23 octobre 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-22.342

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01716

Titres et sommaires

PREUVE - règles générales - moyen de preuve - preuve par tous moyens - domaine d'application - entretien préalable au licenciement - salarié représentant l'employeur - attestation - détermination - portée - pouvoirs des juges - applications diverses - matière prud'homale - attestation émanant d'un salarié représentant l'employeur - valeur - appréciation souveraine contrat de travail, rupture - licenciement - formalités légales - entretien préalable - représentation de l'employeur - représentation par un salarié de l'entreprise - appréciation - office du juge preuve

En matière prud'homale, la preuve est libre. Rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine une attestation établie par un salarié ayant assisté à l'entretien préalable en représentation de l'employeur. Il appartient seulement à ce juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée. Doit être cassé l'arrêt qui écarte des attestations au seul motif que nul ne peut témoigner pour soi-même

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 201 et 202 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 12 novembre 2007 par la société Gepor, a été licencié pour faute grave le 20 octobre 2008 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que, nul ne pouvant témoigner pour soi-même, il y a lieu d'écarter des débats les attestations du responsable des ressources humaines et de la responsable de l'unité Fer, qui avaient représenté l'employeur lors de l'entretien préalable au licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière prud'homale la preuve est libre, que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine une attestation établie par un salarié ayant représenté l'employeur lors de l'entretien préalable et qu'il appartient seulement à ce juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Gepor



Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société GEPOR à lui verser une indemnité de 5. 000 ¿ et une somme de 2. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à lui délivrer sous astreinte une attestation ASSEDIC conforme aux termes de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « le licenciement est ainsi motivé par deux griefs : refus d'exécuter un ordre et insulte envers le supérieur hiérarchique. Il appartient à l'employeur de prouver la cause réelle et sérieuse de licenciement, étant rappelé que l'article L. 1235-1 al. 2 du Code du travail dispose que " si un doute subsiste, il profite au salarié " ; M. X... conteste avoir reconnu les faits lors de l'entretien préalable et nie avoir refusé d'exécuter les ordres de son supérieur. Pour prouver que M. X... a reconnu les faits lors de l'entretien préalable, la SAS GEPOR produit quatre attestations. La première est établie par Elodie Y..., qui est la supérieure hiérarchique qui aurait été insultée ; cette dernière indique qu'elle a donné l'ordre à M. X... de changer de chantier et d'aller en formation sur le chantier des estacades, que celui-ci dans le bureau des chefs de poste en laissant la porte ouverte derrière lui ; que le ton est monté entre eux ; que suite aux nombreuses protestations de M. X... sur le fait de changer de chantier elle a dit à M. X... « si tu n'es pas content, tu peux prendre la porte » ; qu'alors il l'a insultée en la traitant de « salope » et de « grosse vache de merde » ; qu'un autre salarié (Bahrdin C...) est intervenu et a emmené M. X... pour éviter que la situation dégénère. Cette attestation est contredite par les déclarations de B. C... devant les conseillers rapporteurs, lequel affirme qu'il n'est pas intervenu pour calmer M. X..., qu'il n'a entendu aucun échange houleux et que s'il y avait eu altercation il l'aurait entendue depuis son poste de travail du fait que la porte du bureau était ouverte, ce que confirme l'attestation d'Elodie Y.... Les trois autres attestations sont établies respectivement par Sandrine Z..., responsable de l'unité Fer, Bertrand A..., responsable des ressources humaines, ayant tous deux assistés à l'entretien préalable en représentation de l'employeur, et Jean-Charles B..., président de la SAS GEPOR et employeur de M. X... qui n'a pas assisté à l'entretien préalable mais déclare avoir reçu M. X... le 27 octobre à la demande du délégué syndical précisant que lors de cet entretien informel, M. X... a reconnu les faits. Nul ne pouvant témoigner pour soi-même, ces trois attestations seront écartées. Il existe ainsi un doute sérieux sur la matérialité des insultes retenues par l'employeur pour justifier le licenciement de M. X... ;

s'agissant du refus de rejoindre le poste assigné, la SAS GEPOR ne produit aucune pièce autre que les attestations évoquées ci-dessus, le seul argument de la SAS GEPOR étant que M. X... a reconnu les faits. Pour sa part, M. X... produit cinq attestations établies par cinq de ses collègues, C..., D..., E..., F...et G.... Toutes ces attestations sont conformes aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile mais rédigées en termes strictement identiques, à savoir « certifie travailler dans la même société (Gepor) que M. X..., ce dernier s'est bien rendu au poste de travail comme sa responsable le lui avait demandé le mardi 30 septembre 2008 ». Il y a manifestement aide à la rédaction du contenu des attestations mais les témoins les ont écrites personnellement, les ont signées, ont précisé qu'ils ont conscience de ce qu'une fausse déclaration de leur part peut entraîner des sanctions pénales, ces éléments justifiant que les attestations soient retenues. La SAS GEPOR relève que ces attestations ne précisent pas l'heure à laquelle ce jour là M. X... a rejoint le poste qui lui a été assigné, ce qui est constant. En effet M. X... a pu rejoindre son poste après l'altercation mais ce faisant l'a bien rejoint sans retard significatif que la SAS GEPOR aurait nécessairement invoqué. Le grief, non-établi, ne peut en conséquence être retenu. Il résulte de ces éléments qu'un doute subsiste relativement à la matérialité des faits reprochés à SAS GEPOR, doute qui doit profiter au salarié, de sorte que son licenciement sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

1°) ALORS QUE la charge de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en l'espèce, en affirmant « qu'il appartient à l'employeur de prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement » (V., p. 4, § 2) et en démontrant ainsi qu'elle avait analysé les pièces et preuves du dossier selon une méthode contraire aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE l'interdiction de se constituer un titre à soi-même ne s'applique pas aux faits juridiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté les trois attestations de Messieurs A... et
B...
et de Madame Z..., qui établissaient que Monsieur X... avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement, au seul motif que « nul ne (peut) témoigner pour soi-même » ; qu'en statuant ainsi, alors que la reconnaissance orale par une personne de faits constitue un fait juridique qui peut être prouvé par tout moyen, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du Code civil, ensemble l'article L. 1235-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté les trois attestations de Messieurs A... et
B...
et de Madame X..., établissant que Monsieur X... avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement, au seul motif que « nul ne (peut) témoigner pour soi-même » ; qu'en statuant ainsi, bien que l'employeur puisse légalement produire des attestations de ses préposés et de ses dirigeants, qui constituent des tiers par rapport à lui, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du Code civil, ensemble l'article L. 1235-1 du Code du travail ;

4°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de respecter la contradiction même dans les procédures orales, ce qui leur impose notamment de susciter les observations des parties avant de relever un moyen d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté les attestations produites par l'exposante en invoquant un moyen selon lequel « nul ne (peut) témoigner pour soi-même », que Monsieur X... n'avait pas invoqué dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience ; qu'en relevant ainsi ce moyen d'office sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, la cour d'appel a violé l'article 16 al. 3 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE si les juges du fond apprécient souverainement la valeur des preuves produites, ils doivent néanmoins motiver leur décision de manière cohérente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le grief d'insubordination n'était pas caractérisé, au motif que cinq collègues de Monsieur X... avaient attesté en termes identiques que ce dernier s'était « bien rendu au poste de travail comme sa responsable le lui avait demandé le mardi 30 septembre 2008 » ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, dès lors que, d'une part, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X..., non pas de ne pas s'être rendu à son poste, mais d'avoir refusé d'assister à une formation, et que, d'autre part, les attestants n'indiquaient pas quel poste M. X... avait rejoint, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail.

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