14 janvier 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-30.086

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C100054

Titres et sommaires

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - dommage - réparation - aggravation de l'état de la victime - conditions - détermination - avocat - responsabilité - faute - décision de rejet d'indemnisation par un centre hospitalier du préjudice de sa cliente - contestation hors délai - perte d'une chance d'obtenir une indemnisation de l'aggravation de son préjudice - lien de causalité

Une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage et le préjudice initialement indemnisé ont pu être déterminés. Justifie en conséquence légalement sa décision, la cour d'appel qui retient que la faute commise par l'avocat ayant omis de contester, dans le délai imparti, la décision de rejet d'indemnisation, par un centre hospitalier, du préjudice allégué par sa cliente, a privé celle-ci d'une chance d'être indemnisée des conséquences de l'aggravation de son état, dès lors que le rejet, par le juge administratif, de la demande d'expertise complémentaire, était motivé par l'irrecevabilité du recours formé contre la décision du centre hospitalier refusant la demande d'indemnisation du préjudice initial, cette décision définitive écartant toute responsabilité du centre hospitalier

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 octobre 2014), que Mme X..., quelques jours après sa sortie d'un centre hospitalier, a présenté un accident vasculaire cérébral dont elle a conservé des séquelles ; que, reprochant au centre hospitalier de ne pas lui avoir prodigué les soins nécessaires, elle lui a demandé réparation de son préjudice ; que M. A..., avocat, a omis de contester la décision de rejet dans le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que, se prévalant d'une aggravation de son état, Mme X...a sollicité une nouvelle expertise qui a été rejetée par une décision non frappée d'appel ; qu'estimant avoir été privée de toute indemnisation par la faute de son avocat, Mme X...l'a assigné ainsi que son assureur, la société Allianz, en indemnisation et désignation d'un nouvel expert ;

Attendu que M. A... et la société Allianz font grief à l'arrêt de retenir la responsabilité de celui-ci, alors, selon le moyen :

1°/ que l'auteur d'une faute répond du seul dommage que celle-ci a causé ; que, pour juger que M. A... avait fait perdre à Mme X...une chance d'être indemnisée de l'aggravation de son dommage, la cour d'appel a retenu que la décision du 20 septembre 2010, par laquelle le tribunal administratif avait rejeté la demande de Mme X..., était motivée par le caractère tardif de la requête initiale dont M. A... portait la responsabilité ; qu'en retenant ainsi l'existence d'un lien causal direct entre la faute de M. A... et le dommage de sa cliente, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la décision d'irrecevabilité prise par le tribunal administratif ne procédait pas d'une erreur de droit, et si cette erreur, sans lien nécessaire avec la faute de M. A..., n'était pas la cause exclusive du dommage subi par Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'auteur d'une faute répond du seul dommage que celle-ci a causé ; que, pour juger que M. A... avait fait perdre à Mme X...une chance d'être indemnisée de l'aggravation de son dommage, la cour d'appel a également retenu que la circonstance que Mme X...n'avait pas exercé de recours contre la décision de rejet de sa requête était inopérante ; qu'en retenant le rôle causal de la faute de M. A..., cependant que la décision de Mme X...de ne pas faire appel de la décision du 20 septembre 2010, était, avec l'erreur de droit dont cette décision était entachée, la cause exclusive de son dommage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient que la faute commise par M. A... a privé Mme X...d'une chance d'être indemnisée des conséquences de l'aggravation de son état, dès lors que le rejet, par la juridiction administrative statuant en référé, de la demande d'expertise complémentaire était motivé par l'irrecevabilité du recours formé contre la décision du centre hospitalier refusant la demande d'indemnisation du préjudice initial, cette décision définitive écartant toute responsabilité du centre hospitalier ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, dès lors qu'une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage et le préjudice initialement indemnisé ont pu être déterminés ;

Attendu, ensuite, que Mme X...n'a commis aucune faute en s'abstenant de contester la décision du juge des référés, laquelle n'était manifestement pas entachée d'une erreur de droit, l'exercice d'un tel recours étant voué à l'échec ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. A... et la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. A... et la société Allianz IARD à payer à Mme X...la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. A... et la société Allianz IARD

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir retenu la responsabilité de Maître Gilles A... à l'égard de Mme X..., pour l'avoir privée d'une chance d'être indemnisée de l'aggravation de son dommage dans le cadre d'une instance administrative ;

AUX MOTIFS QU'il résulte notamment du certificat médical établi le 2 juin 2010 par le docteur Y..., que l'état de santé de Mme X...s'est aggravé depuis l'expertise réalisée par le professeur Z..., par des troubles cognitifs résultant de lésions thalamiques imputables, selon ce praticien, à la thrombophlébite cérébrale dont cette patiente a été victime ; que la requête que Mme X...a présentée devant la juridiction administrative en vue d'obtenir la mise en oeuvre d'un mesure d'expertise complémentaire relative à cette aggravation a été rejetée par ordonnance du 20 septembre 2010 au motif que cette demande se rattachait au litige qui avait déjà donné lieu à une décision de rejet en raison de la tardiveté de la requête initiale ; qu'il apparaît donc que cette décision de rejet est bien motivée par le caractère tardif de la requête initiale dont Maître A... porte la responsabilité ; qu'il s'ensuit que, dans l'hypothèse où la mesure d'expertise ordonnée de ce chef par les premiers juges confirmerait la réalité de l'aggravation de l'état de santé de Mme X...et l'imputabilité de cette aggravation à l'accident vasculaire du 2 mars 2001 (et non 2002 comme mentionné par erreur dans le dispositif du jugement entrepris relatif à la mission d'expertise) la faute de Maître A... aurait également privé Mme X...d'une chance d'être indemnisée des conséquences de cette aggravation ; que Maître A... ne saurait donc s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée et demander d'ores et déjà à la cour de l'exonérer de sa responsabilité de ce chef au motif, inopérant, que Mme X...n'a pas exercé de recours contre la décision de rejet de sa requête ; que c'est donc également à juste titre que les premiers juges ont ordonné la mesure d'expertise dans les termes du dispositif de leur décision ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il est certain que le débouté est la suite directe de la première décision d'irrecevabilité, la juridiction estimant que Madame X...ne pouvait plus agir à l'encontre du centre hospitalier, sa première demande ayant été écartée. Cette décision est définitive et il ne peut être fait grief à Madame X...de ne pas en avoir fait appel, puisqu'un tel appel a été interjeté par Maître A... et que la Cour administrative d'appel a confirmé la décision du premier juge, rejetant la requête au seul motif que la procédure initiale avait été engagée hors des délais légaux. En conséquence, Madame X...a également été privée de toute chance d'être indemnisée au titre de l'aggravation. Il convient de faire droit à sa demande d'expertise pour apprécier de cette aggravation et de l'incidence de cette aggravation ;

1°) ALORS QUE l'auteur d'une faute répond du seul dommage que celle-ci a causé ; que, pour juger que Maître A... avait fait perdre à Mme X...une chance d'être indemnisée de l'aggravation de son dommage, la cour d'appel a retenu que la décision du 20 septembre 2010, par laquelle le tribunal administratif avait rejeté la demande de Mme X..., était motivée par le caractère tardif de la requête initiale dont Maître A... portait la responsabilité ; qu'en retenant ainsi l'existence d'un lien causal direct entre la faute de Maître A... et le dommage de sa cliente, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la décision d'irrecevabilité prise par le tribunal administratif ne procédait pas d'une erreur de droit, et si cette erreur, sans lien nécessaire avec la faute de Maître A..., n'était pas la cause exclusive du dommage subi par Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'auteur d'une faute répond du seul dommage que celle-ci a causé ; que, pour juger que Maître A... avait fait perdre à Mme X...une chance d'être indemnisée de l'aggravation de son dommage, la cour d'appel a également retenu que la circonstance que Madame X...n'avait pas exercé de recours contre la décision de rejet de sa requête était inopérante ; qu'en retenant le rôle causal de la faute de Maître A..., cependant que la décision de Mme X...de ne pas faire appel de la décision du 20 septembre 2010, était, avec l'erreur de droit dont cette décision était entachée, la cause exclusive de son dommage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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