19 mai 2004
Cour de cassation
Pourvoi n° 03-86.192

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

PRESCRIPTION - action publique - délai - point de départ - atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public - atteinte a l'autorite de l'etat - atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique - manquement au devoir de probité - lois et reglements - application dans le temps - réglementation des marchés publics - dispositions réglementaires nouvelles - non - rétroactivité - condition - extinction

Si le délit de favoritisme est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du jour où les faits la consommant ont été commis, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, qu'à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice des poursuites. Caractérise la dissimulation des actes irréguliers de nature à retarder le point de départ de la prescription, l'arrêt qui relève qu'un marché d'entretien de la voirie communale a été exécuté, pour partie, par une société agissant en qualité de sous-traitante de cinq entreprises dont la désignation n'avait fait l'objet d'aucune délibération du conseil municipal ni d'aucune commande écrite, que cette même société intervenait en tant qu'entrepreneur principal, à la même période, pour l'autre partie des travaux sur une douzaine de sites différents et constate que l'autorité administrative n'a pu savoir qu'en réalité cette société réalisait seule l'ensemble des travaux.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


- X... Jean-Claude,


contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 24 septembre 2003, qui, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 12.000 euros d'amende et 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

Vu le mémoire produit ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par délibération du 18 mai 1994, le conseil municipal de la commune de Saint-Rambert-en-Bugey a adopté un programme de travaux exceptionnels de voirie pour un montant de plus de 2 millions de francs et a autorisé son maire, Jean-Claude X..., à engager une procédure de consultation des entreprises ; que, toutefois, ces travaux ont été exécutés de juin à octobre 1994, sans appel public à la concurrence, par la SCR Brunel, agissant en qualité de sous-traitante de cinq entreprises, pour une partie des travaux d'un montant de 999 957,52 francs, et comme entreprise principale pour l'autre partie ; qu'en février 1995, une procédure d'appel d'offres restreint pour l'entretien et l'amélioration des voies communales a été lancée, à l'issue de laquelle le marché a été attribué à la SCR Brunel qui a reçu, en juin 1995, douze bons de commande d'un montant total de 1 348 395, 22 francs correspondant aux travaux de voirie qu'elle avait déjà exécutés en 1994 ; qu'à la suite de la saisine par le préfet de la Mission interministérielle d'enquêtes sur les marchés (MIEM), celle-ci a transmis au procureur de la République, le 15 décembre 1997, un rapport au vu duquel ce magistrat a ordonné une enquête préliminaire, le 2 janvier 1998, puis a fait citer devant le tribunal correctionnel Jean-Claude X..., pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics;


En cet état ;


Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription invoquée par Jean-Claude X... en ce qui concerne le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics commis par fractionnement du marché ;


"aux motifs que le délit de favoritisme prévu et réprimé par l'article 432-14 du Code pénal est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du jour où les faits le consommant ont été commis ; que toutefois, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, en l'espèce Jean-Claude X... est tout d'abord poursuivi du chef de favoritisme à raison d'une opération de fractionnement d'un marché d'un montant total de 999 957,52 francs entre cinq entreprises différentes qui toutes ont sous-traité la réalisation des travaux à une seule et même entreprise, la société SCR Brunel ; qu'en ce qui concerne cette première série de faits, il résulte des pièces de la procédure ci-dessus analysée que, si le principe de la réalisation des travaux en cause a été adopté par le conseil municipal dans sa séance du 18 mai 1994, la dévolution de leur exécution à cinq entreprises, les sociétés Via France, Etpva, Gerland, Socatra et Pettini n'a pas fait l'objet d'une délibération de la part de cette assemblée ; que les responsables de ces entreprises ont révélé qu'aucune commande écrite n'avait été établie et que l'accord de la commune sur les devis présentés leur avait été donné téléphoniquement par le premier adjoint après que celui-ci les eut sollicités également par téléphone ; que, lorsque les entrepreneurs qui effectuent des travaux d'un montant inférieur au seuil fixé par l'article 321 du Code des marchés publics ont l'intention, comme tel était le cas en l'espèce, de recourir à un sous-traitant, ils doivent conclure un marché avec la collectivité contractante ; que l'absence de marché a permis aux cinq entreprises, qui ont sous-traité la totalité de leurs travaux, de s'abstenir de solliciter l'acceptation de leur sous-traitant, la SCR Brunel et l'agrément des conditions de paiement ; que ces accords de sous-traitance n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun écrit, sauf en ce qui concerne la société Via France qui a dû faire plusieurs demandes pour que la SCR Brunel lui fasse retour de contrat après signature ; que l'attribution réelle des travaux à la SCR Brunel, par le biais de cette sous-traitance, est restée dissimulée dès lors que le recours au cinq entreprises susvisées n'avait pas fait l'objet d'une délibération et que la SCR Brunel intervenait, en tant qu'entrepreneur principal, à la même période, pour des travaux sur une douzaine de sites différents dont celui de Morgelas où était censée travailler également la société Via France et celui de Blanaz où était censée intervenir aussi la société Socatra ; qu'en l'état de ces éléments, l'envoi, en sous-préfecture des arrêtés de voirie des 20 et 29 juin 1994 pris pour réglementer la circulation au hameau de Blanaz et visant la SCR Brunel et l'arrêté du 10 septembre 1994 qui concerne des secteurs où cette dernière société a travaillé en tant qu'entreprise principale, n'a pu permettre à l'autorité administrative de savoir qu'en réalité cette entreprise réalisait seule l'ensemble des travaux ;




que ces circonstances doivent faire considérer que l'attribution des travaux à la société SCR a été dissimulée et n'a été révélée que grâce à l'enquête réalisée par la mission interministérielle d'enquête sur les marchés, dont la transmission le 15 décembre 1997 au procureur de la République marque le point de départ de la prescription ;


"alors que, les faits constitutifs de dissimulation susceptibles de faire échec à la règle générale de prescription du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics, délit instantané, doivent être constatés par les juges du fond par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction ; qu'il résulte de l'ensemble des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que les travaux exécutés courant 1994 par la SCR Brunel en sous- traitance pour le compte de la municipalité de Saint-Rambert-en-Bugey sont des travaux de voirie prévus lors des délibérations du conseil municipal des 29 mars et 18 mai 1994 et, d'autre part, que la municipalité a fait officiellement parvenir à la sous-préfecture des arrêtés de voirie en date des 20 et 29 juin 1994 visant expressément la SCR Brunel ainsi qu'un arrêté du 10 septembre 1994 concernant les secteurs où cette société a travaillé en tant qu'entreprise principale et, qu'en se bornant à énoncer que ces documents n'avaient pu permettre à l'autorité administrative de savoir qu'en réalité cette entreprise réalisait seule l'ensemble des travaux sans s'expliquer sur le contenu de ces documents officiels, la cour d'appel n'a pas, abstraction faite de motifs insuffisants et contradictoires, caractérisé la prétendue dissimulation susceptible de justifier le report du point de départ de la prescription" ;


Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique quant aux faits de favoritisme résultant du fractionnement du marché d'entretien de la voirie de la commune de Saint-Rambert-en-Bugey, décidé par délibération du conseil municipal, en date du 18 mai 1994, et attribué pour un montant de 999.957,52 francs à la SCR Brunel, agissant comme sous-traitante de cinq entreprises, les juges relèvent que l'attribution de ce marché est demeurée occulte, dès lors que le recours à ces entreprises n'avait pas fait l'objet d'une délibération du conseil municipal ni d'aucune commande écrite et que la SCR Brunel intervenait, en tant qu'entrepreneur principal, à la même période, pour des travaux sur une douzaine de sites différents ; qu'ils retiennent que l'envoi à la sous-préfecture des arrêtés de voirie des 20 et 29 juin 1994, pris pour réglementer la circulation au hameau de Blanaz, et visant la SCR Brunel, ainsi que l'arrêté du 10 septembre 1994 concernant des secteurs où cette dernière est intervenue en tant qu'entreprise principale, n'a pu permettre à l'autorité administrative de savoir qu'en réalité cette entreprise réalisait seule l'ensemble des travaux ; que les juges ajoutent que l'attribution des travaux à la SCR Brunel a été dissimulée et n'a été révélée que grâce à l'enquête réalisée par la MIEM dont la transmission au procureur de la République marque le point de départ de la prescription ;


Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstance de la cause, la cour d'appel, qui a caractérisé la dissimulation des actes irréguliers, a justifié sa décision ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-14 du Code pénal, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription invoquée par Jean-Claude X... en ce qui concerne le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics commis par la mise en place d'un marché à bons de commande ayant pour objet de régulariser les opérations réalisées en 1994 ;


"aux motifs que, le délit de favoritisme prévu et réprimé par l'article 432-14 du Code pénal est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du jour où les faits le consommant ont été commis ; que toutefois, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en l'espèce, Jean-Claude X... est poursuivi du chef de ce délit à raison, d'une part, d'une opération de fractionnement d'un marché d'un montant total de 999 957,52 francs entre cinq entreprises différentes qui toutes ont sous-traité la réalisation des travaux à une seule et même entreprise, la société SCR Brunel, et, d'autre part, de l'engagement d'une procédure d'appel d'offres restreint dans le seul but de régulariser l'attribution des travaux confiés en 1994 à la société SCR Brunel pour un montant toutes taxes comprises de 1 384 395,22 francs et qui a donné lieu à passation d'un marché à bons de commandes en février 1995 ; qu'en ce qui concerne cette première série de faits, il résulte des pièces de la procédure ci-dessus analysée que, si le principe de la réalisation des travaux en cause a été adopté par le conseil municipal dans sa séance du 18 mai 1994, la dévolution de leur exécution à cinq entreprises, les sociétés Via France, Etpva, Gerland, Socatra et Pettini n'a pas fait l'objet d'une délibération de la part de cette assemblée ; que les responsables de ces entreprises ont révélé qu'aucune commande écrite n'avait été établie et que l'accord de la commune sur les devis présentés leur avait été donné téléphoniquement par le premier adjoint après que celui-ci les eut sollicités également par téléphone ; que, lorsque les entrepreneurs qui effectuent des travaux d'un montant inférieur au seuil fixé par l'article 321 du Code des marchés publics ont l'intention, comme tel était le cas en l'espèce, de recourir à un sous-traitant, ils doivent conclure un marché avec la collectivité contractante ; que l'absence de marché a permis aux cinq entreprises, qui ont sous-traité la totalité de leurs travaux, de s'abstenir de solliciter l'acceptation de leur sous-traitant, la SCR Brunel et l'agrément des conditions de paiement ; que ces accords de sous-traitance n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun écrit, sauf en ce qui concerne la société Via France qui a dû faire plusieurs demandes pour que la SCR Brunel lui fasse retour de contrat après signature ; que l'attribution réelle des travaux à la SCR Brunel par le biais de cette sous-traitance est restée dissimulée dès lors que le recours au cinq entreprises susvisées n'avait pas fait l'objet d'une délibération et que la SCR Brunel intervenait, en tant qu'entrepreneur principal, à la même période, pour des travaux sur une douzaine de sites différents dont celui de Morgelas où était censée travailler également la société Via France et celui de Blanaz où était censée intervenir aussi la société Socatra ;




qu'en l'état de ces éléments, l'envoi en sous-préfecture des arrêtés de voirie des 20 et 29 juin 1994 pris pour réglementer la circulation au hameau de Blanaz et visant la SCR Brunel et l'arrêté du 10 septembre 1994 qui concerne des secteurs où cette dernière société a travaillé en tant qu'entreprise principale n'a pu permettre à l'autorité administrative de savoir qu'en réalité cette entreprise réalisait seule l'ensemble des travaux ; que ces circonstances doivent faire considérer que l'attribution des travaux à la société SCR a été dissimulée et n'a été révélée que grâce à l'enquête réalisée par la mission interministérielle d'enquête sur les marchés, dont la transmission le 15 décembre 1997 au procureur de la République marque le point de départ de la prescription ; que sont interruptifs de prescription les actes de poursuite qui ont pour objet de constater les délits et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs ; que tel est le cas, en l'espèce, du soit-transmis, en date du 2 janvier 1998, par lequel le procureur de la République, au vu de l'enquête réalisée par la mission interministérielle d'enquête sur les marchés, a saisi le SRPJ de Lyon aux fins d'enquête ; en ce qui concerne les autres faits reprochés au prévenu, que le point de départ de la prescription se situe le 6 avril 1995, date à laquelle la commission d'appel d'offres restreint, sous la présidence de Jean-Claude X..., a retenu la SCR Brunel en vue de la passation d'un marché à bons de commande portant sur l'entretien et l'amélioration des voiries communales pour un montant de 200 000 francs minimum et de 1 500 000 francs maximum, au terme d'une procédure entachée d'irrégularités formelles révélatrices du but poursuivi qui était de permettre le règlement à la SCR Brunel des travaux qu'elle avait déjà exécutés en 1994 ;




"alors qu'en matière de délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics, pour la fixation du point de départ de la prescription, il n'y a pas lieu de tenir compte des actes d'exécution de la décision initiale ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt que, dès l'envoi en sous- préfecture des arrêtés de voirie des 20 et 29 juin 1994 pris pour réglementer la circulation au hameau de Blanaz et visant la SCR Brunel et de l'arrêté du 10 septembre 1994 qui concerne les secteurs où cette société a travaillé en tant qu'entreprise principale, l'autorité publique était en mesure de savoir que la commune de Saint-Rambert-en-Bugey avait d'ores et déjà décidé que cette entreprise réalisait seule l'ensemble des travaux décidés par la commune suivant délibérations des 29 mars et 18 mai 1994 et que la décision de la commission d'appel d'offres restreint en date du 6 février 1995, qui n'a fait qu'entériner les accords antérieurs, n'a constitué qu'un acte d'exécution des précédentes décisions et qu'en cet état, en fixant le point de départ de la prescription pour les autres faits reprochés au prévenu à la date du 6 avril 1995, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 432-14 du Code pénal et 7 et 8 du Code de procédure pénale" ;




Attendu que le moyen est devenu inopérant par suite du rejet du premier moyen ;


Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 du protocole n 7 annexé à cette Convention, 432-14 du Code pénal, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de la règle non bis in idem ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics pour avoir :


- en permettant la réalisation de travaux de voirie sur l'ensemble du territoire de la commune de Saint-Rambert-en-Bugey pour un montant total de 2 000 000 francs, sans commande ni appel d'offre, ni rédaction d'un marché, ces travaux étant, sous couvert de l'attribution à cinq entreprises différentes, sous-traités à l'entreprise SCR Brunel (opération de fractionnement) ,


- en lançant ultérieurement un appel d'offre restreint qui n'y avait dès lors pour seule vocation que de régulariser les opérations réalisées auparavant, c'est-à-dire en attribuant à la SCR Brunel un marché fictif à hauteur du solde des factures dues (mise en place d'un marché de régularisation) ;


"alors qu'un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes et que les deux chefs de prévention dont la cour d'appel était saisie étant, pour partie au moins, identiques dans leurs éléments légaux et matériels, le montant des travaux visés dans le premier chef de la prévention incluant le montant du marché visé dans le deuxième chef de prévention, la cour d'appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs et méconnaître le principe susvisé, qui est un élément essentiel du procès équitable, prononcer une double déclaration de culpabilité à l'encontre de Jean-Claude X..." ;


Attendu que le demandeur est sans intérêt à reprocher à la cour d'appel d'avoir prononcé à son encontre une double déclaration de culpabilité du chef de favoritisme, pour des faits en partie identiques, dès lors que, conformément à l'article 132-3 du Code pénal, une seule peine a été prononcée ;


D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;


Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 432-14 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense, excès de pouvoir ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics au titre du marché de régularisation qui a été attribué à la société Brunel le 6 avril 1995 ;


"aux motifs que le procès-verbal d'appel d'offre restreint ne mentionne pas les raisons de l'éviction de sept candidats et qu'il n'a pas été fait mention dans ce procès-verbal des certificats, attestations et déclarations prévus aux articles 50 et 55 du Code des marchés publics, dont la présence est obligatoire ;


"alors que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur sont déférés par l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a saisis à moins de comparution volontaire, dûment constatée par eux, du prévenu sur ces faits distincts et que la prévention ne visant pas l'existence d'irrégularité formelle dans la procédure de passation des marchés, la Cour d'appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, les prendre en considération dans sa décision en-dehors de toute comparution volontaire sur ce point de Jean-Claude X..." ;


Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir statué sur des faits de favoritisme résultant de l'attribution irrégulière du marché d'entretien de la voirie à la SCR Brunel, dont elle n'était pas saisie, dès lors que les poursuites visaient la passation d'un marché fictif de régularisation, qui, par nature, est contraire aux dispositions du Code des marchés publics et caractérise le délit prévu par l'article 432-14 du Code pénal ;


Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;


Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 et 432-14 du Code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics pour avoir :


- en permettant la réalisation de travaux de voirie sur l'ensemble du territoire de la commune de Saint-Rambert-en-Bugey pour un montant total de 2 000 000 francs, sans commande ni appel d'offre, ni rédaction d'un marché, ces travaux étant, sous couvert de l'attribution à cinq entreprises différentes, sous-traitées à l'entreprise SCR Brunel (opération de fractionnement),


- en lançant ultérieurement un appel d'offre restreint qui n'avait dès lors pour seule vocation que de régulariser les opérations réalisées auparavant, c'est-à-dire en attribuant à la SCR Brunel un marché fictif à hauteur du solde des factures dues (mise en place d'un marché de régularisation) ;


"alors que, selon l'article 28 du nouveau Code des marchés, résultant du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004, publié au journal officiel le 8 janvier suivant, les marchés de travaux dont le seuil est compris entre 230 000 euros et 5 900 000 euros sont passés, au choix de la personne responsable du marché, selon la procédure soit de l'appel d'offres, soit du marché négocié avec publicité et mise en concurrence, soit du dialogue compétitif ; qu'en l'état de ce nouveau texte qui modifie l'incrimination dans un sens favorable au prévenu, puisque le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats ne suppose plus dorénavant la constatation de l'absence de recours à la procédure de l'appel d'offres, l'arrêt attaqué encourt l'annulation" ;


Attendu que le demandeur ne saurait se prévaloir de l'application rétroactive de l'article 28 du nouveau Code des marchés publics résultant du décret du 7 janvier 2004, les conditions de passation des marchés, dès lors que modifiant la disposition législative, support légal de l'incrimination, est demeurée inchangée ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Roger conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : Mme Lambert ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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