9 juillet 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-17.666

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100841

Titres et sommaires

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - notaire - responsabilité - obligation d'éclairer les parties - etendue - divorce par consentement mutuel - etat liquidatif de communauté - allotissement de l'intégralité de l'actif de communauté à l'un des époux et prise en charge par l'autre de la totalité du passif commun - effets - portée - divorce, separation de corps - liquidation du régime matrimonial - partage - convention relative au partage de la communauté - egalité - appréciation - obligation de s'enquérir auprès des époux des modes de financement des biens propres - déclaration des parties - obligation de vérifier - exclusion - cas - manquement - caractérisation

Lorsqu'ils servent au paiement de la prestation compensatoire que détermine la convention de divorce par consentement mutuel conclue entre les époux en présence de leur avocat et homologuée par le juge, l'allotissement de l'intégralité de l'actif de communauté à l'un des époux et la prise en charge par l'autre de la totalité du passif commun ne caractérisent pas un partage inégal et n'imposent pas au notaire rédacteur de l'état liquidatif de communauté un devoir de conseil sur les conséquences de la prestation compensatoire

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 3 avril 2014), qu'un jugement irrévocable du 7 novembre 2008 a prononcé le divorce par consentement mutuel de M. X... et de Mme Y..., mariés sans contrat préalable le 12 novembre 2005, et homologué leur convention portant règlement des effets du divorce ; que l'acte liquidatif établi, le 10 juillet 2008, par Mme A..., notaire, prévoyait, à titre de prestation compensatoire, l'abandon par M. X... de ses droits indivis dans l'immeuble commun et son engagement à supporter seul les remboursements de l'emprunt afférent à ce bien, avec affectation hypothécaire de ses biens propres en garantie ; qu'ayant été placé sous curatelle renforcée le 23 juin 2009, M. X..., assisté de ses curatrices, Mmes Z... et X... (les consorts X...), a assigné en responsabilité le notaire, auquel il reprochait d'avoir manqué à ses obligations professionnelles en établissant, sans conseil préalable, un état liquidatif incomplet et a réclamé une indemnité réparatrice égale au montant de la prestation compensatoire accordée à Mme Y... et à la valeur représentative des reprises et récompenses prétendument omises dans l'état liquidatif ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en responsabilité du notaire fondées sur un défaut d'information et de conseil, alors, selon le moyen :

1°/ que le notaire qui instrumente un acte de partage inégal de communauté est tenu d'un devoir particulier de conseil en faveur de l'époux désavantagé, dont l'objet est de s'assurer qu'il a conscience des conséquences de ce partage inégal ; que constitue un acte de partage inégal l'acte aux termes duquel, pour l'exécution de la prestation compensatoire, l'un des époux se voit alloti de l'intégralité de l'actif à partager, l'autre s'engageant à payer la totalité du passif commun ; qu'en l'espèce, l'acte liquidatif de communauté instrumenté par Mme A..., aux termes duquel M. X... a, en exécution de la prestation compensatoire, abandonné à Mme Y... ses droits indivis dans l'immeuble commun et s'est engagé à prendre seul à sa charge le passif commun, constituait un partage inégal ; que Mme A... était donc tenue d'une obligation particulière de conseil à l'égard de M. X... ; que pour décider l'inverse, la cour d'appel a retenu que Mme A..., avant de procéder au partage par l'attribution de Mme Y... de la totalité de l'actif commun, avait procédé à un calcul des droits théoriques des époux en divisant par moitié l'actif net de communauté ; qu'en statuant ainsi, quand ce calcul des droits théoriques des époux n'était qu'une opération préalable au partage, le partage lui-même étant inégalitaire, la cour d'appel a violé l'article 826 du code civil, ensemble l'article 1382 du même code ;

2°/ que le notaire rédacteur de l'acte liquidatif de communauté, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel des époux, est tenu d'un devoir de conseil portant sur tous les aspects de l'acte qu'il instrumente ; qu'il est ainsi notamment tenu d'informer les époux des conséquences d'une prestation compensatoire prévue par l'acte liquidatif ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que Mme A... n'aurait pas été tenue d'un devoir de conseil relatif à la prestation compensatoire au prétexte que « cette obligation ressortit du domaine propre à l'avocat commun des époux dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel », quand le devoir de conseil dont est tenu l'avocat commun des parties n'est aucunement exclusif du devoir de conseil du notaire instrumentaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, quand bien même leur engagement procèderait d'un accord antérieur, dès lors qu'au moment de cette authentification cet accord n'a pas produit ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ; que l'accord des époux, conclu avec l'assistance de leur avocat, sur le montant de la prestation compensatoire, n'est pas immuable et n'a pas produit effet à la date où le notaire est requis d'instrumenter l'acte liquidatif de communauté ; qu'en l'espèce, pour décider que Mme A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil quant au montant de la prestation compensatoire, la cour d'appel a retenu que le notaire « ne peut être tenu à une obligation de conseil relativement à des conventions intervenues librement entre les parties avec l'assistance de leur avocat et pour lesquelles il ne s'est pas entremis » ; qu'en statuant ainsi, quand, à la date où elle était requise d'instrumenter, les accords antérieurs des parties, même à en admettre l'existence, n'étaient pas immuables, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ que le notaire rédacteur d'un acte, tenu d'une obligation découlant de la nature même de ses fonctions, n'en est pas dispensé par le fait que ses clients bénéficient de l'assistance d'un tiers, professionnel du droit ; qu'en retenant que Mme A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil au prétexte qu'« il ne saurait être fait grief à Mme A... de ne pas s'être assurée du consentement des époux dès lors que la convention a été élaborée sous le contrôle de leur avocat commun », quand l'assistance de l'avocat commun des époux ne dispensait aucunement l'officier ministériel de son devoir de conseil, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la responsabilité de Mme A... et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

5°/ que le notaire rédacteur d'un acte, tenu d'une obligation découlant de la nature même de ses fonctions, n'en est pas dispensé par les compétences ou connaissances personnelles des parties ; qu'en retenant que Mme A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil au prétexte que « de par sa profession d'expert-comptable, M. X... ne pouvait méconnaître les conséquences des engagements auxquels il consentait au profit de Mme Y... », quand les compétences personnelles de M. X..., même à les admettre, ne dispensaient aucunement l'officier ministériel de son devoir de conseil, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la responsabilité de Mme A... et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

6°/ que le notaire rédacteur de l'acte liquidatif de communauté est tenu d'un devoir de conseil sur tous les aspects de l'acte qu'il instrumente ; qu'il lui appartient de rapporter la preuve qu'il a exécuté son obligation d'information ; que l'homologation de la convention de divorce par le juge aux affaires familiales n'emporte aucune présomption d'exécution du devoir de conseil ; qu'en décidant pourtant que « la validation de la convention de divorce par le juge permet de présumer que M. X... a reçu toute l'information qui lui était due, avant de prendre sa décision », quand il appartenait à Mme A... de rapporter la preuve de l'exécution de son devoir de conseil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1382 du même code ;

Mais attendu que lorsqu'ils servent au paiement de la prestation compensatoire que détermine la convention de divorce par consentement mutuel conclue entre les époux en présence de leur avocat et soumise à l'homologation du juge, l'allotissement de l'intégralité de l'actif de communauté à l'un des époux et la prise en charge par l'autre de la totalité du passif commun ne caractérisent pas un partage inégal et n'imposent pas au notaire rédacteur de l'état liquidatif de communauté un devoir de conseil sur les conséquences de la prestation compensatoire ; que le moyen, qui critique en ses deux dernières branches des motifs surabondants, est mal fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en responsabilité du notaire fondées sur un défaut d'investigation lors de l'établissement de l'état liquidatif, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe au notaire requis d'instrumenter l'acte liquidatif de communauté de s'enquérir auprès des époux de la consistance exacte des actifs communs et des actifs propres et du point de savoir si leur financement doit donner lieu à récompense, le cas échéant en se faisant communiquer tout acte utile ; qu'en l'espèce, en retenant pourtant qu'il ne pouvait être reproché à Mme A... « l'absence de prise en compte des reprises et récompenses ¿ dès lors qu'elle n'était pas tenue de rechercher d'office des éléments d'information non donnés par les parties », quand il incombe précisément au notaire de solliciter des parties toute information utile à l'efficacité de l'acte qu'il instrumente, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, engage sa responsabilité lorsqu'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude ; qu'en l'espèce, si les parties avaient déclaré n'y avoir lieu à récompense, Mme A... ne pouvait que douter de l'exactitude de cette déclaration s'agissant d'époux qui, à la date du mariage, disposaient chacun d'un patrimoine propre important, dont elle n'ignorait aucunement l'existence pour en avoir fait mention dans l'acte de liquidation de la communauté qu'elle instrumentait ; qu'en retenant pourtant que le notaire n'était pas tenu « de vérifier les déclarations des parties » dont il ressortait « qu'il n'existe pas de récompense », la cour d'appel, qui a ainsi totalement déchargé l'officier ministériel de son devoir de vérifier la vraisemblance des déclarations des parties, a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'état liquidatif mentionnait que les époux avaient déclaré ne pas avoir reçu de bien par donation, succession ou legs et qu'il n'existait pas de récompenses, ce dont il résultait, d'une part, que le notaire s'était enquis auprès des parties du point de savoir si leurs biens propres avaient été financés en tout ou partie par la communauté, et, d'autre part, qu'il ne disposait d'aucun élément permettant de douter de la véracité de leurs déclarations, la cour d'appel a pu en déduire que le notaire n'avait pas commis de faute ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., assisté de ses curatrices, Mmes Z... et X..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour les consorts X...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande tendant à ce qu'il soit retenu un défaut d'information et de conseil engageant la responsabilité du notaire et de les avoir, en conséquence, déboutés de leur demande tendant à ce que Maître A... soit condamnée à verser à ce titre à Monsieur X... une somme de 216 257 € ;

AUX MOTIFS QU'« il est fait grief à Maître Martine A... d'avoir manqué à son obligation de conseil lors de la rédaction d'un acte liquidatif de communauté en date du 10 juillet 2008 en n'ayant pas attiré l'attention de Monsieur X... sur le montant de la prestation compensatoire et d'avoir dressé en conséquence un acte de partage inégal ;

Qu'il convient de relever en premier lieu qu'il ne peut être reproché à Maître Martine A... d'avoir dressé un acte de partage inégal, dès lors qu'à l'examen de celui-ci il s'avère qu'elle a, au vu des déclarations des parties,

- établi les masses active et passive de la communauté, constituées de la valeur de l'immeuble commun et du solde du prêt,

- déterminé les droits de chacun des époux soit 25 743, 10 euros,

- attribué à chacun d'entre eux la moitié de l'immeuble ainsi que la moitié du solde du remboursement du prêt ;

Qu'ainsi déterminés, les droits des parties garantissaient l'équilibre du partage ;

Que Me A... se devait de reprendre les dispositions dont étaient convenus les époux au titre de la prestation compensatoire et d'établir un acte permettant l'inscription des garanties hypothécaires qui avaient été consenties pour l'exécution des dispositions prises ;

Que ce n'est donc pas tant l'acte, lequel apparaît parfaitement régulier, qui est en cause, mais le montant de la prestation compensatoire dont le notaire a dû nécessairement tenir compte ;

Que la responsabilité délictuelle du notaire sur le fondement de laquelle l'action est exercée, ne peut être engagée que dans le cadre de sa mission d'officier ministériel tenu de rédiger les actes qu'il reçoit conformément aux lois et règlements et d'en assurer l'efficacité ;

Que si dans le cadre de sa mission de rédacteur de l'acte, le notaire est tenu à une obligation de conseil notamment quant à la portée et aux conséquences de celui-ci, il ne peut être tenu à une pareille obligation de conseil relativement à des conventions intervenues librement entre les parties avec l'assistance de leur avocat et pour lesquelles il ne s'est pas entremis ;

Que cette obligation de conseil ne peut s'apprécier qu'au regard de la nature de la convention que l'acte reprend et qui ressort du domaine de compétence du notaire ; que si cette obligation trouve à s'appliquer naturellement, ainsi qu'il est généralement admis, en matière de ventes immobilières, de baux ou de régimes matrimoniaux, il ne saurait être reproché à Maître Martine A... de ne pas avoir informé Monsieur X... sur l'état de la jurisprudence en matière de prestation compensatoire, cette obligation ressortissant du domaine propre à l'avocat commun des époux dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel ;

Que Maître Martine A... fait valoir qu'elle n'a jamais été la négociatrice de la prestation compensatoire et que cette dernière a été arrêtée entre les époux ;

Que si Me C... (pièce 35) écrit dans un courrier du 2 avril 2013, qu'elle n'est aucunement intervenue dans l'établissement de la convention de divorce et dans le calcul de la prestation compensatoire qui aurait été calculée par Me A..., ceci n'est pas de nature à transférer sur le notaire la responsabilité de la négociation entre les époux de la prestation compensatoire et de ses modalités de règlement ;

Que Maître Martine A..., avant même l'introduction de l'instance, a, dans un courrier adressé le 16 février 2010 à la soeur de Monsieur X... écrit : « je vous confirme que la liquidation de communauté que j'ai rédigée le 10 juillet 2008 a pris pour base la convention de divorce de Monsieur X... et de Madame Y... qui a été régularisée par devant leur avocat commun ; cette convention correspondait à ce que les parties souhaitaient » ;

Que cet élément ressort clairement des échanges de courriels des 22, 23 avril et 6 mai 2008 lesquels la mentionnent explicitement : « voici le projet de convention que nous avons prévue, notre avocate Maître Brigitte B... va prendre rapidement contact avec vous » ;

Qu'en particulier, le 6 mai 2008, Madame Évelyne Y... a indiqué à Maître Martine A... : « voici ce que souhaite l'avocate, Maître Brigitte B..., qui va vous tel demain » ;

Qu'il ne saurait également être fait grief à Maître Martine A... de ne pas s'être assurée du consentement les époux dès lors que la convention a été élaborée sous le contrôle de leur avocat commun ;

Qu'aucune raison ne permet de douter de la véracité de l'affirmation contenue dans le courrier du 28 janvier 2010 adressé à Madame Martine Z... dont il résulte que Me A... n'a pas seulement eu affaire à Mme Y... comme allégué par la curatrice, mais qu'elle a bien rencontré à plusieurs reprises Monsieur X... tant dans son étude qu'à Paris ;

Que le 16 février 2010, dans un autre courrier, le notaire a confirmé avoir rencontré à plusieurs reprises Monsieur X... et Madame Y... dans le cadre de ce divorce et indiqué, qu'à aucun moment, elle n'avait eu l'impression que ce divorce était contentieux et que les conventions régularisées ne correspondaient pas à ce que les deux parties souhaitaient ;

Qu'il n'est pas inutile de relever que, de par sa profession d'expert-comptable, Monsieur X... ne pouvait méconnaître les conséquences des engagements auxquels il consentait au profit de Madame Évelyne Y..., lesquels engagements peuvent parfaitement s'expliquer par des raisons toutes personnelles manifestement désapprouvées par sa famille, tenue à l'écart ;

Qu'il n'est pas non plus sans intérêt, de relever que dans les échanges entre Me A..., Mme Z... et la chambre des notaires à laquelle cette dernière a eu recours, le notaire a lourdement insisté sur le silence gardé par Anne-Elisabeth X... notamment face à ses demandes relatives à la situation de son père et notamment face à son courrier du 11 Février 2008 ;

Que s'il est fait allusion dans ce courrier à des soucis de santé de Monsieur X..., rien n'indique que le notaire en connaissait la nature et que, notamment, ces problèmes de santé pouvaient, le cas échéant, affecter son discernement ou sa lucidité par rapport aux décisions qu'il prenait ;

Que le notaire n'avait pas à connaître les détails de l'état de santé de Monsieur X... et notamment l'existence avérée par les pièces produites d'épisodes d'hospitalisation au cours de l'année 2007 pour un état dépressif ;

Que, par ailleurs, le divorce des époux X...- Y... a été prononcé par consentement mutuel, le juge ayant attiré l'attention des époux sur l'importance de leurs engagements et ayant constaté que leur volonté était bien réelle et que leur consentement confirmé individuellement à l'audience, était libre et éclairé ;

Que si le premier juge retient à bon droit, que le juge du divorce n'a aucune obligation de conseil à l'égard des époux, il n'en demeure pas moins qu'il a l'obligation de s'assurer que les dispositions retenues dans la convention réglant les conséquences du divorce préservent suffisamment les intérêts des époux ;

Qu'en l'espèce où la disproportion du montant de la prestation compensatoire par rapport à la durée du mariage était flagrante, le fait que le juge ait homologué la convention plaide pour une réelle volonté de Monsieur X... que le juge du divorce n'a certainement pas manqué d'interroger à ce sujet, de consentir à cette prestation compensatoire en connaissance de cause, alors qu'à la date du divorce, Monsieur X... n'avait pas encore été placé sous protection judiciaire et que rien n'indique que son jugement était alors altéré ;

Que la validation de la convention de divorce par le juge permet de présumer que Monsieur X... a reçu toute l'information qui lui était due, avant de prendre sa décision ;

Que la mise en oeuvre de la responsabilité du notaire trouve à l'évidence sa cause dans la découverte tardive par la famille de Monsieur X... de l'avantage consenti à Madame Y... impossible à remettre en cause à l'encontre de la bénéficiaire, comme le reconnaît explicitement Mme Z... dans l'une de ses lettres adressées à la Chambre des notaires ;

Qu'au vu des éléments rapportés ci-dessus, il n'est pas démontré de manquement du notaire à son obligation de conseil à l'égard de Monsieur X... » ;

1/ ALORS QUE le notaire qui instrumente un acte de partage inégal de communauté est tenu d'un devoir particulier de conseil en faveur de l'époux désavantagé, dont l'objet est de s'assurer qu'il a conscience des conséquences de ce partage inégal ; que constitue un acte de partage inégal l'acte aux termes duquel, pour l'exécution de la prestation compensatoire, l'un des époux se voit alloti de l'intégralité de l'actif à partager, l'autre s'engageant à payer la totalité du passif commun ; qu'en l'espèce, l'acte liquidatif de communauté instrumenté par Maître A..., aux termes duquel Monsieur X... a, en exécution de la prestation compensatoire, abandonné à Madame Y... ses droits indivis dans l'immeuble commun et s'est engagé à prendre seul à sa charge le passif commun, constituait un partage inégal ; que Maître A... était donc tenue d'une obligation particulière de conseil à l'égard de Monsieur X... ; que pour décider l'inverse, la Cour d'appel a retenu que Maître A..., avant de procéder au partage par l'attribution de Madame Y... de la totalité de l'actif commun, avait procédé à un calcul des droits théoriques des époux en divisant par moitié l'actif net de communauté ; qu'en statuant ainsi, quand ce calcul des droits théoriques des époux n'était qu'une opération préalable au partage, le partage lui-même étant inégalitaire, la Cour d'appel a violé l'article 826 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code ;

2/ ALORS QUE le notaire rédacteur de l'acte liquidatif de communauté, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel des époux, est tenu d'un devoir de conseil portant sur tous les aspects de l'acte qu'il instrumente ; qu'il est ainsi notamment tenu d'informer les époux des conséquences d'une prestation compensatoire prévue par l'acte liquidatif ; qu'en retenant pourtant en l'espèce que Maître A... n'aurait pas été tenue d'un devoir de conseil relatif à la prestation compensatoire au prétexte que « cette obligation ressortit du domaine propre à l'avocat commun des époux dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel » (arrêt, p. 5, alinéa 6, in fine), quand le devoir de conseil dont est tenu l'avocat commun des parties n'est aucunement exclusif du devoir de conseil du notaire instrumentaire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3/ ALORS QUE le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, quand bien même leur engagement procèderait d'un accord antérieur, dès lors qu'au moment de cette authentification cet accord n'a pas produit ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ; que l'accord des époux, conclu avec l'assistance de leur avocat, sur le montant de la prestation compensatoire, n'est pas immuable et n'a pas produit effet à la date où le notaire est requis d'instrumenter l'acte liquidatif de communauté ; qu'en l'espèce, pour décider que Maître A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil quant au montant de la prestation compensatoire, la Cour d'appel a retenu que le notaire « ne peut être tenu à une obligation de conseil relativement à des conventions intervenues librement entre les parties avec l'assistance de leur avocat et pour lesquelles il ne s'est pas entremis » (arrêt, p. 5, alinéa 5) ; qu'en statuant ainsi, quand, à la date où elle était requise d'instrumenter, les accords antérieurs des parties, même à en admettre l'existence, n'étaient pas immuables, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

4/ ALORS QUE le notaire rédacteur d'un acte, tenu d'une obligation découlant de la nature même de ses fonctions, n'en est pas dispensé par le fait que ses clients bénéficient de l'assistance d'un tiers, professionnel du droit ; qu'en retenant que Maître A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil au prétexte qu'« il ne saurait être fait grief à Maître Martine A... de ne pas s'être assurée du consentement des époux dès lors que la convention a été élaborée sous le contrôle de leur avocat commun » (arrêt, p. 5, alinéa 13), quand l'assistance de l'avocat commun des époux ne dispensait aucunement l'officier ministériel de son devoir de conseil, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la responsabilité de Maître A... et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5/ ALORS QUE le notaire rédacteur d'un acte, tenu d'une obligation découlant de la nature même de ses fonctions, n'en est pas dispensé par les compétences ou connaissances personnelles des parties ; qu'en retenant que Maître A... n'était pas tenue d'une obligation de conseil au prétexte que « de par sa profession d'expert-comptable, Monsieur X... ne pouvait méconnaître les conséquences des engagements auxquels il consentait au profit de Madame Evelyne Y... » (arrêt, p. 5, dernier alinéa), quand les compétences personnelles de Monsieur X..., même à les admettre, ne dispensaient aucunement l'officier ministériel de son devoir de conseil, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la responsabilité de Maître A... et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

6/ ALORS QUE le notaire rédacteur de l'acte liquidatif de communauté est tenu d'un devoir de conseil sur tous les aspects de l'acte qu'il instrumente ; qu'il lui appartient de rapporter la preuve qu'il a exécuté son obligation d'information ; que l'homologation de la convention de divorce par le juge aux affaires familiales n'emporte aucune présomption d'exécution du devoir de conseil ; qu'en décidant pourtant que « la validation de la convention de divorce par le juge permet de présumer que Monsieur X... a reçu toute l'information qui lui était due, avant de prendre sa décision » (arrêt, p. 6, alinéa 6), quand il appartenait à Maître A... de rapporter la preuve de l'exécution de son devoir de conseil, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande tendant à ce qu'il soit dit que Maître A... a établi un acte liquidatif incomplet et erroné sans s'assurer de l'accord et de la compréhension de Monsieur Philippe X..., et de les avoir, en conséquence, déboutés de leur demande tendant à ce que Maître A... soit condamnée à verser à ce titre à Monsieur X... une somme de 180 832 ¿ ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'agissant de l'absence de prise en compte des reprises et récompenses reprochée au notaire dans l'acte liquidatif, la responsabilité de Maître Martine A... ne peut être davantage engagée, dès lors qu'elle n'était pas tenue de rechercher d'office des éléments d'information non donnés par les parties et de vérifier leurs déclarations, étant observé que l'acte mentionne que les époux déclarent ne pas avoir reçu de bien par donation, succession ou legs et qu'il n'existe pas de récompenses ;

Qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur X... assisté de ses curatrices de l'ensemble de ses demandes » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « s'agissant des insuffisances de contenu reprochées à l'acte liquidatif, en matière de partage de communauté, le notaire n'est pas tenu de vérifier les déclarations faites par les parties elles-mêmes d'un commun accord ;
Que la responsabilité de Maître A... ne peut être engagée à ce titre » ;

1/ ALORS QU'il incombe au notaire requis d'instrumenter l'acte liquidatif de communauté de s'enquérir auprès des époux de la consistance exacte des actifs communs et des actifs propres et du point de savoir si leur financement doit donner lieu à récompense, le cas échéant en se faisant communiquer tout acte utile ; qu'en l'espèce, en retenant pourtant qu'il ne pouvait être reproché à Maître A... « l'absence de prise en compte des reprises et récompenses ¿ dès lors qu'elle n'était pas tenue de rechercher d'office des éléments d'information non donnés par les parties » (arrêt, p. 6, alinéa 9), quand il incombe précisément au notaire de solliciter des parties toute information utile à l'efficacité de l'acte qu'il instrumente, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2/ ALORS QUE le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, engage sa responsabilité lorsqu'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude ; qu'en l'espèce, si les parties avaient déclaré n'y avoir lieu à récompense, Maître A... ne pouvait que douter de l'exactitude de cette déclaration s'agissant d'époux qui, à la date du mariage, disposaient chacun d'un patrimoine propre important, dont elle n'ignorait aucunement l'existence pour en avoir fait mention dans l'acte de liquidation de la communauté qu'elle instrumentait ; qu'en retenant pourtant que le notaire n'était pas tenu « de vérifier les déclarations des parties » dont il ressortait « qu'il n'existe pas de récompense » (arrêt, p. 6, alinéa 10), la Cour d'appel, qui a ainsi totalement déchargé l'officier ministériel de son devoir de vérifier la vraisemblance des déclarations des parties, a violé l'article 1382 du Code civil.

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