8 janvier 1992
Cour de cassation
Pourvoi n° 91-81.689

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

COUR D'ASSISES - composition - assesseurs - assesseurs supplémentaires - désignation - magistrat placé auprès du premier président d'une cour d'appel - procédure antérieure aux débats - communication des pièces au conseil de l'accusé - pièces à conviction (non) - droits de la defense - débats - expertise - expert - serment - formule - formule de l'article 331 du code de procédure pénale - serment prêté de façon erronée dans ces termes - effet - audition à l'audience - serment de l'article 331 du code de procédure pénale - observations des parties - absence - convention europeenne des droits de l'homme - article 6 - droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - transport sur les lieux - arrêt incident rejetant la demande - arrêts - arrêt incident - motifs - motifs ne préjugeant pas le fond - arrêt rejetant une demande de transport sur les lieux

Il résulte de l'article 3-1, alinéa 4, de l'ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qu'un magistrat du siège placé auprès du premier président en application de l'article 1.2° du même texte exerce, à défaut d'être chargé d'un remplacement temporaire dans un autre Tribunal, ses fonctions au tribunal du siège de la cour d'appel à laquelle il est rattaché ; il a donc qualité, au regard de l'article 249 du Code de procédure pénale, pour être désigné comme assesseur supplémentaire à la cour d'assises du département, siège de ladite cour d'appel (1).

Texte de la décision

REJET des pourvois formés par :

- X... Simone,

- X... Madeleine, veuve Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, en date du 28 février 1991, qui les a condamnées, la première à 20 ans de réclusion criminelle pour meurtre, faux en écriture authentique, complicité de faux en écriture authentique, vol, recel de vols, usage de fausses plaques minéralogiques, détention d'explosifs, faux en écriture privée, complicité et usage de faux en écriture privée, complicité et usage de faux certificat, la seconde à 2 ans d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis pour recel de vol et destruction de documents privés de nature à faciliter la recherche des crimes et délits, la découverte des preuves ou le châtiment de leur auteur, ainsi que sur le pourvoi formé par X... Simone, contre l'arrêt de la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, en date du 15 avril 1991, par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Simone et Madeleine X... pris de la violation des articles 248, 249 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que Mlle Muriel Durand a assisté aux débats de la cour d'assises en qualité d'assesseur supplémentaire ;

" alors qu'aux termes de l'article 249 du Code de procédure pénale, les assesseurs de la cour d'assises sont choisis, soit parmi les conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents, vices-présidents ou juges du tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises ; que la règle est applicable aussi bien aux assesseurs supplémentaires qu'aux assesseurs ; qu'il résulte, tant des énonciations de l'ordonnance de M. le premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 20 décembre 1990, que du procès-verbal des débats, que Mlle Muriel Durand avait la qualité de juge placé auprès du premier président de la cour d'appel de Nancy et que, dès lors, la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer que ce magistrat remplissait les conditions requises pour assumer au cours des débats, les fonctions qui ont été les siennes avec les prérogatives qu'elles comportent " ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'assises qui a jugé les accusées était régulièrement composée ;

Qu'en effet, il résulte du 4e alinéa de l'article 3-1 de l'ordonnance modifiée du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, qu'un magistrat du siège placé comme l'était Mlle Durand auprès du premier président de la cour d'appel, en application de l'article 1. 2° du même texte, exerce, à défaut d'être chargé d'un remplacement temporaire dans un autre Tribunal, ses fonctions au Tribunal du siège de la cour d'appel à laquelle il est rattaché ;

Qu'il s'ensuit qu'exerçant ses fonctions au tribunal de grande instance de Nancy, faute d'avoir été affectée à un autre Tribunal, Mlle Durand avait qualité, au regard de l'article 249 du Code de procédure pénale, pour être choisie comme assesseur supplémentaire à la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle ;

Qu'au demeurant, ce magistrat n'a pas pris part aux délibérations ;

Que le moyen ne saurait donc être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Simone X... et pris de la violation des articles 271 et 278 du Code de procédure pénale, de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe du contradictoire, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce qu'il résulte de l'arrêt de donné acte de la Cour, en date du 17 janvier 1991, que le dossier médical de Bernard Z... à la clinique traumatologique de Nancy n'a pas été présenté à la défense lorsque celle-ci a demandé à examiner les pièces à conviction au greffe de la cour d'appel où elles avaient été conduites, en application des dispositions de l'article 271 du Code de procédure pénale ;

" alors, d'une part, qu'en application de l'article 278 du Code de procédure pénale, toutes les pièces dont il est fait état doivent être communiquées à la défense, sur sa demande, avant l'ouverture des débats ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour que le ministère public n'a pas contesté que le dossier précité qui était une pièce essentielle aux droits de la défense, compte tenu des faits a été soustrait à l'examen des avocats de Mme Simone X... et que, dès lors, les droits de la défense ont été gravement méconnus ;

" alors, d'autre part, qu'ainsi que le soutenait Mme Simone X... dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, la défense n'avait pu accéder à ces pièces au cours de l'information ; qu'il résulte du procès-verbal des débats, que, compte tenu de l'ordre dans lequel les témoins et experts ont été entendus par la cour d'assises, l'ensemble des dossiers médicaux de Bernard Z... n'a été présenté par le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire à la Cour, au jury, au ministère public, aux parties civiles et à l'accusée, que le 19 février 1991 (procès-verbal p. 80) c'est-à-dire après un mois de débats ; qu'il ne saurait donc être utilement objecté que la défense a eu, au cours des débats, la possibilité de prendre connaissance des pièces incriminées et que le principe du contradictoire a été violé de façon flagrante ;

" alors, enfin, que le principe du procès équitable, édicté par l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, suppose nécessairement que les règles du droit interne édictées dans l'intérêt de la défense soient effectivement respectées ; que la possibilité pour la défense d'obtenir communication de l'ensemble des pièces avant l'ouverture des débats est essentielle pour que le procès devant la cour d'assises soit équitable... ; que le donné acte par la Cour au défenseur de l'accusée Simone X..., dès que le jury de jugement a été définitivement constitué suffit à établir la violation des droits de la défense et du principe du procès équitable, en sorte que la cassation est encourue " ;

Attendu qu'il appert du procès-verbal des débats et des pièces de la procédure que, dès que le jury de jugement a été définitivement constitué, la défense de Simone X... a déposé des conclusions demandant notamment qu'il lui soit donné acte que le greffe s'était trouvé dans l'impossibilité de mettre à sa disposition, entre l'arrêt de renvoi devenu définitif et l'ouverture des débats, des documents médicaux de la clinique de traumatologie concernant Bernard Z..., saisis comme pièces à conviction et placés sous scellés le 14 octobre 1986 ; qu'après débat contradictoire, la Cour a rendu un arrêt incident donnant acte à la défense de ce que ces documents ne lui avaient pas été présentés ;

Attendu qu'en cet état, et alors qu'il n'est pas contesté que le dossier médical saisi a ultérieurement été présenté à toutes les parties, les accusées, qui ont eu la parole en dernier, n'ayant formulé aucune observation, il ne saurait être allégué aucune violation des textes visés au moyen ; qu'il résulte, en effet, des dispositions combinées des articles 271, 278 et 341 du Code de procédure pénale que doivent être mises à la disposition de la défense, durant la phase préparatoire aux sessions d'Assises, les seules pièces du dossier, à l'exclusion des pièces à conviction ;

Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Simone X... pris de la violation des articles 156 et suivants, 168 et 331 du Code de procédure pénale :

" en ce que M. Henri A... a été entendu en qualité de témoin par la cour d'assises après avoir prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ;

" alors que tout homme de l'art auquel une autorité judiciaire a donné mission de procéder à des opérations et examens d'ordre technique et d'en interpréter les résultats est un expert et doit, en tant que tel, prêter, devant la juridiction de jugement, le serment prescrit à l'article 168 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats (p. 18) que M. A... avait été désigné sur une réquisition pour indiquer la nature, l'origine et la provenance de bâtons de dynamite ; qu'une telle mission n'entre pas dans le cadre de simples constatations mais implique une interprétation des résultats ; que, dès lors, M. A... devait prêter le serment des experts et non celui des témoins, en sorte que la cassation est encourue " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Simone X... et pris de la violation des articles 156 et suivants, 168 et 331 du Code de procédure pénale :

" en ce que M. Jacques B... a été entendu en qualité de témoin par la cour d'assises après avoir prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ;

" alors que tout homme de l'art auquel une autorité judiciaire a donné mission de procéder à des opérations et examens d'ordre technique et d'en interpréter les résultats est un expert et doit, en tant que tel, prêter, devant la juridiction de jugement, le serment prescrit à l'article 168 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats (p. 33) que M. B... avait été désigné par commission rogatoire pour procéder à des comparaisons de signature ; qu'une telle mission n'entre pas dans le cadre de simples constatations mais implique, à l'évidence, une interprétation des résultats, la comparaison supposant, nécessairement, un travail intellectuel spécifique qui nécessite une appréciation des faits ; que, dès lors, M. B... devait prêter le serment des experts et non celui des témoins, en sorte que la cassation est encourue " ;

Et sur le quatrième moyen de cassation proposé par Simone X... pris de la violation des articles 156 et suivants, 168 et 331 du Code de procédure pénale :

" en ce que M. Alain C... a été entendu en qualité de témoin par la cour d'assises après avoir prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ;

" alors que tout homme de l'art auquel une autorité judiciaire a donné mission de procéder à des opérations et examens d'ordre technique et d'en interpréter les résultats est un expert et doit, en tant que tel, prêter devant la juridiction de jugement, le serment prescrit par l'article 168 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats (p. 73) que M. C... devait prêter le serment des experts et non celui des témoins, en sorte que la cassation est encourue " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que le procès-verbal des débats relate que les témoins A..., B... et C... ont été entendus après avoir prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale alors qu'ils avaient la qualité d'expert ;

Que, toutefois, le serment qu'en l'espèce ils ont accepté de prêter, sans observations des parties, impliquait celui d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience, ainsi que le prescrit l'article 168 dudit Code ;

Que les moyens ne sauraient donc être accueillis ;

Sur le sixième moyen de cassation proposé par Simone X... : (sans intérêt) ;

Sur le septième moyen de cassation proposé par Simone X... : (sans intérêt) ;

Sur le huitième moyen de cassation proposé par Simone X... et pris de la violation de l'article 316 du Code de procédure pénale, de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de l'oralité des débats, ensemble violation des droits de la défense :

" en ce que la cour d'assises a rejeté la demande de transport sur les lieux sollicitée par la défense ;

" aux motifs qu'en l'état des débats, la Cour estime qu'ont été recueillis sur les lieux, objet de la requête, des éléments d'information suffisants pour permettre dans le cadre d'un procès équitable, la manifestation de la vérité ;

" alors, d'une part, que devant la cour d'assises le débat doit être oral et qu'il résulte de l'ensemble des énonciations du procès-verbal des débats que les éléments d'information sur les lieux, recueillis au cours des débats, ont consisté essentiellement en la présentation à la Cour et au jury par le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des pièces de la procédure écrite et notamment d'albums photographiques d'état des lieux comportant nécessairement des légendes sans qu'il en soit donné lecture ; que, dès lors, l'arrêt de la Cour qui s'est essentiellement référé pour motiver sa décision, aux pièces de la procédure écrite, encourt la censure pour violation du principe susvisé ;

" alors, d'autre part, que le procès équitable au sens de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique le droit pour tout accusé en matière criminelle, d'obtenir le transport sur les lieux du crime prétendu du Tribunal chargé de le juger " ;

Attendu que le procès-verbal des débats constate qu'à l'audience du 22 février 1991, soit 3 semaines après le début du procès, la défense a déposé des conclusions demandant à la Cour d'ordonner son transport au lieu mentionné dans l'arrêt de renvoi comme étant celui où l'accusée Simone X... était présumée avoir donné la mort à Bernard Z... ;

Que, par arrêt incident, la Cour a rejeté cette demande au motif " qu'en l'état des débats, la Cour estime qu'ont été recueillis sur les lieux, objet de la requête, des éléments d'information suffisants pour permettre dans le cadre d'un procès équitable la manifestation de la vérité " ;

Attendu qu'en l'état de cette appréciation souveraine, et alors qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que l'instruction à l'audience avait révélé des éléments nouveaux de nature à justifier la mesure de transport sollicitée, il n'a été porté atteinte ni au principe de l'oralité des débats ni à celui de l'égalité des chances entre les parties ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le neuvième moyen de cassation proposé par Simone X... :

(sans intérêt) ;

Sur le dixième moyen de cassation proposé par Simone X... et Madeleine X... : (sans intérêt) ;

Sur le onzième moyen de cassation proposé par Simone X... : (sans intérêt) ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

REJETTE les pourvois.

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