17 octobre 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-24.315

Chambre sociale

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:SO02188

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - repos et congés - repos hebdomadaire - réglementation - arrêté préfectoral de fermeture au public - légalité - contestation - conditions - détermination - portée - volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés - consultation d'une organisation d'employeurs - défaut - absence d'incidence - portée prud'hommes - référé - mesures conservatoires ou de remise en état - trouble manifestement illicite - applications diverses - inobservation d'un arrêté préfectoral licite

L'article L. 3132-29 du code du travail dont les dispositions tendent à préserver la concurrence entre les établissements d'une même profession, n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux règles relatives au droit au repos hebdomadaire en faveur des salariés posées par le code du travail. Exercent la même profession au sens de ce texte, les établissements dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire, la vente au détail. Il incombe à l'exploitant de magasin qui invoque l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral de fermeture d'établir, le cas échéant, soit l'absence d'une majorité incontestable des professionnels concernés en faveur de l'accord sur lequel est fondé l'arrêté, soit encore que l'absence de consultation d'une organisation d'employeurs a eu une incidence sur la volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés par l'accord. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt, statuant en reféré, qui pour ordonner aux sociétés exploitant des établissements à commerces multiples, de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures d'une part, et de faire le choix d'un jour de fermeture, conformément aux termes de l'arrêté préfectoral, d'autre part, relève que ces sociétés qui exploitaient des supermarchés dont l'activité prédominante était la vente au détail de produits alimentaires entraient dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral conçu en termes généraux visant tous les établissements ou parties d'établissements vendant au détail de l'alimentation générale, et n'établissaient nullement que l'absence de consultation de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ait eu une incidence sur la volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés par l'accord, ce dont il résultait que la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 n'était pas sérieusement contestable et que l'inobservation de cet arrêté constituait ainsi un trouble manifestement illicite distinct de celui causé par les infractions à la règle du repos dominical

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2011), statuant en référé, qu'à la suite d'un accord intervenu le 8 juin 1990 entre les syndicats de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs dans le domaine de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, du fromage, des fruits et légumes et des liquides à emporter, le préfet de Paris, par arrêté du 15 novembre 1990, a décidé que les établissements ou parties d'établissements vendant au détail de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes, ou des liquides à emporter seraient totalement fermés au public soit le dimanche, soit le lundi toute la journée, cette fermeture impliquant le repos du personnel salarié ; que le Syndicat commerce interdépartemental d'Ile-de-France CFDT, le Syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC, l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et le Syndicat Sud commerces et services Ile-de-France ont fait citer devant la formation de référé du tribunal de grande instance de Paris plusieurs sociétés dont les sociétés Touatis et Zoveco Dis, exploitant sous l'enseigne Carrefour City, estimant qu'elles ne respectaient pas les règles relatives à la fermeture hebdomadaire résultant de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 ;


Attendu que les sociétés Touatis et Zoveco Dis font grief à l'arrêt de leur ordonner, sous astreinte, d'une part, de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures et, d'autre part, de faire le choix d'un jour de fermeture, conformément aux termes de l'arrêté préfectoral alors, selon le moyen :


1°/ qu'aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, inclus dans une section III «décisions de fermetures» du chapitre relatif au repos hebdomadaire, le préfet ne peut ordonner la fermeture au public de certains établissements qu'en l'état d'un accord «sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés» ; qu'il s'agit donc de fixer une modalité spécifique de prise du congé hebdomadaire, les salariés ne pouvant bénéficier cumulativement, en plus du congé résultant de l'application d'un arrêté préfectoral pris dans les conditions susvisées, d'un repos dominical par application de l'article L. 3132-3 ou de l'article L. 3132-13 du code du travail ; qu'en les condamnant cumulativement à se conformer à l'article L. 3132-13 du code du travail et à l'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire du 15 novembre 1990, pris par application de l'article L. 3132-29 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 3132-3, L. 3132-13, ensemble l'article L. 3132-29 du code du travail ;


2°/ que la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire n'est pas constitutive d'un trouble manifestement illicite dès lors que la mise en cause de la légalité de cet acte administratif présente un caractère sérieux ; qu'aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, un tel arrêté ne peut être pris que «lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés» ; que les établissements commerciaux dits à commerces multiples où sont fournis à la clientèle des produits très divers sans qu'aucun ait un caractère accessoire par rapport aux autres constituent une catégorie professionnelle à part entière ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêté préfectoral de fermeture litigieux a été pris «au vu de l'accord départemental sur la réglementation de la fermeture obligatoire et du repos hebdomadaire des salariés intervenu le 8 juin 2010 en réalité 1990 entre, d'une part les organisations patronales suivantes : le Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la Chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la Chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le Syndicat national des vins et boissons à emporter et l'Union fédérale des marchés et, d'autre part, les organisations syndicales salariales "ouvriers-employés-cadres"» ; qu'elle a souligné que «n'a pas été signataire de l'accord la Fédération nationale des distributeurs de produits alimentaires et de grande consommation (FEDIPAC), devenue en 1988 la Fédération des entreprises de distribution, de magasins à prédominance alimentaire et de service (FEDIMAS) et en 1995 la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), et dont peuvent faire partie, aux termes de ses statuts adoptés en 1995, les entreprises du commerce et de la distribution à prédominance alimentaire, ainsi que les entreprises du commerce et de la distribution qui ne relèvent pas de la convention nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, qu'elles aient une activité spécialisée alimentaire ou non alimentaire» ; qu'il existait donc un doute sérieux quant à la possibilité pour un tel arrêté d'imposer un jour de fermeture aux entreprises de commerces multiples quand aucune organisation d'employeurs de cette profession n'avait signé l'accord du 8 juin 1990 qui ne pouvait donc pas exprimer la volonté de la majorité de ceux qui exercent cette profession ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 809 du code de procédure civile et de l'article L. 3132-29 du code du travail ;


3°/ qu'un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire ne peut être pris qu'en cas d'accord émanant de la majorité des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés et ne peut concerner que les établissements qui exercent une même profession au sein d'une zone géographique déterminée ; que l'arrêté préfectoral du 15 mars 1990 ne vise, pas plus que les commerces multiples, une prétendue profession de vente au public de denrées alimentaires au détail, mais seulement l'alimentation générale, l'épicerie, la crémerie, les fromages, les fruits et légumes et les liquides à emporter, et mentionnent seulement comme ayant été partie à l'accord préalable les organisations professionnelles de ces commerces spécialisés (le Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la Chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le Syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la Chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le Syndicat national des vins et boissons à emporter et l'union fédérale des marchés) ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un trouble manifestement illicite quand il existait pourtant à tout le moins un doute sérieux sur la possibilité pour l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 d'imposer un jour de fermeture à tous les établissements vendant au public des denrées alimentaires au détail, y compris les commerces multiples et d'autres types de commerces (boucherie, charcuterie, confiserie, etc.) autres que ceux visés par l'arrêté, la cour d'appel a violé l'article L. 3132-29 du code du travail et l'arrêté du 15 mars 1990, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;


4°/ qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un trouble manifestement illicite de rapporter la preuve de son existence ; qu'en faisait droit en l'espèce aux prétentions des demandeurs à l'action, tirées de la violation de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990, au prétexte qu'aurait incombé aux appelantes la preuve que l'accord visé à l'article L. 3132-29 du code du travail n'existerait pas ou n'exprimerait pas l'opinion de la majorité des membres de la profession, la cour d'appel a fait peser sur les exposantes la charge et le risque d'une preuve qui ne lui incombait pas et a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;


Mais attendu, d'abord, que l'article L. 3132-29 du code du travail dont les dispositions tendent à préserver la concurrence entre les établissements d'une même profession, n'a ni pour objet ni pour effet de déroger au principe fondamental du repos dominical, pour lequel les seules dérogations possibles sont celles prévues par la loi au sein de la section 2 du chapitre II du titre III du livre premier de la troisième partie du code du travail ;


Attendu, ensuite, qu'exercent la même profession au sens de l'article L. 3132-29 du code du travail les établissements dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire, la vente au détail de produits alimentaires ;


Attendu, enfin, qu'il incombe à l'exploitant de magasin qui invoque l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral de fermeture d'établir, le cas échéant, soit l'absence d'une majorité incontestable des professionnels concernés en faveur de l'accord sur lequel est fondé l'arrêté, soit encore que l'absence de consultation d'une organisation d'employeurs a eu une incidence sur la volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés par l'accord ;


Et attendu qu'ayant relevé, d'une part, que les sociétés Touatis et Zovedis Dis exploitaient des supermarchés dont l'activité prédominante était la vente au détail de produits alimentaires, ce dont il résultait qu'elles entraient dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral conçu en termes généraux visant tous les établissements ou parties d'établissements vendant au détail de l'alimentation générale et, d'autre part, qu'elles n'établissaient nullement que l'absence de consultation de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ait eu une incidence sur la volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés par l'accord, la cour d'appel a pu décider que la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 n'était pas sérieusement contestable et que l'inobservation de cet arrêté constituait ainsi un trouble manifestement illicite distinct de celui causé par les infractions à la règle du repos dominical, qu'il convenait de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne les sociétés Touatis et Zoveco Dis aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Touatis et Zoveco Dis à payer au Syndicat commerce interdépartemental d'Ile-de-France CFDT, au Syndicat des employés du commerce IDF-CFTC, à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et au Syndicat Sud commerces et services Ile-de-France la somme globale de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Touatis et la société Zoveco Dis


Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR ordonné à la société TOUATIS et à la société ZOVECO-DIS de cesser d'employer des salariés le dimanche au-delà de 13 heures, et ce, sous astreinte de 6.000 euros par infraction et par établissement concerné à compter de la signification de la décision, d'AVOIR ordonné auxdites sociétés de faire le choix, pour leurs établissements situés sur la commune de Paris, d'un jour de fermeture, conformément aux termes de l'arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires et de respecter une journée de fermeture, le lundi ou le dimanche, et ce, sous astreinte de 6.000 euros par infraction et par établissement concerné à compter de la signification de la décision, et d'AVOIR condamné ces sociétés à payer la somme de 500 euros aux syndicats défendeurs au pourvoi à titre de provision sur la réparation du préjudice subi, outre une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;


AUX MOTIFS QU'« le principe de séparation des pouvoirs des autorités administratives et judiciaires interdit au juge civil de se prononcer sur la légalité d'un acte administratif ; qu'il lui appartient, cependant, lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la légalité d'un tel acte, de se prononcer sur le caractère sérieux de cette contestation et, dans l'affirmative, de renvoyer au juge administratif l'appréciation de la légalité de l'acte ; que devant le juge des référés, si la contestation est sérieuse, le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé ; considérant, en l'espèce, que les appelantes invoquent l'existence d'une contestation sérieuse touchant à la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 et à son opposabilité à leur égard ; considérant que cet arrêté a été pris au vu de l'accord départemental sur la réglementation de la fermeture obligatoire et du repos hebdomadaire des salariés intervenu le 8 juin 2010 entre, d'une part les organisations patronales suivantes : le syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le syndicat national des vins et boissons à emporter et l'union fédérale des marchés, et d'autre part les organisations syndicales salariales "ouvriers-employés-cadres" suivantes : la fédération nationale CFTC des syndicats de l'alimentaire, du spectacle et des prestations de services, FNSASPS-CFTC, la fédération générale es travailleurs de l'agriculture et de l'alimentation, des tabacs et allumettes et des secteurs connexes, FGTA-FO, et la fédération du personnel d'encadrement des industries et productions alimentaires des cuirs et services connexes FIPACCS-CGC ; considérant que les appelantes font valoir que les commerces multiples sont distincts des commerces spécialisés de vente au détail de produits alimentaires et qu'ils ne sont pas visés par cet arrêté, le Fédération du commerce et de la distribution, seule organisation syndicale représentative de cette profession des commerces multiples, n'étant pas signataire de l'accord ; mais considérant que l'arrêté préfectoral en ce qu'il vise en termes généraux les établissements ou parties d'établissements vendant au détail de l'alimentation générale concerne tous les établissements vendant au public des denrées alimentaires au détail ; que l'article L. 3132-9 du Code du travail ayant pour objet de garantir sur le fondement d'un accord professionnel une concurrence équilibrée entre les établissements ayant une activité commune, les commerces multiples entrent dans le champ d'application dudit arrêté ; que les supermarchés exploités par les appelantes, dont l'activité prédominante est celle de la vente au détail de produits alimentaires, sont, en conséquence, soumis à ces dispositions ainsi que l'a d'ailleurs jugé dans une affaire similaire la cour administrative d'appel de Paris par arrêt en date du 22 janvier 2007 ; que, certes, n'a pas été signataire de l'accord la Fédération Nationale des Distributeurs de Produits Alimentaires et de Grande Consommation (FEDIPAC), devenue en 1988 la Fédération des Entreprises de Distribution, de Magasins à Prédominance Alimentaire et de Service (FEDIMAS) et en 1995 la Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD), et dont peuvent faire partie, aux termes de ses statuts adoptés en 1995, les entreprises du commerce et de la distribution à prédominance alimentaire, ainsi que les entreprises du commerce et de la distribution qui ne relèvent pas de la convention nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, qu'elles aient une activité spécialisée alimentaire ou non alimentaire ; que cette absence de signature voire même de consultation à l'époque de cette organisation syndicale patronale est, cependant, indifférente dès lors qu'il n'est pas démontré que cet accord n'existerait pas ou n'exprimerait pas l'opinion de la majorité des membres de la profession, démonstration qui incombe aux appelantes qui contestent l'arrêté le visant, de telle sorte qu'elles ne sauraient faire grief aux syndicats intimés de ne pas le produire alors, en outre, qu'elles ne prouvent pas avoir été dans l'impossibilité de se le procurer notamment auprès de la Préfecture ; qu'il sera, au surplus, observé que si les appelantes devaient être considérées comme ne faisant pas partie de la profession des commerces de détail alimentaire, elles ne pourraient pas, en toute hypothèse, employer de salariés le dimanche en application de l'article L. 3132-3 du Code du travail, puisque la dérogation de l'article L. 3132-13 sur le repos hebdomadaire pouvant être donné ce jour-là à partir de 13 heures ne s'applique qu'aux commerces de détail alimentaire ; qu'il n'existe pas, en conséquence, de contestation sérieuse du chef de légalité et de l'opposabilité de l'arrêté ; considérant que les appelantes prétendent encore qu'il existerait un conflit entre cet arrêté et l'article L. 3132-1 du Code du travail ; qu'elles font, ce faisant, une confusion entre la fermeture hebdomadaire obligatoire de leur commerce en application de l'arrêté préfectoral et l'interdiction d'employer des salariés le dimanche à partir de 13 heures, cette interdiction n'impliquant pas en soi la fermeture du commerce qu'un non-salarié tel que le gérant peut continuer à faire fonctionner l'après-midi ; considérant qu'il ne peut être sérieusement soutenu, par ailleurs, que l'arrêté préfectoral aurait perdu sa légalité au motif que les règles de la représentativité des syndicats ont été modifiées par la loi du 20 août 2008 sauf à remettre en cause l'ensemble de la négociation collective antérieure à l'entrée en vigueur de celle-ci ; considérant, enfin, que la société MONOP' ne saurait prétendre ne pouvoir se voir opposer par les syndicats une réglementation susceptible d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises au sens du traité de l'Union Européenne sans se livrer à une démonstration plus approfondie de cette élimination notamment au regard de la réglementation applicable à ceux qu'elle qualifie de concurrents directs, tels que les stations-service ; considérant que l'application des dispositions législatives et réglementaires susvisées à l'encontre des appelantes n'est pas dans, ces conditions, sérieusement contestable ; considérant que les sociétés TOUATIS et ZOVECO-DIS ne contestent pas employer des salariés le dimanche après 13 heures et ne pas fermer leur établissement soit le dimanche, soit le lundi ; que les syndicats versent, en outre, aux débats les pages de leurs sites Internet mentionnant que leurs magasins sont ouverts du lundi au samedi de 7 h à 23 h et le dimanche de 9 h à 20 h ; que le trouble manifestement illicite est ainsi démontré à leur encontre ;
(…)
Considérant, enfin, que l'obligation des appelantes à réparer le préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés de la profession représentée par les syndicats du fait de l'absence de respect des dispositions sur le repos dominical et l'obligation de fermeture hebdomadaire destinées à les protéger n'est pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance sera confirmée du chef des provisions accordées sur dommages et intérêts à hauteur de 500 euros pour chacune des appelantes » ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les défenderesses soutiennent à l'encontre de cette disposition réglementaire, que l'accord des organisations syndicales d'employeurs et de salariés ne leur a pas été produit, que la Fédération du commerce et de l'industrie ne faisait pas partie des organisations syndicales d'employeurs ayant participé à ces négociations, que le préfet a étendu son arrêté au-delà des termes de l'accord, que cet arrêté serait illégal et que l'accord qui lui sert de base n'aurait pas été pris selon les nouvelles dispositions de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité des syndicats ; attendu que la présente instance se situe dans le cadre du référé pour trouble manifestement illicite ; que le juge, saisi sur ce fondement, doit apprécier le caractère évident, manifeste, du trouble invoqué et apprécier selon le même critère d'évidence, les moyens de défense opposés à l'action ; attendu que la réglementation que les défendeurs critiquent a été élaborée en 1990 et que toutes les années, le préfet arrête les exceptions à la fermeture prévue par l'arrêté initial, en élaborant un nouvel arrêté, le dernier arrêté applicable au litige étant celui du 17 décembre 2009 ; que ce dispositif offre aux organisations syndicales intéressées, la possibilité d'en contester le bien fondé ou d'en solliciter l'abrogation si la demande en est formulée par la majorité des syndicats professionnels ; que force est de constater qu'aucune défenderesse n'apporte le moindre élément de preuve d'une démarche faite pour obtenir une modification de cette réglementation ; attendu qu'en conséquence, l'accord de 1990 étant visé par l'arrêté préfectoral qui n'a jamais été remis en cause, son absence de production aux débats est sans incidence sur le présent litige ; que de même, l'absence à la négociation de 1990 de la Fédération du commerce et de l'industrie, invoquée par certaines parties est sans portée juridique, dès lors que le paysage des organisations syndicales de salariés comme d'employeurs a nécessairement évolué depuis 20 ans et qu'il appartient aux organisations syndicales actuelles si elles le souhaitent, d'engager des démarches pour obtenir l'abrogation de cet arrêté lequel, jusqu'à son annulation ou son abrogation fait partie de la réglementation applicable ; attendu que certaines défenderesses soutiennent que l'accord de juin 1990 ne vise pas leur activité et qu'il ne leur serait donc pas opposable dès lors qu'elles exploitent des commerces multiples ; attendu toutefois que l'accord a été conclu par des organisations syndicales du secteur de l'alimentation générale de détail ; qu'il concerne donc les établissements vendant au public des denrées alimentaires au détail, ce qui est le cas de l'ensemble des sociétés défenderesses ; que la vente d'articles non alimentaires dont elles se prévalent ne peut permettre d'écarter l'application de la législation et la réglementation sur le commerce de détail alimentaire, étant souligné que le syndicat professionnel d'employeurs qui est intervenu à la procédure, se décrit comme une fédération de syndicats professionnels qui rassemblent des entreprises du commerce et de la distribution de gros et de détail, à prédominance alimentaire ; attendu qu'ainsi aucune question préjudicielle sur la légalité de cet arrêté ne s'impose, pas plus qu'une question prioritaire de constitutionnalité, cette dernière ayant déjà été posée, le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 2011 ayant considéré que la disposition de l'article L.3132-29 du Code du travail n'était contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; attendu en outre, qu'il ne peut être sérieusement contesté que tous les accords collectifs conclus antérieurement aux dispositions de la loi du 20 août 2008 demeurent applicables nonobstant les modifications de la législation sur la représentativité des organisations syndicales de salariés ; qu'enfin, la distorsion de concurrence avec les stations-service que provoquerait le respect du repos dominical et du jour de fermeture, invoquée par la société MONOP' ne relève pas, eu égard à sa complexité, de l'examen du juge des référés ;
sur l'application de l'arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 3132-29 et de la règle relative au repos dominical (article L. 3132-13) : attendu qu'aux termes de l'article L. 3132-3 du Code du travail : "Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche" ; qu'aux termes de l'article L. 3132-13 alinéa 1 : "Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures" ;
que selon l'arrêté préfectoral "Les établissements ou parties d'établissement, vendant au détail, à poste fixe ou en ambulant (marchés couverts et découverts), de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes, des liquides à emporter seront totalement fermés au public, soit le dimanche, soit le lundi toute la journée, de 0 à 24 heures. Cette fermeture implique le repos du personnel salarié y compris celui qui est chargé des opérations de livraison" ; attendu que l'arrêté préfectoral permet aux commerces visés d'ouvrir le dimanche toute la journée, s'ils ferment le lundi, ou d'ouvrir le lundi toute la journée, s'ils ferment le dimanche, un de ces deux jours étant imposé comme jour de fermeture ; qu'il précise dans son alinéa 2 que la fermeture implique le repos du personnel salarié ; que l'article L. 3132-29 du Code du travail qui a pour objet d'éviter une concurrence déloyale entre employeurs n'emporte pas de dérogation au repos dominical, ces dérogations étant précisées dans la sous-section 2 de la section II du chapitre II du titre III du livre I de la 3ème partie du Code du travail, l'article L. 3132-29 se trouvant sous la section III qui ne concerne pas les dérogations au repos dominical mais les décisions de fermeture ; que l'interdiction d'employer des salariés le dimanche après 13 heures résultant des dispositions d'ordre public des articles L.3132-3 et L.3132-13 du Code du travail, ne prive pas les commerçants de l'option offerte par l'arrêté ; qu'ils peuvent choisir le lundi comme jour de fermeture obligatoire et ouvrir le dimanche, mais doivent dès lors ne pas faire travailler d'employés après 13 heures le dimanche ; que ces deux normes ne sont pas incompatibles et doivent toutes deux recevoir application ; qu'ils doivent respecter le jour de fermeture obligatoire prévu par l'article L.3132-29 et l'interdiction de faire travailler des salariés le dimanche après 13 heures qui résulte de l'application de l'article L.3132-13 du Code du travail » ;


1) ALORS QU'aux termes de l'article L.3132-29 du Code du travail, inclus dans une section III « décisions de fermetures » du chapitre relatif au repos hebdomadaire, le préfet ne peut ordonner la fermeture au public de certains établissements qu'en l'état d'un accord « sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés » ; qu'il s'agit donc de fixer une modalité spécifique de prise du congé hebdomadaire, les salariés ne pouvant bénéficier cumulativement, en plus du congé résultant de l'application d'un arrêté préfectoral pris dans les conditions susvisées, d'un repos dominical par application de l'article L.3132-3 ou de l'article L.3132-13 du Code du travail ; qu'en condamnant cumulativement les exposantes à se conformer à l'article L.3132-13 du Code du travail et à l'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire du 15 novembre 1990 pris par application de l'article L.3132-29 du Code du travail, la Cour d'appel a violé les articles L.3132-3, L.3132-13 ensemble l'article L.3132-29 du Code du travail ;


2) ALORS QUE la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire n'est pas constitutive d'un trouble manifestement illicite dès lors que la mise en cause de la légalité de cet acte administratif présente un caractère sérieux ; qu'aux termes de l'article L.3132-29 du Code du travail, un tel arrêté ne peut être pris que « lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés » ; que les établissements commerciaux dits à commerces multiples où sont fournis à la clientèle des produits très divers sans qu'aucun ait un caractère accessoire par rapport aux autres constituent une catégorie professionnelle à part entière ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêté préfectoral de fermeture litigieux a été pris « au vu de l'accord départemental sur la réglementation de la fermeture obligatoire et du repos hebdomadaire des salariés intervenu le 8 juin 2010 en réalité 1990 entre, d'une part les organisations patronales suivantes : le syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le syndicat national des vins et boissons à emporter et l'union fédérale des marchés, et d'autre part les organisations syndicales salariales "ouvriers-employés-cadres" » ; qu'elle a souligné que « n'a pas été signataire de l'accord la Fédération Nationale des Distributeurs de Produits Alimentaires et de Grande Consommation (FEDIPAC), devenue en 1988 la Fédération des Entreprises de Distribution, de Magasins à Prédominance Alimentaire et de Service (FEDIMAS) et en 1995 la Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD), et dont peuvent faire partie, aux termes de ses statuts adoptés en 1995, les entreprises du commerce et de la distribution à prédominance alimentaire, ainsi que les entreprises du commerce et de la distribution qui ne relèvent pas de la convention nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, qu'elles aient une activité spécialisée alimentaire ou non alimentaire » ; qu'il existait donc un doute sérieux quant à la possibilité pour un tel arrêté d'imposer un jour de fermeture aux entreprises de commerces multiples quand aucune organisation d'employeurs de cette profession n'avait signé l'accord du 8 juin 1990 qui ne pouvait donc pas exprimer la volonté de la majorité de ceux qui exercent cette profession ; qu'en retenant le contraire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 809 du Code de procédure civile et de l'article L.3132-29 du Code du travail ;


3) ALORS en tout état de cause QU'un arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire ne peut être pris qu'en cas d'accord émanant de la majorité des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés et ne peut concerner que les établissements qui exercent une même profession au sein d'une zone géographique déterminée ; que l'arrêté préfectoral du 15 mars 1990 ne vise, pas plus que les commerces multiples, une prétendue profession de vente au public de denrées alimentaires au détail, mais seulement l'alimentation générale, l'épicerie, la crémerie, les fromages, les fruits et légumes et les liquides à emporter, et mentionnent seulement comme ayant été partie à l'accord préalable les organisations professionnelles de ces commerces spécialisés (le syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale, la chambre syndicale du commerce en détail de fruits, légumes et primeurs de la région parisienne, le syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, la chambre syndicale des épiciers détaillants de la région parisienne, le syndicat national des vins et boissons à emporter et l'union fédérale des marchés) ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un trouble manifestement illicite quand il existait pourtant à tout le moins un doute sérieux sur la possibilité pour l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 d'imposer un jour de fermeture à tous les établissements vendant au public des denrées alimentaires au détail, y compris les commerces multiples et d'autres types de commerces (boucherie, charcuterie, confiserie, etc.) autres que ceux visés par l'arrêté, la Cour d'appel a violé l'article L.3132-29 du Code du travail et l'arrêté du 15 mars 1990, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;


4) ALORS au surplus QU'il appartient à celui qui se prévaut d'un trouble manifestement illicite de rapporter la preuve de son existence ; qu'en faisait droit en l'espèce aux prétentions des demandeurs à l'action, tirées de la violation de l'arrêté préfectoral du 15 8 novembre 1990, au prétexte qu'aurait incombé aux appelantes la preuve que l'accord visé à l'article L.3132-29 du Code du travail n'existerait pas ou n'exprimerait pas l'opinion de la majorité des membres de la profession, la Cour d'appel a fait peser sur les exposantes la charge et le risque d'une preuve qui ne lui incombait pas et a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

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