que M. X... a travaillé à L'Alembert et à La Baraka par la suite depuis son arrivée en octobre 2005 et qu'il travaillait dimanche et jours fériés jusqu'au 24 mai 2007 ; que le principe des heures supplémentaires est acquis pour des réclamations faites dès septembre 2006, les horaires à compter de février 2006 étant proches au moins de 39 heures par semaine ainsi que résultant du rapprochement de ses déclarations ; que la demande de M. X... basée sur un calcul annuel apparaît forfaitaire et excessive, ne détaille pas les heures accomplies réellement sur chaque semaine et mois, remonte à compter du 1er février 2004 qui est la date de signature du premier contrat de travail et non celle de l'embauche effective à compter du 1er mars 2004, sans produire les bulletins de salaire pour la période de juillet à octobre 2004 pendant la durée du contrat à durée déterminée pendant lequel M. X... a été rémunéré sur 39 heures par semaine et non 35 heures, pour ne pas tenir compte des congés payés effectivement pris sur trente jours et alors que l'amplitude du travail revendiqué est contraire à l'emploi d'autres cuisiniers dans les deux restaurants tels que résultant des attestations susvisées et que les avantages en nature figurant sur les bulletins de salaires sont relatifs à un repas par jour travaillé ; que dans ces conditions, la cour a les éléments pour fixer le montant global des heures supplémentaires à la somme de 15.000 € sur toute la période travaillée ;

AUX MOTIFS PAR AILLEURS QUE, sur les congés payés, la société ne justifie pas avoir donné et payé les congés payés en août 2005 car la rubrique congés payés du bulletin de salaire d'août 2005 indique 20 jours acquis de novembre 2004 à mai 2005 et 7.50 jours acquis depuis juin 2005 avec 0 jour de congés pris et un avantage en nature de 80 € qui correspond aux repas pris sur place ce qui est confirmé par le bulletin de salaire du mois de septembre 2005 qui reprend les congés acquis en les augmentant des 2.5 jours relatifs au mois de septembre sans congés payés pris ; qu'en 2006, les 25 jours de congés payés acquis en mars 2006 et non pris ont disparu du compte de congés payés sur le mois d'avril 2006, reparaissent de mai à août 2006 et ont disparu sur le bulletin de salaire du 1er septembre au 16 septembre 2006 lors du premier incident sur la réclamation en paiement de congés payés ; qu'en mai 2007, il est reconnu 33.42 jours de congés payés acquis et restant dus ; qu'au regard de la réclamation faite dès septembre 2006 sur la prise de congés payés et du défaut de mention de congés payés pris sur les bulletins de salaire, M. X... justifie sa réclamation de 2.895 € faite à ce titre pour 60 jours de congés payés restant dus en plus des 30 jours reconnus effectivement pris sur toute la période travaillée ;

AUX MOTIFS ENCORE QUE, sur les jours fériés, seul le 1er mai 2007 au moment de la rupture du contrat de travail et des réclamation du salarié, a été payé sur le bulletin de paie de salaire de mai 2007, établissant d'une part que les jours fériés étaient travaillés, contrairement à ce qui a été attesté, et qu'ils n'ont pas été rémunérés pour toute la période antérieure ; qu'il sera alloué du chef des 1er mai des années précédentes et des autres jours fériés la somme globale de 1.302,48 €, outre congés payés afférents ;

ET AUX MOTIFS, ENFIN, QUE, sur la privation de deux jours hebdomadaires de repos, il sera alloué de ce chef la somme de 2.000 € de dommages et intérêts, la demande telle que calculée sur un base salariale faisant double emploi avec les heures supplémentaires par ailleurs demandées sur six jours ;

ALORS, D'UNE PART, QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié, le juge devant, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que le juge doit rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires lorsque les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ; qu'en condamnant dès lors la société Amela et M. Y..., en qualité de co-employeurs, à verser à M. X... la somme de 15.000 ¿ au titre du «montant global des heures supplémentaires » (arrêt attaqué, p. 4 § 3), tout en constatant que la demande de M. X..., « basée sur un calcul annuel apparaît forfaitaire et excessive, ne détaille pas les heures accomplies réellement sur chaque semaine et mois, remonte à compter du 1er février 2004 qui est la date de signature du premier contrat de travail et non celle de l'embauche effective à compter du 1er mars 2004, sans produire les bulletins de salaire pour la période de juillet à octobre 2004 pendant la durée du contrat à durée déterminée pendant lequel M. X... a été rémunéré sur 39H par semaine et non 35H, pour ne pas tenir compte des congés payés effectivement pris sur 30 jours et alors que l'amplitude du travail revendiqué est contraire à l'emploi d'autres cuisiniers dans les 2 restaurants tels que résultant des attestations susvisées et que les avantages en nature figurant sur les bulletins de salaires sont relatifs à un repas par jour travaillé » (arrêt attaqué, p. 4 § 2), ce dont il résultait en réalité que la demande du salarié n'était nullement justifiée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.3171-4 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 12), la société Amela faisait valoir que M. X... avait reçu paiement de ses congés payés par plusieurs chèques dont les références étaient précisés, et en dernier lieu par un courrier recommandé qu'il n'avait pas retiré auprès des services postaux ; qu'en condamnant la société Amela et M. Y..., en qualité de co-employeurs, à payer à M. X... la somme de 2.895 € au titre des congés payés, sans répondre aux conclusions d'appel susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions (p. 14), la société Amela faisait valoir que la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, dans son article 26, prévoit que, lorsque le 1er mai est un jour habituel de fermeture de l'entreprise, « il n'y a aucune incidence du point de vue des rémunérations » et que M. X... n'avait jamais travaillé les 1er mai antérieurement à l'année 2007, au titre de laquelle il avait été normalement rémunéré ; qu'en condamnant la société Amela et M. Y... à payer la somme de 1.302,48 € à M. X... au titre des jours fériés travaillés, au motif que, dans la mesure où le 1er mai 2007 avait été réglé à M. X..., il s'en évinçait que les jours fériés des années précédentes avaient été également travaillés (cf. arrêt attaqué, p. 4 in fine), cependant qu'un tel lien logique ne pouvait être établi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 du code du travail et 26 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurant.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de rupture de M. X... emportait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'égard de la société Amela et de M. Y... à titre personnel déclarés co-employeurs, d'avoir condamné solidairement la société Amela et M. Y... à payer à M. X... les sommes de 8.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2.650 € à titre d'indemnité de préavis, de 265 € au titre des congés payés afférents et de 402,65 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et d'avoir ordonné en tant que de besoin le remboursement d'indemnités de chômage éventuellement versées dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE, sur la prise d'acte, les manquements sur le défaut de prise de congés payés, d'accomplissement des heures supplémentaires et de travail les jours fériés sans rémunération spécifique sont établis et justifient la prise d'acte de rupture par M. X... qui emportera les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard de l'effectif des deux co-employeurs manifestement supérieurs à onze salariés ; que les demandes pour préavis et indemnité conventionnelle de licenciement sont justifiées ; qu'il sera alloué la somme de 8.000 ¿ de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse appropriée à l'ancienneté et au préjudice subi sans justification de chômage ;

ALORS QUE la cassation qui interviendra dans le cadre du premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a considéré que le non-paiement des heures supplémentaires, des congés payés et des jours fériés justifiait la prise d'acte de la rupture par le salarié, et ce en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile.

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