23 novembre 1994
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-81.605

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

JUGEMENTS ET ARRETS - incidents contentieux relatifs à l'exécution - définition - urbanisme - construction sans permis ou non conforme - démolition et recouvrement de l'astreinte - juridiction les ayant ordonnés - difficulté d'exécution - permis de construire - démolition, mise en conformité ou réaffectation du sol - mesures prévues par l'article l. 480 - 5 du code de l'urbanisme - mesures soumises à la prescription de la peine (non) - caractère - caractère réel - sanctions pénales (non) - astreinte - astreinte prévue par l'article l. 480 - 7 du code de l'urbanisme - délai imparti - expiration - condamnation sous astreinte - recouvrement - décès du condamné

La juridiction pénale dont émane la condamnation est compétente, en application de l'article 710 du Code de procédure pénale, pour connaître des difficultés d'exécution relatives à la poursuite de l'ordre de démolition et au recouvrement de l'astreinte après le décès du condamné.

Texte de la décision

REJET du pourvoi formé par :

- X... Jeannette,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 19 novembre 1992, qui a statué sur les difficultés d'exécution d'un précédent arrêt de ladite cour d'appel du 10 novembre 1972.



LA COUR,



Vu le mémoire produit ;



Attendu que, par un précédent arrêt du 10 novembre 1972, devenu définitif, la cour d'appel a ordonné, sous astreinte, et dans un délai de 6 mois, la démolition d'une villa et d'un hangar qu'Albert X..., déclaré coupable de défaut de permis de construire, avait édifiés irrégulièrement ;



Attendu qu'Albert X... est décédé le 9 mai 1989 sans avoir satisfait à cette mesure ; que l'astreinte prononcée a alors été liquidée et mise en recouvrement à l'encontre de son épouse, Jeannette X... ;



Attendu que cette dernière a présenté requête à la cour d'appel, sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale, en invoquant la prescription de la mesure ordonnée par application de l'article 764 du même Code et la nullité du commandement qui lui a été signifié à défaut de mise en demeure des autres héritiers d'Albert X... décédé ;



En cet état ;



Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 593 et 764 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :



" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Mme X... tendant à ce que la Cour constate la prescription des dispositions de l'arrêt rendu par elle le 10 novembre 1972, condamnant Albert X... à démolir sous astreinte deux ouvrages irrégulièrement construits ;



" aux motifs que la mesure de démolition d'un ouvrage irrégulièrement édifié est une mesure à caractère réel destiné à faire cesser une situation illicite ; que l'astreinte dont peut être assorti cet ordre de démolition constitue une mesure comminatoire destinée à contraindre à exécution le débiteur d'une obligation de faire et qui, selon l'article L. 480-7 du Code de l'urbanisme, court jusqu'au jour où l'ordre sera complètement exécuté ; que dans ces conditions, l'astreinte peut frapper les ayants cause du délinquant et que l'article 764 du Code de procédure pénale relatif à la prescription des peines ne lui est pas applicable ;



" alors que la démolition, mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, constitue une sanction complémentaire qui échappe aux dispositions étrangères au droit pénal et à la procédure pénale, notamment en ce qui concerne la fixation des délais de prescription dont la durée est celle des peines correctionnelles de droit commun et que l'astreinte dont est assorti cet ordre de démolition, laquelle n'est pas une peine civile, obéit au même régime de prescription ; qu'en jugeant l'article 764 du Code de procédure pénale inapplicable à une telle astreinte, la cour d'appel a violé les textes mentionnés ci-dessus " ;



Attendu que, pour écarter la requête de Jeannette X... en ce qu'elle soutenait que la mesure de démolition ordonnée était prescrite en vertu de l'article 764 du Code de procédure pénale, la juridiction du second degré retient que l'astreinte, qui est destinée à contraindre le débiteur à exécuter son obligation, a un caractère comminatoire et court, selon l'article L. 480-7, alinéa 2, du Code de l'urbanisme, jusqu'au jour où l'ordre sera complètement exécuté ;



Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;



Qu'en effet, la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, leur démolition ou la réaffectation du sol prévues par l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite mais non des sanctions pénales et qu'elles ne sont dès lors pas soumises à la prescription de la peine ;



D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;



Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 870, 871, 873 et 1220 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :



" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Mme X... tendant à ce que la Cour constate la nullité du commandement signifié le 21 octobre 1990 ;



" aux motifs que ce commandement a été régulièrement délivré à Mme X... en sa qualité d'ayant cause d'Albert X... et de propriétaire indivise des ouvrages irrégulièrement édifiés ;



" alors qu'une astreinte due en exécution d'une décision judiciaire définitive prononcée sur le fondement de l'article L. 480-7 du Code de l'urbanisme constitue une dette successorale divisible au paiement de laquelle les héritiers ne sont tenus qu'à concurrence de leur part dans la succession, en sorte qu'en cas de pluralité d'héritiers, le Trésor public ne peut délivrer à l'un d'entre eux un commandement de payer la totalité d'une astreinte prononcée à l'encontre du défunt ; qu'en se bornant pour déclarer régulier le commandement délivré à Mme X... à retenir sa qualité d'ayant cause d'Albert X... et de propriétaire indivise des ouvrages irrégulièrement édifiés, sans rechercher comme elle y était invitée par les conclusions de Mme X..., si la dette mentionnée dans ce commandement ne correspondait pas à la totalité de la dette et ne devait pas être divisée entre les cohéritiers, la Cour n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision " ;



Attendu que, pour écarter la requête de Jeannette X... en ce qu'elle invoquait la nullité du commandement à défaut de mise en demeure de ses cohéritiers, les juges retiennent que ce commandement, qui a été signifié à Jeannette X... en sa qualité d'ayant cause de son conjoint et de propriétaire indivise des ouvrages, est régulier ;



Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, l'obligation de démolir à laquelle Albert X... était tenu étant indivisible par nature, son exécution par la voie de l'astreinte pouvait être poursuivie contre l'un quelconque de ses ayants cause, sous réserve du recours de celui-ci contre ses cohéritiers ;



D'où il suit que le moyen doit être écarté ;



Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;



REJETTE le pourvoi.

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