14 mai 1990
Cour de cassation
Pourvoi n° 89-85.581

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ESCROQUERIE - faux nom ou fausse qualité - caractère déterminant - recherche nécessaire - fausse qualité - agent commercial

Selon l'article 405 du Code pénal, l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, modalité d'exécution du délit d'escroquerie, ne caractérise ledit délit que s'il a été déterminant de la remise des fonds. Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable de délit d'escroquerie, se borne à relever qu'il a fait usage de la fausse qualité d'agent commercial, sans rechercher si ledit usage avait été déterminant de la remise des fonds (1).

Texte de la décision

CASSATION sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 1989 qui l'a condamné, pour escroqueries, à 6 mois d'emprisonnement, et qui a prononcé sur les réparations civiles.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable du délit d'escroquerie ;

" aux motifs adoptés des premiers juges, que courant juin et juillet 1987, le demandeur prétendant agir pour le compte de la société IBC se présentait généralement aux heures de pointe, chez des commerçants, leur proposant la location d'une machine à crème glacée ; qu'il sollicitait ensuite le versement d'une caution de 16 740 francs ou 18 600 francs destinée à garantir la restitution de l'appareil à l'issue de la période estivale ; qu'en réalité, il faisait signer aux commerçants des contrats de vente, les chèques de " caution " versés par ses clients étant assimilés à des acomptes sur le prix de la machine ; que pour le cas de la victime Y..., il apparaît qu'un tiers accompagnait le demandeur et acquiesçait à ses propos ; que selon la Cour, en raison des condamnations mentionnées sur son casier judiciaire, X... était frappé d'une incapacité de vendre qui, si elle n'était pas dissimulée à la société IBC pour le compte de laquelle il plaçait en vente des machines à glace Corvette sous le couvert d'un contrat d'agent commercial passé entre la société et sa concubine, était cachée aux clients pour lesquels il effectuait le contrat de vente ; que le mensonge portant sur la fonction ou la profession est une fausse qualité, élément constitutif de l'escroquerie ; qu'à tort, ce délit a été écarté par le Tribunal pour les opérations relevées à l'égard de Z..., A..., B..., C... et D... ; que le demandeur doit être reconnu coupable de ces escroqueries à l'égard de chacune des personnes auprès desquelles il avait placé une machine à glace pour le compte d'IBC ;

" alors, d'une part, que l'usage d'une fausse qualité comme l'abus de qualité vraie n'est constitutif de manoeuvres frauduleuses que lorsque la qualité invoquée est de nature à donner une apparence de sincérité à des allégations mensongères et à commander la confiance de la victime ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le demandeur a fait usage de la fausse qualité d'agent commercial ; qu'il s'agit là d'une simple allégation mensongère, insusceptible de caractériser l'escroquerie ;

" alors, d'autre part, que l'intervention d'un tiers qui n'est que le porte-parole de l'auteur du mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des premiers juges confirmées par la Cour que le demandeur s'était fait accompagner d'un tiers qui acquiesçait à ses propos auprès de M. Y...; que pareille circonstance ne permet pas d'induire l'existence d'une manoeuvre frauduleuse propre à caractériser le délit d'escroquerie ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" alors, enfin, que les juges ne peuvent considérer que l'usage d'une fausse qualité et l'emploi de manoeuvres frauduleuses constituent le délit d'escroquerie sans constater ou sans qu'il puisse se déduire de leurs constatations que cet abus et ces manoeuvres ont été déterminantes de la remise des fonds ; que, par suite, la Cour qui n'a pas précisé en quoi les mensonges du demandeur avaient pu les déterminer à acquérir la machine à crème glacée a privé sa décison de base légale " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction dont il déclare le prévenu coupable ;

Attendu que pour déclarer Bernard X... coupable de six escroqueries, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que le prévenu a pris la fausse qualité d'agent commercial dans six contrats de vente en donnant à croire qu'il s'agissait de locations et que les chèques tirés à cette occasion en paiement de la marchandise l'étaient à titre de cautionnement ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations dont il ne résulte pas que l'usage de la fausse qualité avait été déterminante de la remise des fonds, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de la décision ;

Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 7 septembre 1989 et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.