31 octobre 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-80.083

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

AMNISTIE - textes spéciaux - loi du 6 août 2002 - amnistie de droit - amnistie à raison de l'infraction - délits en relation avec des conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial - destruction volontaire de champs de colza transgénique appartenant à autrui - dispositions générales - effets - action publique - extinction - poursuite sous une autre qualification - possibilité (non)

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer amnistié le délit de destruction volontaire, par trois agriculteurs, de champs de colza transgénique appartenant à autrui, relève que l'infraction reprochée était en relation avec un conflit agricole ou rural, quand bien même elle poursuivait également un but environnemental, et dès lors qu'au surplus, la circonstance aggravante de pluralité d'auteurs, non retenue par les juges, ne pouvait plus l'être en raison de l'arrêt des poursuites à compter du jour de la promulgation de la loi d'amnistie.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;


Statuant sur les pourvois formés par :


- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE,


- LA SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE,


partie civile,


contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 26 octobre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Guy X..., Fleury Y... et Jacques Z..., du chef de destruction grave d'un bien appartenant à autrui, a constaté l'extinction de l'action publique par l'amnistie et déclaré la cour d'appel incompétente pour prononcer sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu les mémoires produits en demande et en défense ;


Sur le moyen unique de cassation proposé dans le mémoire du procureur général, pris de la violation des articles 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 et 591 à 593 du code de procédure pénale ;


Sur le moyen unique de cassation proposé dans le mémoire ampliatif présenté pour la partie civile, pris de la violation des articles 322-1 et 322-3 du code pénal, des articles 3 4 , 14 34 et 21 de la loi d'amnistie du 6 août 2002, des articles 2, 6, 459 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a pour déclarer la juridiction pénale incompétente pour connaître de l'action civile exercée par la société Monsanto, déclaré le délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui reproché aux trois prévenus, amnistié en application de l'article 3 de la loi du 6 août 2002 ;


"aux motifs qu'il est constant que les prévenus ont bien matériellement commis les faits reprochés, ce qu'ils reconnaissent et même revendiquent ; que l'article 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 dispose que sont amnistiés les délits commis en relation avec des conflits de caractère agricole ou rural, y compris à l'occasion de manifestations sur la voie publique, étant cependant exclus de ce bénéfice, selon l'article 13 34, les destructions dégradations ou détériorations aggravées, notamment lorsqu'est relevée la circonstance aggravante de commission par plusieurs auteurs visée à l'article 322-3 du code pénal ; qu'en l'espèce, le délit est bien en relation avec un conflit agricole ou rural, même s'il déborde ce cadre strict, puisqu'il a été commis à la suite de mise en culture d'une parcelle de colza, qu'il a donné lieu à une réunion en février à la mairie de Saint-Georges-d'Esperanche entre des représentants de la société Monsanto et des agriculteurs riverains de parcelles ensemencées en cultures transgéniques révélant des oppositions à cette expérience, que les autorisations de mise en cultures de telles parcelles sont données par le ministère de l'Agriculture, que les actions ont été conduites, certes avec d'autres personnes ou associations, mais en premier lieu par des agriculteurs mécontents, relayés par un syndicat d'agriculteurs dont l'un des prévenus est membre dirigeant, que seuls en définitive trois agriculteurs ont été poursuivis ; qu'il s'ensuit que le caractère agricole et rural du conflit permet de faire bénéficier les auteurs du délit de la loi d'amnistie dès lors que la circonstance aggravante de commission par plusieurs auteurs, quoique patente en l'espèce, n'a pas été visée dans la poursuite, ni retenue en fin d'information survenue après la publication de la loi, interdisant dès lors à la juridiction de jugement de l'envisager pour faire échapper le délit au bénéfice de l'amnistie ;


"alors que, d'une part, le délit consistant à détruire des cultures de colza génétiquement modifié, ne pouvait être considéré par la cour comme étant en relation avec un conflit de nature agricole ou rurale au sens de l'article 3 4 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 qui permet à certaines de ces infractions de bénéficier de l'amnistie, le conflit à l'origine des infractions qui avait opposé les prévenus au ministère de l'Agriculture ayant autorisé une telle mise en culture, étant, comme le premier juge l'avait reconnu, comme la partie civile le soutenait dans ses conclusions d'appel et comme la cour l'a elle-même implicitement reconnu, de nature essentiellement environnementale et de santé publique en sorte que la cour a fait une application extensive prohibée de la loi d'amnistie précitée en faisant bénéficier les infractions poursuivies de cette cause d'extinction de l'action publique ;


"alors que, d'autre part, les trois prévenus ayant été renvoyés ensemble devant la juridiction correctionnelle pour avoir commis la même infraction de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui résultant du fauchage effectué le même jour d'un même champ de colza transgénique, il en résultait que, comme la cour a dû elle-même le reconnaître, ces infractions avaient été commises par plusieurs personnes même si la circonstance aggravante de commission des infractions par plusieurs auteurs n'était pas expressément mentionnée dans le titre de la poursuite ; qu'en refusant dans ces conditions, de faire application des dispositions de l'article 14 34 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 qui exclut du bénéfice de l'amnistie les destruction, détérioration ou dégradation d'un bien appartenant à autrui commises par plusieurs auteurs, la cour a violé le texte précité" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 7 juin 1997, à Saint-Georges-d'Espéranche (Isère), dans le cadre d'une manifestation organisée par des agriculteurs et des écologistes, Guy X..., porte-parole départemental de la Confédération paysanne, Fleury Y..., ancien membre de la confédération, et Jacques Z..., membre, ont détruit par fauchage des champs de colza transgénique mis en culture par la société Monsanto ;


Attendu que, pour constater l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie prévue par l'article 3 4 de la loi du 6 août 2002, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;


Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que les délits commis par les prévenus étaient en relation avec un conflit de caractère agricole, et dès lors qu'au surplus, la circonstance aggravante de pluralité d'auteurs n'ayant pas été retenue à l'encontre desdits prévenus et ne pouvant plus l'être en raison de l'arrêt des poursuites à compter du jour de la promulgation de la loi qui l'accorde, l'exclusion de l'amnistie prévue par l'article 14 34 de ladite loi ne pouvait recevoir application en l'espèce, la cour d'appel a justifié sa décision ;


D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;


Avocat général : M. Finielz ;


Greffier de chambre : Mme Randouin ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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