25 avril 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-80.931

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

INSOLVABILITE FRAUDULEUSE - eléments constitutifs - elément matériel - agissements ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité - dissimulation de l'activité de gérant de fait de société - constatations insuffisantes

Doit être cassé pour insuffisance de motifs l'arrêt qui, pour déclarer coupable un débiteur de pension alimentaire d'avoir organisé frauduleusement son insolvabilité, au sens des dispositions de l'article 314-7 du code pénal, retient qu'il a obtenu la suspension du paiement de cette pension en dissimulant, au juge des affaires familiales, son activité de gérant de fait de société.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, et de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


- X... Patrick,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 2005, qui, pour organisation frauduleuse d'insolvabilité, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;


Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 314-7 du Code pénal, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et l'a condamné, en répression, à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve ainsi qu'à des réparations civiles ;


"aux motifs qu' "il est constant, ainsi qu'il résulte des publicités qu'il a lui-même diffusées, exposant l'activité de l'agence privée de recherches qu'il gère de fait, depuis plusieurs années, et sur toute la région, que Patrick X... exerçait une activité et possédait de réelles disponibilités pour travailler et donc servir une pension alimentaire au bénéfice de ses enfants ;


""publicités diffusées dès le mois de juin 2002 ;


""tandis que le prévenu comparaît parallèlement devant la Cour du chef de travail illégal, pour la dissimulation de son entreprise et la dissimulation de plusieurs salariés depuis le fin 2001 ; il ressort même d'un constat, produit par le prévenu lui-même, que, dès juin 2001, il exerçait des activités bénévoles de directeur du centre SPA de Bayonne, ce qui jette pour le moins un doute sur l'incapacité de travailler de Patrick X... ;


""dès lors, en prétendant à l'audience du 18 juin 2002 devant le juge aux affaires matrimoniales, tandis qu'il n'a depuis plus laissé d'adresse utile, il avait, dit-il, dû partir au Portugal, qu'il ne disposait de ressources autres qu'une allocation adulte handicapé, le prévenu a commis le délit prévu par l'article 314-7 du Code pénal" ;


"alors, d'une part, que l'article 314-7 du Code pénal n'incrimine que le fait pour un débiteur de se soustraire à l'exécution d'une condamnation patrimoniale prononcée notamment par une juridiction civile en matière d'aliments ;


"d'où il résulte qu'en se bornant à relever que Patrick X... avait prétendu lors de l'audience devant le juge aux affaires familiales qu'il n'avait d'autres revenus qu'une allocation adulte handicapé, sans constater l'existence d'une condamnation valant titre exécutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


"alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever que Patrick X... possédait de réelles disponibilités pour travailler, avait exercé des activités bénévoles et comparaissait parallèlement du chef de travail illégal pour dissimulation de son entreprise, la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi il percevait des revenus qu'il aurait dissimulés" ;


Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;


Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;


Attendu que, pour confirmer le jugement déclarant Patrick X... coupable d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que le prévenu, qui bénéficiait d'une allocation d'adulte handicapé, pour obtenir la suspension, par le jugement de divorce du 15 octobre 2002, du paiement de la pension alimentaire mise à sa charge par l'ordonnance de non-conciliation du 20 septembre 2001, a dissimulé, au cours de l'audience du juge aux affaires matrimoniales du 18 juin 2002, qu'il exerçait l'activité de gérant de fait d'une société commerciale et qu'il possédait de réelles disponibilités pour travailler et servir une pension alimentaire au bénéfice de ses enfants ;


Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il ne résulte pas que Patrick X... ait frauduleusement organisé son insolvabilité au sens de l'article 314-7 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;


D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,


CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 27 janvier 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,


RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;


ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;


Avocat général : M. Di Guardia ;


Greffier de chambre : Mme Krawiec ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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