23 septembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-20.168

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100974

Titres et sommaires

RENONCIATION - renonciation tacite - définition - manifestation non équivoque de l'intention de renoncer - regimes matrimoniaux - communauté entre époux - liquidation - divorce, séparation de corps - prestation compensatoire - appréciation - bien déclaré commun par un époux - effets - renonciation non équivoque à se prévaloir du caractère propre du bien divorce, separation de corps - règles spécifiques au divorce - fixation - critères - ressources et besoins des époux - détermination - eléments à considérer - renonciation non équivoque à se prévaloir du caractère propre du bien lors de la liquidation

La renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer. En rappelant que, lors de l'instance en divorce, pour l'appréciation de la prestation compensatoire, l'époux avait soutenu que le bien litigieux constituait un bien commun, ce dont le juge du divorce avait tenu compte, la cour d'appel a caractérisé une renonciation non équivoque de ce conjoint à se prévaloir, lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, du caractère propre du bien qui lui appartient

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur les deux moyens réunis :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2013), qu'au cours de son mariage avec Mme X..., avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté, M. Y... a acquis, avec des fonds propres, vingt actions de la société Parc résidentiel du Mont des oiseaux, donnant droit à l'attribution en jouissance, puis en pleine propriété, à un terrain situé sur la commune de Hyères ; que l'acte notarié comportait la déclaration d'emploi prévue à l'article 1434 du code civil et mentionnait l'intervention de l'épouse pour le confirmer ; qu'un arrêt du 11 février 2009 a prononcé leur divorce et fixé la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X... ; que des difficultés sont nées pour la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ;


Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que, si l'immeuble constitue un bien lui appartenant en propre dans les rapports avec les tiers, il constitue un bien commun dans les rapports entre époux, d'ordonner sa vente aux enchères et de dire que le prix de vente sera versé entre les mains du notaire commis pour la liquidation du régime matrimonial alors, selon le moyen :


1°/ que seuls les éléments du dispositif d'un arrêt ont un caractère décisoire et sont revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'à supposer que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 février 2009, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, ait considéré que l'immeuble de l'Hyères était commun, en toute hypothèse, c'est un point qui n'a été évoqué que dans les motifs et qui n'a fait l'objet d'aucune mention dans le dispositif ; qu'en se fondant sur l'arrêt du 11 février 2009, pour considérer que l'immeuble devait être traité comme commun, les juges du fond ont violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;


2°/ que dès lors que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 février 2009 n'avait pas pris parti, dans un dispositif à caractère décisoire, sur le statut de l'immeuble, M. Y... était recevable à inviter le juge à considérer que l'immeuble était un bien propre ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 31 du code de procédure civile ;


3°/ qu'au titre de leur obligation de motiver, les juges du fond sont tenus d'identifier la règle en considération de laquelle ils statuent et font droit à une demande ; que si en l'espèce, les juges du fond ont évoqué le contenu des conclusions de M. Y... dans le cadre de la procédure en divorce, ils ont laissé incertain le fondement juridique de leur décision en tant qu'elle visait les conclusions déposées au cours de la procédure d'appel ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 12 du code de procédure civile ;


4°/ qu'indépendamment des critiques qu'articule le premier moyen, les règles relatives au remploi, telles qu'énoncées à l'article 1434 du code civil, ne font pas de distinction entre les rapports entre époux et les rapports avec les tiers ; qu'il n'en va autrement qu'à défaut de remploi dans l'acte d'acquisition ; qu'en l'espèce précisément, il était constant, et les juges du fond le constatent, que le bien était acquis au moyen de fonds propres du mari et que l'acte d'acquisition comporte une déclaration de remploi conformément à l'article 1434 du code civil et signée par les deux époux ; qu'il était dès lors exclu que les juges du fond puissent décider, comme ils l'ont fait, que le bien devait être considéré comme commun dans les rapports entre époux ; que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 544 du code civil ainsi que des articles 1401 et 1434 du code civil ;


Mais attendu que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a rappelé que, lors de l'instance en divorce, pour l'appréciation de la prestation compensatoire, M. Y... avait soutenu que le bien litigieux constituait un bien commun, ce dont le juge du divorce avait tenu compte ; que ces énonciations caractérisent une renonciation non équivoque de M. Y... à se prévaloir du caractère propre de ce bien lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. Y... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. Y...



PREMIER MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a décidé que l'immeuble, s'il constitue un bien propre au mari dans les rapports avec les tiers, constitue un bien commun dans les rapports entre époux, et prescrit la vente aux enchères afin que le prix soit remis entre les mains du notaire en charge de la liquidation du régime matrimonial ;


AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des termes d'un acte notarié du 30 avril 1986 que Monsieur Y... a fait 1'acquisition de vingt actions de la société Parc Résidentiel du Mont des Oiseaux avec des fonds propres, que ledit acte comporte la déclaration de remploi prévu à l'article 1434 du Code civil, et que Madame X... est intervenue à l'acte pour le confirmer. L'arrêt de divorce du 11 février 2009 a fixé la prestation compensatoire en fonction d'une propriété des deux époux sur l'immeuble litigieux, et Monsieur Y... a expressément indiqué, dans des conclusions déposées le 30 octobre 2008 dans le cadre de l'instance ayant conduit à cet arrêt, que "le couple dispose d'un capital immobilier commun constitué d'une villa sise à Hyères, lotissement du Mont des Oiseaux", et a déclaré sur l'honneur, en exécution de l'article 272 du Code civil, que la villa du 7 avenue des Fauvettes au Mont des Oiseaux était "commune". II suit de l'ensemble de ces éléments que, vis à vis des tiers, il demeure titulaire d'un droit propre sur le terrain et la maison qui s'y trouve édifiée aujourd'hui, mais que dans ses rapports avec Madame X..., et pour les besoins de la liquidation de leur régime matrimonial, il sera fait application en ce qui concerne cet immeuble des régies de l'indivision et de la dissolution du régime de communauté » ;


ALORS QUE, premièrement, seuls les éléments du dispositif d'un arrêt ont un caractère décisoire et sont revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'à supposer que l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE le 11 février 2009, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, ait considéré que l'immeuble de l'Hyères était commun, en toute hypothèse, c'est un point qui n'a été évoqué que dans les motifs et qui n'a fait l'objet d'aucune mention dans le dispositif ; qu'en se fondant sur l'arrêt du 11 février 2009, pour considérer que l'immeuble devait être traité comme commun, les juges du fond ont violé les articles 480 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;


ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE le 11 février 2009 n'avait pas pris parti, dans un dispositif à caractère décisoire, sur le statut de l'immeuble, M. Y... était recevable à inviter le juge à considérer que l'immeuble était un bien propre ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 31 du Code de procédure civile ;


ET ALORS QUE, troisièmement, au titre de leur obligation de motiver, les juges du fond sont tenus d'identifier la règle en considération de laquelle ils statuent et font droit à une demande ; que si en l'espèce, les juges du fond ont évoqué le contenu des conclusions de M. Y... dans le cadre de la procédure en divorce, ils ont laissé incertain le fondement juridique de leur décision en tant qu'elle visait les conclusions déposées au cours de la procédure d'appel ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 12 du Code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a décidé que l'immeuble, s'il constitue un bien propre au mari dans les rapports avec les tiers, constitue un bien commun dans les rapports entre époux, et prescrit la vente aux enchères afin que le prix soit remis entre les mains du notaire en charge de la liquidation du régime matrimonial ;


AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des termes d'un acte notarié du 30 avril 1986 que Monsieur Y... a fait 1'acquisition de vingt actions de la société Parc Résidentiel du Mont des Oiseaux avec des fonds propres, que ledit acte comporte la déclaration de remploi prévu à l'article 1434 du Code civil, et que Madame X... est intervenue à l'acte pour le confirmer. L'arrêt de divorce du 11 février 2009 a fixé la prestation compensatoire en fonction d'une propriété des deux époux sur l'immeuble litigieux, et Monsieur Y... a expressément indiqué, dans des conclusions déposées le 30 octobre 2008 dans le cadre de l'instance ayant conduit à cet arrêt, que "le couple dispose d'un capital immobilier commun constitué d'une villa sise à Hyères, lotissement du Mont des Oiseaux", et a déclaré sur l'honneur, en exécution de l'article 272 du Code civil, que la villa du 7 avenue des Fauvettes au Mont des Oiseaux était "commune". II suit de l'ensemble de ces éléments que, vis à vis des tiers, il demeure titulaire d'un droit propre sur le terrain et la maison qui s'y trouve édifiée aujourd'hui, mais que dans ses rapports avec Madame X..., et pour les besoins de la liquidation de leur régime matrimonial, il sera fait application en ce qui concerne cet immeuble des régies de l'indivision et de la dissolution du régime de communauté » ;


ALORS QUE, indépendamment des critiques qu'articule le premier moyen, les règles relatives au remploi, telles qu'énoncées à l'article 1434 du Code civil, ne font pas de distinction entre les rapports entre époux et les rapports avec les tiers ; qu'il n'en va autrement qu'à défaut de remploi dans l'acte d'acquisition ; qu'en l'espèce précisément, il était constant, et les juges du fond le constatent, que le bien était acquis au moyen de fonds propres du mari et que l'acte d'acquisition comporte une déclaration de remploi conformément à l'article 1434 du Code civil et signée par les deux époux; qu'il était dès lors exclu que les juges du fond puissent décider, comme ils l'ont fait, que le bien devait être considéré comme commun dans les rapports entre époux ; que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 544 du code civil ainsi que des articles 1401 et 1434 du code civil.

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