7 octobre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-20.696

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C101062

Titres et sommaires

SOCIETE (RèGLES GéNéRALES) - parts sociales - cession - prix - fixation - fixation par expert - désignation de l'expert - désignation judiciaire - juridiction compétente - président du tribunal - pouvoirs des juges - applications diverses - société

Le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux en vertu de l'article 1843-4 du code civil appartient au seul président du tribunal

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 18 avril 2014), que Joseph de X... est décédé le 28 décembre 2005, en laissant pour lui succéder Mme Y..., son épouse commune en biens, M. Jacques de X..., son fils issu de son mariage, et M. Michel de X..., son fils dont la filiation a été établie par arrêt du 19 août 2008 ; que, par acte du 5 juillet 2010, M. Michel de X... a assigné Mme Y... et M. Jacques de X... en partage de la succession ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Michel de X... fait grief à l'arrêt de dire que la valeur des parts de la SNC Etablissements Roland de X... et fils dépendant de la succession s'élève à 381 000 euros, de rejeter sa demande d'expertise comptable et de fixer à 190 500 euros le rapport dû par M. Jacques de X... au titre d'une donation de quatre cents parts de la SNC par Joseph de X..., alors, selon le moyen, que, lorsqu'une société en nom collectif continue malgré le décès d'un de ses associés, les héritiers de ce dernier ont droit à la valeur des droits sociaux de leur auteur, qu'en cas de contestation, cette valeur est obligatoirement déterminée par une expertise, l'expert étant désigné par les parties ou le président du tribunal statuant en la forme des référés, et qu'en évaluant elle-même les parts de la SNC Etablissements Roland de X... et fils, tout en constatant le désaccord des parties sur cette évaluation, la cour d'appel a violé les articles L. 221-15 du code de commerce et 1843-4 du code civil ;

Mais attendu que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux en vertu de l'article 1843-4 du code civil appartient au seul président du tribunal, de sorte que la cour d'appel ne pouvait elle-même y procéder ; que le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Michel de X... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rapport à la succession d'une donation déguisée relative à l'acquisition d'un terrain à Sainte-Marie ;

Attendu qu'ayant estimé souverainement, d'une part, qu'étaient plausibles les explications de M. Jacques de X... selon lesquelles, fils et petit-fils unique, il avait acquis le terrain de Sainte-Marie, pour le prix de 5 millions de francs CFA, au moyen de deniers personnels provenant de son livret de caisse d'épargne alimenté depuis des années par ses parents, grands-parents, oncles et tantes maternels, parrain et marraine, à l'occasion de fêtes diverses, et par un contrat de prévoyance dont il avait perçu les fonds à sa majorité, d'autre part, que les circonstances de fait de l'acquisition et l'intervention du de cujus auprès du notaire avant la vente étaient insuffisants, à eux seuls, à établir que la somme correspondant au prix de l'immeuble avait été donnée à M. Jacques de X..., notamment par son père, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Michel de X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Michel de X... et le condamne à payer à M. Jacques de X... et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. Michel de X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que la valeur des parts sociales de la SNC Etablissements Roland de X... et Fils dépendant de la succession devait être retenue pour 381.000 €, d'AVOIR débouté M. Michel de X... de sa demande d'expertise comptable et d'AVOIR fixé la valeur du rapport dû par M. Jacques de X... à 190.500 € ;

AUX MOTIFS QU'il demeure la valeur des 800 parts sociales de la SNC Etablissements Roland de X... et Fils dépendant de la succession fixée à 381 000 € dont le tribunal a estimé nécessaire la réévaluation par une expertise comptable tout en considérant que le décès de M Roland de X... n'entraînait pas de facto la dissolution de la société et que les loyers et intérêts perçus par cette société n'avaient pas à être rapportés à la succession, M. Michel de X... n'étant pas fondé à réclamer autre chose que les droits sociaux, alors que par ailleurs les dernières volontés du défunt étaient de portée générale et ne donnaient aucune précision sur ses droits dans la SNC. A cet égard, M Jacques de X... et Mme Y... veuve de X... contestent la nécessité d'une expertise alors que M. Michel de X... conteste le jugement en ce qu'il a considéré qu'il ne pouvait prétendre aux bénéfices de la SNC qui doivent selon lui, conformément à la volonté du défunt, être intégré à la masse partageable. La SNC avait deux associés, à savoir le défunt et M Jacques de X..., le défunt étant propriétaire de 800 parts composant la moitié du capital social. Il est constant, en droit, que le décès de M Roland de X... n'a pas entraîné de facto la dissolution de la société, dissolution que Michel de X... n'est pas recevable à requérir dans le cadre de la présente procédure, alors que par ailleurs il n'a pas mis en cause la société. Le décès de M Roland de X... n'a pas d'avantage eu pour effet de faire de M Michel de X... un associé de la SNC au lieu et place de son père à hauteur de ses droits, avec pour corollaire un droit à ses bénéfices et une contribution aux pertes, mais seulement d'entraîner l'annulation des parts sociales du défunt dont seule la valeur revient à la succession. Par ailleurs l'évaluation de ces parts a été faite en tenant compte de la dette du défunt envers la société et de la valeur retenue pour les locaux commerciaux composant l'actif de la société dont l'objet social était l'administration et la gestion de ces locaux lui appartenant situés au 24 rue Juliette Dodu à Saint Denis. Ces biens qui appartiennent à la SNC et les revenus desdits biens à savoir les loyers qui sont des revenus sociaux n'ont donc pas, à l'évidence, en tant que tels, à figurer dans l'actif successoral. Les 1 600 parts sociales de la SNC ont été estimées dans la déclaration de succession à la somme de 762 000 € et, si cette estimation est en parties fondée sur la valeur des immeubles composant son actif, il n'est produit aucun document de nature à la remettre en cause alors que M Jacques de X... justifie par les documents qu'il produit qu'elle correspond bien à la valeur déclarée et acceptée par l'administration fiscale dans le cadre de ses déclarations à l'impôt sur la fortune (valeur de 800 parts retenue en 2002 à 304 898 € et en 2008 et 2011 à 381 122 €). Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a ordonné une expertise comptable qui n'a pas lieu d'être prescrite ;

ALORS QUE lorsqu'une société en nom collectif continue malgré le décès d'un de ses associés, les héritiers de ce dernier ont droit à la valeur des droits sociaux de leur auteur ; qu'en cas de contestation, cette valeur est obligatoirement déterminée par une expertise, l'expert étant désigné par les parties ou le président du tribunal statuant en la forme des référés ; qu'en évaluant elle-même les parts de la SNC Etablissements Roland de X... et Fils, tout en constatant le désaccord des parties sur cette évaluation, la cour d'appel a violé les articles L 221-15 du code de commerce et 1843-4 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Michel de X... de sa demande de rapport à la succession d'un terrain de 12.140 m2 situé à Sainte-Marie ;

AUX MOTIFS QUE Sur les rapports à la succession de libéralités, M Michel de X..., auquel il appartient d'en rapporter la preuve, prétend que constituent des donations déguisées d'une part l'achat par M. Jacques de X... en 1972 d'une propriété située à Sainte Marie, qui a nécessairement été acquise avec des fonds donnés par le défunt, et d'autre part la cession qui lui a été faite en 1997 par le défunt de 400 parts sociales de la SNC Etablissements Roland de X... et Fils pour le prix de 1 franc. En application des articles 843 , 860 et 861 du code civil, tout héritier venant à la succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt par donation entre vifs directement ou indirectement et le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien à l'époque du partage d'après son état à la date de la donation. S'agissant du terrain de Sainte Marie, dont M Michel de X... soutient qu'il a été l'objet d'une donation déguisée rapportable, il est établi qu'il a été acheté en 1972 à un tiers par M Jacques de X... qui était alors âgé de 22 ans et qui, étudiant, habitait chez ses parents, le terrain acquis d'une superficie de 12 140 m2 ayant été payé par lui comptant pour 5 millions de francs CFA. La somme de 5 millions de francs CFA a correspondu en 1974, soit deux ans après l'achat lors de la suppression de cette monnaie, à celle de 100 000 francs soit à ce jour 15 244 ¿. Cette donation porterait donc sur les fonds qui ont servi à cette acquisition. Si, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, la demande tendant au rapport litigieux n'est pas prescrite, M. Jacques de X... indique, ce qui est une explication parfaitement plausible, qu'il était fils et petit-fils unique et qu'il a acquis ce terrain avec ses deniers personnels provenant de son livret de caisse d'épargne alimenté depuis des années par ses parents, grands-parents, oncles et tantes maternels, parrain et marraine à l' occasion des fêtes diverses, et par un contrat de prévoyance dont il a perçu les fonds à sa majorité. Au regard de ces éléments, alors que les circonstances de fait de cette acquisition et même l'intervention du défunt auprès du notaire avant la vente, sont insuffisants, à eux seuls, à établir que la somme correspondant au prix de l'immeuble a été donnée à Jacques de X..., notamment par son père, le jugement entrepris doit être confirmé et il y a lieu de débouter Michel de X... de sa demande de rapport de ce chef ;

ALORS QUE tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il avait reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement ; qu'en se bornant, pour évaluer la vraisemblance de l'achat d'un terrain par M. Jacques de X... en 1972, à convertir le prix d'achat de 5 millions de francs CFA en euros, sans actualiser la somme pour tenir compte de l'inflation entre le moment où elle statuait et le moment de l'achat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du code civil.

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