5 mai 2004
Cour de cassation
Pourvoi n° 01-46.261

Chambre sociale

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - clause de non - concurrence - violation - caractérisation - office du juge - effets - privation de l'indemnité de non - indemnité de non - paiement - exonération - conditions - détermination - statut collectif du travail - accords collectifs - accords particuliers - voyageurs représentants placiers - accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 - contrat de représentation - contrepartie pécuniaire - condition - statuts professionnels particuliers - voyageur représentant placier - applications diverses

La cour d'appel qui constate que le salarié, soumis à une clause de non-concurrence, a créé une société dont il était le gérant et qui avait une activité similaire à celle de son employeur, et qu'il a fixé le siège de celle-ci à son ancienne adresse professionnelle pour créer une confusion auprès des tiers, a pu décider qu'il avait violé la clause de non-concurrence ; l'employeur est dès lors délié du paiement de la contrepartie financière.

Texte de la décision

Sur le moyen unique :


Attendu que M. X..., engagé par la société Fouasse le 4 février 1992 en qualité de représentant exclusif, a démissionné de ses fonctions le 3 mars 1997 et a quitté l'entreprise le 3 juin 1997 à l'issue de son préavis ; que le 2 juin il a créé une société Eole, dont il a été nommé gérant et dont l'activité était identique à celle de la société Fouasse, le siège social étant fixé à son ancienne adresse professionnelle ; que le 4 juin il a signé un contrat d'agent commercial avec la société Algaflex ayant une activité concurrente à celle de son ancien employeur ;


qu'estimant que le salarié avait violé la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail, aux termes de laquelle le salarié s'interdisait de s'intéresser, directement ou indirectement, ou pour le compte d'un tiers, à une entreprise concurrente et d'entrer au service d'une telle entreprise en qualité d'employé ou de représentant ou à tout autre titre pour une durée d'une année à compter de la rupture limitée à la région prospectée, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale ;


Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 13 septembre 2001) de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence alors, selon le moyen :


1 / que le manquement de l'employeur à son obligation contractuelle de paiement de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, libère le salarié de l'interdiction de concurrence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que la société Fouasse n'avait pas payé l'indemnité contractuelle de non-concurrence (arrêt page 7 paragraphe 4) devait en déduire que par cette inexécution, le salarié s'était trouvé délié de l'interdiction de non-concurrence ; qu'en décidant que le salarié avait violé la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1134 Code civil ;


2 / qu'à supposer que la cour d'appel n'ait pas répondu au moyen tiré par le salarié de ce que l'inexécution par l'employeur de son obligation de contrepartie l'avait délié de son obligation de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


3 / qu'une clause de non-concurrence, qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail, est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'en l'espèce la clause de non-concurrence interdisait au salarié de s'intéresser directement ou indirectement, ou pour le compte d'un tiers, à une entreprise concurrente et d'entrer au service d'une telle entreprise en qualité d'employé ou de représentant ou à tout autre titre, ce dans la double limite d'une durée d'un an et d'une application au seul secteur géographique dans lequel il avait exercé son activité ; que pour retenir une violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a relevé la possibilité d'une confusion pour la clientèle du précédent employeur, eu égard à la domiciliation professionnelle du salarié dans le secteur couvert par l'interdiction, et le fait que le salarié avait adressé un devis pour un chantier situé en dehors de la zone interdite à un architecte établi dans cette zone ; que la cour d'appel a ainsi étendu la clause de non-concurrence au-delà de ses prévisions, et violé l'article 1134 du Code civil ;


4 / que la clause de non-concurrence qui se justifie par la protection indispensable des intérêts de l'entreprise, doit être limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'en l'espèce l'interdiction de concurrence posée par le contrat de travail, nécessaire à la protection des intérêts de la société Fouasse était prévue pour un an, et ne s'appliquait que dans le secteur géographique où le salarié avait exercé son activité ; que la cour d'appel a considéré que, d'une part la confusion pouvant résulter pour la clientèle de la domiciliation professionnelle de l'ancien salarié telle qu'établie par un annuaire édité après le délai d'application de la clause, et d'autre part l'intervention de celui-ci pour un chantier situé en dehors du territoire visé par la clause, constituaient une violation de l'engagement de non-concurrence ; qu'elle a ainsi méconnu les limites nécessairement portées à cet engagement et violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 17 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 ;


5 / qu'en imposant à M. X... de démontrer qu'il n'aurait pas violé la clause de non-concurrence en 1997, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait créé une société dont il était le gérant et qui avait une activité similaire à celle de son employeur et qu'il avait fixé le siège de celle-ci à son ancienne adresse professionnelle pour créer une confusion auprès des tiers, a pu décider qu'il avait violé la clause de non-concurrence dont l'employeur n'avait dès lors pas à payer la contrepartie financière ; que sans encourir les critiques du moyen, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Fouasse ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quatre.

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