12 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-25.787

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C101260

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - crédit à la consommation - défaillance de l'emprunteur - action - délai de forclusion - point de départ - découvert en compte bancaire - date d'exigibilité du solde débiteur - portée - cas - découvert tacitement consenti par la banque protection des consommateurs - date de résiliation de la convention d'ouverture de crédit protection des consommateurs - date de clôture du compte

Dans le cas d'un découvert en compte consenti tacitement par la banque, sans montant ni terme déterminé, le point de départ du délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, court à compter de la date d'exigibilité du solde débiteur du compte, constituée par la date à laquelle le paiement a été sollicité par la banque ou par celle de la résiliation du compte, correspondant à la clôture du compte

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, applicable en la cause ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 juillet 2008, la banque de Tahiti a assigné en paiement du solde débiteur de leur compte M. et Mme X... qui ont opposé une fin de non-recevoir prise de la forclusion biennale de cette action ;


Attendu que, pour accueillir la fin de non-recevoir, l'arrêt retient qu'en l'absence de convention fixant de façon expresse des échéances de remboursement et le plafond d'une ouverture de crédit, le montant de celui-ci est déterminé en se référant au solde du compte à la date à laquelle l'établissement financier a rejeté les paiements faits par le débiteur et que le délai de deux ans doit être calculé à partir de cet événement et non du premier incident de paiement, ni de la mise en demeure ou de la dénonciation du concours par la banque ;


Qu'en statuant ainsi, alors que dans le cas d'un découvert en compte consenti tacitement par la banque, sans montant ni terme déterminé, le point de départ du délai de forclusion court à compter de la date d'exigibilité du solde débiteur du compte, constituée par la date à laquelle le paiement a été sollicité par la banque ou par celle de la résiliation du compte, correspondant à la clôture du compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;


Condamne M. et Mme X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.





MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Banque de Tahiti


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action en paiement de la Banque de Tahiti atteinte par la forclusion, de l'avoir ainsi déclarée irrecevable et d'avoir débouté en conséquence la Banque de Tahiti de l'intégralité de ses prétentions ;


Aux motifs que le jugement entrepris a retenu que le découvert bancaire en cause constituait une opération de crédit relevant des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et que l'action de la Banque de Tahiti encourait la forclusion prévue par celles-ci pour avoir été introduite plus de deux ans après que le compte ait commencé à fonctionner en position constamment débitrice ; que la Banque de Tahiti soutient que le tribunal s'est à tort placé au moment de l'apparition du découvert en septembre 2005, alors que c'est à compter de la mise en demeure du 21 septembre 2006 ou de la dénonciation du 29 décembre 2006 que le solde débiteur est devenu exigible et que le délai de forclusion a couru ; que les dispositions de la loi de 1978 ne s'appliquent qu'aux prêts dont le montant est supérieur à un montant actuellement fixé à 21.500 euros (2.565.595 F FCP) et que le découvert en cause était de 2.614.676 F CFP au moment de la mise en demeure ; que les époux X... font valoir que leur découvert a existé durant plus de trois mois sans que la banque leur ait proposé de conclure une convention d'autorisation ou qu'elle ait donné suite à leur demande de prêt ; qu'il s'agit d'un crédit à la consommation tacite, dépourvu de terme ; qu'en pareil cas le délai de forclusion court à compter du jour où le solde débiteur devient exigible c'est-à-dire du premier incident de paiement non régularisé ; que la banque a rejeté leurs chèques et prélèvements sur compte à dater du 1er mars 2006, soit plus de deux ans avant d'introduire l'instance ; que la Banque de Tahiti réplique que ce n'est qu'à compter du 10 août 2006 qu'elle a rejeté les paiements et que le découvert était alors de 2.568.570 F CFP ; que les époux X... maintiennent que le délai de forclusion a couru à date du premier rejet, même si la banque a couvert des débits ultérieurs ; qu'un prêt dont la durée dépasse trois mois et dont le montant est supérieur à 21.500 euros (2.565.632 F CFP) constitue une opération de crédit réglementée par la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 (arr. DRCL n° 625 du 1er juin 1992) ; que lorsqu'une banque consent à son client des avances de fonds pendant plus de trois mois, ce découvert en compte constitue une ouverture de crédit soumise à ces dispositions d'ordre public (v. p ex. Civ. 1ère 30 mars 1994 B I n° 126) ; que les actions en justice doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance (L n° 78-22 art. 27) ; que le point de départ à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en l'absence de convention fixant de façon expresse des échéances de remboursement et le plafond d'une ouverture de crédit, le montant de celui-ci est déterminé en se référant au solde du compte au jour à dater duquel l'établissement financier a rejeté les paiements faits par le débiteur, et manifesté ainsi sa décision de ne plus accepter l'accroissement du découvert ; que le délai de 2 ans doit par conséquent être calculé à partir de cet évènement (v. p. ex. TI Saintes 4 décembre 2006 Rev. Contrats Concurrence Consommation n° 2-2007 n° 59), et non du premier incident de paiement ni de la mise en demeure ou de la dénonciation du concours par la banque ; qu'il résulte des relevés de compte produits que le solde du compte est devenu débiteur en avril 2005 (- 75.283 CFP au 30/04/2005), qu'il était débiteur de 715.401 F CFP au 31 août 2005, de 920.698 F CFP au 30 septembre 2005 et de 2.343.846 F CFP au 1er janvier 2006 ; que le dernier débit correspondant à un moyen de paiement non rejeté est en date du 11 juillet 2006 (chèque n° 3542412/00002571 d'un montant de 22.000 F CFP) ; que le montant du solde débiteur du compte atteignait alors 2.499.215 F CFP ; que comme l'a exactement retenu le premier juge, les dispositions de la loi n° 78-22 sont applicables à cette opération de crédit en raison de la persistance du découvert pendant plus de trois mois ; que le montant du crédit était à la date du 11 juillet 2006, inférieur à 21.500 euros (ou 2.565.632 F CFP) ; que par suite l'action de la Banque de Tahiti est irrecevable pour avoir été introduite après le 11 juillet 2008 puisque la requête a été enregistrée au greffe du tribunal de première instance le 21 juillet 2008 et que son assignation a été signifiée le 16 juillet 2008 ;


Alors d'une part que le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; que dans le cas d'un découvert en compte consenti tacitement et donc dépourvu de terme, le délai biennal de forclusion prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 devenu L 311-37 4 du Code de la consommation, court à partir de la date à laquelle le solde débiteur est devenu exigible ; qu'en énonçant qu'il y aurait lieu de calculer le délai de deux ans à partir du jour à dater duquel l'établissement financier a rejeté les paiements faits par le débiteur et manifesté ainsi sa décision de ne plus accepter l'accroissement du découvert, quand le rejet des paiements mettant un terme à l'accroissement du découvert ne rendait pas pour autant le solde débiteur exigible, la Cour d'appel a violé l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 devenu L 311-37 du Code de la consommation ;


Alors d'autre part, que le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; que dans le cas d'un découvert en compte consenti tacitement et donc dépourvu de terme, le délai biennal de forclusion prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 devenu L 311-37 du Code de la consommation, court à partir de la date à laquelle le solde débiteur est devenu exigible ; qu'en faisant courir la forclusion biennale à partir du 11 juillet 2006, date du dernier débit correspondant à l'utilisation d'un moyen de paiement non rejeté laquelle ne correspond pas non plus à la date à laquelle le solde débiteur est devenu exigible, la Cour d'appel a encore violé l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 devenu L 311-37 du Code de la consommation ;


Alors enfin et de surcroît qu'en faisant courir le délai de forclusion de deux ans à compter du 11 juillet 2006 date du dernier débit correspondant à l'utilisation d'un moyen de paiement non rejeté, après avoir considéré que le point de départ du délai de forclusion devait être fixé à la date à laquelle l'établissement financier avait rejeté les paiements faits par le débiteur et manifesté ainsi sa décision de ne plus accepter l'accroissement du découvert, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations quant au point de départ de la forclusion de deux ans, et partant a encore violé l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 devenu L 311-37 du Code de la consommation.

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